DELIE, OBJECT DE LA PLUS HAUTE VERTU
XLIX
Tant je l'aimai, qu'en elle encor je vis:
Et tant la vis, que malgré moi, je l'aime.
Le sens, et l'âme y furent tant ravis,
Que par l'OEil faut, que le coeur la désaime.
Est-il possible en ce degré suprême
Que fermeté son outrepas révoque?
Tant fut la flamme en nous deux réciproque,
Que mon feu luit, quand le sien clair m'appert.
Mourant le sien, le mien tôt se suffoque.
Et ainsi elle, en se perdant, me perd.
CXVIII
Le chaud penser de mes frêles désirs
Me chatouillait à plus haute entreprise,
Me dérobant moi-même à mes plaisirs,
Pour détourner la mémoire surprise
Du bien, auquel l'Ame demeura prise:
Dont, comme neige au soleil je me fonds
Et mes soupirs dès leurs centres profonds
Si hautement élèvent leurs voix vives,
Que plongeant 1'Ame, et la mémoire au fond,
Tout je m'abîme aux oublieuses rives.
CXLIII
Le souvenir, âme de ma pensée,
Me ravit tant en son illusif songe,
Que, n'en, étant la mémoire offensée,
Je me nourris de si douce mensonge.
Or quand l'ardeur, qui pour elle me ronge,
Contre l'esprit sommeillant se hasarde,
Soudainement qu'il s'en peut donner garde,
Ou qu'il se sent de ses flammes grevé,
En mon penser soudain il te regarde,
Comme au désert son Serpent élevé.
CLXVI
Tout jugement de celle infinité,
Où tout concept se trouve superflu,
Et tout aigu de perspicuité
Ne pourraient joindre au søminet de son plus.
Car seulement l'apparent du surplus,
Première neige en son blanc souveraine,
Au pur des mains délicatement saine,
Ahontirait le nu de Bethsabée
Et le fragrant de sa suave haleine
Apourrirait l'odorante Sabée.
CCXVI
En divers temps, plusieurs jours, maintes heures,
D'heure en moment, de moment à toujours
Dedans mon âme, ô Dame, tu demeures
Toute occupée en contraires séjours.
Car tu y vis, et mes nuits, et mes jours,
Voire exemptés des moindres fâcheries:
Et je m'y meurs en telles rêveries
Que je m'en sens hauternent contenté,
Et si ne puis réfréner les furies
De cette mienne ardente volonté.
CCLIX
De toute Mer tout long et large espace,
De terre aussi tout tournoyant circuit,
Des Monts tout terme en forme haute et basse,
Tout lieu distant, du jour et de la nuit,
Tout intervalle, ô qui par trop me nuit,
Seront remplis de la douce rigueur.
Ainsi passant des Siècles la longueur,
Surmonteras la hauteur des Etoiles,
Par ton saint nom, qui vif en ma langueur
Pourra partout nager à pleines voiles.
CCCXXX
Au centre heureux, au coeur impénétrable
A cet enfant sur tous les Dieux puissant,
Ma vie entra en tel heur misérable,
Que pour jamais, de moi se bannissant,
Sur son Printemps librement fleurissant
Constitua en ce saint lieu de vivre,
Sans autrement sa liberté poursuivre
Ou se nourrit, de pensements funèbres:
Et plus ne veut le jour, mais la nuit. suivre,
Car sa lumière est toujours en ténèbres.
CCCCIX
Apercevant cet Ange en forme humaine,
Qui aux plus forts ravit le dur courage
Pour le porter au gracieux domaine
Du Paradis terrestre en son visage,
Ses beaux yeux clairs par leur privé usage
Me dorent tout de leurs rais épandus.
Et quand les miens j'ai vers les siens tendus,
Je me recrée au mal, où je m'ennuie,
Comme bourgeons au Soleil étendus,
Qui se refont aux gouttes de la pluie.
MICROCOSME
DIEU
Dieu, qui trine en un fus, triple es, et trois seras,
Et, comme tes Elus nous éterniseras,
De ton divin Esprit enflamme mon courage
Pour décrire ton Homme, et louer ton ouvrage,
Ouvrage vrayement chef-d'oeuvre de ta main
A ton image fait, et divin, et humain.
Premier en son Rien dos se celait en son Tout,
Commencement de soi sans principe, et sans bout,
Inconnu, fors à soi connaissant toute chose,
Comme toute de soi, par soi, en soi enclose:
Masse de Déité en soi-même amassée,
Sans lieu, et sans espace en terme compassée,
Qui ailleurs ne se peut, qu'en son propre tenir
Sans aucun temps prescrit, passé, ou avenir,
Le présent seulement continuant présent,
Son être de jeunesse et de vieillesse exempt:
Essence pleine en soi d'infinité latente:
Qui seule en soi se plaît, et seule se contente,
Non agente, impassible, immuable, invisible
Dans son Eternité, comme incompréhensible,
Et qui de soi en soi étant sa jouissance
Consistait en Bonté, Sapience et Puissance (...)
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