Ariel Sharon déclarait en 1998 « Nous devons tous courir nous emparer d’un maximum de sommets de collines afin d’agrandir les colonies, car tout ce que nous prendrons maintenant nous appartiendra…tout ce que nous laisserons leur reviendra »[2]Le Mur de l’apartheid par Rezeq Faraj**
Vladimir Jabotinsky, père de la droite sioniste déclarait en 1923 « La colonisation sioniste ne peut progresser et prendre de l’ampleur que sous la protection d’une puissance qui ne dépend pas de la population locale, à l’abri d’un mur de fer que la population locale ne peut franchir »[1]
Avant Jabotinsky et Sharon, Théodore Herzl,
le véritable père du mouvement sioniste écrivait dans
son livre « Juden Staat » l’État Juif en 1896 «
Pour l’Europe, nous constituerions là-bas un morceau du rempart
contre l’Asie, nous serions les sentinelles avancées de la civilisation
contre la barbarie. Nous demeurerons, comme État neutre, en rapports
constants avec toute l’Europe, qui devrait garantir notre existence»[3]
,
Ces trois citations ont pour but de démontrer l’esprit qui sous-tend
la colonisation de la Palestine. C’est cet esprit qui est derrière
la construction du mur de l’apartheid.
L’idée de mur d’apartheid, comme on peut
constater, n’est pas nouvelle. Elle date de 1923. L’honneur de réaliser
cette idée est venue au temps d’Ariel Sharon, ardent disciple de
Jabotinski. Ariel Sharon avait même encadré la photo de Jabotinski
dans son bureau.
Les mots de Herzl et Jabotinski ont dicté au mouvement sioniste
le chemin à suivre quel que soit le gouvernement israélien
en place. Le mouvement sioniste suit de façon méthodique
et structurée la réalisation de ses objectifs. Le travail
et les « méthodes de Herzl décrites
dans son journal »[4] sont suivies d’une façon
implacable :
l’usage du slogan « terre sans peuple pour peuple sans terre
», « terre promise », l’usage déformé de
la religion, la colonisation sans cesse des terres palestiniennes, la création
de colonies de peuplement[5], la création
de faits accomplis, le nettoyage ethnique (750 000
Palestiniens chassés de chez eux en 1948, aujourd’hui,ils sont environ
5 million de réfugiés)[6], la politique d’immigration
juive en Palestine, l’habitude de jouer sans cesse la carte de victimes
en criant toujours on veut la paix en étant toujours sous la protection
et la dépendance absolue des super puissances du temps comme la
Grande Bretagne de l’époque pour créer Israël en 1948
et depuis 1948 à aujourd’hui, les États Unis. Tout ceci n’est
que quelques exemples suivis par tous les gouvernements israéliens,
de droite ou de gauche. La liste est encore longue.
J’ai écrit plus haut que c’est cet esprit
qui est derrière la construction du mur de l’apartheid. Alors, qu’en
est-t-il de ce mur? D’abord les décisions internationales sur le
mur : L’assemblée générale des Nations Unies a demandé
à la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur les
conséquences juridiques de l’édification du mur en Cisjordanie,
dans des territoires palestiniens occupés par Israël depuis
la guerre de 1967. L’opinion de la Cour n’a pas force exécutoire,
mais est moralement extrêmement importante aux yeux de l’opinion
publique mondiale.
La Cour internationale de Justice de La Haye, organe judiciaire principal
des Nations Unies, a demandé la démolition de ce mur, parce
que sa construction est illégale et contraire au droit international
ainsi qu’à la quatrième convention de Genève de 1949.
La Cour a aussi demandé, entre autre, qu’Israël soit tenu de
réparer tous les dommages causés à toutes les personnes
physiques ou morales affectées par la construction du mur. La Cour
a même demandé aux Nations Unies «
d’examiner quelles mesures doivent être prises afin de mettre un
terme à la situation illicite découlant de la construction
du mur et du régime qui lui est associé » et de «
faire respecter par Israël le droit international humanitaire. »[7]
(voir notes explicatives au bas de la page)
L’Assemblée générale des Nations Unies, suite
à l’avis émis par la Cour, a voté par une majorité
extrêmement rare et élevée de 150 États membres
une résolution pour en appuyer les conclusions et demander à
Israël de démolir le mur, de respecter les décisions
de la Cour et les lois internationales. Israël a voté contre
les décisions de la Cour et a simplement refusé. Israël
a déclaré qu’il ne se conformerait qu’aux décisions
de ses propres tribunaux. En refusant de se conformer aux décisions
internationales, Israël, fort de l’appui inconditionnel des États-Unis,
la seule super-puissance mondiale, a fait preuve d’une arrogance et de
mépris sans précédent face à l’opinion mondiale.
Pourquoi Israël agit-il de la sorte au mépris des lois
internationales et d’un grand nombre de résolutions des Nations
Unies, y compris les résolutions du Conseil de sécurité
?
Pour répondre à la question ci-dessus,
il est nécessaire de revenir au contexte général.
Contrairement à ce qu’en rapportent de nombreux médias partout
dans le monde, le mur de l’apartheid n’est pas construit sur la «
Ligne verte » (frontières établies suite à la
convention générale d’Armistice conclue le 3 avril 1949 entre
Israël et la Jordanie) ni sur les frontières de 1967. Il est
construit en territoire palestinien sur les terres les plus fertiles de
la Cisjordanie. Quand il sera terminé, il annexera près de
10 % des 22 % de terres qui composent Gaza et la Cisjordanie, c’est-à-dire
le territoire occupé par Israël pendant la guerre de 1967.
Pendant la première Intifada (le premier soulèvement
palestinien[8]), les divers gouvernements israéliens
ont discuté de la construction d’un mur. «
Ce n’est qu’en avril 2002 que le comité ministériel chargé
du mur en ordonna la construction en Cisjordanie, y compris à Jérusalem.
»[9] Selon B’tselem (organisation israélienne de
défense des Droits de l’Homme), quelques jours après cette
décision et avant la publication du tracé, l’armée
d’occupation israélienne commença à confisquer des
terres et à déraciner des arbres dans la partie Nord de la
Cisjordanie. Les services de sécurité changèrent plusieurs
fois le tracé, mais ces changements ne furent jamais publiés.
Les cartes n’ont été rendues publiques qu’après des
mois de demandes de la part des organisations israéliennes et palestiniennes
de défense des Droits de l’Homme. Pendant la même période,
les militaires continuèrent de confisquer de plus en plus de terres
et des terres de plus en plus vastes. La construction du mur en est aujourd’hui
à sa cinquième année. Au départ, le mur était
censé mesurer plus de 370 kilomètres de long, ce qui est
la longueur de la ligne verte, mais lorsque ce mur sera terminé,
il sera de 750 km, plus de deux fois la longueur de la ligne verte.
« La barrière de séparation
lésera gravement les droits de centaines de milliers de Palestiniens.
Cette aussière entrave à leur liberté de circulation
restreindra leur accès à leurs lieux de travail, à
leurs établissements de santé et à leurs institutions
d’enseignement » affirme B’tselem dans son bulletin de juillet
2002.
Le mur a près de dix mètres de haut, avec des tours de
contrôle, des détecteurs électroniques et des caméras.
Il sépare les villages les uns des autres, sépare les villes
les unes des autres, sépare les voisins et les parents les uns des
autres et les sépare de leurs terres. Il détruit des centaines
de milliers d’oliviers et de citronniers. Il dénature l’environnement
et rend le paysage hideux à voir. Il transforme des villages et
villes comme Qalqiliya en prisons à ciel ouvert dont les habitants
ne peuvent entrer ni sortir sauf en franchissant les points de contrôle
que les Israéliens ouvrent et ferment selon leur bon vouloir. Le
mur relie les colonies les unes aux autres et permet ainsi aux Israéliens
de s’emparer d’une énorme partie du territoire palestinien occupé
depuis 1967(près de 10 % des 22 % laissés aux Palestiniens
pour leur soi-disant État. Il rend la création d’un État
palestinien viable et contigu impossible.
En plus du mur, il y a les routes de contournement réservées
aux Israéliens, aux colons juifs, aux diplomates étrangers
et au personnel de quelques organisations internationales comme les Nations
Unies. Quand on circule sur certaines de ces routes, on ne voit pas les
villages palestiniens éparpillés dans la campagne environnante.
Ces routes traversent le territoire palestinien en empiétant sur
les terres palestiniennes. Les Palestiniens ne peuvent se rendre aux parties
de leurs villages situées de l’autre côté ni y cultiver
leurs champs. Pour traverser ces routes, ils doivent parcourir des kilomètres
et des kilomètres et se présenter à l’un ou l’autre
des points de contrôle qui les jalonnent.
Le harcèlement, l’humiliation, l’indigence,
voilà le lot des populations palestiniennes qui vivent près
de ces routes ou près du mur. « Ces routes
de contournement »[10] relient les colonies
juives entre elles et les relient à Israël. Les points de contrôle
restreignent la liberté de mouvements des Palestiniens, humilient
la population palestinienne et aggravent les problèmes dus au manque
de travail, aux privations et à la misère économique.
Le mur fait en sorte que « les colonies de peuplement
»[11] israéliennes soient à l’intérieur
d’Israël. Il y a environs 450 000 colons, dont 220 000 à Jérusalem
et 230 000 ailleurs en Cisjordanie. Le nombre des colonies et des colons
a doublé depuis « Oslo »[12]«
cette politique privilégiait les 230.000 colons juifs au détriment
des 2,1 million de Palestiniens qui vivent en Cisjordanie et qu’elle avait
de nombreuses similitudes avec l’ancien régime de l’Apartheid en
Afrique du Sud »[13]
Les Israéliens essaient par différents moyens de réaliser
le rêve de Théodore Hertzl d’un État juif qui s’étend
des rives du Jourdain jusqu’à la mer, habité uniquement par
des juifs et dont toute la population indigène a été
expulsée. La destruction de plus de 400 villages palestiniens en
1948 et la poursuite de ces destructions jusqu’à ce jour n’ont qu’un
seul objectif : s’accaparer les terres et se débarrasser des gens
qui les possèdent.
L’implantation de colonies de peuplement dans les territoires occupés
a commencé en 1967 et n’a jamais cessé. Les implantations
se sont poursuivies pendant les années d’Oslo, il y a plus de 450.000
colons juifs dans un nombre incalculable de colonies éparpillées
dans les territoires palestiniens. Tous les gouvernements israéliens
successifs ont œuvré pour contribuer à la réalisation
de l’objectif de Théodore Hertzl.
conséquences économiques, sociales, hydriques et environnementales du mur**
L’impact économique.
L’économie palestinienne aujourd’hui est en ruines. Il n’y a
pratiquement plus de vie économique. Plus de 40 ans d’occupation
israélienne de la Cisjordanie, y inclus Jérusalem-Est et
la bande de Gaza, pendant lesquelles la population a été
obligée de payer des impôts pour financer l’armée israélienne.
L’inexistence ou la rareté des services publics, comme les soins
de santé, les écoles, les routes et autres infrastructures
sont des conséquences de l’occupation. Quand les Palestiniens créent
une infrastructure à l’aide de financements venus de l’extérieur,
les forces d’occupation israélienne la détruisent.
Pendant les années d’Oslo, la situation s’est aggravée.
Le chômage a monté en flèche à cause de la politique
de bouclage des Israéliens. Les points de contrôle, les couvre-feu,
les démolitions de maisons, les assassinats, le déracinement
de milliers d’oliviers, de citronniers et d’autres arbres productifs, la
confiscation et l’expropriation de terres, les entraves à la libre
circulation, la création d’enclaves séparées en Cisjordanie
et la non contiguïté des territoires ont ajouté à
la misère de la population palestinienne et à leur situation
économique. Tout ceci a à toute fin pratique détruit
l’économie palestinienne. Au cours de la deuxième Intifada
en septembre 2000, la destruction de l’économie et des institutions
palestiniennes s’est poursuivie à un rythme accéléré.
Alors que la destruction des infrastructures se poursuivait, les raids
aériens, les tirs de chars d’assaut, les bombardements, les missiles
qui tous prenaient pour cible des maisons, des lieux de travail, des écoles,
des édifices publics avaient lieu à un rythme effréné.
Ajoutez à cela les bulldozers rasant des dizaines de milliers de
dunums[14] de champs cultivés, et comme déjà mentionné,
le déracinement de milliers d’arbres et le massacre du bétail,
ont ajouté et ajoutent toujours à la situation économique
désastreuse qui prévaut aujourd’hui dans les territoires
palestiniens occupés depuis 1967.
L’impact du mur sur l’agriculture : des terres
agricoles sont détruites et des milliers d’arbres sont déracinés.
La plus grande partie des terres épargnées par les bulldozers
est inaccessible pour leurs propriétaires parce qu’ils ont le malheur
d’habiter du mauvais côté du mur. Le mur coupe les villages
des villes, les villages entre eux et les villes entre elles. Les citadins
dépendent des produits agricoles des villages et les villageois
dépendent de la vente de leurs produits dans les villes. Les conséquences
sont désastreuses à la fois pour les citadins et les villageois.
Par exemple, dans le seul district de Qalqiliya le chômage a grimpé
de 16 % à 70 %, selon le Bureau central palestinien des statistiques.
Il est facile d’imaginer quel sera l’impact du mur de l’apartheid quand
sa construction sera terminée et qu’il aura alors environ 750 kilomètres
de long. Le mur (depuis les producteurs aux distributeurs et aux consommateurs,
même sur les exportations en Jordanie) a un impact négatif
sur tous les aspects de la vie commerciale. Les biens et produits israéliens
remplacent les biens et produits palestiniens. Tout ce qui a été
mentionné montre en conséquence que ce qui reste de l’économie
palestinienne est complètement dépendant de l’économie
israélienne. Conséquemment il n’existe plus aujourd’hui de
réelle économie palestinienne en Cisjordanie et à
Gaza.
L’impact social du mur de l’apartheid est
intégré aux systèmes politique, économique
et environnemental. Ils sont tous reliés et interconnectés.
Le chômage, la pauvreté, la destruction des propriétés
et les services de santé sont inévitablement affectés
par les conséquences générées par le mur. Les
entraves à la liberté de mouvement (les points de contrôle),
le chômage croissant, les liens et les contacts coupés entre
gens qui vivent dans différents villages et localités aux
alentours du mur, la peur constante de manquer de nourriture, la vie dans
des zones bouclées, des villes et des villages qui ressemblent à
des prisons à ciel ouvert, la désintégration des sociétés
rurales et de leur relation à la terre et de nombreux autres impacts
négatifs sont maintenant tous causés par le mur. Ajoutez
à cela la peur de l’éviction et d’un transfert forcé
vers des pays voisins. Tout ceci a un impact grave et négatif sur
la société palestinienne et son habilité fonctionnelle
est réduite au minimum.