Les Saguenéens de Chicoutimi

Un club d'avenir, riche d'histoire

Par Francois Béliveau

 

La fameuse petite maison blanche qui résista fièrement aux trombes d'eau il y a deux ans, dans l'inondation au Saguenay, est actuellement consolidée, avec les grandes résidences abandonnées voisines.  On coule du ciment, on y prépare un parc thématique.

C'est aussi du ciment qu'il faudrait aux Saguenéens, le club de Marc Tremblay, unique propriétaire, qui coule de partout.  L'une des deux pires offensives du circuit, parmi les trois moins solides clubs en défensive.  Pour une organisation de 27 ans c'est dramatique.  On pardonne plus aisément aux clubs d'expansion.

La saison dernière le club du Royaume du Saguenay a perdu 105 000 $, absorbant les surplus épargnés dans les bonnes années, et il faut prévoir d'autres difficultés de ce côté-là malgré 604 billets de saison vendus.  Les fidèles partisans se découragent.

Pourtant cette équipe, qui a été trois fois championne de sa division et 13 autres fois parmi les trois premières, trois fois au tournoi de la Coupe Memorial depuis 1991, qui a franchi les 2 000 matches et 2,6 millions de spectateurs depuis 1973, possède une histoire riche.  Les bannières de Guy Carbonneau, Normand Léveillé et Félix Potvin au plafond de l'aréna en témoignent, mais il faut aussi parler de ses excellents gardiens des dernières années, Potvin, Éric Fichaud, Marc Denis...

Comment ne seraient-ils pas inspirés alors que l'amphithéâtre construit en 1947 porte le nom de Georges Vézina, décédé de la tuberculose en mars 1926 après avoir joué pour le Canadien du 31 décembre 1910 (la Ligue nationale n'existait pas encore) jusqu'en novembre 1925, quand il s'affaissa sur la glace, victime de la fièvre.  Un an après sa mort, on créa le trophée Georges-Vézina honorant le meilleur gardien de la LNH.  Notons qu'à l'époque un gardien ne pouvait se jeter à terre ou faire des passes à ses coéquipiers.  Il fut remarqué après que son club de Chicoutimi, en 1909, eut battu le Canadien 10-5 et les Bulldogs de Québec 10-8.

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Le propriétaire Marc Tremblay, 46 ans, qui a fondé en 1988 la chaîne Super Frite, 28 restaurants situés surtout dans les centres commerciaux, est arrivé chez les Saguenéens en 1992 avec la conviction d'être capable de les relancer.  Il a soulagé la Ville en rachetant la concession 160 000 $ et en investissant 150 000 $, mais celle-ci, qui lui accorda les concessions de snacks et de bars pour tout événement au Centre Georges-Vézina, ainsi que l'utilisation de la patinoire, des bureaux et vestiaires, détient le premier droit de rachat (ou de refus) à environ 350 000 $.  C'est l'équivalent d'une offre refusée par Tremblay l'an dernier.

Les Saguenéens, qui ont à la région par les retombées financières habituelles, et en embauchant quatre personnes, ainsi que sept à temps partiel.  La Ville assume le coût du service d'ordre.

Ils ont changé d'entraîneur cet automne, embauchant Martin Daoust à la place de Christian La Rue, après un mauvais début de saison.  Daoust, 33 ans, père de trois enfants, 14e déménagement en dix ans, dirigeait les Riverains de Charles-Lemoyne (midget AAA).  "Mon mandat est simple, dit-il.  Grimper au classement!"

Mais le club descend...  "On a une majorité de jeunes, 13 joueurs de 16 à 18 ans, huit de 19 et 20 ans, explique Marc Tremblay.  Notre meilleur espoir:   Karl St-Pierre, 16 ans.  Trois joueurs sont d'ici, le gardien Rémi Bergeron et l'ailier Sacha Fillion, de Chicoutimi, et le centre Marc Villeneuve, d'Alma.   C'est un club d'avenir, et plusieurs clubs nous téléphonent pour nous offrir des transactions."

 

La Presse, 29 Décembre 1998.


Deux as marqueurs très en demande

 

L'entraîneur des Saguenéens, Martin Daoust, souffre de l'absence de son marqueur Ramzi Abid, blessé le 13 novembre, et qui a joué à peine la moitié des matchs, soit 21, amassant 26 points.

"Je devrais être de retour avant la mi-janvier.  Je rencontre le médecin le 28 décembre.  Je me sens prêt à patiner et j'ai bien hâte", déclare le champion compteur la saison dernière avec 135 points en 68 matchs (50 buts), alors qu'il n'avait que 17 ans.

Mais Daoust devra peut-être en faire son deuil.  Le mauvais bilan des Saguenéens favorisera l'échange de vétérans et Abid, ainsi que Mathieu Benoît, sont très en demande.  Le président Tremblay aurait recu des appels de Moncton, Halifax, Bathurst, Québec...  Par contre, à 18 ans, Abid constitue un atout trop important pour les Saguenéens.  Il faudrait vraiment qu'on offre terre et lune pour que l'équipe accepte de s'en séparer.

"Ce serait décevant de quitter Chicoutimi, dit l'ailier de 6'2, 205 livres, repêché par l'Avalanche du Colorado.  J'ai beaucoup aimé vivre dans cette ville.   Mais ce serait plaisant de jouer pour un club gagnant, quand on attend un contrat professionnel."

Fils d'un Tunisien et d'une Écossaise, Abid se console car il pourra jouer avec Équipe Canada jr l'an prochain.  En mars dernier, une blessure à son coéquipier Mathieu Benoît lui a permis de conquérir le championnat des marqueurs.  Benoît, 6' et 205 livres, repêché par les Devil du New Jersey, avait raté les 11 derniers matchs alors qu'il dominait.  Il avait tout de même fini quatrième avec 117 points (56 buts) en 59 matchs, derrière Pierre Dagenais et Mike Ribeiro, des Huskies... et devant Vincent Lecavalier.

Ce Benoît, plusieurs fois joueur de la semaine, et du mois de novembre l'an dernier, arrive au volant de sa "minoune 1986" une heure avant les autres.  Il visualise son match dans les gradins.

Fils d'un imprimeur, né à Saint-Clet, près de Valleyfield, il croyait être invité par Équipe Canada, justement parce qu'il a 19 ans.  "J'étais premier sur la liste de réserve, affirme-t-il.  De plus, ils disaient qu'ils avaient manqué de marqueurs l'an passé."

Mathieu serait encore le meneur cet hiver s'il avait été plus motivé, si Abid n'avait été blessé, au lieu d'occuper le 13e rang avec 53 points en 36 matchs.  Il est troisième des francs-tireurs avec 39 buts, à égalité avec Mike Ribeiro, derrière James Desmarais et Ladislav Nagy.

Nagy joue pour la Slovaquie au Mondial.  Desmarais et Benoît sèchent:   "De la boulechite quand ils ont dit qu'ils préféraient des gars de talent de 19 ans, pour excuser le peu de Québécois, s'insurge Mathieu.  James et moi avons tous les deux 19 ans."

"Quand on joue pour un club perdant, tout est plus difficile, intervient son père Serge.  Mon fils semble parfois seul sur la glace.  Il a obtenu des matchs de trois et quatre buts récemment."

Un changement d'air, et la "bomba Benoît", qui prévoit signer son contrat avec les Devils le 1er juin, explosera encore!  Les autres clubs le savent et pour l'instant c'est la loterie Benoît.

Mais les partisans des Saguenéens, et Daoust, en pâtiront.

 

La Presse, 29 Décembre 1998.


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