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DOSSIER : la traduction juridique et assermentée (Juillet 1999)

 

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Déontologie vs marché

Article d'Elena de la Fuente, membre AAE-ESIT.

Qu'est-ce que la traduction juridique ? Disons tout simplement qu'il s'agit de traduire des textes qui se distinguent nettement de tout autre type de texte par leur spécificité linguistique formelle. Il y a plusieurs catégories de textes juridiques suivant leur degré de complexité. Les lois, les règlements, les arrêtés ministériels, les traités, et même les contrats ou les conventions, ont un langage et une terminologie tout à fait distincts de ceux employés dans des jugements, des arrêts d'une cour ou des décisions judiciaires. Mais ces mêmes décisions de justice se distinguent profondément à leur tour du discours qu'emploie le juriste pour faire le commentaire d'un jugement ou d'un arrêt faisant jurisprudence.

La difficulté fondamentale de ce type de traduction vient du fait qu'il faut traduire correctement les spécificités d'un système de pensée et d'expression juridique propres à une culture vers un système étranger à cette pensée, à ce mode d'expression et à cette culture. De plus, la traduction ne sera juridique à proprement parler et ne pourra, en l'occurrence, avoir un effet de droit, que si elle est imprégnée de la teneur du discours juridique source.

Une autre grande difficulté, c'est que ces lois, ces règlements, ces décisions de justice ou ces contrats, n'ont pas seulement trait au droit, au langage du droit, ou à la terminologie juridique, mais aussi à un langage technique, scientifique ou économique, lui aussi ayant ses propres spécificités.

Or, le marché a ses portes grandes ouvertes pour tout le monde : chacun établit ses règles et les prix sont à la hauteur de l'enjeu. Pour "faire" de la traduction juridique - comme pour "faire" toute autre forme de traduction - il n'est point indispensable, aux yeux de ce marché, d'être diplômé d'une école de traduction et encore moins d'une faculté de droit. On s'improvise traducteur juridique tout comme on s'improvise traducteur en toutes langues ou toutes disciplines. Et ça marche !

Mais ça marche au détriment des diplômés d'une grande école de traduction comme la nôtre.

Qu'est-ce que la traduction au pénal ? C'est une activité qui recouvre plusieurs aspects, mais essentiellement traduire l'écrit et la parole des justiciables et des représentants de la justice. Ce qui est aussi simplement défini devient ensuite complexe à partir du moment où l'écrit s'étend à toutes sortes de textes, et l'oral à des discours de toutes sortes. Devant une telle complexité du domaine, la compétence du traducteur/interprète se doit d'être beaucoup plus large. Sans oublier que la responsabilité civile et pénale ne peut pas se dissocier des compétences et de la qualification des prestataires : du produit que l'on va délivrer dépend la vie ou le sort d'une personne physique ou morale. On ne le dira jamais assez.

Qui peut traduire au pénal en France ? D'après la loi : l'expert judiciaire. La loi n'a pas manqué de préciser aussi que le juge, tout en étant libre de désigner une personne de son choix pour une mission donnée, est tenu de justifier sa décision si cette personne ne figure pas sur une liste d'experts. Pour ce qui est du recrutement, la loi précise que sont nommés experts les personnes exerçant une profession. Comme nous le savons tous, il n'existe pas de profession de traducteur en France, au sens légal du terme "profession". Et pour ce qui est de la formation, la question est vite réglée puisqu'il n'y a pas de formation spécifique de traducteur-interprète au pénal en France.

Qu'est-ce que la traduction certifiée ? C'est en quelque sorte la traduction "officielle" d'un texte de quelque nature que ce soit, à présenter devant une autorité française ou étrangère, traduction qui, pour être valable et recevable par cette autorité, doit être certifiée conforme à l'original.

Mais qui peut donc traduire et certifier des textes à caractère officiel ? En principe, seules les personnes figurant sur une liste d'experts traducteurs interprètes près d'une cour d'appel. Contrairement à d'autres pays, il n'existe aucun texte en France sur la traduction officielle, mise à part celle des actes d'état civil étrangers, sans pour autant en donner la priorité aux experts.

Dans le secteur privé, le marché a toute liberté pour imposer ses règles, parfois en dehors de toute déontologie. Il est bien connu que certains commerçants de la traduction trouvent le moyen de détourner la chose pour ne pas payer le prix fixé par l'expert : le texte sera d'abord traduit par un tiers, quelle que soit sa qualification, la certification sera ensuite confiée à un expert "tamponneur" à un prix bas.

Là aussi il y aurait des jugements à prononcer contre cet expert qui ne respecte pas son obligation de remplir lui-même toutes les tâches. Par ailleurs, il faut dénoncer les experts personnes physiques ou morales qui certifient la traduction d'une ou plusieurs langues dont ils ne détiennent pas l'homologation. Et enfin, dénonçons aussi tous ceux qui s'annoncent "experts" traducteurs sur les pages jaunes. Dans le chaos caractérisant l'exercice de l'activité de traducteur, ceux-là cherchent aussi leur part du marché.

Situation en Europe

En 1998, le CRE, Centre Régional Europe de la FIT, a organisé à Graz, sous la direction de Liese Katschinka, le 1er Congrès européen et 4e Forum International sur la traduction juridique et la traduction au pénal.
Le thème : "La langue est un droit de l'homme".

Ce congrès a réuni 108 participants de 20 pays. Les 27 intervenants ont mis à découvert la situation et/ou les efforts de changement entrepris par des associations, des groupes ou des institutions de leurs pays respectifs : l'Allemagne, l'Angleterre, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Canada, la République Tchèque, le Danemark, l'Espagne, les États-Unis, la France, l'Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne et la Suède.

Les inquiétudes des différents pays sont considérables.

Elles se placent au niveau, notamment, de la compétence des traducteurs et des interprètes judiciaires, des rémunérations dérisoires, du manque de qualification des prestataires, des efforts considérables à faire en matière de formation, de la nécessité d'imposer un contrôle des prestations, de la problématique de la langue des signes. La question de la reconnaissance de la complexité de l'activité au pénal ou, au premier chef, de l'activité de traducteur ou d'interprète par les autorités et par le public en général était abordée dans les diverses communications et n'a pas manqué d'être aussi soulignée par tous les participants.

La situation mondiale dans le domaine de la traduction judiciaire est loin d'être acceptable. Elle constitue même une atteinte au droit de l'homme à se défendre ou à communiquer dans sa propre langue.

En Europe, il faut s'attendre à une augmentation considérable des affaires civiles et pénales et les besoins en traducteurs et interprètes judiciaires se font déjà sentir. Certains pays essayent d'élaborer une loi pour protéger la traduction judiciaire en tant qu'activité professionnelle. D'autres encore cherchent à instaurer un système d'examen ou de contrôle de qualité préalablement à la désignation des prestataires. Mais un système d'examen n'est pas en mesure de garantir la qualité des prestations et encore moins de combler les besoins. A notre avis, la formation est la priorité, elle passe avant tout.

Quelques pays de l'UE se sont dotés ou vont se doter des structures de formation nécessaires. Les programmes ne sont pas toujours bien conçus, mais l'initiative et la volonté d'amélioration sont dignes d'éloge. Espérons que la France pourra rattraper son retard dans ce domaine.

Dans le cadre des conférences organisées par l'ESIT, nous donnons une ample information pour attirer les futurs diplômés vers le domaine judiciaire. Aujourd'hui, notre effort s'adresse aussi aux anciens. Les effets de la globalisation se font lourdement sentir sur le marché de la traduction. La formation à elle toute seule ne suffit plus pour protéger le droit du traducteur à imposer un prix à la hauteur de sa qualification, de son expérience et de sa compétence. C'est pourquoi, quelle que soit notre spécialité, notre devoir est de défendre notre diplôme, en faisant reconnaître enfin la vraie valeur de notre activité par le seul moyen possible : par une loi portant sur le statut du traducteur professionnel.

© Copyright 1999 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés.

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