ÉCRIVAIN PUBLIC



Réflexion faite!...


L’auteur est écrivain public


Voleurs d'enfants cités à procès

Un procès dont l'issue pourrait avoir des effets retentissants, non seulement en Argentine mais également un peu partout à travers le monde, se déroule actuellement à Buenos Aires alors qu'un magistrat fédéral, le juge Adolfo Bagnasco, a osé passer outre au statut d'impunité et à la grâce présidentielle accordés aux membres de l'ancienne junte militaire du pays par l'ex-Président Raul Alfonsin et le Président Carlos Menem, respectivement.

Le magistrat vient en effet de citer à comparaître d'anciens policiers, soldats et hauts gradés de la junte militaire du pays, qu'il accuse d'enlèvement et de vol d'enfants, événements qui seraient survenus entre 1976 et 1983 alors que l'Argentine vivait dans la terreur sous la férule d'une dictature sans merci supportée par plusieurs pays faisant partie de ce qu'il est convenu d'appeler "les Grands de ce monde", dont les États-Unis, sans oublier la non moins grande et puissante Église catholique qui y est même allée d'excuses dernièrement quant à la manière dont elle se serait comportée à l'époque face à la dictature. De façon générale, on a fermé les yeux sur les atrocités commises par la dictature de l'époque, tolérant par le fait même que de pareils actes se produisent, sachant effectivement qu'ils avaient cours.

Une enquête de plusieurs années instituée à la suite de pressions en provenance de divers mouvements associés à la protection des droits de la personne, dont un groupe appelé les "Grand-mères de la place de Mai", aurait permis d'identifier plusieurs des membres de la junte militaire et de la police qui auraient participé à la commission des crimes reprochés .

Essentiellement, les policiers, soldats et hauts gradés de la junte militaire cités à comparaître par le magistrat sont accusés d'avoir littéralement arraché du ventre de leurs mères, dont on disait qu'elles étaient subversives, et dont la plupart auraient été torturées, massacrées et violées, pour ensuite disparaître à tout jamais, les nouveaux-nés dont elles allaient accoucher momentanément.

Au nombre des témoins cités à comparaître, on retrouve notamment des médecins associés à la police et à la dictature militaire, dont des gynécologues de grande réputation.

La preuve recueillie jusqu'à maintenant à partir de certains témoignages préliminaires est à l'effet qu'il ne s'agissait pas d'actes isolés mais bien d'actes posés dans le cadre d'un système minutieusement conçu, planifié et orchestré par les chefs de la dictature qui exigeaient notamment que tout soit mis en oeuvre pour que les naissances ne soient pas enregistrées, ou encore qu'elles le soient sous de faux noms, de manière à pouvoir s'approprier les nouveaux-nés qui faisaient alors figure de butin de guerre, et d'en disposer ensuite comme bon leur semblait. Certains nouveaux-nés étaient "adoptés", d'autres étaient vendus dans le pays et à l'étranger. Dans tous les cas, on en tirait profit.

Des avocats représentant certains des accusés ont demandé la récusation du magistrat au motif qu'il n'était pas impartial, ayant, semble-t-il, osé critiquer la dictature. D'autres sont même allés jusqu'à exiger que les accusations soient retirées au seul motif qu'elles seraient prescrites.

Grâce à l'acharnement incessant de plusieurs intervenants au chapitre de la défense des droits de la personne, dont des centaines de grand-mères, un certain nombre d'enfants ont été retrouvés et ont pu être identifiés.

Il est particulièrement triste et regrettable à la fois de constater que des choses du genre, et même pire, si tant est qu'il y ait pire, ont toujours cours actuellement à l'échelle de la planète et qu'on ferme encore les yeux.

À quand l'éveil de nos consciences endormies qui ne réagissent plus à cet avilissement de l'humanité que plus rien ne semble freiner?
 

RENÉ JULIEN
 


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