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LE POUVOIR D'ETRE SOI

Journal intérieur d'une psychothérapie


Le texte que voici est l’écho et la résonance d’une série de 16 entretiens. Il tend à illustrer par un langage métaphorique ce que j’ai ressenti en tant que thérapeute au cours d’une relation d’aide particulièrement complexe.

1 - A entrer ainsi, pas à pas, de façon entière dans le monde d’autrui, je ressens comme une fascination ourlée de remous : quelle incroyable odyssée qui se possibilise, quelle extraordinaire porte sur la vie est la relation duelle et puis, en même temps, peu à peu, je sens comme une immense tension intérieure, doublée de frayeurs à éclipses et de tourments aux murs épais.

La vie, parfois, se fait mal à être la vie, et ce mal-à-être, ici, dans ce laps bref, intense, inouï, je me sens prêt à le faire mien, au comme si de mon être profond.

Et au moment où, à la demande de l’autre. je dis oui à l’aventure partagée, c’est toute cette architecture mouvante et plurielle qui résonne en moi.


2 - Le partage sans nom, sans emblème, sans règle directrice, est le moment privilégié et moteur de la symbiose séparatrice.

Il y a quelque chose en moi qui suit le flux des énigmes de l’autre, quelque chose en quoi la confiance me vient forte et pure.

Oui, au premier contact, j’avais peur.

Peur de cette torsion intérieure où j’entrais à petits pas. Peur de ce monde étranger où je prenais le risque d’entrer.

Aujourd’hui, la peur cède l’espace à la prime confiance, à la prime enfance, au primal enfantement de la confiance: ce poids ardu et subtil de la négativité d’autrui me fait lourd de possibles et léger d’ouvertures entrevues, entre-vécues.

Je sens monter en moi la puissance extrême du risque, de la mise en abîme du moi au risque du monde de l’autre. Accepter l’angoisse de ce risque, sans l’appui d’un diagnostic ou d’un pronostic, me semble être la voie la plus sûre pour prendre ce risque au vol, à la façon, peut-être, de l’oiseau qui quitte son nid - refuge (repli verbal sur catégories) ou nid d’aigle (observatoire surélevé).

L’aventure de la relation d’aide commence vraiment là où le sol se dérobe sous mes pas.

Elle commence aujourd’hui. maintenant


3 - M'asseoir là, à la lisière de la forêt, ou être. parfois, l'éclaircie, la trouée de lumière, aux abords de son centre luxuriant ou désert double place en limite de ce qui est et de ce qui n’est pas, tendance a me tenir en alerte tranquille, au plus proche du lointain


Où est la frontière, la falaise vertigineuse quel est le point de rétention, de fracture, d'analyse ou d'aperture qui infléchit cette voix, ce sanglot, ce rire ? Pour que je m’y fasse lieu, configuration, espace. Pour que dans cette orée tremblante, changeante du réel de l’autre je puisse vivre en harmonie, en point d’équilibre, en ligne de crête...

La vie semble être cette peau fragile qui résonne à toutes les violences et se fait douleur à toutes les meurtrissures, mais qui, aussi, vibre à toutes les joies et à tous les rires. Carapace d’oiseau blessé, hymen violé par les ombres, fulgurance de la distance ouverte, pâleur atroce surgie de l’histoire, ou encore, parfois, par chance inavouée, carrefour bi-face d’une vie qui, peu à peu, se fait être.

Il y a comme une desquamation lente qui se fait : en un chant silencieux, en une réciprocité confuse, tombent peu à peu les dépouilles de ce qui est encore et qui n’est plus.

Le poids de la vie prend des tours et des atours de légèreté momentanée, et, au fil des mots à l’incertitude douloureuse et loquace, apparaît comme un horizon possible, comme une positivité en attente.


4 - Dire ou ne pas dire. Passer le cap de l’important ou rester en deçà, dans l’innommable et chaotique inimportance de la vie. Faire le tri, mettre de l’ordre dans les morceaux épars, utiles et inutiles à la fois. Ou bien, se faire proche de la positivité, sans comprendre, sans savoir pourquoi...

C’est un peu comme si la logique de l’ordinaire venait frapper de plein visage le dilemme de l’existence.

Au point de contradiction, le dire et le sentir se font antagonistes à la limite de l’équilibre d’étouffement.

Un combat, une lutte, une guerre entre soi et soi, entre soi et images tourbillonnantes, voilà le lieu, l’espace de la rencontre avec l’autre.

Où suis-je dans cette lutte, quelle est ma réalité, si ce n’est maintenant celle de la personne qui me fait face : il y a une sorte de consubstantialité qui s’installe, avec ses mouvements de repli et ses raz de marée.

Je suis l’autre parce que je suis moi : affirmation insensée, au sens de la logique ordinaire, mais il y a quelque chose de cet insensé au coeur de ce que je vis ici.

L’inclusion dans la distance, l’entrée dans le lointain il y a une sorte de trans-moi qui se meut et s’émeut en moi. C’est plus qu’une participation, ou une solidarité à l’autre, c’est une transfusion : je fais couler - autant que je le peux, autant que je me l’autorise - le sang de l’autre dans mes propre veines. Et je sens peu à peu à quel point ça peut faire mal, ça peut blesser de se trouver dans les pièges où se trouve moi-l’autre moi, et je me joins à cette lutte qui se joue là. au coude à coude, main dans la main.

Mais, rappel permanent mais faillible du comme si, je sais bien que ce n’est pas à ma force ou a ma faiblesse de décider de l’issue de ce combat.

Le pouvoir, c’est-à-dire celui de transformer l’infini en fini, le variable en unique, c’est l'autre qui le détient en lui, quelque part, au plus proche de sa difficulté à l’atteindre.


5 - Peu à peu l’écart, la distance se creuse entre les images. Une manière de double défilé se propage; le vent souffle en blocs compacts et en air impalpable en même temps.


D’une part, des visages négatifs se déchirent avec fracas. D’autre part, quelques esquisses rares, voilées par des images sombres, semblent annoncer que le pire c’est le meilleur, et non le pire.

Oui, ce qui devient difficile à tenir, c’est cet écartèlement dans l’écoute, ce double jeu sans issue momentanée, cet entre-deux entre le négatif qui persiste et le positif qui pointe à l’horizon.

La tentation est grande de ne pas accepter cet état d’équilibre, cet indécisif flottement où ce qui fait du bien se fait co-possible de ce qui fait mal. La tentation est grande de pousser - au moins un peu - le flux de la vie vers des rives sereines et claires.

Mais, lorsque quelque chose de cette tentation surgit, lorsque, doucement, par une sorte d’effleurement bref, je manifeste cette manière d’impatience vis à vis de l’autre, c’est la lumière brumeuse et prometteuse de la relation qui s’éteint brusquement.

J’aime avec passion cette leçon de la vie.

6 - Le gouffre de la vie prend souvent nom de mort  : au tourbillon extrême où le oui et le non s'entournent sur eux-mêmes dans leur propre éclatement réciproque, il y a comme un deuil profond de l’existence.

Faire, ne pas faire vivre, ne pas vivre en un point de douleur extrême, de chagrin insuppressible, se fomente le chaos de la vie, le noir de l’être, l’invisible clarté de l’existant.

De même, ce n’est pas le positif, le chaleureux ou l’amical rapport d’être à être qui ouvre la relation sur des perspectives nouvelles, sur une spire plus large. Au contraire.

La proximité du contact, je la ressens ici comme le résultat d’une formidable gifle métaphorique reçue en plein visage, en pleine image de thérapeute : le thérapeute, cet imaginaire divin porteur de je ne sais quelle vérité, semble ne pas avoir compris ce qu’a dit, ce qu’a exprimé la personne qui lui demande aide et compréhension ; et cette dernière de le lui dire tout net, sans détours.

Voilà sans doute un des plus grands présents que j’ai reçu depuis le début de ces entretiens : toutes mes tentatives pour entrer en contact avec l’autre trouvent là un aboutissement et une étape.

Paradoxe ? Sûrement.

Je trouve ici, une nouvelle fois, la confirmation de ce qui m’est déjà apparu en d’autres lieux : l’expression libre et réciproque du négatif dans la relation - et donc la facilitation des conditions de cette expression - est une marque de maturation de la relation toute entière.

En somme, il peut y avoir relation aidante à partir du moment où les différents niveaux de relation aliénante à l’autre peuvent être explicités de façon ouverte et réciproque.

Un mot encore sur la réciprocité le négatif que j’ai reçu grâce à ce qu’il faut bien appeler l’aide du client, m’a permis d’exprimer le négatif ressenti, de mon côté, vis-à-vis de moi-même et vis-à-vis de lui à l’intérieur de cette relation.

Autrement dit, l’on ne peut aider quelqu’un sans son aide. Et cela signifie, concrètement, que tant que je ne prends pas le risque, moi, avec mon image de thérapeute, d’apparaître dans ma totalité existentielle, en tant que personne faillible, - ayant elle aussi des sentiments négatifs et des paroles parfois confuses-, je ne peux entrer en relation avec l'autre, et réciproquement.

Ceci dit, il me semble assez clair que ce risque ne peut être pris n’importe quand : le moment était sans doute venu aujourd’hui d’en arriver à ce point d’élucidation réciproque.


7 - L’écran, l’image se dessine là-bas, sur une île désertée par les proches, ou hantée parfois par des ombres inquiétantes, une vie se rend triste alors qu’elle a peut-être envie de vivre.

L’île devient comme éloignée par je ne sais quelle fée subtile et je me sens comme mis à distance devant un espace tabou, l’espace de la personne qui me fait face.

Approcher et être approché : deux versants de l’interdit qui plane aujourd’hui comme un danger imminent.

Tout le flot de mots et de sentiments qui a bercé ou agité l’entretien a été comme placé sous le signe d’une infinie solitude : solitude de mon envie de communiquer avec l’autre, solitude heurtée aux parois d’un mur invisible, et sans doute, solitude de l’autre, tournant dans sa cage de souvenirs et de pleurs comme un animal sauvage assoiffé d’humanité.

Bien sûr, tout cela n’est pas si net, si simple : il est peu probable que beaucoup de gestes ou de signes aient franchi les océans d’île à île. Mais, par ce temps privilégié où le vent semble favorable et où la lutte pour la vie continue avec force, chacun de nous deux semble tenter, avec je ne sais quelle énergie solidaire, de faire l’impossible.

Peu à peu, c’est ma place dans la relation qui s’éclaire rétrospectivement : j’ai souvent eu le sentiment souterrain, non élucidé, de n’avoir pas l’autorisation de l’autre, de ne pas avoir son consentement, pour pénétrer dans son monde. A tel point que je sentais que mes tentatives pour reformuler à ma façon ce que je croyais comprendre de son existence ne m’offraient souvent aucune apparence d’utilité, et glissaient ou tombaient vite en insignifiance.

C’est pourquoi, sans doute, je restais souvent silencieux et les quelques paroles qui sortaient de mon corps, de ma bouche, ressemblaient plus à une sorte de ponctuation régulière qu’à des feed-back intensifs : à certains moments même, j’avais l’impression de faire fausse route, ou, tout au moins, de ne pas suivre le chemin idéal, celui d’une constante présence d’accueil et de reformulation, comportement qui semblait être d’une certaine façon ma "règle". ma ligne de travail.

Il s’est avéré que, centré sur l’autre et préférant vivre au gré de mes sentiments et de ma pensée plutôt qu’en suivant un parcours balisé d’avance, j’ai souvent pris le sentier de randonnée silencieuse, accompagnant l’autre sans rien lui dire, comme pour ne pas le déranger.

Aujourd’hui, je m’aperçois que la confiance que j’ai eue dans le début de cette aventure hors-ligne, m’a conduit non pas à des dédales interminables, mais tout bonnement à ce qui est, à savoir, la difficulté d'un être qui ne parvient pas à sortir de son isolement, de sa prison de souffrance intérieure. et a ma difficulté à moi d’approcher avec douceur et persévérance ce monde qui est le sien.

En ce lieu. e thérapeute fait homme. i.e. s’étant réincarné en sa propre personne, peut apprendre combien il peut être important de dire ce qui insiste en lui, au plus profond de son être ; un peu comme si seule une voix venue du plus intime, du plus secret repli de soi, pouvait, à un moment donné, être le signe, enfin aperçu par l’autre, qu’il y a quelqu’un de vivant qui l’écoute, et que cette écoute peut être en même temps son espoir et son danger de vie.


8 - La relation tremble au zéro de sa force. La tension est extrême, l’émotion contenue et les mots se font rares.

C’est un peu comme si le point critique était atteint: peut-on encore continuer, ne vaut-il pas mieux fuir, arrêter, aller ailleurs ?...

Jamais je n’ai senti autant en moi la nécessité d’approcher l’autre, de lui montrer à mains nues, sans armes ni analyses, que mon intention n’est pas de la détruire ou de lui faire mal.

L’insupportable est là, ici-et-maintenant.

C’est peut-être le moment où ma présence entière est la plus appelée, mais c’est aussi le temps où mon aide apparaît en elle-même
comme un des plus grands dangers qui soit.

L’issue est aujourd’hui incertaine : la corde raide n’est pas très sécurisante, ni pour l’un, ni pour l’autre. Mais il y a comme une irréversibilité silencieuse qui nous pousse ensemble vers l’inconnu de l’avenir proche : au point où en est l’implication réciproque, il est peu probable que le cyclone de notre entretien ne nous donne pas encore du tourbillon à vivre.


9 - Pour la première fois peut-être, la relation s’esquisse et s’esquive au présent.

Le négatif circule dans l’espace d’une simultanéité temporelle, celle du maintenant.

Et c’est pourquoi, sans doute, le séisme est à chaque pas et le vent à chaque geste : il y a quelque chose de réel, de fortement réel qui
insiste, une sorte de nous noueux sans conjugaison personnelle.

Plus précisément, après beaucoup d’avant, d’autrefois et d’ailleurs, il semble qu’il soit le moment de dire: "c’est le nous qui ne va pas"
ou, pour le dire autrement, il y a comme une inter-connexion qui fait défaut, la relation semble flancher là où elle était attendue forte et pleine d’avenir.

Peut-on baisser les bras, abandonner, alors que l’obstacle semble s’installer dans l’entre-nous?

Il eût été plus simple, bien sûr, de regarder le mal à distance, en observateur, avec les pincettes de l’analyse ou de la réflexion généralisante. On aurait peut-être même eu l’impression de comprendre, de savoir ce qui se passe.

Mais ce qui se joue maintenant est plutôt de l’ordre du quitte ou double, de la non-connaissance et de la vie : le changement est en balance avec l’immobilité des mots, le mouvement fait la lutte avec le silence du savoir.

10 - La parole se loge au creux d’une vibration qui joue avec l’instant, parfois. L’air de la relation donne à respirer entre les mots et les phrases, pas toujours.

Le vent se stabilise, là, ici. L’ambiance, l’autour-dedans fait comme un appui inattendu. Il y a des possibles dans l’air.

Curieuse, étrange impression d’avant et d’après bourrasque, sentiment de vrilles contraires qui s’engrènent en rouages inadéquats, inadéquats pour l’instant.

Les spirales du temps se cherchent des confiances à atteindre, à entendre.

Je crois que le temps n’est plus espace, succession, logique.

Quelque chose de cassé, de failli, de dérangé, d’absurde s’est fait, tout seul.

Entre-monde, transition, flou rapide ? Je n’y sais rien, pas même de bouger, pas même de m’arrêter.

Le train démarre sans doute: je vois les quais avancer vers moi. Mais peut-être se meuvent-ils eux aussi, qui sait ?



11 - Suis-je devenu sourd, ou est-ce que le réel est devenu inaudible ?

La forte impression laissée en cet entretien d’aujourd’hui est de m’être senti proche d’elle, mais qu’en même temps, par une sorte de contrat tacite ou de ruse de la vie, j’en perdais par là même la compréhension.

Oui, c’est un peu comme si, en ôtant peu à peu l’enveloppe de son personnage de malheurs-à-plaindre, elle - oui, je dis maintenant elle - offrait à mon regard un visage, une image tellement neuve, que je ne pouvais que balbutier une façon de reconnaître que, certes, elle est bien là, cette femme-là.

Femme à l’aurore imaginée, gaieté enfin venue au monde du possible, quête d’originalité volontaire, nombreuses sont les esquisses du changement.

A tel point que, peut-être déjà, en quelque sorte, accoutumé à la douleur de l’autre, c'est moi qui, maintenant, me sens comme fixé maladroitement à une immobilité rocheuse en plein océan rieur.


12 - Une histoire simple, dure et limpide comme l’eau des larmes, une histoire emportée par le temps, arrachée à l’insu des êtres. Un passé à la présence insupportable, à la résurgence insistante.

Et puis une femme, encore femme-enfant, dont la tristesse et la joie se font siennes, là, ici, devant-moi, les yeux ouverts, prêts au regard.

Bref, le mouvement de la relation semble se faire maintenant avec la simplicité forte. l’assurance fragile d’une communication naissante : il y a quelque chose de commun - et de hors-du-commun- qui s’exprime avec volonté et détermination.

Le nous existe : le je se fait je.



13 - C’est douloureux pour un je de se faire naître. A chaque pas, à chaque émergence partielle, une fulgurante douleur. A chaque regard ou geste échangé, une souffrance terrible.

Mais ce mal, aussi fort soit-il, n’est pas un mal-à-être, mais un mal-à-bien-être, ou si l’on préfère, c’est un être qui a mal d’être soi, de devenir soi.

Enfantement, bien sûr. Mais l’enfant est ici enfant de l’enfant et peut-être pas enfant de l’enfance. Ça fait mal de s’enfanter quand on se sent encore enfant d’un enfantement qui n'est pas le sien.

J’aime cette force d’émergence chez elle, et je le lui ai dit.


14 - Venir au monde: mais comment est-ce possible quand ce monde est aussi insupportable, aussi innommable ? Comment ne pas tout refuser, comment ne pas refuser en ce monde sa nourriture de non-vie et de désespoir ?

La douleur, ici,  se fait politique, sociale, collective. Quelque chose comme une révolte pure, un joyau de résistance et d'insistance. Souffrir de pouvoir vivre, alors que la majorité des êtres humains ne le peut.

Peur de pouvoir pouvoir de ce pouvoir qui n’appartiendrait qu’à soi. Peur de respirer l’ivresse de l’air nouveau.

A chaque pas, un pas cosmique.


15 - Il y a beaucoup à apprendre et à faire quand on sait que le possible est possible. Trop peut-être.

Apprendre seule, faire seule. Seule c'est-à-dire  avec les autres. Complexité croissante. Et puis, et puis toujours cette douleur lancinante des moments positifs...

Je crois n’avoir jamais autant parlé que cette fois-ci. Un peu comme si j'avais eu envie de me situer, moi aussi, en tant qu’apprenti de la vie. Marque insistante de l’horizontalité de l’existentiel, effet de présence active ou nouvelle main offerte à l’autre, cette avancée centration sur elle, me fait figure non-pression : la centration sur l’autre implique la centration potentielle sur soi : cette potentialité a besoin de s’actualiser pour être acceptée, acceptée comme inhabitude, inaptitude à la  dépendance centrationnaire.

Elle, cette elle-là qui co-existe en cette période d’entretien, n’a pas à payer sa et son devenir-soi du prix de mon sacrifice : je ne suis pas avec elle pour être ou devenir l'objet causatif de son périple ou projet.


16 - Le paradoxe est parfois une outre-logique douloureuse : la positivité, le sentiment de non-besoin d’aide, voire de l’inutilité possible de l'aide, sont aussi des portes ouvertes au désespoir.

Faire le deuil d’un soi-reconnu-dans- la-situation-d’aide pour un soi libre de de l'attache thérapeutique est un saut difficile à envisager. On aurait, pour le moins, l’envie de faire le contraire de ce que l’on a envie, d’aller à contre-courant du fleuve qui nous emporte vers l’océan de la vie.

Je crois.. que quelque chose prend fin ou a pris fin.

Georges Adamczewski.

(Paru dans Emergences n° 2, 1982, 16-18)