I - ETAT DE L'ART : APPROCHES DES PROBLEMATIQUES
STATISTIQUES
DU FRANCAIS MOYEN
A - La construction historique du concept
B - Quatre axes d'approches
II - HYPOTHESES ET METHODE
D'ENQUETE
A - Méthodologie statistique
B - Problèmes méthodologiques spécifiques
à certains outils statistiques
III - ENTRETIENS REALISES
A - Guides des entretiens réalisés
B - Déroulement des entretiens
IV - CONCLUSIONS GENERALES SUR LE FRANCAIS
MOYEN
A - "Moyen" selon quoi ?
B - Les difficultés méthodologiques rencontrées
C - Statistique et vision de la société
D - Le miroir magique
INTRODUCTION
L'expression de "Français moyen" est devenue familière
au cours des années : chacun peut constater que la notion qu'elle
recouvre est devenue un objet sociologique courant et largement diffusé,
à tout propos. Car si le caractère péjoratif qu'a
acquis le terme lui-même en a sensiblement restreint l'utilisation
dans le discours politique ou économique, au profit du plus générique
"Les Français...", le recours au concept de Français moyen
reste omniprésent, en filigrane : séduire, convaincre ou
influencer cet individu abstrait, construit, idéal-type largement
méconnu d'une multitude qui peine à lui ressembler, reste
une préoccupation de tous les instants, qui suppose de pouvoir identifier
cette entité.
Parallèlement, de fait, les instruments statistiques n'ont
pas renoncé formellement à se donner pour objet cette créature
de substance et d'usage fondamentalement subjectifs, dans le but avoué
de l'identifier de façon définitive, de lui donner un visage
qui se refuse à elle perpétuellement. Le Français
moyen est en quelque sorte à la statistique sociologique ce que
le théorème de Fermat est aux mathématiques ou l'apparition
de la vie aux sciences naturelles : centre de toutes les attentions et
de tous les travaux, voire raison d'être de la discipline, il reste
pourtant insaisissable, indémontrable, impossible à modéliser
de manière irréfutable. Si la description statistique du
Français moyen fait l'objet d'une abondante littérature,
souvent détaillée et méthodique, parfois ludique,
une parfaite objectivité semble être, en la matière,
une gageure : trop de critères entrent en jeu, et l'objet est trop
délicat, pour que les résultats puissent se prévaloir
d'une scientificité entière.
En vue de mesurer la difficulté de la tâche, nous nous proposons de répondre à cette question simple : peut-on établir le portrait-robot du Français moyen sous un angle statistique ? A cette fin, nous allons nous essayer à construire méthodiquement ce portrait-robot, et mesurer à chaque étape la portée des obstacles méthodologiques que nous rencontrerons nécessairement. D'ores et déjà, certains de ces obstacles peuvent être discernés, et illustrent bien les implications de l'exercice :
-Comment justifier la pertinence des outils utilisés ? Il conviendra de comparer les avantages respectifs de la moyenne, de la médiane, de la dispersion... voire de l'intuition.
-Comment appréhender les choix qui devront être opérés, notamment pour ce qui concerne les critères et les ensembles postulés ?
-Comment assurer la cohérence interne du raisonnement ? Etablir le portrait-robot du Français moyen suppose en effet de construire une catégorie aussi homogène que possible, au risque de confondre Français moyen et moyenne des Français.
-Comment placer ces travaux dans une perspective dynamique ?
Cette liste (bien entendu non exhaustive) permet dès à
présent de cerner la nature des problèmes d'ordre méthodologique
qui sont susceptibles de se poser au cours de la recherche.
Celle-ci se découpera selon quatre axes de réflexion :
1. L'aspect économique. Tenter de connaître l'activité professionnelle, les revenus, le patrimoine, le parcours d'un Français voulu "moyen" constitue, de toute évidence, une première étape indispensable de la recherche.
2. Le mode de vie. Il s'agit ici, principalement, de discerner les enseignements que peut fournir l'étude des comportements du Français moyen en matière de consommation, d'habitat, de vie quotidienne...
3. Loisirs et culture. Cet axe, prolongement du précédent, vise à démontrer, par le développement d'un domaine précis, toute la difficulté que recouvre l'analyse en termes statistiques d'un mode de vie "moyen".
4. Dimension sociale et politique. Tenter de modéliser des comportements de cet ordre posera sans doute avec acuité la question de la pertinence de l'outil statistique.
Pour chacun de ces axes, la recherche se déroulera schématiquement
en trois temps successifs :
-Première approche bibliographique visant à cerner
les données utilisables et les difficultés méthodologiques
;
-Rencontre avec un professionnel, en vue de surmonter ces dernières
ou d'en soulever de nouvelles;
-Synthèse pour établir la faisabilité
d'un portrait-robot, en conservant un souci permanent de cohérence
et de justification.
I - ETAT DE L'ART: QUELQUES
APPROCHES DES PROBLEMATIQUES STATISTIQUES DU FRANCAIS MOYEN
A - La construction historique du concept :
le Français moyen, de l'idéal divin au gros beauf
Vauban, en s'intéressant au rendement des semences, a
élaboré la notion d' "espèce de tout" sous-tendant
la possibilité de calculer une valeur commune. Il approche l'idée
d'une valeur moyenne, mais pour cela il faudrait disposer d'outils montrant
la stabilité de cette valeur ainsi que la similitude des distributions
des écarts. Cette question est très importante pour Vauban
dans la mise en place d'un nouveau système fiscal assis sur les
capacités productrices du royaume. D'où l'importance d'un
système de rassemblement centralisé de données statistiques.
Un tel système va permettre deux observations. Tout d'abord établir
un grand nombre de régularités (naissances, mariages, morts)
mais surtout une forte ressemblance des formes de distribution de nombreuses
mesures. L'idée apparaît alors qu'il existe un homme moyen.
Adolphe Quetelet (1796-1874) va se faire l'apôtre de cette thèse,
reprenant ainsi les écrits de l'Anglais Arbuthnot et du Prussien
Sussmilch sur l'Ordre Divin. Etudiant les tailles, Quetelet met en avant
une distribution de celles-ci selon un modèle, la "courbe des possibilités",
qui sera nommé par Pearson, en 1894, "loi normale". L'analyse d'autres
attributs physiques (bras, jambes, crâne et poids) montre que ceux-ci
suivent également une distribution selon la loi normale. Quetelet
en déduit donc l'existence, selon ces données françaises,
d'un homme moyen qui est censé être idéal, réunissant
toutes les caractéristiques moyennes etconstituant, de fait, l'objectif
visé par le Créateur : l'homme moyen est l'homme parfait.
Quetelet, par la suite, fera la même analyse sur les comportements
moraux de l'homme moyen (crime, suicide, mariage).
L'analyse de Quetelet repose sur la combinaison de deux éléments : les régularités temporelles et les distributions de forme gaussienne. Par la suite, le premier élément résistera mieux que le second et sera même considéré comme suffisant par la sociologie durkheimienne. Effectivement, le type moyen et sa régularité temporelle sont utilisés par Durkheim pour étayer l'existence d'un type collectif extérieur aux individus (La division du travail social, Les règles de la méthode sociologique). Mais à partir du Suicide, Durkheim distingue l'homme moyen queteletien du type collectif. Non seulement l'homme moyen est désacralisé, laïcisé, mais en plus ce n'est pas un bon citoyen : il refuse d'aller à la guerre et ne paie pas ses impôts. "L'homme moyen est d'une médiocre moralité. Seules, les maximes essentielles de l'éthique sont gravées en lui avec force et encore sont-elles loin d'avoir la précision et l'autorité qu'elles ont dans le type collectif, c'est-à-dire l'ensemble de la société. Cette confusion, que Quetelet a commise, fait de la genèse de la moral un problème incompréhensible" (Durkheim, Le suicide). On retrouve ici la distinction rousseauiste entre la volonté générale et la volonté de tous mise en avant par Louis Dumont : le type idéal est le reflet du citoyen modèle, l'homme moyen est le résultat arithmétique d'individus égoïstes. Les systèmes de classements sociaux proposés dans la foulée de Durkheim et de Mauss (en particulier par Bourdieu) seront fortement imprégnés par ces dichotomies.
Ayant perdu sa posture quasi-divine et idéalisée, l'homme moyen est un concept qui intéresse fortement l'Etat. L'homme moyen est en effet au cœur de la problématique étatique de la statistique. Cette dernière est la combinaison de deux types d'outillages distincts : d'une part, des systèmes d'enregistrements, de codages et de publications (aspect administratif) et d'autre part, la mise en forme de schèmes scientifiques (moyenne, dispersion, corrélation) qui constitue l'axe cognitif. L'homme moyen s'inscrit pleinement au croisement de ces deux voies. Initié par Quetelet (hygiène publique, délinquance, épidémiologie), ce concept participe à l'instrumentalisation statistique de l'espace public.
Médiatiquement, la notion de Français moyen ne va
pas avoir immédiatement un grand succès. Dans l'entre-deux-guerres,
l'idée est rejetée car considérée comme une
hérésie américaine. Il existe certainement un Américain
moyen car c'est une société uniforme, standardisée,
où tout est fait en série, en masse : les Américains
ne cultivent pas de particularismes, peut-on lire à la fin des années
30. Au contraire, les Français sont supposés très
variés et toute étude serait vouée à l'échec
du fait, également, de l'esprit dissimulateur des Français
(voir par exemple l'accueil glacial réservé aux sondages
Gallup en France en 1937-1938). Aujourd'hui, la notion de Français
moyen est intégrée par les médias. Le Français
moyen est devenu le Français-type : ni idéalisé ni
rejeté, il est le reflet de l'homme de la rue. Personne (ou personnage
étrange) que l'on personnifie facilement tout en se demandant s'il
ressemble vraiment à quelqu'un. Cependant, des développements
des XVIIIème et XIXème siècles, il demeure un fait
notable : la puissance de l'organe étatique pour trouver le Français
moyen, au travers de l'INSEE.
Un dossier récent illustre bien ces apports divers. Le magazine Réponse à tout! a titré en novembre 1997 (n°88) : "Le Français moyen : un citoyen au-dessus de la moyenne - Notre enquête d'après les sources INSEE"
"Il n'est évidemment pas aisé de dresser le portrait d'un
homme (ou d'une femme) qui vit et réagit dans la moyenne, voire
d'identifier celui que personne ne souhait être. On pourrait dire
à propos de lui "c'est pas moi, c'est l'autre". Pourtant, dans son
comportement quotidien, le Français moyen est l'archétype
de l'habitant de l'Hexagone". Dans ce dossier; on essaye de dresser le
portrait du Français moyen : il a les yeux marron, ne porte pas
de lunettes, il ne se ronge pas les ongles, mais se les coupe tous les
15 jours. Il est châtain et a 125 000 cheveux qui poussent à
la vitesse de 0,35 mm par jour. Il mesure 173,1 cm si c'est un homme,
161,5 cm si c'est une femme. Il est du groupe O et évacue 1,35 litre
d'urine par jour. Il fait l'amour 157 fois par an ; à chaque fois
l'acte considéré dure 18 minutes et 48 secondes. Il n'a aucun
diplôme en poche. En termes de salaire (ce qui revient à considérer
que le Français moyen travaille et est salarié), il touche
11 625 F net de prélèvements dans le secteur public et 10
393 F net dans les secteurs privé et semi-public. Ses loisirs sont
les jeux de société (le Scrabble en tête), la lecture
d'un magazine et le bricolage.
Enfin, l'image du Français moyen est ambiguë : une
personne que l'on voudrait bien connaître mais non pas être
: "Si vous avez le sentiment que vous ressemblez point par point à
ce portrait, bonne (ou mauvaise) nouvelle : vous êtes un vrai Français
moyen, une pure merveille de notre société! [...] rassurez-vous,
contrairement à ce que certains voudraient croire, "Français
moyen" ne signifie pas "ringard" ou "gros beauf"! Quoique parfois..." conclut
finement ce dossier.
B - Quatre axes d'approche
En fait, la question de la définition statistique du Français
moyen s'articule autour de quatre grands questionnements :
- Peut-on retenir la notion de moyenne comme suffisante ou faut-il
introduire d'autres outils statistiques : le Français médian,
le Français relatif introduisant les problèmes de dispersion...?
- Quelles sont les difficultés d'obtention des informations
?
- Quels types d'indicateurs retenir ? Les indicateurs économiques
sont-ils suffisants (revenu, patrimoine) ou faut-il en introduire d'autres
(autopositionnement social ou politique, loisirs, associations) ?
- Comment tenir compte des évolutions temporelles pour
saisir le Français moyen ?
Ces quatre catégories de questions posent des problématiques
nombreuses.
1. Moyenne - médiane
La moyenne arithmétique est une mesure de tendance centrale qui permet de caractériser le centre de la distribution de fréquence d'une variable quantitative en considérant toutes les observations et en leur attribuant le même poids. Si la moyenne est un outil pratique et facile d'utilisation, elle peut cependant fausser la réalité. Prenons un exemple : S'il n'y avait que 5 Français et que leur revenu était 3000, 2900, 3200, 3500, 6900, on pourrait dire que le Français moyen a un revenu de 3820. Cependant, 80% de la population disposent d'un revenu inférieur à ce niveau moyen. La forme de la distribution est en cela très importante. Un outil efficace pour limiter l'impact de valeurs aberrantes est la médiane qui correspond à la valeur qui se trouve au centre d'un ensemble d'observations lorsque celles-ci sont rangées dans un ordre croissant ou décroissant. Dans notre exemple, le Français médian a alors un revenu de 3200 francs. La médiane élimine l'impact de valeurs extrêmes. Dans le cas français le salaire moyen est 10 700 F et le salaire médian est de 8 500 F.
On peut également mettre en évidence les problèmes
de dispersion et de catégories relatives. La question de la dispersion
peut être analysé grâce à l'écart type.
Soit une population A de cinq habitants ; leurs revenus sont de 7 000,
8 000, 9 000, 10 000 et 11 000 F. Soit une population B dont la répartition
de revenus prend la forme suivante : 3 000 , 4 000, 9 000, 14 000 et 15
000 F. Pour ces deux populations, la distribution est normale : la moyenne
et la médiane sont identiques, mais pour A l'écart type est
de 1,4 et pour B il est de 4,9 (l'écart type est la racine carrée
de la somme des carrés des écarts entre données et
moyenne arithmétique, somme divisée par le nombre d'individus).
La notion d'homme moyen (ou médian) n'a pas la même signification
au vu de ces différents écarts. La question se pose également
en termes relatifs. Supposons la population C avec la distribution
suivante : 8 000, 8 000, 9 000, 10 000, 10 000. Ici, moyenne = médiane
= 9 000 ; écart-type = 0,9 ; mais l'homme moyen est-il réellement
représentatif de la population ? En valeur relative, non.
2. Recueil de l'information
A ceci s'ajoutent certains problèmes méthodologiques.
L'un des plus évoqués et source de débats est l'obtention
de l'information. Il y a certes l'enquête par sondage. Certains salaires
(ou revenu) peuvent dans une enquête ne pas être déclarés
: Thélot propose des procédures de redressement, Merllié
au contraire considère qu'il faut garder les données brutes,
avec un risque de sous-estimation de la dispersion des salaires (Gollac).
Les autres méthodes pour connaître les revenus sont incomplètes
: revenus des contribuables non imposables sont plus difficilement saisissables,
revenus sociaux, financiers ou immobiliers aussi, sans compter la fuite
fiscale par exemple. Les enquêtes de consommation (auto-estimation
du revenu) souffrent aussi d'écueils : sous-estimation fréquente
de son revenu (prudence voire ignorance de la notion de revenu ; revenus
non liés au travail ; primes peuvent oubliées). Même
l'exploitation des DAS, ne couvrant qu'une part des revenus, peut être
biaisée.
3. Economique - hors économique
Le Français moyen peut aussi être défini par des caractéristiques autres qu'économiques. Hormis les catégories "naturelles" (taille, poids), on peut proposer trois autres catégories pour cerner le Français moyen :
- Social :
Deux grandes approches peuvent être retenues : soit trouver
un critère pertinent et quantifiable (par exemple le Français
et les associations), soit prendre un indicateur statistique d'autopositionnement
comme le font les sociologues (échelle sociale, escalier social,
cible sociale) et voir où ses situe le Français moyen (Fait-il
partie d'une association ? Se considère-t-il, dans son autopositionnement,
comme socialement en bas, au milieu ou en haut ?).
- Politique :
Pareillement, deux grandes approches peuvent être retenues
: soit trouver un critère pertinent et quantifiable (par exemple
le Français et le vote électoral, ou la participation politique),
soit choisir un indicateur statistique d'autopositionnement comme le font
les politistes (échelle gauche-droite) et voir où se situe
le Français moyen (à gauche, à droite ?). Les indicateurs
d'autopositionnement relèvent d'un autre esprit ; le Français
se situe lui-même : l'analyse n'est plus objective, mais se fait
en termes de représentation. D'où cette question fondamentale
: le Français moyen (ou médian) est-il au milieu (socialement)
et au centre (politiquement) ?
- Culturel / Mode de vie :
Il s'agit ici de savoir comme définir le Français
moyen en fonction des habitudes culturelles, des modes de vie. Par exemple
quels sont les loisirs du Français moyen ? Quelle est la journée
type du Français moyen ? Là encore, l'obtention d'information
est loin d'être aisée. La question de savoir si les Français
font partie d'une association sous-tend un ensemble de représentations
cristallisées autour du mot "association". Ainsi, certains types
de groupements non formalisés risquent de ne pas être nommés
(amicales, bandes organisées par exemple).
4. Actualisation
Le problème de l'actualisation dépend des types d'indicateurs retenus. S'il s'agit d'indicateurs monétaires, pour une analyse économique, l'actualisation est relativement aisée. Ainsi, pour ses études sociologiques, l'INSEE a modifié les valeurs des catégories de revenus qu'elle a définies entre 1986 et 1994 :
1986 1994
moins de 1 500 F moins de 2 200 F
de 1 500 à 2 200 F de 2 200 à 2 800
F
de 2 200 à 3 000 F de 2 800 à 3 800
F
de 3 000 à 4 200 F de 3 800 à 5 500
F
de 4 200 à 5 700 F de 5 500 à 7 000
F
de 5 700 à 7 000 F de 7 000 à 9 500
F
de 7 000 à 8 700 F de 9 500 à 12 000
F
plus de 8 700 F plus de 12 000 F
Mais pour d'autres indicateurs, les actualisations sont plus délicates : il faut prendre en compte les changement sociaux (ainsi, pour distinguer le type de ménage, introduction de la catégorie "famille monoparentale"). Parfois la difficulté est plus ardue encore à résoudre. Prenons deux exemples.
· Définir les loisirs du Français moyen. Les catégories
sont aisément discernables (tricot, lecture, jeux de sociétés,
cinéma...). Mais le succès croissant des jeux vidéos
et du multimédia pose un problème de catégorisation
: comment classer ces activités ? On pourrait les classer sous un
même registre malgré leur diversité (logiciels ludo-éducatifs,
Internet, simulateur de vol ou gestion du budget familial : activités
forts diverses). De plus une telle solution introduirait un biais : distinguer
certaines activités selon le support utilisé. Ainsi, quelle
est la plus grande différence :
- jouer au Trivial Pursuit avec des cartes ou avec
une souris
- jouer au Trivial Pursuit avec une souris ou jouer
sur un simulateur de vol
Le jeu Trivial Pursuit sur CD-Rom est-il à classer dans la même
catégorie que le jeu à cartes ou les autres logiciels de
jeux ? De même, passer deux heures à visiter le Louvre sur
CD-Rom, est-ce à comptabiliser comme du temps passé à
visiter un musée ou à faire de l'informatique au même
titre que taper ce document ?
On constate que le choix des classifications est loin d'être
aisé, d'autant plus que le développement de ce genre d'activités
tend à lui conférer de plus en plus de poids.
· La participation politique et sociale des Français. Si l'on se réfère aux études sur la participation de type conventionnel, on peut dire que le Français moyen ne participe pas politiquement et socialement : en 1990, 3% des Français étaient inscrits, militaient ou travaillaient pour un parti politique, 5% pour un syndicat, 3% pour une association de jeunesse, 6% pour une association religieuse, 7% pour une association caritative et 9% pour une association culturelle. Or, on peut aussi proposer des indicateurs de cette participation en termes non conventionnels (la participation dite active). Il s'agit ici des participation de type manifestation, pétition, grève, boycott, etc... Dans ce cas, le Français moyen de 1990 (mais pas de 1981 pour reprendre une étude citée par P. Bréchon) a participé en signant au moins une pétition dans l'année. Le développement de ce type de participation devrait inciter à revoir certains critères d'évaluation.
II - HYPOTHESES
ET METHODE D'ENQUETE
Afin d'éviter de nous disperser, nous proposons de distinguer
plusieurs pistes de réflexions majeures correspondant à divers
entretiens avec des professionnels des études statistiques (réalisation
et/ou analyse).
On peut distinguer le tronc commun des questionnements (démographie,
actualisation, existence) que l'on retrouvera pour chaque interviewé,
et des questions plus spécifiques selon la méthode d'approche
du Français moyen.
A - Méthodologie statistique générale
1. Intégration des données
démographiques dans l'analyse
Comment prendre en compte dans la recherche du Français
moyen les données démographiques globales : âge, sexe,
voire habitation et formation, pour reprendre les exemples les plus répandus
?
2. Comment mettre à jour le Français
moyen ?
=> pertinence des indicateurs dans le temps et de leur remise à jour
Ce problème, déjà évoqué, sera,
en fait, étudié avec chaque personne : selon les types d'indicateurs,
comment procéder à une actualisation qui tienne compte des
changements sans biaiser la pertinence des analyses ? Mise à jour
quantitative (tranches monétaires par exemple) ou bien mise à
jour qualitative, qui, comme on l'a vu, peut s'avérer très
délicate.
3. Existe-t-il un Français moyen
?
Axe de questionnement final, autour de la pertinence ou non du
concept de Français moyen : est-ce, en soi, un bon indicateur, est-il
pertinent, signifie-t-il quelque chose, vaut-il mieux s'intéresser
au Français moyen ou à un groupe (une classe ?) moyen(ne),
la France comme unité est-elle pertinente (région, Europe,
...) ?
B - Problèmes méthodologiques spécifiques à
certains outils statistiques
A travers l'étude d'outils et de méthodes spécifiques,
nous allons mettre en avant les difficultés qui se posent pour saisir
le Français moyen. Difficultés d'ordre général,
atour de trois axes :
- Méthodes pour obtenir des informations fiables sur la vie des Français : quelles méthodes utiliser pour obtenir ces informations, quelles sont les sources et quelles sont les marge d'erreur induites et les biais possibles ?
- Types d'indicateurs retenus pour établir un portrait-robot du Français moyen : revenu, patrimoine, taille ou loisirs par exemple ; si les revenus sont souvent mis en avant, d'autres études de l'INSEE sont utilisées, sont-elles pour autant efficientes ?
- Outils statistiques permettant de donner une image fidèle : moyenne, médiane, problème de dispersion. Quel est pour chaque outil le degré de pertinence pour donner une information fiable via l'analyse : cas théorique et pratique de l'exemple français et de ses spécificités.
D'autres difficultés se font jour autour d'outils ou méthodes particulières : l'analyse économique (revenu, salaire, patrimoine), l'analyse dela consommation (budget) et des modes de vie (sondages), l'analyse des loisirs et cultures illustrant le problème des appréciations entre position et situation du Français moyen, et enfin les indicateurs d'autopositionnement.
Pour chaque cas l'interrogation portera sur deux axes directeurs forts
:
- la viabilité du recueil des informations brutes ;
- la pertinence des grilles d'analyse propres à chaque
outil.
1. Comment caractériser le Français moyen selon une dimension économique?
=> revenu, salaire et patrimoine
=> Moyenne, dispersion et médiane
L'approche économique du Français moyen soulève, en réalité, deux grandes questions.
· Tout d'abord, la pertinence des critères économiques pour faire ressortir un Français moyen. Historiquement, les indicateurs corporels furent les premiers. Maintenant l'approche en termes économiques (salaire, revenu, patrimoine) l'emporte, mais ne peut-on aller au-delà ?
· L'autre question concerne les outils statistiques d'analyse : moyenne ou médiane ? Ici, l'analyse économique est intéressante puisque les valeurs quantitatives précises permettent de mettre effectivement cette dimension du questionnement en perspective. Comme on l'a vu l'approche en termes de moyenne, même si elle a la faveur médiatique, n'est pas forcément celle qui rend le mieux compte de la réalité. Une analyse en termes de Français médian ne serait-elle pas, alors, plus pertinente ? En 1996, le revenu moyen par tête était de 58 000 Francs par an contre 50 000 pour le revenu médian !
Louis Chauvel propose une telle analyse avec le développement
d'une nouvelle grille de lecture : analyser :la répartition des
revenus de la société selon une forme en strobiloïde
(de strobiloz la toupie en grec, le bulbe pour les média français)
qui met en avant la répartition des revenus en fonction du revenu
médian et insistant sur la dispersion de ces revenus (fig.1) . De
plus le strobiloïde permet des comparaisons soit dans le temps, soit
entre pays (fig.2).
2. Peut-on saisir le Français moyen
à travers sa consommation et son mode de vie ?
=> Analyse budgétaire et sondages
Ici se pose un corpus de questions autour du mode de vie comme mode de définition du Français moyen. L'outil le plus souvent utilisé dans cette optique est l'analyse du budget des ménages. Mais trois grandes limites potentielles à cet outil demeurent.
· Tout d'abord, la régularité des données brutes. Dans son livre sur l'information statistique, Michel Lévy relève d'autres biais qui peuvent fausser le portrait du Français moyen. Question fondamentale, par exemple : l'alimentation dans les enquêtes sur le budget des familles (INSEE, CREDOC). Certaines dépenses sont sous-estimées (oubli) : c'est le cas de la pâtisserie et des biscuits. A contrario d'autres sont surestimés (10 à 15%) : riz, pâtes, huile, sucre et café par exemple. Ce type de problème soulève la question de la pertinence de certains chiffres (Gollac). D'où éventuellement des sondages pour compléter les analyses budgétaires et corriger des aberrations.
· Ensuite, le budget est-il un instrument d'analyse réellement pertinent ? En particulier apparaissent les problèmes de la finesse des catégories et des chevauchements. Par exemple, pour l'INSEE, le ménage moyen dépense 7 % de son budget en loisirs, mais ce chiffre ne tient pas compte des coûts de transports pour se rendre sur les lieux de loisirs, les repas entre amis, etc... Comment affiner, alors ce genre de mesure ?
· Le budget est-il le seul outil pour approcher le mode de vie
du Français moyen ?
3. Comment utiliser les loisirs et
les pratiques culturelles pour cerner le français moyen ?
=> caractéristiques socioculturelles du Français moyen ou
caractéristiques socioculturelles moyennes ?
On peut reprendre l'analyse weberienne en termes de situation
(d'un objet étudié en fonction des rapports avec les autres
objets) et de position (sous-tend un classement quantifié). La question
centrale est double. Tout d'abord comprendre les difficultés pour
obtenir ces informations qualitatives (auprès des vendeurs, enquêtes
de consommation, sondages...). Mais le problème le plus délicat
réside dans la manière d'analyser ses informations, d'où
la distinction entre situation et position. Pour des données qualitatives
(prenons un exemple : quels sont les loisirs du Français moyen ?),
comment procéder à une analyse en perspective ?
· Situation : prenons l'ensemble des données de l'INSEE et voyons quels sont les loisirs les plus pratiqués par l'ensemble des Français afin de déterminer les loisirs"moyens". Une telle analyse pose le problème de la classification : la relativité des catégories de loisirs et la finesse de ces catégories (lecture ou lecture selon le type d'ouvrage ; jeux familiaux ou découpage des diffèrent type de jeux).
· Position : ne s'intéresser qu'aux loisirs du Français moyen. Il s'agit ici de ne regarder que les goûts du Français définis comme moyens selon des critères socio-économiques, à savoir quels sont les loisirs du Français qui a le niveau de vie moyen, appartient à la CSP moyenne, tout cela dans le ménage-type.
· Quel alors le plus pertinent : chercher les goûts moyens des Français (loisirs, alimentation, culture, vie associative, sociabilité,...) ou chercher ces attributs pour celui qui est censé être le Français moyen selon une définition économique ?
Cette distinction peut induire des différences statiques et dynamiques. Prenons quelques exemples. Pour alléger le texte, appelons Monsieur A le Français moyen par niveau de vie et Monsieur B le Français qui a les occupations moyennes de l'ensemble des Français. (Source : INSEE, 1996)
Différences statiques : en 1994, M. A est parti de 1 à 2 mois en vacances, alors que M. B n'est pas parti du tout. M. A reçoit souvent des amis alors que M. B n'en reçoit que parfois.
Différences dynamiques : en 1986, M. A avait plus la fibre associative que M. B, alors que la tendance s'est inversée en 1994.
Bien sûr dans d'autres cas la différence est peu
significative (cas des jeux de société, des conversations
ou bien encore de la lecture sauf pour celle de romans que M. A pratique
plus fréquemment)
Notre entretien a pour objectif de mettre en évidence
les difficultés méthodologiques pour l'obtention de l'information
(marges d'erreur, formulation, pertinence des indicateurs) et la manière
de les analyser (situation/position).
4. Dans quel cadre utiliser les données
statistiques pour définir le Français moyen selon des
critères sociaux et politiques ?
=> Les indicateurs d'autopositionnement
Approche différente, cette fois : saisir le Français
moyen selon un type de représentation, c'est-à-dire l'étude
statistique de la conscience d'appartenance. Une telle approche vient des
Etats-Unis avec, entre autres, l'indicateur de Duncan qui est une échelle
de prestige professionnel introduisant les dimensions de revenus, formation
et âge, dans les années 50, ou l'index Standard international
Occupational Prestige Scale dans les années 80. Ce type d'outil
part du postulat de base que la société est divisée
en strates et que ces strates sont hiérarchiquement ordonnées
en formant un continuum.
Le CEVIPOF (Centre d'Etude de la Vie POlitique Française) utilise un escalier (10 marches pour s'autopositionner dans la société - fig.3), l'OIP (Observatoire Interrégional du Politique) utilise une échelle d'autopositionement avec 6 barreaux (dichotomie bas/haut, le haut étant assimilé à la réussite sociale par excellence - fig.4). Plus récemment a été utilisé un autre outil statistique : la cible d'intégration sociale (fig.5) : il s'agit d'une cible à 6 cercles concentriques correspondant à une représentation du degré selon lequel un enquêté estime avoir trouvé sa place dans la société (dichotomie intérieur / extérieur).
ECHELLE SOCIALE
1991
1 (haut) 2 %
2
6
3 34
4 36
5 14
6 (bas) 6
SR 2
CIBLE SOCIALE
1991
94 95
1 (centre) 24 19 21
2
16 17 16
3
25 29 27
4
23 22 21
5
6 6 6
6 (extérieur) 4 5 5
SR
2 2 2
Ainsi, le Français moyen, médian et relatif se situe dans la moyenne supérieure de la société (barreau 4, on notera l'aspect gaussien de la distribution). En ce qui concerne la cible, si le Français moyen, médian et relatif se situe dans le cercle 3, la distribution est différente : le sentiment d'appartenance à la société est assez fort. Les approches sont sensiblement différentes : autant le niveau de diplôme et culturel influe sur la position haute sur l'échelle, autant son impact est limité sur la cible. Ainsi, la position que l'on pense occuper dépend beaucoup du revenu relatif que l'on considère toucher, de son capital culturel, alors que le sentiment (ou non) d'intégration n'est ni dépendant du revenu, ni de la culture, ni de l'autopositionnement sur l'échelle sociale ni de la pratique religieuse, mais dépend surtout de l'âge et du statut professionnel.
En politique, un outil équivalent est utilisé :
l'échelle gauche-droite, qui en fait est une droite composée
de compartiments (leur nombre a été source de débat,
mais nous retenons les études avec 7 compartiments). On demande
aux enquêtés de s'autopositionner sur cette échelle,
de 1 (le plus à gauche) à 7 (le plus à droite). Cet
indicateur fut utilisé pour la première fois en 1955 par
l'IFOP, même s'il a pris toute sa portée à partir du
milieu des années 60 avec une formalisation plus fine par la SOFRES
avant les élections de 1965. Depuis 20 ans, le Français moyen
se situe autour de 4 (Français relatif : 4 ; moyenne : de 3,7 à
4).
1978 1988 1995
1 02 02 06
2 15 11 20
3 25 28 20
1+2+3 42 41 37
4 26 28 25
5 21 17 19
6 06 08 12
7 01 03 05
5+6+7 28 28 36
D'où une question méthodologique fondamentale : le Français moyen est-il centriste ou est-ce le refus de se positionner (4 serait alors le ni-gauche, ni-droite) ? De 1978 à 1995 (fig.6), la position 4 a fluctué entre 22% et 28%, toujours la plus citée et de loin (sauf en 1988 où la 3 était proche). Cependant la position 4 est systématiquement inférieure aux "blocs" gauche (1-2-3) et droite (5-6-7). Les principales fluctuations étant entre les catégories 3 (25% en 1978, 28% en 1988, 20% en 1955) et 5 (resp. 20%, 17%, 19%) en notant une hausse sensible des extrêmes (1 et 7) en 1995. L'autopositionnement par rapport au vote montre que cet outil est pertinent (1988 : Mitterrand : 3 / Chirac : 5 ; 1995 : Jospin : 2,8 / Chirac : 5,1) mais s'il comporte des limites (1995 : Chirac = Balladur : 5,1, Le Pen : 4,8 => le vote Front national entraînerait une rupture dans le "continuum gauche-droite" (E. Dupoirier) )
Il s'agit de voir la pertinence de ces outils statistiques et de déterminer s'ils peuvent être utilisés pour définir un Français moyen par autopositionnement social et politique.
A - Guides des entretiens réalisés
Nous avons mené trois entretiens avec trois spécialistes dans leur domaine respectif en fonction des outils statistiques utilisés. Ces trois entretiens étaient les suivants :
- Le français moyen ou médian selon l'approche
économique
=> M. Louis Chauvel, chargé d'études
à l'OFCE sur les questions
d'analyse des revenus et patrimoine
- Le Français moyen au travers de la consommation et du
mode de vie : l'analyse budgétaire
=> M. Daniel Verger de l'INSEE
- Le Français moyen selon les indicateurs d'autopositionnement
=> M. Jean Chiche du CEVIPOF
Chaque entretien abordait des points spécifiques aux différents
outils statisques et aux différentes approches, ainsi que des points
généraux, liés à la valeur du concept, ou bien
encore l'étude de passerelles entre les différentes disciplines.
B - Déroulement des entretiens et enquêtes
Nous avons procédé à l'ensemble des entretiens après avoir réalisé l'état de l'art, ce qui était la meilleure méthode afin de poser des questions pertinentes et de pouvoir rebondir au cours des entretiens.
Ces entretiens ont été réalisés par binômes, ce qui a aidé pour les relances au cours des entretiens et limiter le risque de perte ou de déformation d'informations au moment de la synthèse.
Afin de conserver la cohérence groupe et de permettre un meilleur échange entre les différentes approches, nous n'avons pas compartimenté les binômes : nous avons donc constitué quatre binômes différents de la façon suivante :
Soit A, B, C et D les quatre membres de l'équipe, les binômes étaient les suivants :
groupe "revenu" A et B
groupe "budget" A et C
groupe "mode de vie" B et D
groupe "autopositionnement" C et D
Par rapport au protocole prédéfini dans le
rapport intermédiaire une différence apparait : il était
prévu quatre entretiens. L'entretien "mode de vie" n'a pu être
mené a bien. pour cet entretien deux personnes paraissaient les
mieux à même de répondre à nos questions (notre
objectif n'était pas de faire un entretien pour un entretien, mais
d'essayer de trouver la ou les personnes les plus au fait dans le domaine
considéré) :
- Mr Hervé Herpin de l'INSEE, indisponible jusqu'à
début mai
- Mr Olivier Donnat du ministère de la culture, ne voyant
pas l'intérêt d'un entretien "tout étant
déjà dans [ses] livres."
Nous avons tenté de contrebalancer ce manque, effectivement
par les livres des personnes sus-citées, mais également via
l'entretien avec Daniel Verger qui a travaillé avec Olivier Herpin
sur les questions de loisirs. Cependant, nous regrettons cet entretien
qui aurait au moins pu apporter un point de vue supplémentaire sur
un sujet qui n'est pas traité directement dans les livres.
Ces entretiens, assez approfondis (d'une durée générale
de 1h30 heures chacun) étaient batis autour de quelques grands axes
d'approches, préparés à l'avance afin d'être
le plus complet possible. Il ne s'agissait pas d'imposer un questionnaire
strict et directif, mais au contraire de laisser l'interlocuteur développer
ses idées.
Ces grands axes ont donc été à
chaque fois utilisé avec souplesse, au fur et à mesure des
entretiens. Ils nous ont servi d'aides mémoires au cours de ces
entretiens afin de ne pas laisser de côté certains axes. Les
pages suivantes proposent un plan des grands axes abordés.
GRANDS AXES DE L'ENTRETIEN AVEC LOUIS CHAUVEL, OFCE
1
pertinence Obtention d'information
représentatif sens difficulté
biais
Salaire
Revenu disponible
Patrimoine
2 Moyenne ou médiane => théorie et cas français
Dispersion => quels outils (Gini, Strobiloide)
=> dispersion en France
=> dispersion et inégalité
3 La dimension économique => facilité ou objectivité
?
4 Classe moyenne / classe médiane
Français moyen / Français médian
=> sens des concepts
=> objectivité des approches
=> représentation (vision de la société)
IV - CONCLUSIONS GENERALES SUR
LE FRANCAIS MOYEN
Dans cette partie nous ne reprenons pas l'ensemble des
éléments énoncés dans l'Etat de l'art, qui
était notre phase préparatoire. Nous insistons particulièrement
sur les apports (validation ou non d'hypothèses, nouvelles pistes)
des entretiens et des réflexions qui s'en sont suivies.
A - "Moyen" selon quoi ?
1 - Salaire, revenu et patrimoine
Aujourd'hui, l'approche la plus commode du Français moyen est en termes économiques : le Français moyen est celui qui a tant d'argent. L'approche économique en elle-même soulève plusieurs problèmes.
Tout d'abord la nature des données observées. Faut-il mieux analyser le salaire ou le revenu ? La réponse fait référence, selon Louis Chauvel, au "paradoxe du réverbère" . Les données qui seraient théoriquement les plus pertinentes sont plus difficiles à obtenir et réciproquement. Ainsi vouloir établir le portrait-robot du Français moyen en fonction de son salaire n'est pas pertinent (il n'y a "que" 20 millions de salariés), mais en terme d'information, ceci demeure la démarche la plus aisée. Beaucoup plus pertinentes sont les approches en termes de revenu disponible et de patrimoine, mais la qualité de l'information est moins bonne. Effectivement, il existe de nombreux biais qui peuvent fausser la détermination des résultats. Prenons quelques exemples :
- Pour le revenu, la fiabilité dépend tout d'abord de la nature des revenus, certains pouvant plus facilement "disparaître" que d'autres. Ainsi les revenus provenant des destockages du patrimoine sont souvent invisbles. C'est également le cas des allocations de solidarité non imposables, même si dans ce cas l'INSEE opère une réintégration.
- Pour le patrimoine, l'ensemble des biens non imposables au titre de l'ISF (oeuvre d'art, forêt, entreprise faimiliale détenue à plus de 25%) échappent le plus souvent au système statistique, de même que le patrimoine dit de rapport (argent placé sans plafonnement ni imposition, telles les stocks-options avant qu'elles ne soient réglementées).
Il n'en demeure pas moins que les approches en fonction du revenu
disponible et du patrimoine demeurent plus pertinentes que celle en fonction
du salaire.
2 - Mode de vie et budget
Après l'approche par revenu-patrimoine, l'approche la plus utilisée est celle par mode vie. Les travaux les plus importants sont ceux de l'INSEE. La base de ces études est double. Tout d'abord, les données de la comptabilité nationale qui donne les grandes valeurs agrégées de la consommation des ménages et permet d'obtenir des taux de couverture au niveau national. L'INSEE complète ensuite ces données par celles obtenues par des enquêtes de consommation (de 10.000 à 15.000 ménages remplissent des carnets sur une période de 1 jour à 15 jours). La plus importante et la plus régulière (tous les 5 ans) est "l'enquête consommation". D'autres enquêtes sont parfois réalisées mais de manière plus exceptionelle (enquête consacrée à l'habillement tous les 10 ans environ). L'enquête consommation porte en fait mal son nom car il s'agit d'une étude sur les tickets de caisse (donc l'achat) plus que sur la consommation directe. L'INSEE se sert, également, parfois d'une troisième source : les panels Sécodip pour les dépenses d'agro-alimentaires.
L'enquête consommation qui est donc le coeur des
études consommation de l'INSEE est composée d'un carnet que
doivent remplir 15 000 ménages pendant 15 jours. A ce carnet s'ajoute
un questionnaire qui est rempli dans le cas d'achats dits exceptionnels.
Pour ne pas être trop pénible la liste de ces achats est limitée.
L'INSEE n'ignore pas les biais qui peuvent interferer dans les résultats.
Ces biais ont trois sources essentielles :
- Les délais imposés peuvent être
faussés : nombreux sont les automobilistes qui disent avoir acheté
une voiture il y a moins de 12 mois alors que cela fait 14 mois par exemple.
Les personnes agées ont tendance, pour celles qui ont a remplir
ce carnet, à faire en 15 jours des provisions pour 2 mois.
- le questionnaire sur les biens durables est aussi source
de biais. Comme on l'a dit ce carnet comprend un nombre restreint de biens
durables. Ainsi, par exemple, les ordinateurs n'y figurent pas, ils sont
donc comptabilisés comme tout autre bien (quelqu'un qui achète
un micro durant ces 15 jours est alors comptabilisé comme en ayant
acheté 26 par an !!). En moyenne cela n'a pas d'impact mais fausse
les données en terme de dispersion de certains achats d'où
des surconsommations (ou sousconsommations) dans certains cas (micro -
ordinateurs, prothèses médicales ou vins AOC pour lesquels
il est difficile de mesurer la différence entre les acheteurs hebdomadaires
et ceux qui font leur cave tous les cinq ans).
- le groupement « infréquent » des
achats est enfin le principal problème pour les stastiticiens. Les
modes de distribution, en particulier pour l'alimentaire, ont été
bouleversés (les ménages qui ne font leur course qu'une fois
par mois grâce aux hypermarchés et surtout au développement
du surgelé). La hausse des stocks alimentaires des ménages
est considérée comme le biais le plus important pour les
enquêtes de l'INSEE et aucune solution n'a été trouvée
pour y remédier.
Notons enfin, que l'INSEE se lance depuis quelque temps
dans une analyse des mode de vie en terme de temps. Une première
approche a consisté à monétiser le temps de travail
domestique (dans une optique initiée par Alfred Sauvy) : évaluer
une hausse de revenu par le fait que l'on bricole plutôt que de faire
appelle à un spécialiste que l'on devrait payer. Cette approche
comporte cependant deux limites :
- Les travaux domestiques (bricolage, jardinage) sont
le fait de personnes disposant d'un certain revenu : les couches les "défavorisées"
y ont souvent moins recourt.
- Ces travaux peuvent parfois être un plaisir, on
prend alors plus son temps que ne le ferait un professionnel, ce qui limite
la pertinence de la monétarisation.
Nous proposons, ci-dessous, le bilan d'une journée
moyenne en France raménée à l'heure selon 7
catégories (travail/transport professionnel, travail/transport ménager,
sommeil, repas, toilette, TV et autres loisirs). Ce résultat n'a
cependant pas grand intérêt pour une analyse en terme de Français
moyen, si ce n'est de montrer que l'idée que le Français
moyen est un "actif" n'est guère vérifiée.
3 - Les loisirs
Le problème de nomenclature que nous avions soulevé
(les loisirs ne tenant pas compte des transports de vacances ou des déjeuners
entre amis) s'il est bien réel, n'est pas considéré
à l'INSEE comme fondamental en raison, surtout, de la complexité
des retraitements qu'on devrait prendre en compte (dans un déjeuner
entre amis que l'on pourrait connsidérer comme un loisir il faudrait
déduire un coût forfaitaire correspondant au coût du
repas que l'on aurait tout de même pris). Mais ce problème
pose en fait une question plus fondamentale : quel sens donner à
la nomenclature de la consommation. Ce problème est surtout sensible
en ce qui concerne les loisirs : qu'entend -on par loisir ? Aujourd'hui
cette question reste, selon Didier Verger, un quasi-mystère car
les Français ont une perception très diverse de ce qu'est
un loisir.
L'INSEE a tenté il y a quelques années d'apporter
une réponse. Une enquête a été lancée
sur le thème "agréable / désagréable" : les
enquêtés devaient distinguer ce qui leur était agréable
et ce qui ne leur était pas. On pensait alors clairement distinguer
les loisirs. Le résultat fut tout autre. Les distinctions faites
par les Français étaient beaucoup plus complexes que prévues.
Ainsi, le voyage du matin pour aller au travail peut-il être vécu
comme agréable (les automobilistes peuvent écouter une bonne
emission de radio) contrairement au soir (où les émissions
radios seraient moins bonnes selon cette enquête). De même,
pour certains faire la vaisselle est un plaisir (moment de tranquilité
où l'on peut réfléchir par exemple). Le cas le plus
révélateur de cette étude était celui d'une
vieille dame qui jugeait sa soirée : 4 heures devant sa télé
entrecoupées par son repas (plateau - télé), la vaisselle
et la descente de la poubelle. Le plus désagréable, pour
elle, fut la télé (programmes mauvais) et le plus agréable
fut la descente de la poubelle (elle sortait de chez elle et surtout, comme
elle descendait celle de ses voisins, elle avait un sentiment d'utilité,
le seul de la journée). La descente de poubelle comme loisir (voire
comme futur jeu olympique ? ) cela peut sembler ridicule, mais au fond
cet exemple authentique montre que l'idée de loisir est relativement
personnelle.
4 - L'autopositionnement socio-politique : des valeurs
communes sont décelables pour aider à cerner l'électeur
moyen.
Selon M. Jean Chiche, il est impossible dans l'absolu d'établir le portrait-robot du Français moyen. Celui-ci n'existe pas et n'a pas de sens, car les situations ne sont guère comparables entre elles: chaque catégorie socioprofessionnelle a son profil moyen, encore nuancé par les différences de patrimoine, de situations salariés/non-salariés, public/privé. Pour établir ce profil moyen, on doit prendre en compte de multiples variables, bien souvent discriminantes du vote. Pour parler d'un vote du Français moyen, il est nécessaire de cibler tout d'abord ses caractéristiques sociales: âge, position sociale, taille de sa commune, par exemple.
On peut établir que les électeurs possèdent un fonds de valeurs communes, notamment grâce à des outils permettant de saisir la vision subjective des électeurs. On peut ainsi chercher à établir quelques grandes tendances du Français moyen.
Cependant, les grands indicateurs socio-politiques nous amènent
généralement à établir de grands clivages dans
la population française et ne permettent pas véritablement
de cerner l'électeur moyen.
Que veut-on dire lorsqu’on dit d’un indicateur politique qu’il est
bon? Implicitement, on considère trois critères:
· Il permet de prédire relativement bien les choix individuels:
il entretient une forte relation statistique avec, par exemple, le vote
au premier ou au second tour d’une élection présidentielle.
· On a des raisons de penser qu’il est l’indicateur d’une dimension
pertinente pour la compréhension et l’explication des comportements
politiques.
· Il est un indicateur performant de cette dimension: la probabilité
est élevée que les réponses données par les
enquêtés sur cet indicateur correspondent à leur position
effective sur cette dimension.
Les indicateurs subjectifs d’intégration sociale
Des indicateurs de positionnement social existent et ont déjà été utilisés: "l’escalier" dans l’enquête du CEVIPOF de mai 1988, repris dans celle de juin 1995 (cf. Art. Nonna Mayer), ou "l’échelle" d’autopositionnement dans l’enquête de l’OIP en 1991. Ces deux indicateurs ont en commun, à la fois par leur libellé et par le graphique présenté à l’enquêté de présupposer une organisation sociale hiérarchisée (on pense occuper une place plus ou moins élevée dans la société). L’idée d’une hiérarchie sociale y est explicitée et imposée: il faut se situer sur une "échelle sociale". La symbolique l’est presque autant: on peut monter ou descendre, le haut est positivé à l’inverse du bas. L’escalier ou l’échelle ont vocation à analyser la situation relative, telle qu’elle est vécue, de groupes sociaux que l’on peut catégoriser dans les enquêtes par leur niveau de revenus, leur niveau scolaire, leur appartenance à une catégorie socioprofessionnelle. Ils permettent en outre d’étudier de manière longitudinale ces groupes, leurs sentiments de reconnaissance sociale et de mobilité ascendante ou descendante.
L’indicateur "intégration à la société"
est à l’image d’une cible constituée de six cercles concentriques
numérotés de 1 à 6 à partir du plus central.
La symbolique du cercle renvoie à la dimension intérieur/
extérieur: on est différent de ceux qui n’y sont pas.
Les résultats produits par les deux indicateurs verticaux ou
concentriques de positionnement social qui figuraient tous les deux dans
l’enquête de 1991 menée par le CEVIPOF sont relativement différenciés
(cf. tableau).
L’échelle présente une distribution gaussienne: très peu d’enquêtés déclarent occuper une position élevée dans la société, alors que sept sur dix se positionnent sur les barreaux intermédiaires et que deux sur dix considèrent qu’ils se situent au bas de l’échelle sociale.
Ce choix des barreaux intermédiaires peut être lié à l’enquête du CEVIPOF suite aux législatives de 1997: les enquêtés étaient interrogés sur leur sentiment d’appartenance à une classe: privilégiés, gens aisés, classe moyenne supérieure, classe moyenne inférieure, classe populaire, classe défavorisée. Le sentiment d’appartenir à la classe moyenne est alors majoritaire chez les enseignants (80%), les professions intermédiaires (78,5 %), les cadres supérieurs (75%), les employés (71%), les ouvriers (57,3 %), les agriculteurs (58%).Cette enquête montre que la société française est organisée, selon Mendras, avec une énorme constellation centrale. Si tous les Français ou presque se situent dans la classe moyenne, le Français moyen semble indiscernable et très hétérogène. Là encore raisonner en termes de CSP est plus pertinent.
La distribution des réponses sur le cercle est différente: en 1991, environ un quart des individus choisit le cercle le plus central, le deuxième accueille relativement moins de monde (16%), les troisième et quatrième cercles sont choisis respectivement par 25 et 23% des enquêtés, enfin peu d’individus se placent sur les cercles les plus à la périphérie. On constate un certain tropisme vers le cercle central.
On peut examiner la nature des relations entre le "sentiment d’intégration" mesuré par la place sur la cible, la place sur "l’échelle de positionnement social" et un certain nombre de variables sociologiques et culturelles.
Il n’est pas nécessaire de se placer en haut de "l’échelle sociale" pour avoir le sentiment d’avoir "trouvé sa place dans la société": ce sentiment est dominant parmi les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les cadres moyens alors que ceux-ci se situent en majorité sur les barreaux intermédiaires au bas de l’échelle. L’âge est fortement corrélé au sentiment d’intégration sociale: plus on est âgé et plus l’on répond volontiers que l’on a trouvé sa place.
Le fait de ne pas encore avoir eu d’emploi ou de l’avoir perdu génère un sentiment de marginalité.
L’intérêt pour la politique s’élève progressivement avec le sentiment d’avoir trouvé sa place dans la société.
Il est enfin intéressant de mesurer l’attachement des Français à certaines libertés et droits constitutifs de la démocratie, aux institutions et aux acteurs de la vie politique. Le Français moyen semble avoir trouvé sa place dans la société si l'on considère que le Français moyen n'est ni chômeur ni trop jeune puisque la classe d'âge des 15-25 ans est minoritaire au sein de la population française.
L’attachement des Français au droit de vote est massif (73% des enquêtés en 1991 déclarent que sa suppression serait très grave). L’attachement aux partis politiques est moins consensuel (50%). L’attachement au droit de grève et au droit de manifester est largement exprimé (respectivement 77% et 83%).
La cible est donc un indicateur performant du sentiment
de malaise social lorsqu’on l’associe aux réponses aux autres questions,
et se révèle en phase avec les autre indicateurs d’humeur.
Les indicateurs de valeurs.
enquête CEVIPOF-SOFRES: liste de questions.
Cette enquête porte sur le rapport des Français à
la politique. Cette recherche s’inscrit dans la tradition des études
anglo-saxonnes sur le préjugé, et plus particulièrement
celle d’Adorno sur la "personnalité autoritaire". La thèse
centrale de ce livre est que les attitudes d’un individu forment un ensemble
organisé et cohérent, exprimant les courants profonds de
sa personnalité. L’antisémitisme serait associé à
l’ethnocentrisme, antisémitisme et ethnocentrisme seraient associés
au conservatisme économique et politique, ces trois attitudes pouvant
s’inscrire sur une échelle d’attitudes antidémocratiques
et fascisantes.
Les critiques dénoncent les problèmes méthodologiques
posés par ce type d’enquête (formulation des questions) et
ses a priori idéologiques assimilant autoritarisme et fascisme.
L’enquête du CEVIPOF ne reprend pas à son compte la thèse de la personnalité autoritaire mais examine les liens entre valeurs et position sociale.
On soumet à l’enquêté une liste de phrases. Celui-ci
doit répondre s’il est tout à fait d’accord (++), plutôt
d’accord (+), plutôt pas d’accord (-), ou pas du tout (--). Six questions
de cette enquête se prêtent à l’exploration du racisme
et de l’ethnocentrisme (antisémitisme, attitude à l’égard
des musulmans, fierté d’être Français, se sentir chez
soi comme avant....).Ces indicateurs permettent par exemple d'évaluer
la montée de la xénophobie en France ...et chez le Français
moyen ?
L’échelle gauche droite.
On dispose pour celui-ci de mesures homogènes depuis 1964. On
constate que la proportion de ceux qui refusent de se situer sur cette
échelle tend à baisser entre 1964 et 1988.
Libellé: "On classe habituellement les Français sur une
échelle de ce genre où, comme vous le voyez, il y a deux
grands groupes: la gauche et la droite. On peut classer les gens plus ou
moins à gauche, ou plus ou moins à droite. Vous, personnellement,
où vous situez-vous sur cette échelle?"
[] [] [] [] []
[] []
extrême gauche gauche droite
extrême droite
Les indicateurs de valeurs permettent d’établir la cohérence
entre l’autopositionnement sur l’échelle gauche-droite et le système
de valeurs, même si le vote n’est pas en conformité avec le
positionnement sur l’échelle.
Utilisation du logiciel SPADT: celui-ci permet d’établir un
traitement statistique établi en fonction de la fréquence
des mots utilisés dans les réponses. Ces mots sont ensuite
regroupés en référents (social, moral, économique,
partisan, communautaire, négatif, gauche, droite).
Indicateurs d’intérêt pour la politique:
· réponse à la question "Vous arrive-t-il de parler
politique?"
· acceptation de se placer sur une échelle gauche-droite.
On peut donc définir de grandes tendances de l'électorat français qui permettent de cerner le profil sociopolitique du Français moyen en 1998:
(Enquête du CEVIPOF, 1997)
· En 1995, 98% des personnes interrogées acceptent de se classer sur l’échelle gauche-droite classique de la SOFRES (divisée en 7 échelons), et la proportion de ceux qui se placent au centre, soit 1/4, a même baissé de 3 points depuis 1988. Seuls 2% des Français refusent de se classer. Pourtant, 67% des Français déclarent qu’ils considèrent la notion de gauche et de droite comme dépassée.
· 87% de l’échantillon (contre 85% en 1978 et 1988) accepte , sur une liste de partis politiques, d’indiquer celui "dont ils se sentent le plus proche ou du moins le moins éloigné". Il n’y a donc pas de relâchement du lien partisan.
· Xénophobie et ethnocentrisme sont en hausse sensible. En 1995, le sentiment "de ne plus être chez soi comme avant" est partagé par 56% des interviewés, soit une hausse de 6 points par rapport à 1988, et l’idée qu’il y a trop d’immigrés en France est approuvée par les 3/4 des interviewés, contre les 2/3 en 1988.
B - Les difficultés méthodologiques
rencontrées
1 - La question de la moyenne ou de la médiane
Cette question dépend, en fait énormément du contexte de l'utilisation de l'outil choisit. Pour commencer par l'approche la plus courante, la moyenne, son utilisation n'a de sens réel que si deux conditions majeures sont réunies :
- les données étudiées sont des données continues (ce qui est le cas dans l'approche en terme de revenu ou de patrimoine)
- la distribution des données suit la fameuse loi normale (loi de Gauss), en forme de cloche, qui correspond, en fait, à un faible poids des extrêmes : 99% des individus se situent dans une fourchette de + ou - trois fois l'écart type autour de la moyenne. Dans une loi parfaitement normale la moyenne est égale au mode qui est égal à la médiane (c'est quasiment le cas de la Suède).
Lorsque l'on sort de ces deux cas, l'utilisation de la moyenne devient périlleuse. A ce moment là, il convient de s'intéresser à la dispersion : plus celle-ci est forte, moins la moyenne a de sens représenatif. On peut alors utiliser deux autres approches au lieu du Français moyen :
- Le Français médian, qui permet de réduire l'impact des cas extrêmes : la médiane a beaucoup de sens dans le cadre des dispersions dites leptocurtiques (cas d'un strobiloïde dont le tube est long et épais).
- Le Français modal, c'est à dire celui qui est le plus entouré par des gens d'une nature proche de lui (ici selon le revenu ou le patrimoine). Il correspond au point culminant d'une courbe : le point qui a la plus forte homogénéité autour de lui.
Qu'en est-il dans la cas de la France ? En ce qui concerne le revenu et le patrimoine on peut déterminer que :
- le revenu moyen est de 58 000 francs
- le revenu médian est de 50 000 francs
- le revenu modal est de 37 000 francs
- le patrimoine moyen est de 900 000 francs
- le patrimoine médian est de 500 000 francs
- le patrimoine modal est de 0 franc
Ces chiffres illustrent le peu de sens qu'aurait un portrair-robot basé sur la moyenne.
Le graphe page suivante réalisé par Louis
Chauvel , montre bien la différence de répartition des revenus
disponibles (gauche) et des patrimoines (droite) pour la France :
- Dans le cas des revenus, l'écart entre médiane
et moyenne (16%) permet de concevoir que l'on puisse utiliser la notion
de Français moyen en fonction du revenu, cependant on constate son
inexactitude par rapport au revenu médian et son incomplétude
par rapport à l'approche modale. Ici la moyenne a un sens si et
seulement si elle est comparée aux deux autres indicateurs. En moyenne
le revenu en France est de 58 000 francs, en sachant que 50% de français
disposent de moins de 50 000 francs et que on a plus de chance de trouver
des français qui disposent de 37 000 francs environ que de tout
autre revenu. Si le Français moyen se définit arithmétiquement,
alors il dispose de 58 000 francs, s'il se définit comme celui qui
est au milieu, alors il dispose de 50 000 francs, s'il se définit
comme le plus commun alors il dispose de 37 000 francs.
- Dans la cas des patrimoines, l'approche en terme de médiane
est la plus pertinente. L'approche modale n'apporte pas grand chose, quant
à l'approche moyenne elle ne reflète aucunement la réalité.
Ce cas est une bonne illustration des problèmes de dispersion et
de la non-pertinence de la notion de moyenne dans le cas d'une forte leptocurticité.
L'intérêt de l'approche patrimoniale est au moins de montrer
la limite de la notion de Français moyen.
2 - Le problème de l'hétérogénéité
Le second problème méthodologique fondamental est celui de l'hétérogénéité. Au delà de la dispersion, il s'agit de savoir si la moyenne, la médiane ou le mode ont un sens et si ce ne sont pas plutôt des artifices. L'idée ici sous entendue est qu'il y aurait, pour certains critères, de fortes hétérogénéités qui rendraient une analyse globale impossible. Certains cas de figure existent et trois variables de seuils semblent prédominer :
- l'âge qui influence sur les rapports au revenu, au patrimoine et à la consommation. L'analyse en terme de cycle de vie est souvent négligée mais il semble que statistiquement elle garde son importance.
- l'habitat, sans remonter à André Siegfried, est aussi déterminant et est source de fortes hétérogénéités en terme de revenu, de vote et de pratiques (peut-on chercher une moyenne au niveau transport entre un parisien et un appelou, habitants, comme leur nom l'indiquent, de Paris et de Firminy).
- le sexe est également une source majeure d'hétérogénéité : salaire (temps partiel fortement féminisé), structure familiale (famille monoparentale très souvent maternelle), la particularité de l'altruisme via le lien mère-fille sont quelques exemples des différences. L'une des plus significatives demeure la question des dépenses de santé pour lesquelles la différence sexuelle est fondamentale (ici sexe et cycle de vie). Plus généralement, selon Didier Verger, dès que l'on affine toutes données économiques ou sociales, la différence sexuelle rend l'analyse globale inopérante et de ce fait rend obligatoire une analyse par groupe.
Les autres variables (tel le niveau de diplôme) peuvent
être considérées comme d'importance secondaire.
Les outils comme moyenne, mode ou médiane ne seraient
utilisables que sur des groupes restreints qui formeraient une population
homogène. On aurait alors des Français par type et la notion
de Français moyen tomberait. Deux types d'approches sont alors possibles
:
- une segmentation par groupes homogènes (exemple des socio-types) : chercher un individu moyen dans le groupe des célibataires parisiens, une personne moyenne parmi les familles habitant dans une commune rurale, ... (approche de Didier Herpin)
- faire une pré-analyse sociologique afin de constituer
un groupe moyen (la fameuse classe moyenne ) que l'on considérerait
par une hypothèse forte comme homogène et au sein de laquelle
on rechercherait le Français moyen (approche de Mendras et de Didier
Verger pour qui ce groupe moyen homogène constituerait 80% de population
française).
3 - Comment utiliser les loisirs et les pratique culturelles pour
cerner le Français moyen ?
D'emblée, aborder le thème de la culture sous
un angle statistique apparaît au mieux comme une gageure, au pire
comme une imposture. Qu'y a-t-il, en effet, de moins quantifiable, de moins
mesurable, et finalement de moins réductible à une hypothétique
"moyenne", chiffrée ou non, que la culture de chacun, critère
insaisissable et fluctuant de façon permanente ? Cette considération
amène naturellement à cerner notre objet d'étude de
manière restrictive : il s'agira, en conséquence, d'analyser
les pratiques culturelles qui pourraient être celles du Français
moyen, et qui se rapportent principalement à ses loisirs.
Cette troisième partie vise à illustrer, en s'attardant sur un aspect relativement ciblé, les difficultés posées par les tentatives de cerner le Français moyen en regard de sa consommation et de son mode de vie : il conviendra de s'interroger sur la manière dont on peut cerner M. Martin comme appartenant à une catégorie ; dont on peut assurer la cohérence de son portrait ; dont on peut prendre en compte le critère dynamique.
Sur ce thème des pratiques culturelles, les références les plus évidentes sont les différentes publications de M. Olivier Donnat, chercheur au Département des études et de la prospective du ministère de la Culture :
Les Français face à la culture. Paris : La Découverte,
1994.
Les pratiques culturelles des Français. Paris : La Découverte,
1990.
Les amateurs : enquête sur les activités artistiques des
Français. Paris : Ministère de la Culture, 1996.
Tous les spécialistes que nous avons consultés
en vue d'obtenir un entretien nous ont orientés vers M. Donnat.
Malheureusement, comme nous l'avons précisé dans le III,
celui-ci n'a pas souhaité nous recevoir, invoquant le triple motif
qu'il manquait de temps (?...), qu'il ne voyait pas de quoi nous pourrions
parler (!!?!?), et que toutes les informations nécessaires se trouvaient
dans ses ouvrages (...!). Le prenant au mot sur ce dernier argument; nous
sommes donc passés outre l'étape de l'entretien.
La première difficulté qui apparaît tient
à la définition même de ce qu'il convient de regrouper
sous les termes "loisirs" (comme pour l'INSEE) et "culture", d'où
une série d'interrogations qui ont le mérite de souligner
l'extrême inadaptation de l'outil statistique dans ce domaine :
· Faut-il prendre en compte ce que les individus désignent eux-mêmes comme étant des pratiques culturelles ? Si l'on considère le fossé qui sépare l'appréciation des partisans du "tout-culturel" de celle des tenants de la "vraie culture", on mesure les limites que comporte toute approche chiffrée. Parallèlement, à titre d'exemple, le fait de chanter dans une chorale religieuse peut être perçu, dans sa nature même, de différentes façons : est-ce un acte de foi ? de sociabilité ? culturel ?...
· Comment classifier les activités ? On peut reprendre l'exemple simple, présenté dans notre I, qui peut symboliser cette difficulté supplémentaire : le fait d'utiliser un CD-Rom sur le Louvre doit-il être compris, de la part de l'individu considéré, comme la visite d'un musée ou la pratique de l'informatique (ce qui n'a pas les mêmes répercussions dans l'analyse statistique) ?
· Où situer la limite entre loisirs et travail ? D'une part, il ne faut pas perdre de vue que certaines activités perçues comme spécifiquement culturelles constituent des professions à part entière. D'autre part, certaines activités non-professionnelles (bricolage, jardinage, courses) sont elles aussi bien difficiles à classer : loisirs ou tâches domestiques ?
· Comment insérer dans la réflexion le critère
d'intensité ? On trouve là, sans doute, l'obstacle majeur
à toute approche statistique. La fréquence avec laquelle
l'individu va au cinéma ou lit une publication précise, l'intérêt
qu'il y porte, la conviction qu'il y met, sont autant de facteurs qui contribuent
à compliquer l'analyse et à limiter sa portée.
Ainsi, dès l'origine, il convient de percevoir les inévitables
imperfections qui se font jour à l'étape du recueil des données,
pourtant indispensable à toute analyse en termes statistiques. Ces
limites, édifiantes quant à la méthode elle-même,
étant posées, on peut développer un premier type d'approche
dans la perspective de dresser un portrait-robot de M. Martin selon l'angle
de ses pratiques culturelles : il consiste à relever, dans une phase
purement empirique, les variables les plus courantes enregistrées
du côté de la moyenne des Français pour les agréger
sur le Français moyen. Deux démarches statistiques peuvent
être invoquées dans ce cadre :
· La démarche moyenne, qui consiste à diviser la pratique totale de l'activité par le nombre de Français. Mais elle doit être rapidement écartée, pour deux raisons : le "numérateur" est souvent introuvable, inchiffrable ou inadapté (M. Martin écouterait de la musique qui serait un mélange savamment proportionné de classique, de jazz, de rock, de variétés...) ; enfin, le résultat auquel aboutit l'utilisation de la moyenne est irréaliste : la simple intuition suffit à se convaincre que ni le Français moyen, ni aucun Français, ne cumule l'ensemble des pratiques culturelles imaginables (un hypothétique "M. Martin" se tourne vers plusieurs pratiques particulières, guidé par ses goûts personnels).
· La démarche modale, qui consiste à repérer
les activités culturelles ou de loisirs pratiquées par le
nombre le plus important d'individus dans la population. Le "Français
modal" serait ainsi la personne qui, pour chaque activité, trouverait
autour d'elle le plus grand nombre de compatriotes identiques à
elle sur ce point. Dans ces conditions, il est bien plus aisé de
dresser un portrait-robot de Mme Martin (le Français modal est en
effet une Française modale !), qui réunirait les critères
suivants en matière de culture et de loisirs :
-au cours des 12 derniers mois, elle est partie en vacances (63 %)
;
-elle a fait des travaux de petit bricolage (50 %) ;
-elle est partie en week-end (48 %) ;
-elle a fait les boutiques (45 %) ;
-elle a joué aux cartes (43 %) ;
-elle a fait pousser des fleurs (38 %) ;
-elle sort le soir pour aller chez des amis (60 %) ou chez des parents
(51 %) ;
-elle lit régulièrement la presse régionale (46
%) et un magazine de télévision (51 %) ;
-etc.
Cette démarche modale apparaît plus pertinente,
mais elle souffre, elle aussi, de nombreux travers : rareté des
variables caractérisant plus de la moitié des Français
; le caractère discutable des variables elles-mêmes.
En somme, dans le domaine de la culture et des loisirs,
les tentatives pour bâtir un Français moyen "en pièces
détachées" aboutissent toutes à une impasse : imprécisions,
usage d'artifices douteux, irréalisme... viennent s'ajouter aux
problèmes, évoqués plus haut, qui sont posés
par la définition de l'objet "culture-loisirs". Surtout, on s'aperçoit,
en consultant tout autant son bon sens que les documents parus sur la question,
que l'on ne peut que faire fausse route en fondant son analyse sur la population
française dans son ensemble : il existe de telles disparités,
de tels clivages, entre les différents segments de la population,
que toute étude qui ne les prendrait pas en compte tiendrait largement
de l'imposture. Par exemple, les Parisiens sont à peu près
trois fois plus nombreux que la moyenne à pratiquer les diverses
formes d'activités culturelles, qu'il s'agisse de l'assistance à
des concerts, à un opéra, d'aller au théâtre
ou au cinéma ! C'est pourquoi il convient de développer un
second type d'approche, qui s'attache à définir le Français
moyen culturel comme appartenant à une catégorie homogène,
cohérente, de la population, ce qui amène l'analyse à
la limite des domaines sociologique et statistique. Tout le problème
revient donc à repérer des régularités, des
corrélations, en recoupant les activités culturelles avec
des variables autonomes telles que le revenu, l'âge, le sexe, le
niveau de diplôme ou le lieu d'habitation, un exercice d'autant plus
difficile que la plupart des activités se sont démocratisées
et que l'on ne peut plus établir de lien direct et exclusif entre
un loisir particulier et une classe d'âge ou une classe sociale.
Dans ce cadre, la méthode de recueil et de traitement immédiat des données appelle, en elle-même, peu de commentaires. Utilisant les ressources de l'enquête quantitative, elle se fonde sur des tableaux de corrélations, aussi complets que celui qu'expose le document 1, et qui permettent de mettre en évidence des tendances disparates : par exemple, la propension à pratiquer le jogging s'exerce beaucoup plus fortement sur les urbains que sur les ruraux, sur les cadres que sur les agriculteurs, sur les "15-19 ans" que sur les "65 ans et plus" ; les femmes sont plus enclines à faire de la gymnastique que les hommes ; ceux-ci jouent plus souvent aux boules ; etc... A partir de cette méthode des corrélations, deux options sont possibles dans notre quête du Français moyen en termes de loisirs et de culture :
Première option : Si l'on "dispose" déjà
d'un "Français standard", parfaitement ciblé, en matière
d'âge, de sexe, de diplôme, de lieu d'habitation, de situation
familiale et de PCS, on a la possibilité de bâtir, par tâtonnements
successifs, un portrait-robot à peu près satisfaisant. Par
exemple, si notre "Français standard" est une jeune employée
parisienne, on pourra lui attribuer le loisir d'essayer de nouvelles recettes
de cuisine ; en revanche, si le "Français standard" préalable
est un lycéen ayant le BEPC et résidant en région
parisienne, on peut, sans risque, affirmer qu'il pratique un sport d'équipe...
Mais, comme on l'a vu dans les deux parties précédentes,
relatives au revenu et au mode de vie, il est impossible de construire
un portrait-robot tout à fait pertinent et cohérent de ce
que serait le "Français standard".
Par ailleurs, si l'on parvient à croiser les données
disponibles de manière à dégager des corrélations
suffisamment étroites pour être exploitables, on peut établir
des "échelles" relativement explicites, comme le montre le document
2. Sur ce document, il est bien évident qu'à une PCS ne correspond
pas strictement un comportement culturel ; des observations statistiques
ponctuelles permettent seulement d'évoquer des propensions fortes
à ce qu'une même personne réunisse une situation particulière
et un comportement particulier... Il reste que la question du portrait
de M. Martin demeure non élucidée dans le cadre de cette
échelle, par ailleurs très discutable.
Seconde option (et dernière chance) : Cest celle de l'analyse
factorielle, qui consiste à représenter chaque individu par
un point dans un repère à plusieurs variables (les habitudes
culturelles dans différents domaines, l'âge, le sexe, la PCS...),
à supposer bien sûr que chacune soit, au moins artificiellement,
chiffrable ; telle est la méthode utilisée par Mendras. A
l'issue de cette construction (abstraite), il s'agit de repérer
et de catégoriser les "nuages de points" les plus denses qui se
dégagent nécessairement : en matière culturelle, des
tendances associant jeune âge, goût pour le rock et lecture
de romans de science-fiction, ou bien résidence parisienne, intérêt
pour le théâtre et la musique classique, par exemple, sont
particulièrement visibles ; mais il faut prendre garde à
ne pas les ériger en règles absolues et exclusives. Olivier
Donnat s'est essayé à cet exercice, qui l'a amené
à établir une typologie de la société française
composée de sept groupes, définis par ce qu'il appelle leur
"univers culturel" : le groupe de l'exclusion ; le groupe du dénuement
culturel ; le groupe juvénile ; le groupe classique ; le groupe
cultivé moderne ; le groupe branché ; et enfin, le groupe
du carrefour de la moyenne, dont il écrit ce qui suit (Les Français
face à la culture, p. 341) :
4 - La majorité des indicateurs socio-politiques mettent en évidence des situations trop hétérogènes pour être réduites à une moyenne.
Profession, statut et vote. (Nonna Mayer)
Les enquêtes pionnières de l’école de Columbia peuvent se résumer par la formule lapidaire de Lazarsfeld: "People think politically as they are socially". De nombreux travaux de sociologie électorale ont mis en lumière l’effet déterminant de la situation professionnelle sur le vote. Aux Etats-Unis et plus encore en Europe, les clivages partisans se sont formés sur une base de classe, les ouvriers portant plus volontiers leurs suffrages aux partis de gauche et les classes moyennes et supérieures aux partis de droite; modèle aujourd’hui remis en cause.
Généralement, l'analyse de ces clivages se fait par les catégories socioprofessionnelles. L'enquête du CEVIPOF à la suite des élections présidentielles de 1995 permet d'en établir quelques uns:
· Le simple fait d’exercer une activité professionnelle,
généralement salariée (un actif sur six), incline
à gauche. Inversement, chez les femmes au foyer qui n’ont jamais
travaillé, le niveau du vote de gauche descend à 33%. Les
exceptions à la règle sont les étudiants, qui comme
en 1978 et 1988 sont nettement plus à gauche, et les chômeurs.
La gauche recule chez les chômeurs, au profit du vote Front National
(23% de leurs suffrages en 1995, contre 14% chez les actifs).
· Parmi les actifs, on retrouve le classique clivage entre indépendants
et salariés. Le vote de gauche atteint son niveau le plus bas chez
les agriculteurs et les patrons, alors qu’il est majoritaire chez les salariés.
La gauche n’est plus majoritaire chez les employés, recul qui se
fait là encore au profit du Front National qui progresse dans les
milieux populaires.
· Les professions libérales se distinguent par leur très faible niveau de vote pour la gauche (35%). Politiquement, elles sont manifestement plus proches des travailleurs indépendant que des autres membre du groupe"professions intellectuelles supérieures".
· Un autre clivage oppose secteur privé et secteur public: les salariés des entreprises privées votent de manière relativement homogène majoritairement pour la droite. En revanche, les salariés du public votent beaucoup plus souvent pour la gauche, dans des proportions qui atteignent 69% chez les professeurs, 64% chez les instituteurs et plus de 50% chez les autres salariés
La situation professionnelle exerce donc sur les comportements politiques
une influence plus déterminante que la position sociale, repérée
par le niveau des revenus, des diplômes ou du prestige. Ainsi, à
niveau socioculturel comparable, ouvriers et agriculteurs, professeurs
et membres des professions libérales font des choix électoraux
diamétralement opposés. La meilleure façon de raisonner
sur le Français moyen serait de le cibler en fonction de sa catégorie
socioprofessionnelle.
Une analyse de régression logistique, prenant comme variable
dépendante le vote au premier tour de l’élection présidentielle
de 1995 (candidats de gauche et écologistes opposés à
tous les autres) et comme variables indépendantes le montant
des revenus mensuels du foyer, le nombre d’éléments du patrimoine
mobilier ou immobilier, le niveau du diplôme, le nombre d’attributs
indépendants, ouvriers, secteur public, montre que la variable qui
a l’influence la plus importante est le degré d’intégration
au secteur public, précédant de très peu le degré
d’intégration au milieu des indépendants, comme en témoigne
la valeur du coefficient qui mesure l’effet de chaque variable, le wald:
· attaches avec le public: 41,9
· Attaches indépendantes: 40,0
· Niveau de diplôme: 23,6
· Attaches ouvrières: 22,3
· Eléments du patrimoine: 5,4
· Revenu mensuel: 3,3
Il semble donc plus pertinent de croiser systématiquement groupe socioprofessionnel et statut professionnel pour saisir l’influence de la profession sur le vote. Ainsi apparaissent des clivages particulièrement importants.
Ajoutons que sans être totalement déterminante, l’origine sociale (indicateur profession du père) complète le modèle explicatif du comportement politique. Elle est notamment un facteur discriminant du vote de gauche.
Les indicateurs de niveau d’intégration religieuse
En 1995 comme en 1988, le degré d’intégration à la communauté religieuse et à ses valeurs reste un élément décisif du choix électoral. La probabilité de voter pour un candidat de gauche diminue régulièrement avec la fréquence de la pratique religieuse, passant au premier tour des élections de 1995 de 81% chez ceux qui se déclarent sans religion à 30% chez les catholiques qui vont à la messe au moins une fois par mois et descendant jusqu’à 11% chez ceux qui y vont plusieurs fois par semaine, soit des écarts analogues à ceux observés en 1988. La religion pèse donc sur le choix électoral.
Construire un indicateur significatif du niveau d’intégration à une religion suppose deux choix préalables: celui d’une définition de l’appartenance à cette religion et celui d’une mesure du degré de cette appartenance.
L’appartenance à la religion se détermine par une déclaration d’appartenance subjective. Quand, en 1994, on demande aux Français: "Quelle est votre religion, si vous en avez une?", 77% répondent "catholique", 18% "sans religion", l’ensemble des "autres religions" représente 5% de la population. On aurait donc un Français moyen catholique.
Cependant, toutes les personnes qui se déclarent catholiques ne le sont pas au même degré, et toutes n’adhèrent pas également au système organisé de représentations, d’attitudes, de normes, de croyances et de pratiques que constitue le catholicisme. On a donc construit différents indicateurs de pratique religieuse: assistance à la messe (de moins en moins significatif), importance personnelle de la foi, autodéfinition "très bien, assez bien, assez peu, pas du tout croyant, chrétien ou catholique", sachant que les non pratiquants représentent à peu près la moitié de la population.
Selon la croyance en l’existence de Dieu, les proportions de proximité politiques varient de façon significative. Là encore, la religion établit des clivages discriminants qui ne permettent guère d'établir un électeur moyen.
Effet d’âge, effet de génération:
Définitions:
L’effet d’âge, ou du cycle de vie, est l’influence, supposée
constante, des différentes étapes de la vie (adolescence,
jeunesse, âge mûr, vieillesse) sur les comportements des individus.
L’effet de génération est la marque laissée par le cours de l’histoire sur un groupe particulier, né au même moment dans le même espace géographique et/ou social, et qui manifestent des comportements proches, par exemple les attitudes particulières des baby-boomers.
Les différences entre effet d'âge et effet de génération se marquent à travers des analyses temporelles par cohortes (qui permettent de mesurer les différences de comportement entre classes d’âge).
Exemple: question mise au point par Guy Michelat et Michel Simon et posée dans des sondages de 1966, 1978 et 1988: "Certains disent, en parlant de la politique, que ce sont des choses trop compliquées et qu’il faut être un spécialiste pour les comprendre. Etes-vous d’accord avec cette façon de voir?"
Effet d’âge:il apparaît qu’à chaque fois, les personnes
âgées se sentent moins compétentes politiquement que
les autres classes d’âge.
Effet de génération: le point de rupture par rapport
à la moyenne s’opère de plus en plus tard; les générations
les plus âgées en 1966 et 1978 ont pratiquement disparu en
1988. Ce phénomène s’explique par l’élévation
massive du niveau de diplôme de génération en génération.
De même, on constate un effet de génération au niveau de l’autopositionnement gauche-droite. En 1978, les moins de 30 ans sont nettement plus à gauche que la moyenne, les 30-60 ans à peu près dans la moyenne, et les plus de 60 ans fortement moins à gauche que l’ensemble de l’électorat.
En 1992, les plus jeunes sont moins à gauche que l’ensemble de l’électorat; seules restent à gauche les générations intermédiaires qui constituaient la jeunesse des années 70.
On constate des effets encore plus nette de l’âge et de la génération dans le domaine des valeurs (libéralisme économique, permissivité sexuelle, l’engagement politique...). Il est intéressant de pouvoir suivre un profil moyen de génération en même temps qu'il s'avère impossible de déterminer l'âge exact du Français moyen. Il est plus pertinent de raisonner en classe d'âge car, en fait , chaque classe a son Français moyen.
Ces phénomènes ne sont véritablement analysables
qu’à partir d’analyses qualitatives; cependant, l’analyse statistique
par cohortes ( ou classes d’âge) à périodes espacées
permet de les déceler.
Etant donnée l'hétérogénéité soulignée par les indicateurs, il semble impossible d'établir le portrait de l'électeur moyen: un enseignant non croyant vivant en ville et appartenant à la génération ayant vécu son adolescence dans les années 70 n'est guère comparable avec un membre des professions libérales catholique pratiquant, alors que tous deux appartiennent à la catégorie des professions intellectuelles supérieures et que la majorité de ses membres se considère comme appartenant à la classe moyenne. Il est certes possible, par les indicateurs d'intégration sociale et de valeurs de déceler de grandes tendances traversant l'électorat français. Cependant, ces outils sont insuffisants pour établir le portrait robot du Français moyen; ils doivent être précisément croisé avec les indicateurs qui soulignent l'hétérogénéité de la population et donc nous amène à établir des catégorisation de plus en plus fines. La solution la plus productive reste d'établir des typologies soulignant les grands pôles de l'électorat français.
C - Statistique et vision de la société
1 - Les bases de calcul ou la manipulation de la moyenne
Que l'on s'intéresse à la moyenne ou à la médiane , il est crucial de determiner la base totale du nombre de personnes étudiées. Il faut noter que l'approche est différente selon le patrimoine et le revenu. Pour le patrimoine ont prend généralement comme base le ménage (on estime qu'il ya des économies d'échelles dans les ménages à plusieurs personnes) et pour le revenu disponible on compte par unité de consommation au sein du ménage. Dans cette approche on tient compte du nombre d'individus au sein du ménage, ce qui évite des biais dus au fait que les ménages aisés sont souvent unipersonnels ou "dink" (Double Income, No Kid). On peut alors distinguer trois méthodologies. Pour les expliciter nous prendrons l'exemple d'un ménage (composé d'un couple, de deux enfants et de la grand-mère à charge) dont le revenu global est 300 000 francs :
1 - chaque individu compte unitairement, soit 5 unités
de consommation. Le revenu moyen est alors de
300 000 / 5 = 60 000 (méthode retenue par OFCE)
2 - on attribue le coefficient 1 au premier adulte, 0,7 aux autres
et 0,5 aux mineurs (échelle d'Oxford, l'une des plus utilisées),
soit 1 + 0.7 + 0.7 + 0.5 + 0.5 = 3.4 unités de consommation, soit
un revenu moyen :
300 000 / 3.4 = 88 000
3 - on considère la racine carrée du nombre de personnes
(méthode OCDE), soit 2.2 unités de consommation et un revenu
moyen de
300 000 / 2.2 = 136 000
Au niveau national, le revenu médian selon la méthode de calcul de l'échelle d'Oxford serait de 70 000 francs (l'échelle d'Oxford n'a été abandonée par les grands instituts Français qu'en 1996). On constate donc, que la valeur suggérée peut changer de façon très sensible, chacune des méthodes de calcul, en fait, minorant ou non l'effet famille.
Il n'en demeure pas moins que la définition précise
de la base de calcul est loin d'être neutre. Les médias utilisent
souvent le chiffre du salaire moyen (le plus facile à obtenir),
qui n'est pas le plus pertinent. Le plus grave est que, selon l'image que
l'on veut donner de la France (via l'icône du Français moyen
selon son salaire), une simple manipulation de la base d'analyse permet
de changer les résultats. Ainsi si on ne considère que le
Français salarié à plein temps comme censé
être a priori le Français moyen on pourra affirmer qu'il touche
10 500 francs par mois ; si on considère l'ensemble des salariés
incluant le temps partiel on obtiendra un salaire moyen de 7 500 francs
; enfin si on considère les salariés effectifs et potentiels
(les chômeurs) on arrivera tout juste à 7 000 francs. Le danger
de ce mécanisme est que l'on veut donner l'idée d'une représentation
objective (statistiques officielles...) de ce qu'est le Français
moyen alors que l'on ne fait que donner une apparence de sérieux
à une représentation préconçue. On arrive alors,
pour reprendre Louis Chauvel, a une utilisation démagogique de la
moyenne, outil si facile à manipuler. Cette démagogie est
alors de deux catégories :
- la démagogie inclusive par le haut (cas au moment de
la réforme des allocations familiales en 1997 : le Français
moyen aurait trois enfants, 35 ans et devrait se contenter de 35000 francs
par mois) ;
- la démagogie inclusive par le bas (« les instituteurs
et techniciens font partis du prolétariat comme une majorité
de français opprimés et qui doivent s'unir contre l'exploitation
» pourrait être un exemple de discours de ce type).
2 - L'INSEE et le mythe du Français moyen
Autre point important, le rôle de l'INSEE dans l'image
du Français moyen et ceci via les médias. Didier Verger reconnaît
qu'il y a parfois une image déformée véhiculée
par les médias. Longtemps l'INSEE n'a pas assez réagi, mais
depuis quelques années l'Institut tente de corriger le tir. Ainsi,
chaque publication de l'INSEE et chaque dossier traité par la presse
via les données brutes de l'INSEE s'accompagne (ou devrait) d'un
communiqué à l'AFP afin de préciser certains points
statistiques et éviter les contre-sens. L'objectif est de concilier
le souci scientifique de l'INSEE et le faible espace journalistique laissé
aux explications.
Aujourd'hui, pour Didier Verger, le bilan n'est pas négatif,
il note même une amélioration de la compréhension des
journalistes de certains pièges statistiques en particulier pour
ce qui concerne la consommation. En revanche les statistiques sur les revenus
sont encore source de nombreuses erreurs. Plus généralement,
Didier Verger note une absence de mémoire des médias (retour
cyclique sur les mêmes données bienqu'il n'y ait pas de changement
majeur) et un goût prononcé pour l'anecdote.
D - Le miroir magique
Le mathématicien Bruno Ernst a consacré en 1978 un ouvrage à Maurits Cornelis Escher, ouvrage qu'il nomma du nom d'une des oeuvres d'Escher, le Miroir magique. La construction du portrait-robot du Français moyen est semblable aux figures impossibles qui firent, entre autre la célébrité d'Escher. Une figure impossible, telle la construction de Penrose, est possible partiellement mais ne l'est pas dans son ensemble du moment que l'on l'inscrit dans un espace multidimensionnel. On peut proposer une définition du Français moyen (avec cependant toutes les limites vues), mais les tentatives d'agreger plusieurs dimensions pour constituer ce portrait vont se révéler infructueuses.
1 - Le portrait introuvable
L'établissement d'un portrait-robot nécessite
un instrument statistique qui réponde à certains critères.
Cet instrument, en toute rigueur, doit permettre
- d'avoir une vision claire de ce que peut être le Français
moyen (ou médian ou modal). En effet, par définition, un
portrait-robot n'est valide que si la précision n'est pas antinomique
de la clarté. L'instrument doit donc permettre la synthèse
du plus grand nombre possible d'information sans que cela n'influe sur
la qualité du résultat final. Pour ces raisons, de simples
tris croisés deviennent vite inopérants si l'on veut un portarit-robot
suffisamment fin et précis.
- de pouvoir "mélanger" des données continues
ou non, des données quantitatives ou qualitatives (même si
pour cela on doit passer par un retraitement de conversion).
La statistique dispose d'un tel outil pour lequel la lisibilité
n'est pas une fonction décroissante du nombre et de la finesse des
paramètres étudiés quelque soit la nature de ceux-ci
: se sont les analyses dites multivariées ou fonctionnelles .
Ici, les tris croisés ne sont que le point de départ
de l'analyse. Les différentes données sont retraitées.
Dans une analyse factorielle, la notion d'individu moyen a un sens effectif.
l'individu moyen global est "la moyenne des individus moyens partiels.
On peut donc "extraire" de plusieurs dimensions un individu moyen global
et une dispersion globale des individus par rapport à cet individu
moyen global moyen .
Quelles que soient les dimensions retenues pour tenter
de cerner le Français moyen, l'établissement d'un portrait-robot
nécessiterait donc une analyse factorielle, c'est à dire
la combination de plusieurs crtières sur autant d'axes se croisant
(axe revenu, patrimoine, budget, loisirs et positionnement politique par
exemple). Pour réaliser une telle analyse, il faut préalablement
s'accorder sur quel type d'outil mathématique retenir : la moyenne,
la médiane ou le mode. Or c'est sur ce point que le portrait-robot
risque d'achopper.
- Le Français moyen (au sens de moyenne arithmétique) est pour de nombreux cas unidimensionnels inopérant (patrimoine, loisir, vote ) or, et c'est là le problème du portrait-robot statistique, l'approche en terme de moyenne est la seule pertinente et opérationelle dans une analyse factorielle où l'on combine plusieurs dimensions. On ne pourrait alors faire ce portrait qu'avec des dimensions relevant de données ayant une faible leptocurticité, ce qui limiterait en partie la pertinence d'une telle approche.
- Le Français médian semble dans de nombreux cas unidimensionnels intéressant car représentatif de ce qu'est ce Français-type recherché. Cependant, à l'inverse de la moyenne, l'approche en terme de médiane dans une analyse factorielle est quasi inopérante. En effet, pour déterminer le Français médian grâce à l'ensemble des médianes sur chaque axe, il faudrait procéder par "peeling", c'est à dire par pelage : rechercher les extrèmes absolus et les éliminer, puis déterminer les nouveaux extrêmes et encore les éliminer et ainsi de suite. En fait cette méthode, la seule opérable dans le cas des médianes est non seulement fastidieuse mais en terme de résultat final peu concluante (forte instabilité) tant et si bien, selon Louis Chauvel, que le concept de Français médian n'est utilisable qu'unidimensionnellement (le Français médian selon son patrimoine par exemple) mais ne l'est plus dès que l'on veut faire des croisements avec d'autres attributs.
- Le Français modal peut alors être utilisé,
la moyenne et la médiane étant limitées. Cependant,
cette approche est également peu concluante. Dans certains cas,
en effet, l'approche modale n'est guère recevable, sur une dimension.
C'est le cas pour le patrimoine mais aussi pour l'autopositionnement droite-gauche
(le français modal a tendance à être centre-droit en
partie parce que le choix politique est plus restreint à droite
qu'à gauche dans les études actuelles, il alors normal que
les voix de "droite" soient moins dispersées, du moins dans ces
approches). En analyse factorielle, la modalité n'est guère
pertinente selon Louis Chauvel : on risque d'aboutir à une "individualité
de points" n'ayant au total pas grande logique : le français modal
serait alors un hybride peu réaliste.
On peut donc en déduire qu'on ne peut établir statistiquement de portrait-robot du Français moyen puisqu'il y a incompatibilité des méthodes statistiques. Un portrait-robot ne serait que très partiel et incomplet. Soit on considère une et une seule dimension (revenu, loisir, vote) et alors on tente de définir selon cette dimension le français moyen (avec à chaque fois la question de la pertinence de cette dimension, le tryptique moyenne - médiane - mode) soit on veut faire effectivement un portrait-robot (combiner plusieurs dimensions) et dans ce cas, statistiquement, seules des variables à faible leptocurticité (donc, où la moyenne est pertinente) sont utilisables. Or comme on l'a vu, l'approche par la moyenne est, unidimensionnellement, rarement significative. Le portrait robot du Français moyen est donc un objet impossible, statistiquement.
2 - Un Français introuvable ?
Il semble donc que l'on ne pourrait établir de portrait-robot du Français moyen que dans trois cas de figure, finalement peu satisfaisants :
1 - N'utiliser que des données suivant une loi normale
c'est-à-dire où moyenne = médiane = mode. Dans ce
cas la moyenne peut être acceptable (ce qui n'est pas une certitude)
et l'analyse factorielle possible.
=> Limite : il n'existe quasiment aucune donnée pertinente suivant
la loi de Gauss (sauf le QI, mais est-ce vraiment une donnée pertinente
? ).
2 - Se contenter d'une seule dimension pour appréhender
le Français moyen
=> Limite : non seulement cela ne permet pas de faire stricto sensu
un portrait robot, de plus quel critère retenir : hier la taille,
aujourd'hui le revenu, demain le nombre de site Internet a son nom ?
3 - Abandonner l'idée globalisante et se contenter soit
de groupes homogènes selon l'âge et l'habitat par exemple
ou bien ne considérer qu'un groupe moyen préalablement défini
=> Limite : cette approche est aujourd'hui la plus opérationnelle,
mais est, d'un point de vue statistique, problématique : l'individu
moyen du groupe moyen ne peut être considéré comme
l'individu global moyen en réintégrant les extrèmes.
De plus, la question est contournée : c'est un a priori sociologique
fort que l'on introduit : une telle approche peut tout aussi bien être
considérée comme une hypothèse forte nécessaire
(Verger) que comme un biais douteux (Chauvel).
Nous laissons donc des pistes de reflexions ouvertes.
Aura -t -on un jour la possibilité d'avoir ce portrait mystérieux
? Trois voies restent ouvertes :
1 - La voie du serpent (qui se mord la queue)
Les approches sociologiques (Mendras) et l'image véhiculée
par les médias de l'existence d'un Français moyen dans un
groupe moyen, rendent de plus en plus compliqué le travail des statisticiens.
Effectivement de plus en plus de personnes testées biaisent volontairement
(et croyant bien faire ! ) leur réponse pour se conformer à
ce qu'elles considèrent être leur propre moyenne. Ainsi, l'étude
"temps" de l'INSEE consistait à demander à des sujets de
noter pendant une journée toutes les 5 minutes ce qu'ils faisaient.
Or, certains ne l'ont pas fait le jour demandé car ils faisaient
quelque chose d'exceptionnel (mariage par exemple) et ont voulu transcrire
leur journée moyene - type, alors que ce n'est pas ce que demandent
les statisticiens. Ce type de comportement (de bonne foi) semble se développer
et à terme peut être un biais fort pour de nombreuses enquêtes.
2 - La voie Tryphon Tournesol (professeur Cubitus)
Les statistiques ne sont pas mortes. Cette science vit et se
développe. On peut supposer que dans les années à
venir certains des problèmes rencontrés auront été
résolus. Mathématiquement, la recherche algébrique
de nouvelles formes d'analyses factorielles non fondées sur les
moyennes est en cours. Techniquement, l'INSEE comme d'autres instituts
réflechi sur les manières d'améliorer ses techniques
d'enquêtes. Enfin, de nouveaux instruments apparaissent comme récemment
pour l'autopositionnement social.
3 - La voie Fox Mulder (la vérité est ailleurs)
Et si le Français moyen existait bel et bien et qu'on
nous l'avait caché ? Les personnes que nous avons rencontré
font partie du même milieu (sans conotation péjorative) et
se connaissent toutes plus ou moins. Or leurs réponses, malgré
quelques divergences, vont toutes dans le même sens : il n'existe
pas. On peut alors se demander s'il n' y pas "un complot" pour cacher
le Français moyen. Sans verser dans la paranoïa, un élément
nous permet d'avoir un doute, fut-il infime. A la question de la
pertinence de l'échelle nationale (un européen moyen ?) les
réponses sont allées dans le sens, à terme, d'une
régionalisation des comparaisons où les lignes de fractures
seraient intra-étatiques et non inter-étatiques. Ainsi, pour
certains pays la notion de "moyen" n'a vraiment aucun sens : il n'y a assuremment
pas d'Italien moyen, mais peut être un Italien du Sud moyen ou un
Italien du Nord moyen ,selon Didier Verger. On pourait faire de même
avec l'Allemagne de l'est et celle de l'ouest. Or, ici, en comparaison
avec les autres pays européens, la France apparait comme le pays
où le Français moyen à géographiquement
le plus de sens. La centralisation aurait limité les disparités
régionales. Seules deux limites : la Suède ferait mieux au
point de vue revenu (plus homogène) et, en France, la consommation
alimentaire de certains produits reste très régionale (vin,
beurre, bière). Ainsi, donc l'individu moyen n'existe pas, mais
s'il avait un pays se serait la France. Curieux paradoxe.
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