ÉCRIVAIN PUBLIC
Réflexion faite!...
L’auteur est écrivain public
Parmi ce qu'il est convenu d'appeler les Grands Singes on compte quatre catégories principales, soit le Gorille, le Chimpanzé, l’Orang-Outang, et le Bonobo dont on a identifié l’espèce qu’en 1929 seulement alors qu’on procédait dans un musée des sciences naturelles de Belgique à une analyse approfondie d’ossements de primates que l’on croyait d’abord appartenir à des chimpanzés.
Depuis lors, un certain nombre de scientistes et autres intervenants se sont intéressés à l’espèce, dont un chercheur américain, Frans de Wall, et un photographe professionnel, Frans Lanting, qui viennent de faire paraître aux Presses de l’Université de Californie un ouvrage titrant "Bonobo, The Forgetten Ape" dans lequel ils ont rendu publics les résultats d’une étude extrêmement poussée et particulièrement intéressante sur le sujet, étude dont les données et les conclusions, fort étonnantes à plus d’un point de vue, portent sur une période d’observation de dix ans sur le terrain.
Précisons au départ qu’à l’exception de quelques rares spécimens vivant en captivité dans un nombre très restreint de zoos à travers le monde, le Bonobo vit aujourd'hui dans les montagnes du Zaïre où sa survie serait menacée par nul autre prédateur que l'homme lui-même, ce qui, en soi, ne constitue guère une surprise, on l'aura deviné.
D’emblée, on dit des Bonobos qu’ils sont très intelligents et qu'ils seraient même les plus intelligents parmi toutes les espèces de singes connues à ce jour. On les décrit entre autre comme étant généralement très alertes, habiles et débrouillards lorsqu’ils doivent composer avec des situations particulièrement difficiles.
Physiquement parlant, le Bonobo est beaucoup plus petit que son cousin le plus rapproché dans la famille des Grands Singes, le Chimpanzé, dont il se distingue surtout par des épaules plus étroites et un cou plus fin surmontés d'une petite tête ronde assortie d’oreilles plutôt délicates. Ses membres supérieurs et inférieurs sont par contre beaucoup plus longs et sa peau beaucoup plus noire que celle du Chimpanzé. On note également des différences marquantes au niveau de la voix et des sons qu'ils émettent. Vulgairement, on l'a baptisé le "pygmée" des Chimpanzés.
On apprend dans l’ouvrage de De Waal et Lanting que le Bonobo est le primate qui ressemble le plus à l’homme, agressivité et pruderie en moins, ajouterais-je. Il appert en effet que près de 99 pour cent de nos gènes sont identiques à ceux du Bonobo; c'est dire à quel point la ressemblance entre les deux espèces peut être frappante, ce qui semble être le cas à plus d'un égard incidemment au point que lorsque l’on observe attentivement les Bonobos dans certains de leurs comportements, la ressemblance avec l'un ou l'autre de nos pairs dans certaines situations données est encore plus saisissante.
Certains des comportements du Bonobo sont tels qu’ils laissent la porte ouverte à bien des suppositions et supputations quant à l’explication possible de certains de nos propres comportements, dont, pour la plupart, ceux que l'on qualifie volontiers de maladifs ou de dépravés, voire d'hors nature, et dans tous les cas d'immoraux.
Contrairement au Chimpanzé qui mène dans l’ensemble une vie plutôt terne, qui est plutôt grossier, rébarbatif, batailleur et agressif, où le mâle tient toujours le haut du pavé et où seule la force physique à l'état brut réussit à mettre un terme aux conflits et guerres de pouvoir, le Bonobo, chez qui la femelle prédomine à sa manière, bien que de façon plutôt discrète, et où le taux d’infanticide est quasi nul, nous apparaît comme un petit singe particulièrement sensible et affectueux pour qui les conflits et les tensions internes, incluant toutes formes de stress, se règlent généralement de façon pacifique et harmonieuse par l'expression d'une sensualité et de comportements sexuels pour le moins inusités dans l'échelle des primates telle qu'on la connaît aujourd'hui.
Il appert que chez les Bonobos le statut social ne semble pas faire problème, étant tout au plus déterminé par l'âge ainsi que par le degré et la nature des marques d'affection qu’ils s’échangent entre eux.
C'est le principe du "faites l'amour, non la guerre", qui prévaut au sein de leur espèce. Chez eux, vie sociale et vie sexuelle et affective sont intrinsèquement liées au point d'être inextricables, le but de l'exercice n'étant pas la reproduction comme telle, laquelle a lieu au rythme d’un rejeton à tous les cinq ans, mais bien la gratification ultime par le soulagement des tensions et irritants, tous genres confondus. Signalons au passage, fait par ailleurs inusité, que les Bonobos s’accouplent à la manière des humains en utilisant la position ventro-dorsale contrairement aux Chimpanzés qui le font à la manière des chiens.
Chez les Bonobos, tout est régi par l'activité sexuelle qui constitue le dénominateur commun à la base de tous leurs comportements. C’est ce qui les unit entre eux, ce qui cimente leurs relations interpersonnelles et ce qui leur permet de fonctionner adéquatement, dans la paix et l’harmonie.
Mises à part leurs activités courantes de primates, ils passent le plus clair de leur temps à s’adonner à des jeux de nature sexuelle, à se caresser et à se minoucher, et ils ne semblent pas être à court d'imagination et de moyens pour exprimer leur affection envers leurs semblables. Tout semble prétexte à l’expression de marques d’affections de toutes sortes.
Fellation, masturbation, baisers prolongés, touchers thérapeutiques, individuellement, en couple et même en groupe selon le cas et selon la nature de l'acte, tous les moyens leur semblent bons pour s'exprimer à leur manière. Il leur arrive même d’avoir peine à contrôler leurs cris tellement ils prennent plaisir à s'exprimer comme ils le font et à une fréquence aussi grande. Certains mâles, plus audacieux, vont même jusqu'à s'affronter, dans un esprit de camaraderie il va sans dire, dans ce que les chercheurs ont appelé des penis fencing ou combats de pénis, l’exercice consistant, à partir de deux points d'appui différents, généralement deux branches, à frotter leurs organes respectifs l’un contre l’autre, comme s’il s’agissait d’épées, de courtes pauses prenant place entre les élans, leur faciès témoignant bien des sensations et émotions ressenties.
On aura compris que les Bonobos n’ont pas d'orientation sexuelle particulière, qu’ils soient mâles ou femelles. Dans leurs activités sexuelles courantes, toutes les combinaisons possibles de partenaires sont permises, tous âges et sexes confondus, qu'il s'agisse de relations entre mâles et femelles, entre femelles, ou entre mâles. N’étant en apparence ni homosexuels ni hétérosexuels comme tels, sinon dans l’identification du partenaire avec qui ils s’adonnent, certains chercheurs leur ont prêté l'épithète de "pansexuels".
Quoi qu'on en dise, le comportement socio-affectif du Bonobo ne peut laisser personne indifférent.
De quoi faire regretter à certains d’entre nous d’avoir franchi un pas de trop, ou à tout le moins trop tôt, dans le processus d’évolution, ou à en inciter d'autres à rêver du jour où, par le truchement d'une manipulation génétique quelconque, on en arrivera à pouvoir constituer un heureux mélange des deux espèces, à tout le moins à certains égards!...