Chapitre IV
L'Avenue des Arbres était bondé d'enfants ce matin là,
lorsque Steve Fontaine arriva. N'ayant pas d'endroit pour
stationner sa voiture, il l'avait mise sur la rue
transversale.
La rue où habitaient les Boivert et les Martin, était
bordée de maisons à deux étages, communément appellées
"duplex", de chaque côté de la rue. Chaque maison possédait
un escalier en spirale pour aller au deuxième étage.
Steve Fontaine marchait en direction de la maison des
Boivert tout en regardant les enfants jouer dans la rue.
Ils semblaient bien s'amuser. Certains jouaient au ballon,
en dépit du fait qu'ils auraient pu briser des vitres,
d'autres jouaient aux voleurs.
Pendant qu'il marchait, à quelques maisons de là, il
remarqua un enfant assis à l'écart dans les escaliers
regardant les autres enfants jouer.
Avisant les adresses, il s'aperçut que c'était où l'enfant
était assis qu'habitaient les Boivert.
S'approchant du garçon, il lui demanda:
--Salut petit, connaîtrais-tu un garçon qui s'appelle
Sébastien Martin?
--Oui, c'est moi, dit-il.
--Ah c'est toi! Je m'appelle Steve Fontaine, dit-il en lui
tendant la main. Je travaille au journal "Enquêtes
Policières". Je suis journaliste.
--Vous venez à cause de la mort de mes parents? demanda
Sébastien.
--C'est pour ça, oui.
--Je suis orphelin maintenant, dit le garçon.
--Tu sais, moi aussi je suis orphelin et je sais ce que tu
éprouves. Mes parents sont morts dans un accident de
voiture lorsque j'avais dix ans. Pendant l'été, ils
m'avaient mis dans un camp de vacances et lorsqu'ils sont
venu me chercher à la fin de l'été, une auto à frappée leur
voiture et ils ont été tués sur le coup. L'homme qui les a
frappés était ivre. Je m'en suis voulu pendant plusieurs
années après l'accident. Je disait qu'ils étaient morts par
ma faute. Je me disait que s'ils n'étaient pas venus me
chercher, tout cela ne serait pas arrivé.
--Ce n'était pas votre faute, dit Sébastien, puisque c'est
eux qui vous avaient mis dans ce camp de vacances.
--Je sais, mais à cet âge là, je me renfermais sur moi-même
et je n'écoutais pas les autres qui voulaient me consoler.
Un peu comme tu le fais maintenant. Il ne faut pas que tu
fasses la bêtise que j'ai faite moi, quand j'avais à peu
près ton âge. Regarde ces enfants là-bas, ils s'amusent,
pourquoi ne joues-tu pas avec eux?
--Je n'ai pas envie de jouer, dit Sébastien.
--Bon, comme tu veux! dit Steve.
--Vous vouliez aussi me parler de mes parents, qu'est-ce
que vous voulez savoir? dit Sébastien changeant la
conversation.
--Eh bien, tout ce qui s'est passé hier soir. Où vous êtes
allés, ce que vous avez fait?
--Hier, c'était notre anniversaire à Katrine et à moi et
nos parents nous ont amenés au parc d'amusement. On a fait
différents manèges, et lorsque nous sommes revenus,nos
parents, qui devaient nous attendrent, avaient disparus.
Par la suite, on a appris qu'ils étaient allés au château
des horreurs et c'est là qu'ils sont morts. C'était un
meurtre n'est-ce pas? demanda Sébastien.
--Qu'est-ce que les policiers vous ont dit à toi et ta
soeur? demanda Steve un peu embarrassé.
--Ils nous ont dit qu'ils avaient eu un accident. Ils n'ont
pas voulus nous dire comment ils étaient morts. Mais moi,
je sais que c'était un meurtre!
--Pourquoi dis-tu ça?
--Parce que mes parents avaient reçus une lettre anonyme,
le matin même.
--Une lettres anonyme? dit Steve abasourdit.
--Oui. Il n'y avait qu'une date d'inscrite. La date d'hier.
--Est-ce que tes parents l'ont gardée?
--Je ne sais pas, peut-être bien. Est-ce que cela a de
l'importance?
--Ecoute, tu semble être assez vieux de caractère. Oui,
c'est vrai, tes parents sont morts assassinés. Et cette
lettre pourrait bien provenir de l'assassin.
--Dans ce cas là, la lettre devient une pièce à conviction?
--C'est bien ça. Eh dis donc, tu dois écouter toutes les
séries policières à la télévision toi, tu semble bien
informé.
--Ce sont les émissions que je préfères.
--Tu aimerais être un détective?
--Oh oui, dit Sébastien.
--Alors, tu seras mon assistant. Tu veux bien m'aider?
--Oui, oui, dit l'enfant, enthousiasmé à l'idée de
participer à une enquête.
--Bon maintenant, ce qu'il faut faire, c'est aller chez toi
pour voir si la lettre anonyme y est toujours. Est-ce que
tu as une clée de ta maison?
--Oui, je l'aie sur moi.
--Alors, allons-y, dit Steve.
Traversant la rue, ils se dirigèrent au 620, la maison où
habitaient les Martin.
Arrivant devant la porte de l'habitation, Sébastien sortit
la clée d'une de ses poches de pantalon. A peine l'avait-il
introduite dans la serrure que la porte s'ouvrit
d'elle-même.
--C'est bizarre, dit Sébastien, la porte n'était pas
verrouillée.
--Tes parents avaient-ils l'habitude de s'en aller sans la
fermer à clée?
--Non, jamais.
Ils pénétrèrent dans la maison. Là, un spectacle lamentable
les attendaient. Tout était sens dessus dessous, les
meubles étaient tournés à l'envers. Dans les chambres à
coucher, les tiroirs avaient été renversés. Dans la
cuisine, on avait vidés les armoires et cassé toute la
vaisselle.
--Mais qu'est-ce qui c'est passé ici? dit Steve. On dirait
qu'un ouragan est passé par là! Eh bien mon vieux, c'est
une chance que vous ne soyez pas resté ici hier soir, toi
et ta soeur. Vous vous êtes fait littéralement saccager la
maison.
--Vous pensez que des voleurs sont venus hier soir? demanda
Sébastien.
--Sûrement, ou bien se sont des vandales qui sont venus
ici.
--Qu'est-ce que c'est qu'un vandale?
--Un vandale, c'est quelqu'un qui casse tout ce qu'il
trouve sur son chemin. Bien souvent, ce n'est que pour
embêter les gens car il ne vole généralement rien. Crois-tu
qu'ont vous aient volé quelque chose?
--Je ne sais pas, je vais regarder. Avec tout ce gâchis, ce
ne sera pas facile.
Se dirigeant vers l'une des armoires de la cuisine, il en
sorti un pot à moitier brisé.
--On a volé toutes nos économies, dit-il. Regardez, il n'y
a plus rien à l'intérieur.
--Tu es sur que l'argent n'est pas tombé dans l'armoire?
demanda Steve.
--Je ne crois pas, mais regardez vous même car moi je ne
suis pas assez grand pour voir jusqu'au fond.
Steve alla voir dans l'armoire, mais ne découvrit que le
couvercle du pot.
--Non, tu as raison, il n'y a pas d'argent là-dedans. Les
voleurs ont tout pris. Est-ce que tes parents en avaient
cachés ailleurs?
--Non, ma mère gardait ses économies dans le pot que je
vous ai montré. Mon père ne travaillait pas, vous savez,
alors on était pas riches. Le peu d'argent que ma mère
ramassait, elle le mettait là-dedans et ça, c'est quand mon
père ne le prenait pas pour aller boire.
--Vous n'avez pas eu la vie facile, à ce que je vois. Et
comment faisiez-vous pour vivre si ton père ne travaillait
pas?
--Un jour, ma mère m'as dit que nous recevions du Bien-être
social, et que c'était le gouvernement qui nous envoyait
ça.
--Oui c'est vrai, il y a plusieurs famille qui en
bénéficient. Mais quand je vois des pères qui en dépensent
la moitié seulement pour aller boire, moi ça me révolte!
Steve voyant l'enfant baisser la tête, il se sentit
coupable.
--Excuse-moi, dit-il, je ne pensait plus à ce qui est
arrivé.
--Ca ne fait rien, je n'ai jamais aimé mon père, de toute
façon, dit l'enfant.
--Ce n'est pas gentil ce que tu dis là. Il ne faut jamais
dire du mal de son père. Même s'il buvait, ça ne veut pas
dire qu'il ne t'aimais pas.
--Il ne m'as jamais aimé et en plus, il battait ma mère,
parfois. J'étais toujours terrorisé lorsqu'il rentrait le
soir. Je ne savais pas s'il était pour être calme ou
violent. Surtout lorsqu'il ne trouvait pas de travail,
c'était pire.
--S'il ne t'aimais pas, pourquoi t'as-t-il amené au parc
d'amusement alors?
--C'était l'idée de maman, ça.
--Allez, ne pense plus à ça maintenant. Tu commence une
nouvelle étape de ta vie, il faut que tu sois courageux.
Viens, on va chercher cette fameuse lettre, dit Steve pour
changer les idées du garçon.
--Elle doit être ici, c'est là que nous étions lorsque mon
père l'a ouverte.
Après avoir chercher partout, Steve et Sébastien ne
trouvèrent aucune trace de la lettre.
--Peut-être que mon père l'a jettée à la poubelle, dit
Sébastien, je vais regarder.
Soulevant le couvercle du récipient, Sébastien découvrit
une enveloppe froissée sur le dessus des déchets.
--Je crois que je l'ai trouvée, dit-il contant de sa
découverte.
La dépliant, il la donna à Steve pour qu'il puisse
l'examiner.
--C'est bien ce que je pensais, dit-il, cette lettre
provient sûrement du meurtrier.
--Qu'est-ce que vous allez en faire? demanda Sébastien.
Allez-vous la remettre à la police?
--Je ne sais pas encore. Je veux la comparer avec une
lettre semblable qu'une personne m'a remise.
--Dites monsieur Fontaine?
--Tu peux m'appeler Steve, tu sais.
--Bon d'accord, Steve, savez-vous qui à tué mes parents?
--Non, je ne le sais pas, mais j'ai bien l'intention de le
découvrir. Maintenant que nous avons eu ce que nous
voulions, nous n'avons plus rien à faire ici.
Ils s'en allèrent donc sans oublier de fermer la porte à
clées.
Rendus chez les Boivert, Steve remercia l'enfant.
--Je te remercie de m'avoir aidé, dit-il en lui
ébourriffant les cheveux; geste que tous les adultes font
quand ils sont embarrassé devant un enfant.
--Est-ce que vous allez revenir? demanda Sébastien.
--Ca te plairais?
--Oui, j'aime bien faire le détective.
--Bon, c'est d'accord. Si jamais j'ai encore besoin de toi,
je te le ferai savoir. Allez, au revoir, dit-il, et
n'oublie pas ce que je t'ai dit tout à l'heure, ne te
referme pas sur toi-même.
--D'accord, c'est promis.
Steve se dirigea vers sa voiture. En s'en allant, il se
retourna pour envoyer la main à Sébastien, mais celui-ci
n'était déjà plus là. Il le découvrit jouant aux voleurs
avec les autres enfants de sa rue.
--Pauvre petit! dit-il.
Regardant sa montre, il fût étonné de voir qu'il était déja
dix-sept heures. Il se précipita dans son auto, il avait un
repas à préparer.
***
Après avoir garée sa voiture dans le parking intérieur où
il habitait, Steve alla prendre l'ascenseur. Lorsque les
portes se furent refermées, il actionna le bouton menant au
vingtième étage. Pendant que l'ascenseur montait, il sortit
l'enveloppe que lui avait remise Sébastien pour l'examiner
plus attentivement.
L'ayant retournée sur tout les côtés, il en retira le
papier qu'il y avait à l'intérieur. Les caractères
semblaient avoir été écrit avec deux crayons à la fois, ce
qui donnait une étrange impression de dédoublement.
--Il n'y a pas à douter, se dit-il, cette lettre est bien
la même que Mme Durant m'a remise, ou du moins, elle a été
écrite par la même personne. C'est étrange! Pourquoi le
meurtrier envoie-t-il une lettre avant chaque meurtre qu'il
va commettre.
Il ne pu soliloquer plus longtemps sur la question, il
était arrivé au vingtième étage. Il remit l'enveloppe dans
sa poche de pantalon. Lorsqu'il ouvrit la porte de son
appartement, il vit Diane Fortin assise à table devant un
verre de vin. La table avait été mise, il y avait même deux
chandelles devant chaque couvert et deux roses rouge dans
un vase au milieu.
--Comme tu vois, dit-elle, tout y est, il ne manque plus
que ton repas exceptionnel!
--Je sais, je sais, dit-il en refermant la porte, j'ai été
absent plus longtemps que prévu. Je m'excuse, je n'ai pas
pu faire plus vite.
--Quest-ce qu'on va manger? demanda Diane, il est mantenant
trop tard pour que tu prépares le souper.
--Je ne sais pas moi, qu'est-ce que tu dirais d'un bon
repas chinois?
--Des mets chinois? Non, pourquoi pas plutôt un repas
vietnamien?
--Bon, si tu veux. Tu sais, moi, pourvu que je puisse
bouffer, je ne suis pas difficile. Je vais aller passer la
commande.
Lorsqu'il revint, Diane lui avait servi un verre de vin.
--Comment étaient les enfants? lui demanda-t-elle.
--Quels enfants? dit-il en buvant son verre de vin.
--Mais les enfants que tu es sensé être allé interroger,
voyons!
--Ah oui, ces enfants là!
--Eh, tu es certain que tu ne m'a pas menti, toi? Tu ne
serais pas plutôt allé voir une de tes petites amies?
--Mais non, voyons. Tu sais bien qu'il n'y a que toi dans
ma vie. Je t'aime trop pour ça! Non, j'étais dans la lune,
c'est tout.
--A quoi pensais-tu?
--A la lettre que j'ai trouver chez les Martin. Tiens,
pendant que j'y pense, laisse-moi aller vérifier quelque
chose.
Quelques instants plus tard, il revint avec une enveloppe
qu'il était allé chercher dans un de ses habits, dans la
penderie du hall d'entrée. Il sorti la deuxième enveloppe
de sa poche de pantalon et les compara.
--Regarde, dit-il, c'est la même écriture. Ce doit être
sûrement l'assassin qui leur a envoyé ça. Il va falloir que
je fasse une petite enquête. A chaque fois que la victime a
reçue une de ces lettres, elle est morte la journée même.
La première lettre disait, Mardi 21h. le 16 juin et la
deuxième, Vendredi 20h. le 19 juin. Je ne serais pas
surpris si c'était aussi l'heure a laquelle ils sont morts.
Il faudra que je me renseigne.
--C'est peut-être seulement l'effet du hasard? dit Diane.
--Je ne crois pas. Durant reçoit une lettre le matin et il
meurt le soir, et les Martin reçoivent une lettre semblable
et ils meurt eux aussi. Tu trouves ça normal, toi? Pas moi.
Il doit y avoir un lien entre les deux meurtres, mais
lequel? Et si Irving avait reçu la même lettre avant de
mourir?
--Qui est Irving?
--John Irving travaillait au même endroit que Durant. Il
est mort d'un accident de voiture.
--Alors tu vois, ce n'est pas un assassin qui l'a tué.
--Je n'en suis pas si sûr, on n'as jamais pu trouver les
causes de l'accident. La voiture paraissait en parfait
ordre après examen.
--Allez viens, ne pense plus à ça, dit Diane.
--Où veux-tu m'emmener?
Elle lui décocha un sourire qui voulais en dire beaucoup.
--Ne me dit pas que tu veux manger le dessert avant d'avoir
goûter au repas? dit-il.
--Pourquoi pas? On a amplement le temps avant qu'on nous
livre notre souper, dit-elle.
--Allors viens, dit-il en la prenant dans ses bras, nous
allons faire comme si nous étions des jeunes mariés!
***
Le lendemain midi, Steve Fontaine se rendit chez Mme
Irving. Ayant arrêté le moteur de sa Honda civic, petite
voiture de couleur bleu qu'il avait eu pour presque rien
chez un concessionnaire de voitures usagées, il examina les
lieux.
Mme Irving habitait une maison en pierres des champs,
située sur un assez grand terrain, non loin du cimetière de
la ville. C'était un charmant endroit, si ce n'eut eté des
deux flamands roses en plastique, plantés à chaque
extrémité du terrain qui défaisaient totalement le paysage.
En plus, le gazon aurat dû être tondu depuis fort
longtemps.
Lorsque Steve descendit de sa voiture, le chien qui était
attaché à une niche sur le côté de la maison, se mit à
japper.
Ce chien, un berger allemand adulte, ne semblait pas
apprécier les étrangers venus troubler sa quiétude.
Sans s'en occuper, Steve alla frapper à la porte.
Ouvrant la porte intérieur de la maison, une dame d'un
certain âge apparut.
--Mme Irving, je présume? demanda Steve.
--Oui, c'est moi, dit-elle.
--Je suis Steve Fontaine du journal "Enquêtes Policières".
--Ah oui, je vous reconnais. C'est vous qui faites des
articles sur les meurtres survenus dans la ville.
--C'est ça, c'est bien moi.
--Mon mari achetait votre journal à toutes les semaines. Il
aimait beaucoup ce que vous écriviez.
--Justement, c'est de lui que je voudrais vous parler.
--Alors entrez, si vous voulez bien.
Elle le fit passer à la cuisine où elle était à préparer le
diner.
--Je vois que je vous dérange en plein repas? dit Steve.
--Non, ce n'est rien, dit Mme Irving aimablement. Les
enfants ne sont pas encore rentrés. Ils sont allés à la
messe et ils ne seront pas de retour avant une demie-heure.
Vous savez, nous sommes très religieux dans la famille,
sauf peut-être mon mari. Le pauvre, s'il était allé à
l'église plus souvent, il ne serait peut-être pas mort à
l'heure qu'il est! Moi, si ce n'était de mes rhumatismes,
j'y serais allée, mais mes jambes me font tellement
souffrir que je n'ose plus sortir. Et à l'église, avec
toutes ces génuflexions, j'ai du mal à tenir plus que
quinze minutes. Vous allez à la messe, mon garcon?
--Non, je ne suis pas pratiquant, dit Steve, embarassé.
--De nos jours, les jeunes ne vont plus à l'égise, ils
préfèrent aller dans les salles de jeux! Même mon mari
disait que c'était plus intéressant d'aller dans une salle
de quilles que d'aller prier. Que Dieu ait son âme,
dit-elle en levant les yeux vers le plafond.
--Il allait souvent jouer aux quilles?
--Tous les mardis, lui et M. Durant allaient faire leurs
parties.
--Ils travaillaient ensemble je crois?
--Oui, mon mari était contre-maître à la manufacture de
caoutchouc. Cela faisait plus de quarante ans qu'ils
travaillaient ensemble. Et maintenant, ils sont morts, Dieu
les a rappelés à lui.
--Est-ce que votre mari connaissait Lucien et Thérèse
Martin?
--Vous savez, mon mari n'emmenait jamais ses amis ici, à
l'exception de M. Durant. Il venait régulièrement nous
rendre visite, sa femme et lui. Quand aux autres relations
de mon mari, je ne les voyaient jamais. Peut-être que ce M.
Martin allait jouer aux quilles avec eux, quand à sa femme,
je ne le sais pas.
--Savez-vous si votre mari avait reçu une lettre peu avant
sa mort?
--Quelle sorte de lettre? demanda-t-elle.
--Une lettre anonyme.
--Oui, je me souviens maintenant, une lettre où il n'y
avais dessus qu'une date et une heure.
--Vous souvenez-vous de la date qu'il y avait d'écrit sur
cette lettre?
--Je crois me souvenir que c'était écrit: Vendredi le 12
juin, 18h.30. Sur le moment, nous nous sommes demandés qui
pouvait bien nous envoyer ça, mais par la suite nous avons
conclus que ce ne devait être qu'un plaisantin. Ces jeunes
ont de ces idées quelques fois, que plus rien ne nous
surprend.
--Votre mari est bien mort le 12 juin, je crois?
--Oui c'est ça. Il revenait de son travail lorsqu'il a eut
un accident de la route. Mon mari était un adepte de la
vitesse. Il croyait pouvoir dépasser toutes les voitures
qu'il rencontrait sur son chemin. Il a dû vouloir jouer au
plus fin et c'est comme ça qu'il a perdu le contrôle de son
automobile. Je ne sais même pas si l'autre auto s'en est
tirée intacte.
--D'après les témoins, il n'y avait pas d'autres véhicules
sur la route quand l'accident s'est produit!
--Vous croyez?
--C'est ce qu'ils ont dit. Et en plus, les enquêteurs ont
bien stipulés qu'il n'y avait aucune chance pour qu'il y
aie eu une autre voiture sur la route à ce moment là. Il
n'y avait qu'une seule trace de frein sur la chaussée.
--Alors peut-être a t-il eu des problèmes mécanique avec
son auto?
--Non, les spécialistes l'ont passée au peigne fin et ils
n'ont trouvés rien d'anormal. Savez-vous ce qui a tué votre
mari?
--Non,je n'en ai pas la moindre idée.
--Eh bien, je crois que c'est la lettre anonyme qu'il a
reçue.
--La lettre? Comment aurait-elle pu le tuer?
--Enfin, pas la lettre elle-même mais celui qui la lui a
envoyé.
--Pourquoi dites-vous ça?
--Parce que M. Durant et les Martin ont reçus une lettre
semblable la journée de leur mort.
--Et vous pensez que ces lettres proviennent de l'assassin?
--Exactement.
--Je crois plutôt que ce n'est qu'une pure coincidence,
Dieu ne laisserait jamais faire une chose pareille.
--Dieu a déjà laissé faire plus que cela, dit Steve,
exaspéré d'entendre Mme Irving impliquer constamment Dieu
dans tout ce qui se passait.
--Pourquoi pensez-vous qu'on aurait tué mon mari?
--Je n'en ai aucune idée, lui dit Steve. Si on peut trouver
pourquoi il as été tué, je suis persuadé qu'on saura qui
l'as tué. Votre mari n'avait-il pas des ennemis qui
auraient pû en vouloir à sa vie?
--Des ennemies? Je ne crois pas. Pourquoi en aurait-il eu?
--Je ne sais pas, peut-être des personnes avec qui il
travaillait. Vous m'avez dit tout à l'heure qu'il était
contre-maître, bien souvent lorsque l'on doit donner des
ordres, les personnes à qui on les donnent ne les apprécit
pas toujours. On peut facilement en arriver à commettre un
meurtre.
--Non, je ne crois pas que mon mari était de ceux qui
abusent de leur autorité. Il était quelqu'un de très juste
envers les autres. Avec les enfants, il a toujours été
équitable. Jamais il aurait favorisé les garçons plus que
les filles. Il avait ses défauts, naturellement, mais pas
au point de se faire tuer pour ça.
N'ayant plus de questions à poser à Mme Irving, il la
remercia et s'en alla.
Pendant qu'il conduisait sa voiture en direction de chez
lui, il essayait de faire le point dans son enquête.
--Depuis que je fais ce métier, se dit-il, c'est la
première fois que je rencontre une affaire aussi
mystérieuse. Il faut absolument que je réussisse à mettre
la main sur cet assassin. Si j'y arrivais avant l'escouade
des homicides, quel article cela ferait! Si seulement je
savais pourquoi on tue toutes ces personnes? Tout réside
dans cette question. Si je découvre la cause de tout ces
meurtres, je découvrirai l'assasin.
Au moment où il faisait ses déductions, il arriva à une
intersection de la route. Le feu de circulation tombant au
jaune, il appuya sur les freins. Ses freins ne
fonctionnaient plus. Voyant une automobile arriver sur la
rue transversale, il donna un coup de volant à droite et
s'en alla emboutir une voiture qui était stationnée sur le
coin de la rue. Ne roulant pas très vite, il s'en sortit
indemne. Ce ne fût pas le cas pour la voiture qu'il avait
emboutie.
Le coin gauche arrière de l'automobile stationnée était
passablement enfoncé. La sienne avait mieux endurée le choc
de l'impact, mais elle avait aussi subit des dommages.
--Cela m'apprendra à acheter une voiture usagée, se dit-il.
Pourtant je croyais bien l'avoir remise en état!
Steve, étant assez bon mécanicien, avait préféré acheter
une voiture usagée pour pouvoir la remettre en état de
marche.
--Je l'ai échappé belle!
Ce qu'il ne savait pas, c'est que son auto n'avait aucun
défaut de mécanique. C'était tout simplement le premier
avertissement qu'il recevait. Il devait en recevoir
d'autres par la suite.