THÉOPHILE GAUTIER

(1811-1872)


LA CARAVANE

La caravane humaine au Sahara du monde,
Par ce chemin des ans qui n'a pas de retour,
S'en va traînant le pied, brûlée aux feux du jour,
Et buvant sur ses bras la sueur qui l'inonde.

Le grand lion rugit et la tempête gronde;
à l'horizon fuyard, ni minaret, ni tour;
La seule ombre qu'on ait, c'est l'ombre du vautour,
Qui traverse le ciel, cherchant sa proie immonde.

L'on avance toujours, et voici que l'on voit
Quelque chose de vert que l'on se montre au doigt:
C'est un bois de cyprès, semé de blanches pierres.

Dieu, pour vous reposer, dans le désert du temps,
Comme des oasis, a mis les cimetières:
Couchez-vous et dormez, voyageurs haletants.


L'IMPASSIBLE

La Satiété dort au fond de vos grands yeux:
En eux, plus de désirs, plus d'amour, plus d'envie;
Ils ont bu la lumière, ils ont tari la vie,
Comme une mer profonde où s'absorbent les cieux.

Sous leur bleu sombre on lit le vaste ennui des Dieux,
Pour qui toute chimère est d'avance assouvie,
Et qui, sachant l'effet dont la cause est suivie,
Mélangent au présent l'avenir déjà vieux.

L'infini s'est fondu dans vos larges prunelles,
Et devant ce miroir qui ne réfléchit rien
L'Amour découragé s'assoit, fermant ses ailes.

Vous, cependant, avec un calme olympien,
Comme la Mnémosyne à son socle accoudée,
Vous poursuivez, rêveuse, une impossible idée.


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