Chapitre II






La chaleur était insoutenable au studio d'enregistrement. Steve Fontaine, journaliste réputé, espérait avec impatience la fin des sessions.

Il attendait la très belle et talentueuse Diane Fortin qui lui avait donné rendez-vous.

Steve et Diane avaient une liaison depuis à peu près un an. Ils ne s'étaient pas mariés, voulant garder leur liberté. Ils avaient chacun leur appartement, leur voiture et vivaient bien.

Diane Fortin était une chanteuse très connue, elle écrivait paroles et musiques de ses chansons, ce qui lui donnait un assez bon revenu.

Steve Fontaine, quand a lui, pour pouvoir vivre à l'aise, s'était mis à écrire des romans.

Cela faisait à peine une demie-heure qu'il attendait lorsqu'il décida de s'en aller.

--Carl, tu dira à Diane que je vais l'attendre au restaurant d'en face, dit-il à l'ingénieur du son. Il est déjà 19h30 et je meurs de faim! Dis-lui qu'elle vienne me rejoindre lorsqu'elle aura finit l'enregistrement de cette satanée chanson. Cela fait cinq fois que vous la reprenez et j'en ai assez de l'entendre.
--D'accord, lui dit Carl, ne sois donc pas impatient, tu sais très bien le temps qu'il faut pour faire un succès. Elle en est à son cinquième albums et les quatres précédent ont fait les premières places au palmarès. Alors de quoi te plains-tu? Tu as une liaison avec la vedette la plus populaire de l'heure, tu es l'homme le plus envié du métier, eh bien! La vie est belle!
--J'en suis conscient, dit Steve, mais je n'ai jamais pu supporter d'entendre la même chanson plus d'une fois. Et en plus, la chaleur est insuportable.
--Très bien, je lui ferai ton message. Au revoir.

Steve sortit de la salle de controle et quitta le studio.





***






Au restaurant "Les Tourterelles" une sensation de fraîcheur était ambiante. L'air climatisé fonctionnait à plein régime et sans arrêt.

Le restaurant était assez achalandé, seulement quelques tables restaient inoccupés.

Steve s'était assis à une table retirée au fond de l'établissement. Il surveillait les allées et venues des autres clients, anxieux de voir arriver sa bien-aimée.

--Si elle n'arrive pas dans cinq minutes, se dit-il, je passe la commande tout de suite!

Les cinq minutes venaient à peine de s'écouler lorsque Diane Fortin arriva.

--Te voilà enfin! lui dit-il. Ce n'est pas trop tôt.
--Je t'avait prévenu que ce serait plus long que d'habitude, dit-elle en s'asseyant. Je tiens à créer un produit de qualité, alors j'y mets le temps qu'il faut. Présentement, je cherche un titre pour mon disque. Tu as une idée à me suggérer?
--Que raconte t-il?
--Il parle de toi, dit Diane en souriant.
--Alors,intitule-le: Fortin vs Fontaine.
--Ce n'est pas très commercial pour un album, lui répondit-elle.

A ce moment là, le serveur fit son apparition.

--Qu'allez-vous prendre?
--Que désire-tu manger? demanda Steve à Diane.
--Je crois que je vais prendre une salade d'endives et un gratin de fruits de mer.

Steve passa la commande et choisit pour lui un steak à la suisse accompagné d'une salade verte.

--Où étais-tu passé hier soir? lui demanda Diane après que le serveur les eus laissé seul.
--J'étais sur les lieux d'un meurtre.
--Très appétissant!
--C'était horrible à voir. Le pauvre homme avait la gorge tranchée. Si la victime avait été plus jeune,le mobile du crime aurait pu être le règlement de compte, mais il était âgé d'une soixantaine d'années.
--Avez-vous trouvé des indices?
--Non,absolument rien, c'est à croire que le meurtrier s'est volatilisé! Aucune empreinte, aucun cheveu laissé sur la victime, même pas une trace de pas, rien.
--Pourquoi crois-tu qu'ont l'ait assassiné?
--J'en ai aucune idée. Cet homme menait une vie exemplaire, ne buvait pas, ne devait de l'argent à personne. Son seul défaut était de fumer la cigarette. Cet après-midi, j'ai rencontré sa femme, elle était inconsolable. Elle ne comprend pas pourquoi on s'en ai pris à son mari. Elle m'a dit qu'il revenait de la salle de quilles lorsque ça c'est passé.
--Est-ce qu'on lui a volé quelque chose?
--Non, absolument rien. Voila pourquoi c'est si mystérieux. Un autre meurtre qu'on ne réussira pas à résoudre.

Ils furent interrompu par le serveur.

--Voilà, une salade d'endives pour madame et une salade verte pour monsieur. Bon appétit, leur dit-il en s'en allant.

A la fin du repas, ils commandérent un café.

--Tu sais ce que j'aimerais faire lorsque mon album sera terminé? demanda Diane.
--Non?
--J'aimerais qu'on fasse un voyage pour nous reposer.
--Un voyage? Mais tu sais très bien que présentement je n'ai pas le temps. J'ai un livre à terminer, j'ai mon travail au journal, je ne peux pas tout laisser. Toi après ton disque, tu es libre, moi ce n'est pas la même chose.
--Tu pourrais laisser tes occupations pour quelque temps!
--Ce n'est pas si facile à faire. Je ne crois pas que mes patrons me laisserait partir présentement avec tous ces meurtres qui se produisent. N'oublie pas que je travaille aux "Enquetes Policières", le journal le plus lu dans ce domaine. Ils ont besoin de moi.
--Autrement dit, tu ne veux pas?
--Je ne peux pas, ce n'est pas la même chose!
--Tu pourrais venir me rejoindre là-bas lorsque tu serais un peu plus libre, lui dit-elle.
--Enfin, j'essaierai. Avec le travail qui m'attends, je ne peux rien te promettre. Où veux-tu aller?
--Je n'en sais rien encore, peut-être en France.
--De toute façon, tu dois finir d'enregistrer ton disque avant de t'en aller?
--Oui, mais je n'en ai plus pour très longtemps. Peut-être deux semaines encore.
--Tu as amplement le temps d'y penser.

Steve Fontaine paya l'addition et ils quittèrent le restaurant.





***






Le lendemain matin, au journal "Enquêtes Policières", Steve rageait contre sa machine à écrire. Les caractères n'arrêtaient pas de s'emmêler. Il devait rédiger son article pour l'édition du samedi suivant et l'inspiration lui manquait. Après avoir rempli sa corbeille à papier, il décida de rentrer chez lui. Il terminerait son article un autre jour.

Dans son appartement du centre ville, un immeuble nouvellement construit, le téléphone sonnait. Ne prenant même pas le temps de fermer la porte après être entré en coup de vent, il décrocha le récepteur.

--Allô, dit-il.
--M. Fontaine, ici Mme Durant.
--Mme Durant? Je ne connais personne de ce nom là!
--Vous ne vous souvenez pas? Vous êtes venu pour m'interroger, mardi dernier, à propos de l'assassinat de mon mari!
--Ah oui! Je me souviens maintenant, dit-il. Qu'est-ce que je peux faire pour vous?
--Premièrement, je voulais m'excuser pour la façon dont je vous ai reçu. J'aurais pu être plus aimable envers vous.
--Ce n'est rien, vous savez, dans notre métier, nous sommes habitués à recevoir ce genre d'accueil. Les gens n'aiment pas les journalistes en général. Il ne faut pas vous en faire pour ça.
--Ca ne fait rien, je tenais à m'excuser. Mardi dernier, lorsque vous êtes venu m'interroger, vous m'avez demandé si j'avais une idée de la raison pour laquelle on avait assassiné mon mari et je vous ai dit non. Malheureusement, dans mon désarroi, j'ai oublié de vous parler de la lettre anonyme que mon mari avait reçue le matin même.
--Votre mari avait reçu une lettre anonyme? dit Steve. En avez-vous parlé à la police?
--Non, mon mari trouvait que ça n'en valais pas la peine, dit Victoria. J'avais complètement oublié l'existence de cette lettre jusqu'à ce matin. Depuis que mon mari n'est plus là, je ne sais plus quoi faire de moi. Alors, pour me changer les idées, je me suis mise à faire du rangements. Par hasard, ce matin, en voulant nettoyer mon tablier de jardinage, j'ai découvert cette fameuse lettre dans une des poches, elle était toute froissée.
--Qu'est-ce qu'elle disait cette lettre? demanda Steve.
--Pas grand-chose, seul une date et une heure y était inscrite. Ca disait: "Mardi 21h. le 16 juin", et c'est la date que mon mari est mort! dit-elle tristement.
--Et vous croyez que cette lettre, elle proviendrait du meurtrier?
--Exactement! De qui d'autre voulez-vous qu'elle provienne?
--Cela peut n'être qu'une simple coincidence.
--Vous croyez?
--Ecoutez, on ne peut jamais être certain. Est-ce que je pourrais venir l'examiner?
--Quand vous voudrez, dit-elle.
--Disons cet après-midi? Etes-vous libre vers 16h.?
--Oui, ça ira, je vous attendrai.

Il raccrocha l'appareil.





***






Lorsque Steve arriva au 3080 de la rue Verte, Victoria Durant l'attendait déjà sur le perron.

--Bonjour Mme Durant, dit-il.
--Bonjour, je vous attendais, dit-elle.

Victoria le fit entrer dans la maison.

--Si vous voulez passer au salon, je vais aller chercher la lettre, dit-elle.

Steve Fontaine, en attendant, examina les lieux. Les meubles du salon devait dater de l'époque victorienne. Sur le manteau de la cheminée trônaient quelques photos de famille ainsi que deux trophés.

Steve en examinait un lorsque Victoria réapparut.

--Ce sont les trophés de mon mari, dit-elle. Il les a gagnés il y a plusieurs années dans un tournoi. Il ne voulait jamais que je les nettoient. Il disait qu'ils prendraient de la valeur en vieillissant.

Steve n'eut pas le temps de l'examiner comme il l'aurait voulu, Victoria le lui retira des mains et le redéposa sur la cheminée.

--Tenez, voiçi cette fameuse lettre, dit-elle.
--Elle me semble tout à fait normale, dit-il après y avoir jeté un coup d'oeil.
--Regardez l'enveloppe, elle est un peu froissée mais vous pouvez quand même voir l'écriture. Ne ressentez-vous pas une étrange sensation quand vous la regardez? Comme si vous étiez hypnotisé par elle?
--Oui, peut-être un peu. Mais ce doit être dû au fait que l'écriture est dédoublée. Comme si on avait utilisé deux stylos à la fois. Ecoutez, Mme Durant, je persiste à croire que c'est l'oeuvre d'un plaisantin. Si vous voulez, je peux aller la porter à la police, si cela peut vous rassurer, dit Steve en la mettant dans sa poche de veste.
--Non, si vous dites qu'elle n'a aucune importance, je ne crois pas que cela leur serait utile. Il ne me reste plus qu'à vous remercier d'être venu, dit-elle en le raccompagnant à la porte. Je regrette de vous avoir dérangé pour si peu, j'aurais tellement voulue vous aider à retrouver l'assassin.
--Vous ne m'avez pas dérangé du tout, dit Steve. Si jamais vous découvrez un autre indice, n'hésitez pas à me téléphoner.
--Je n'y manquerai pas.





***






Sébastien et Katrine Martin s'amusaient dans le parc avec leurs copains. Ils ne jouaient jamais chacun de leur côté, comme les autres frères et soeurs du voisinage. Ils partageaient toujours tout; même leurs amis. Probablement parce qu'ils étaient jumeaux, ressentaient-ils le besoin d'être constamment ensemble; de faire les mêmes choses.

Sébastien était blond et très frisé avec les yeux bleus contrairement à Katrine qui avait les cheveux châtain foncé et les yeux bruns. Ils venaient d'avoir douze ans. Pour leur anniversaire, leurs parents avaient promis de les emmener à un parc d'amusement ce week-end.

Tout en jouant, Katrine interrogea Sébastien.

--Tu crois qu'ils vont nous y emmener ce soir?
--Nous emmener où? demanda-t-il.
--Mais, au parc d'amusement, voyons!
--Comment veux-tu que je le sache? Ils ont dit qu'ils nous y emmenerais ce week-end et aujourd'hui c'est vendredi, nous sommes donc rendus au week-end. J'espère seulement que papa ne sera pas ivre ce soir. Tu sais comment il est lorsqu'il revient à la maison sans avoir trouvé de travail, il boit toute la soirée, il casse tout et se dispute avec maman. Moi, quand je serai grand, je serai policier, comme ça je suis assuré d'avoir toujours du travail. Allez viens, le souper doit être prêt. Salut les gars, à demain, dit-il aux autres garçons tout en ramassant sa balle et son bâton de baseball.

Lorsqu'ils arrivèrent chez eux, Mme Marin était sortie sur le balcon pour leur faire signe de rentrer.

--Venez souper les enfants, dit-elle. Ce soir nous vous emmenons à la foire.
--Youppi! cria Katrine.
--Ah les filles, dit Sébastien, que ça peut être bébé des fois!

Il se précipita à l'intérieur, il était impatient d'avoir soupé.

Le repas terminé, les enfants eurent droit à une pointe du gâteau d'anniversaire que leur mère avait préparé l'après-midi même.

--Il est bon ton gâteau maman, dit Katrine.
--Merci. Dépêchez-vous de manger votre gâteau et ensuite vous irai vous changer. Je ne veux pas que mes enfants aient l'air de vrais vagabons ce soir. Il y a toujours beaucoup de gens dans ces endroits là, que penseraient-ils de vous s'ils vous voyaient dans cet état.

Effectivement, Sébastien et Katrine n'avaient pas fait très attention à leurs vêtements lorsqu'ils étaient allés jouer à la balle.

Le gâteau terminé, ils allèrent se changer.

--Quant à toi, Lucien, dit-elle à son mari, tu iras te raser. De quoi as-tu l'air avec se début de barbe!
--Ecoute Thérese, qu'est-ce que tu veux que ça leur fasse aux gens, là-bas, que je ne sois pas rasé?
--C'est l'anniversaire de nos enfants et je ne voudrais pas qu'ils aient honte de toi.
--Très bien! Très bien! dit-il. Est-ce qu'il y avait du courrier pour moi aujourd'hui? Tu sais que j'attends une lettre de la manufacture de caoutchouc. Depuis la mort de Irving et de Durant, ils sont à court d'employés. Ils ont dit qu'ils me donnerais des nouvelles par courrier.
Il n'y a qu'une seule lettre et elle est adressée à nous deux, dit Thérèse Martin. Je t'attendais pour l'ouvrir. Tiens, regarde ce que c'est.

Lucien prit la lettre des mains de sa femme et dans sa maladresse il renversa son verre de bière qui se cassa par terre.

Sébastien, croyant que ses parents se disputaient encore, arriva en courant.

--Qu'est-ce qu'il y a ?, demanda-t-il.
--Ce n'est rien, lui dit sa mère, ton père a fait tomber son verre et il s'est cassé. Veux-tu m'aider à le rammasser? Lucien, tu pourrais faire attention quand même!
--J'ai pas fait exprès, c'est cette lettre. Regarde, il n'y a qu'une date et une heure sur ce papier, dit-il après l'avoir ouverte.
Qu'est-ce que c'est écrit? demanda Thérèse.
--C'est écrit: "Vendredi 20h. le 19 juin", dit-il. Qui peut bien nous envoyé ça? Ce n'est même pas signé!
--Peut-être quelqu'un qui vous donne un rendez-vous! dit Sébastien.
--Tu ferais mieux de la jeter, dit Thérèse. Ce soir nous allons au parc d'amusement. Allez, vas te raser et ensuite nous partirons.





***






Il y avait affluence ce soir là au parc d'amusement. Les gens se pressaient pour pouvoir aller dans tous les manèges car c'était un week-end où l'on n'avait seulement qu'à payer le prix d'entrée. Toutes les attractions étaient gratuites, que ce soit pour jouer aux jeux d'adresse, aller se faire dire la bonne aventure ou bien avoir des frissons dans le château des horreurs.C'était un peu la raison qui avait motivé les Martin à amener leurs enfants ce week-end là. Son mari ne travaillant pas, Mme Martin se devait d'économiser le plus possible. C'est pourquoi cette soirée était la bienvenue.

Sébastien et Katrine étaient émerveillés de voir toutes ces lumières sur les manèges qui venaient à peine de s'allumer. C'était la première fois qu'ils allaient à un parc d'amusement le soir.

--Regarde comme c'est beau toutes ces couleurs, dit Katrine, on dirait que c'est Noel!
--Il fait rudement chaud pour une soirée de Noel, fit remarquer Sébastien. Regarde cette roue toute illuminée, on dirait une soucoupe volante quand elle tourne.

Sébastien désignait cette immense roue à laquelle sont suspendus une multitude de sièges que l'on trouve dans tout bon parc d'amusement.

--Maman, maman dit Katrine, on peut aller faire un tour dans cette roue? Dis maman, tu veux bien?
--Bon d'accord, mais seulement un tour sinon vous pourriez être malade. Ton père et moi, nous allons essayer les montagnes russes. On se retrouve à la sortie du manège, c'est compris?
--Oui maman, t'inquiète pas. Si jamais vous n'êtes pas encore là lorsqu'on reviendra, nous irons dans le téléphérique.
--Entendu, mais soyez prudents, recommanda-t-elle en s'en allant. Lucien, tu viens?
--Oui j'arrive, dit-il à contrecoeur. Tu sais que je n'aime pas tellement les montagnes russes. Ca me donne la nausée ce genre de truc.
--Allons, ne sois pas mauviette, cela ne te tueras pas, tu sais!
--J'espère bien, dit Lucien.

Lorsq'ils eurent essayé leurs manège, Sébastien et Katrine allèrent s'acheter des barbes à papa, avec les quelques sous que Mme Martin leur avaient donnés.

--Papa et maman ne sont pas encore revenue, dit Sébastien. Je crois que nous pouvons aller dans le téléphérique. Nous serons revenus bien avant eux.
--Tu crois? demanda Katrine. Je ne voudrais pas me faire réprimander à cause de toi.
--Mais puisqu'ils nous ont permis d'y aller! De toute façon, à cette hauteur, nous les verront bien s'ils reviennent avant nous.
--Bon d'accord, allons-y.

Quelques minutes plus tard, c'était au tour de Thérèse et Lucien de sortir de leur manège.

--C'était fantastique, dit Thérèse lorsqu'elle descendit du wagon. Cela faisait une éternité que je ne m'étais amusée comme ça.
--Oui! Eh bien, ne compte pas sur moi pour y retourner, dit Lucien. Si on allait dans le château des horreurs maintenant?
--Non merci, je ne tiens pas à avoir des cauchemars toute la nuit. Et puis j'ai dit aux enfants que nous les attendrions.
--Allez viens, ce ne sont que des monstres en carton, après tout. Je suis bien allé sur tes montagnes russes, tu pourrais venir dans le château pour me faire plaisir. De toute façon, si les enfants reviennent avant nous, ils iront dans le téléphérique.
--Bon d'accord, mais c'est bien pour te faire plaisir, car tu sais, moi, ces jeux là...!
--Allez viens, dit Lucien.

Ce qu'ils ne savaient pas, c'est qu'il n'y avait pas de monstres en carton dans ce château des horreurs. Cet endroit avait même fait la réputation du parc. Les gens n'y venaient que pour aller dans ce château. Au lieu de monstres en carton, il était peuplé de personnes déguisées pour faire peur aux gens. Que ce soit en Dracula, Frankenstein ou en bossu. A l'entrée du château il y avait même une affiche interdisant aux cardiaques d'y entrer.

A l'intérieur du château, l'éclairage était inexistant ou à peu près. Sauf aux endroits stratégiques où il y avait une lumière rouge pour accentuer les moments de frissons.

En entrant, la première chose que Thérèse et Lucien virent fût une grande peinture de Dracula. Placée à cet endroit, dans un couloir très sombre et éclaré faiblement, la peinture avait un aspect très réel.

Lorsque Lucien passa devant, rien ne se produisit. Ce fût seulement lorsque Thérèse s'avança pour passer qu'une main terrifiante sortie du cadre et tenta de l'attraper.

Elle poussa un hurlement à faire réveiller un mort, mais la main ne la toucha pas, n'arrivant qu'à deux centimètres de son visage.

Comme Thérèse le constata, ce n'était pas une peinture qui était encadrée, mais plutôt une personne installée à l'intérieur du mur, prête à faire peur à quiconque passait devant; les femmes plus particulièrement.

--Lucien, j'ai peur, dit Thérèse. Je veux sortir d'ici.
--Il ne t'a même pas touché, dit-il. Après tout, ce n'est que de la frime.
--Tu m'avais dit qu'il n'y avait que des monstres en carton dans ce château. Si j'avais sus, je n'y serais jamais entrée.
--Allez viens, ça commence à être amusant.

Ils continuèrent à avancer, Thérèse se collant aux talons de son mari.

Ils venaient à peine de contourner le couloir lorsqu'un énorme Frankestein leur tomba dessus, tentant de les empoigner.

--Vite, courons, il ne pourra pas nous attraper, dit Lucien.
--Lucien, fais moi sortir d'ici, je t'en supplie, dit Thérèse, morte de peur.

Quelques mètres plus loin, il y avait quatre marches à monter.

Lucien, terrifié, les grimpa d'un seul bond. Quant à Thérèse, elle trébucha dès la première marche et s'écorcha un genou.

--Lucien, aide-moi! dit-elle.

Elle n'eut pas de réponse. Lucien pensant qu'elle était toujours derrière lui, avait continué d'avancer, pressé de sortir de cet endroit maudit.

--En sortant d'ici, nous allons nous payer une bonne bière pour nous remonter, dit-il tout en courant.

Ne recevant pas de représailles de sa femme, il se retourna pour constater que Thérèse n'y était plus.

--Thérèse, Thérèse, cria t-il, où es-tu?

Aucune réponse.

Merde, où est-elle passée? se dit-il tout haut.

A ce moment, Lucien crut entendre quelqu'un venir vers lui. Sorti d'un coin d'ombre, une silhouette apparue devant lui. Elle était vêtue d'une énorme cape avec un capuchon recouvrant sa tête. Elle s'avança vers Lucien, tenant une grande hache dans ses mains, semblable à celles dont on se servait au Moyen-Age.

--Ca suffit maintenant, dit Lucien, le jeu à assez duré. Laissez-moi passer, je dois aller retrouver ma femme.

Lucien s'avança, déterminé à casser la gueule de cet énergumène, s'il ne le laissait pas passer.

Il n'eut pas le temps de faire deux pas que la créature brandit son énorme hache et lui trancha la tête. Le corps de Lucien s'écroula sur le sol, eut quelques soubresauts et ce fût fini de lui.

Thérèse, voyant que Lucien ne venait pas l'aider à se relever, s'était précipitée à sa poursuite. Lorsqu'elle arriva à l'embouchure du couloir, elle vit un corps étendu sur le plancher. L'éclairage étant très faible, elle ne vit pas que c'était son mari qui était étendu là. Elle s'approcha lentement pour voir le visage de la personne; elle ne vit pas de visage! Elle poussa un cri effroyable lorsqu'elle vit la tête de son mari détachée de son tronc, à quelques mètres de là.

Subitement, la créature apparue devant elle et lui assena un coup de hache en plein visage. Thérèse avança de quelques pas et s'écroula. Il était 20 heures.