*Qui est la personne qui se suicide?
*Quel est le grand mal du siècle qui provoque le désespoir ?
*Si le suicide est un mal-être, où est notre bien-être ?
*Une grande part de notre attitude déterminera ce que seront nos enfants.
*Déstabilisons le silence, car il nous empêche d’être aidés.
*Quelles sont les valeurs que nous devons supprimer ?
Allons-nous continuer de sabrer dans ces suicides, au rythme de croisières uniformisées?
Quand allons-nous pouvoir changer le blason de cette continuité de suicides?
Nous avons une kyrielle de pourquoi, qui viennent en nos pensées.
Nous avons de la difficulté à bien discerner les causes, mais nous savons qu’il existe beaucoup de souffrances, avec des problèmes de nature variée, soit monétaire, l’éclatement des couples, les peines d’amour, ceux qui sont affectés par des maladies, ceux qui ont une sorte d’entraînement d’imitation de ces gestes de suicides commis, s’identifiant aux autres et copiant leur action. Il y a aussi les jeunes bouleversés par les mouvements de violence gestuelle et verbale de domination par l’autorité parentale trop puissante. Pour certains, les raisons les ayant poussés à s’enlever la vie sont obscures.
*Les personnes qui se suicident sont d’âges différents et proviennent de toutes les classes de la société.
Ces personnes pensent que la seule solution à leurs problèmes, à leur mal-être, leur mal de vivre, c’est de se soustraire. En réalité, ce n’est pas leur fin qu’elles veulent, mais la fin de leurs malaises, de leurs souffrances, dont elles se sentent prisonnières et qu’elles se croient obligées de subir.
Avec tous les bouleversements qu’elles ont, peut-être qu’elles n’ont pas conscience que la mort est permanente.
Pouvons-nous limiter l’échéance de ces suicides ? Que devons-nous faire pour prévenir le désespoir et comment pouvons-nous agir avec ceux et celles qui en sont rendus là ?
Ces jeunes de 20 à 30 ans, qui en sont au désespoir, et l’enfance qu’ils ont pu vivre, c’est sur eux que je veux retenir votre attention mais je considère aussi le cas des plus jeunes et des moins jeunes. Chaque vie a son secret, comme chaque secret a sa confidence.
Ces jeunes qui arrivent dans la vie, il ne faut pas les retraiter au vestiaire et encore moins les porter à l’embaumement avant qu’ils aient vécu leur vie, à leur manière.
Cela a fait six ans en juin 1997 que mon grand de 23 ans et 10 mois s’est suicidé. Il était étudiant à l’Université Laval. Il lui restait six mois pour obtenir son baccalauréat en biochimie. Il était un sage. Il a toujours eu de hautes notes pendant sa scolarité, du primaire à l’universitaire.
Notre Martin fut un garçon modèle, distingué, au cœur d’or et d’une riche culture universelle. Il possédait de grands talents qu’on l’avait aidé à développer et il présentait de nobles sentiments. Il avait l’âme à la tendresse et l’esprit à la tolérance. Il était remarquable par la bonté de son cœur, il voulait toujours nous faire plaisir. Nous l’avions adopté lorsqu’il n’avait que huit mois. Il a été notre joie et notre espérance. Sa perte fut un échec collectif pour la famille. Son souvenir restera toujours dans nos cœurs.
La mort d’un jeune, quelles que soient les circonstances, est toujours tragique, choquante, plus encore si ce jeune est doué d’un bon potentiel intellectuel, s’il s’en sert bien et si on voit en lui quelqu’un qui peut faire sa marque dans la société, de dire son confident, M. l’abbé Michel Camiré, Martin était prêt à faire sa part pour améliorer le sort des humains.
Si en plus d’être intelligent ce jeune est moralement intègre, cette mort est plus douloureuse. Toujours de dire M. l’abbé Camiré, il a été surpris plus d’une fois par la rectitude du jugement moral de Martin et, sur le plan de sa foi, il avait une bonne connaissance de la doctrine catholique et des Écritures et avait même, un moment, pensé à exercer un jour un ministère dans l’Église.
Au plan humain, nous pouvons longtemps regretter ce que nous n’avons pu faire, mais cela ne fait qu’augmenter notre amertume et ne change rien à notre disparu.
Martin avait de six à sept mois d’insomnie. Cela serait trop long pour que j’énumère ici les causes qui ont entouré cette situation. En raison de cette grande fatigue, il ne pouvait plus se concentrer pour lire, ni poursuivre ses études. Là fut une de ses plus grandes déceptions. Il a vu son idéal et sa vie brisés, ses rêves anéantis.
Quelle torture morale, il a eue à subir. Lorsqu’il m’a dit pour son insomnie, je lui suggérai de l’amener voir un psychiatre afin que l’on rétablisse son horloge biologique par une cure de sommeil. Nous avons eu un refus, la politique médicale ne le permettant plus. Je ne comprends pas pourquoi.
Martin, depuis son adolescence, était comme moi un passionné de la généalogie. À 13 ans, en un mois il avait fait vingt-quatre lignées directes et, en une année, à 14 ans, pendant ses congés de classe, il a pu retracer tous les ancêtres maternels et paternels de son père adoptif. Mille vingt-trois couples, je crois.
Vu l’arrêt de la poursuite de ses cours universitaires et son intérêt, - depuis l’âge de 18 ans, il désirait aller au pays des ancêtres, - l’année avant son décès, ma fille et moi sommes allées en France avec lui. Ce voyage lui a donné beaucoup de satisfactions, mais quelque temps après notre retour, il a réalisé à nouveau son impuissance à reprendre ses études.
Depuis qu’il avait rencontré un psychiatre, il était sous la dépendance de médicaments. On a identifié le cas de mon fils à certaines maladies, ce qui l’offensait en l’épuisant davantage. Il me disait se sentir de plus en plus prisonnier, comme dans un corridor sans issue.
Il voulait bien se faire aider, mais après deux ans et demi de résistance, ce fut la fatalité.
C’est très pénible de perdre un tel garçon et cela fait tellement mal que même si j’ose conserver mon humour, je ne pourrai oublier ce cher Martin et je m’en veux de n’avoir pu trouver la personne qualifiée pour l’aider dans ce passage très douloureux à vivre.
Depuis le décès de mon garçon, les circonstances m’ont permis d’aider onze jeunes de 20 à 30 ans à reprendre confiance en eux et en la vie. La plupart sont en arrêt de poursuivre des cours universitaires. Sept garçons et quatre filles. Cinq de ces jeunes ont eu un stage à la Maisonnée à Charlesbourg. Les autres, je les ai abordés dans des gares d’autobus, des centres d’achats, j’ai même rencontré l’un d’entre eux, dont je vous parlerai plus loin, à l’extérieur, à l’arrière d’un centre d’achats à Charlesbourg. D’autres m’ont été recommandés.
*Quel est le grand mal du siècle, qui peut provoquer le désespoir? Nous savons que le suicide est un grand mal de notre fin de siècle, mais le plus grand mal depuis le début du siècle à aujourd’hui, c’est “l’autorité dominatrice”, la domination parentale trop lourde, “la domination” en force de pouvoirs d’autorité que trop de parents s’approprient en imposant une supériorité extrême sur leurs enfants.
Pour qui nous prenons-nous quand nous pensons être supérieurs à nos enfants ? Poutant, nous sommes tous égaux dans notre personnalité et très souvent ils nous dépassent, avec toutes les facilités d’enseignement qui se présentent à eux.
Nous pouvons être heureux de ce que nous sommes, mais nous devons nous surveiller et ne pas nous enorgueillir ou glorifier, car c’est grâce à l’éducation première que nous avons eu la chance de recevoir, l’atmosphère dans laquelle nous avons grandi et tout ce que nous avons côtoyé par la suite, que nous avons pu développer notre personnalité.
*Si le suicide est un mal-être, où est notre bien-être? Si nous cherchons en quoi est notre bien être, il en résultera que tous ou à peu près tous, nous avons un bien-être matériel ; une maison, un logement, une chambre, mais après réflexion, nous dirons que peu importe le matériel, notre bien-être est et sera toujours en notre pouvoir de décision. C’est en cela que l’autorité trop forte brise, écrase, enlève tous les pouvoirs de décision aux jeunes.
Trop souvent, dès le berceau, nous inculquons à l’enfant un enseignement de peur, pour lui montrer que nous sommes les maîtres. Même si nous n’osons le dire, plusieurs d’entre nous avons vu de ces parents donner une bonne tape au bébé pleurant, soit qu’il était dans son lit ou autrement. Par cette violence, sa petite tête en remonte dans les barreaux, et nous savons que ces envolées gestuelles étouffent les pleurs mais aussi l’épanouissement de sa personnalité. La candeur de ce bébé est déjà blessée et cet enfant développera une certaine révolte, qui s’agrandira à la mesure des violences qu’il recevra. Toutes tapes données à l’enfant doivent être expliquées ou excusées si cela a été causé par l’impatience. Si petit soit-il, il comprendra notre regret, ce qui est très important pour son épanouissement. Il ressentira l’amour qu’on a pour lui et la relation avec la révolte ne s’implantera pas davantage.
Rendu à l’usage du tableau, nous avons droit d’exiger une certaine performance qui stimulera davantage l’enfant, mais nous ne devons pas demander plus que ce qu’il peut donner et ne jamais le comparer à un autre. Une certaine autorité est nécessaire mais doit être adoucie avec l’âge. La fierté des parents est bien servie lorsque le jeune performe continuellement mais vous savez, ce qui est important, c’est comment l’enfant se perçoit, se sent dans tout cela. Il peut être détendu comme aussi être compressé. Alors, vous saurez comment agir avec l’enfant.
Nous exigeons que nos enfants nous écoutent, mais nous, prenons-nous le temps de les écouter? C’est très important pour leur épanouissement. Et de les comprendre, l’est davantage. Cela leur donnera l’encouragement nécessaire pour s’épanouir et développer leurs talents. Ils se sentiront appréciés et aimés.
Nous savons tous que nous avons un engagement à bien élever nos enfants et non pas à les rabaisser. Pour un trop grand nombre de parents, cela signifie écraser, briser leurs jeunes. Ils pensent ainsi les préparer aux déceptions de la vie. Fausse conception, hélas ! Si nous respectons l’autre, nous ferons attention à ne pas lui donner de déceptions. Nous avons des limites en tout. Si nous dépassons leurs limites à recevoir des déceptions, le désespoir peut s’en mêler et le climat familial difficile à vivre peut donner l’idée de s’éliminer.
Nous disons très souvent qu’ils méritent des punitions ; si nous pensons avoir une bonne ouverture d’esprit, nous pourrions dire qu’ils méritent de bonnes explications. Cela décompresserait les situations car, même s’ils ont fauté, il ne faut pas les condamner ou les culpabiliser, ce qui nuit à l’épanouissement de leur personnalité.
Une anecdote: Mes deux neveux jumeaux me demandaient souvent pourquoi je ne les disputais pas lorsqu’ils avaient renversé un verre ou brisé quelque chose. Je leur répondais par une question, comme je l’ai toujours fait pour mes enfants en de telles circonstances : “As-tu agi pour mal faire?” et j’ajoutais qu’on ne peut rien changer du passé, même ce qui nous devance d’une, deux ou cinq minutes. Nous devons discuter, ce qui nous permettra de nous améliorer et à ne pas répéter les mêmes erreurs. Et pour qu’ils ne se culpabilisent pas, j’ajoutais que moi aussi j’en avais déjà renversé des verres.
Nous devons nous conditionner à toujours penser à ne pas briser l’autre, pas seulement en ce qui concerne les objets matériels, mais surtout dans son être, sa fierté. Si petit soit-il, il faut respecter son entité qui est l’essence de son être. Nous n’irions pas briser l’enfant du voisin car nous savons qu’il ne nous appartient pas, mais nos enfants non plus ne nous appartiennent pas. Notre engagement est de les aider à s’épanouir avec les talents qu’ils ont reçus.
C’est la vie heureuse de nos enfants qui nous est confiée. Les parents doivent être les meilleurs guides pour leurs enfants. Ils sont aussi les mieux placés pour leur donner psychologiquement la poussée généreuse afin de les aider à réaliser le plan de vie qui leur est désigné.
Nous savons que notre joie sera grande de rendre à chacun la dignité à laquelle il a droit, alors la joie de vivre demeurera en harmonie avec son être.
Si nos jeunes ne peuvent se servir des talents qu’on leur a confiés, que deviendra leur espoir de demain, qui est la source qui alimente leur vie. Nous devons savoir émailler leur avenir et insuffler un air tonifié d’espérance à leur existence. Nous sommes convaincus que l’être humain, qui sait conserver des raisons de vivre peut affronter toute la vie, les joies et les contraintes. Là est la clef des énigmes.
Une autre anecdote : Mes neveux me racontent qu’un jeune de neuf ans, de leur classe, se faisait bien battre par son père lorsqu’il ne restait pas assis dans l’escalier quand son père était dans la maison. Ce dernier venait de subir une séparation. Son épouse était partie avec le plus grand de ses fils. Je disais à ma soeur d’en parler au professeur, vu que ce dernier était le même que celui d’un de ses fils. Ma soeur n’était pas prête à cette idée et elle ne voulait pas se mêler des affaires des autres, surtout qu’elle connaissait un peu l’allure de ce père qu’elle avait remarqué aux rencontres des parents. Alors je consultai ma matière grise pour savoir comment sortir ce jeune de ses souffrances.
Je voulais aider ce jeune sans l’offenser davantage, alors il me fallait penser à ma manière de dire et de faire.
Quelques semaines plus tard, je revois ce jeune avec mon neveu. Je savais que la violence gestuelle s’aggravait et que son père l’avait jeté au bas de l’escalier. Je demande à ce jeune “s’il connaissait des petits garçons qui se faisaient battre par leur père.” Il devient tout rouge et ne peut répondre. Alors j’ajoute : “Si tu connais des petits garçons qui se font battre par leur père, dis-leur d’aller le dire à la police.” Ce jeune de neuf ans a compris le message. Par là, je lui ai donné une arme de défense. Quelques mois plus tard, ce jeune a été placé en foyer nourricier. Il a dit à mon neveu : “Tu remercieras ta tante, mais ne lui dis pas que c’était moi qui me faisait battre.” Pourtant la tendresse est puissante dans l’enseignement. Aujourd’hui, je crois qu’une phrase de ce genre devrait être inscrite dans le haut de chaque tableau dans les classes des jeunes et être vue par tous les parents. Alors, ils seraient plus hésitants à causer ces souffrances. Les jeunes parlent entre eux de leurs difficultés et souffrances familiales, mais ne savent que faire pour s’en sortir.
Nous ne devons plus penser que ces situations ne sont pas de nos affaires, même s’il s’agit de l’enfant d’un autre, car c’est une libération de conscience que nous voulons nous donner et c’est un manque de charité, car dans la mesure de notre possible il faut toujours demeurer “pairs-aidants ou pairs-aidantes” pour assister les personnes en difficulté que nous côtoyons.
Nous sommes devant une réalité familiale souvent difficile. L’éclatement des couples, les luttes en son sein, les nombreuses contraintes auxquelles elle doit faire face, engendrent une violence accrue, aussi bien physique que verbale. Cette réalité existe aussi dans les familles qui semblent unies mais qui proclament l’autorité dominatrice.
Une mère, dont le fils de onze ans s’était suicidé, est venue dire publiquement qu’il ne demandait jamais rien. Plusieurs d’entre nous auraient pu lui répondre que l’autorité qui existe chez elle est trop forte. Quand on a agi négativement avec eux depuis leur tendre enfance, les jeunes comprennent qu’ils ne doivent plus rien demander. Par là, on leur coupe bien des plaisirs, des joies naturelles, et ils deviennent amorphes devant la vie. Ils n’ont plus d’attente en rien. Certains parents se glorifient que leurs enfants ne font aucune demande. Cela coûte moins cher, disent-ils. Hé ! les parents, il faut analyser la pertinence de votre attitude envers vos enfants.
Revenons à la domination. Parfois ce sont les deux parents qui sont dominateurs, quelquefois c’est la mère seule, mais très souvent c’est le père seulement. L’épouse ne revendique pas. On lui a enseigné fortement la soumission à son mari. Elle ne veut pas briser l’autorité paternelle et son image.
En certains cas, il s’agit d’hommes d’affaires ou qui ont des professions. Elle pense aussi à la fierté de son mari ou de son conjoint ainsi qu’à la sienne et celle de sa famille.
Elle tolère tout, même les situations difficiles. Alors, automatiquement, elle oblige ses enfants à la même attitude d’acceptation aveugle devant l’autorité, même si celle-ci est exagérée.
Cette tolérance quotidienne des familles devant les abus, conduit à des situations très difficiles à vivre. Personne n’ose en parler. L’épouse n’exerce pas son droit de parole. Alors, qui ne dit mot consent à cet état de vie.
Le triomphe du mal n’exige rien d’autre que l’inaction du juste qui donne raison à l’injuste. Si on est trop tolérant, on devient aussi fautif que celui qui commet l’acte d’abus. Par une attitude trop permissive, on laisse s’amplifier les problèmes et cette trop grande tolérance peut amener à une part de culpabilité.
Il faut finir de faire l’autruche en s’obligeant à accepter toutes ces souffrances. Nous sommes nés pour la joie et non pour la souffrance. Comme disait le bon Père Poirier, “Pour sortir de la souffrance, il faut autant que possible, nous retirer ou ignorer ce qui nous fait souffrir, ignorer même les personnes qui donnent des souffrances car nous avons assez de nos souffrances sans prendre celles des autres qui ne nous regardent pas.” Nous devons aider les autres à se sortir de leurs souffrances, mais il ne faut pas nous les attribuer.
Gilles Vigneault disait que, toute notre vie, nous devons transporter la valise de notre enfance. Moi, j’ajoute que nous pouvons l’ouvrir pour laisser s’échapper nos souffrances. Ephraïm, celui qui a fondé la communauté des Béatitudes à Medjugorje, disait: “Oublions le chemin parcouru”, et j’ajouterais en souffrances. Comme le dit une chanson de Claude Dubois : “Qu’avons-nous fait pour que les loisirs en violence aient remplacé la douceur des fables? Cela fait du mal à nos rêves.” Vous devez savoir que la poésie et la chanson peuvent nous aider à livrer des messages et nous éveiller aux souffrances d’à côté.
Je m’implique bénévolement pour aider des jeunes désespérés. Il y a tellement d’occasions de bénévolat qui se présentent à nous que nous pouvons choisir la forme de bénévolat qui nous convient le mieux, celle où nous sommes le plus aptes.
Mon approche pour aider ces jeunes en souffrance a débuté ainsi: Je voyais régulièrement un jeune toujours seul. Il me semblait un peu triste. Il était autonome mais était passé par une dépression. Il réside à Charlesbourg et est natif de la Nouvelle-Écosse. Il m’a fait connaître une autre jeune fille en dépression. Je les ai amenés chez-moi. Cette jeune fille était en arrêt de cours de théologie à l’Université Laval. Elle avait perdu sa mère qui était décédée et, auparavant, elle avait perdu son ami. Que lui restait-il ? Un père noceur, alcoolique, au coeur en liberté, qui avait le goût de refaire sa vie au plus tôt. Quel support pouvait-elle attendre de lui?
Je me suis attachée assez facilement à cette jeune fille, bien gentille et sympathique. Lors de la période des fêtes, elle est venue demeurer chez-moi pendant quinze jours. Je l’ai hébergée plusieurs fois par la suite et, il y a trois semaines, elle m’a rejointe à 22h30, m’appelant d’une boîte téléphonique près d’une rue à Orsainville. Elle avait un pressant besoin d’aide et d’être hébergée, ce même soir. Elle ne se sentait pas en sécurité où elle demeurait. Je l’héberge donc et le lendemain, je l’amène au C.L.S.C pour qu’on l’aide à se trouver un logement où elle sera plus en sécurité. Comme je devais m’absenter pour la semaine, elle ne pouvait demeurer chez-moi. En l’espace d’une heure, on lui a trouvé un nouvel endroit où demeurer. Bravo au C.L.S.C de Charlesbourg et à ses intervenants.
Ces jeunes ont appris ma disponibilité et je leur ai dit que je serai là pour en aider d’autres qui connaissent des situations désespérées.
Ce matin d’automne 1993, vers 7h30, je m’étais rendue à la gare d’autobus de Ste-Foy chercher une grande amie. Je remarque un jeune de 17 ou 18 ans, triste, assis sur un banc. Je m’approche en marchant, avec l’air de passer ainsi ce temps d’attente. De suite, il m’aborde, me demandant si j’aurais quelques sous à lui donner. Je lui demande un peu son état de vie. Il venait de la Gaspésie, ayant un père colérique et buveur, une mère douce et six frères et soeurs. Ce jeune voulait se sortir de la souffrance et organiser sa vie à Québec.
Touchée par sa situation, je lui donne les dix dollars qui me restaient. Il me donne l’accolade, montrant par là sa joie et sa reconnaissance pour mon geste et s’en va.
Lorsque la passagère religieuse que j’attendais est arrivée, je lui ai parlé de ce jeune. De suite, elle me dit qu’il est peut-être parti s’acheter de la drogue. Je lui réponds qu’il peut être allé déjeuner et qu’en de telles circonstances, je n’ose demander ce qu’il fera de ce don. De plus, ce jeune avait eu l’humiliation de me demander seulement quelques cents. Mais je comprends l’idée de cette religieuse, qui a travaillé plusieurs années à la Maison de L’Auberivière.
Une autre anecdote: Je me rends à un centre d’achats de Charlesbourg en passant par l’arrière. Je vois un jeune, face au mur, avec un gros sac sur le dos. Je lui demande si je peux l’aider car je lui vois un visage triste. Il venait d’avoir une grande déception. Nous étions à la fin du mois d’octobre 1996. Il avait abandonné les cours à l’Université, que son père avait choisis pour lui. Comme il ne pouvait continuer dans cette matière, il l’avait dit à son père, qui l’avait mis à la porte, ajoutant qu’il ne voulait jamais plus le revoir.
Incroyable ! Il y a encore des pères qui imposent leur veto à leurs jeunes dans la vingtaine et se croient évolués, alors que nous sommes presque rendus en l’an 2000.
Voyant ce jeune dans la détresse, je l’ai emmené manger chez-moi et je lui ai donné le gîte pendant trois jours. Puis il a rejoint son oncle à l’île d’Orléans, où il demeure depuis.
Par la suite, j’ai rejoint ce père. Il me dit qu’il devait élever ses enfants comme lui l’a été. Je trouve que ce sont des moyens drastiques et de plus, il oblige son jeune à obéir à cette autorité abusive. Il dit vouloir le dompter. Pourtant nous ne pouvons et devons dompter que les animaux. Plusieurs parents parlent encore de dompter les jeunes. Alors pour qui les prennent-ils et de qui pensent-ils qu’ils proviennent?
C’est un mauvais langage, qui ne devrait pas exister humainement. C’est un manque de respect envers son jeune. Et, dis-je à ce père, où est l’amour que vous pensez peut-être avoir pour lui ? Toute cette pression dominatrice donne des émotions conflictuelles, qui ne servent qu’à briser les relations, brimant l’épanouissement du jeune, le faisant buter sur le négatif. Ce jeune doit choisir entre le bon sens et son père.
Si les jeunes veulent respirer à leur manière, exercer leur prise de position personnelle sans que l’autorité familiale intervienne pour leur enlever leur pouvoir de décision, ils doivent à regret couper la ligne de communication avec leur paternel trop dominateur et sortir de ce contexte familial pathologique.
Revenons à ce jeune. Étant jeté à la porte, il s’est fait couper les vivres, même s’il a un père fastueux qui pourrait étaler son avoir sur une grande surface. La raison de vivre de ce père semble monétaire. Il ne doit pas savoir que c’est notre état d’esprit et notre état d’âme qui nous rendent heureux et non ce que nous possédons, notre avoir quoi!
En décembre 1996, ce jeune que j’ai connu à l’arrière du centre d’achats, je l’ai amené au greffe des notaires, avec deux jeunes que j’ai déjà aidés, pour les initier à savoir compléter une chaîne de propriétaires d’une maison choisie, par là nous donnant aussi l’histoire de son terrain (lot). Ces trois jeunes sont en arrêt de cours universitaires. Ils perdent des pages d’études, mais ils en gagnent par la confiance et l’intérêt qui sont revenus en eux. Ils ont discuté avec de jeunes notaires que je leur ai présentés. Maintenant, ils en sont devenus amis et ces trois jeunes me disent être très intéressés par le notariat.
Trop souvent nous regardons nos jeunes comme des acquits. Nous exigeons qu’ils aient la même école de pensée que nous, même s’ils appartiennent à des pupitres de générations différentes, nous les voyons similaires à des censitaires qui nous doivent tout vu que nous avons été leurs pourvoyeurs.
Et ce père me disait que pour punir son jeune, il lui souhaite d’en rester au fini collégial s’il ne veut pas suivre ses ordres. Je réponds au père que ce sont des menaces et du chantage, qu’il veut manipuler son jeune par le régime de la peur qui se continue.
En fin de janvier 1997, une mère, dans le début de la cinquantaine, ayant une vie très bien organisée me disait au téléphone, - et excusez son expression, - “que nous avons tous mangé de la m... et que nous devons tous en manger.” Comme si elle pense, et en est même convaincue, que nous sommes nés pour avoir des souffrances. Je n’ai pu dire à cette dame qu’elle avait une fausse conception de la vie. Car nous sommes nés pour être dans la joie et la transmettre, cette joie de vivre, à nos jeunes et à tous ceux que nous côtoyons. Mais non pour être responsables de donner des souffrances aux autres pour les dompter, comme pensent plusieurs, encore aujourd’hui.
Toute parole insensée, dite, donne des souffrances, insulte, blesse même et nous sommes responsables de nos paroles et de nos agissements. Arrêtons de penser comme certaines personnes qui se glorifient d’avoir “bouché” un autre par la parole. Cela signifie qu’il y a une certaine rigidité en leur être et qu’ils manquent de respect aux autres concernés. Ces personnes, très souvent, il leur a manqué les ingrédients aromatiques de la douceur de l’amour. Aussi, ce n’est pas parce qu’on a eu un ou parfois deux parents d’une domination abusive, qu’on doit rester dans cette même ligne de pensée et s’obliger à continuer le même récit qui donne des souffrances à nos jeunes. Il est urgent qu’elles assouplissent leur façon de penser et d’être et se libèrent de leurs anciennes images d’esclavage, car leurs jeunes en souffrent.
Là, nous voyons le donné donnant. On veut donner les mêmes souffrances que l’on a reçues. Alors on oblige même nos jeunes de plus de vingt ans à subir la règle austère de l’autorité dominatrice. Pourtant, ils ne sont plus des enfants à former.
En réalité, la personne qui abuse de son pouvoir de domination, n’étant pas arrêtée dans son élan et ayant l’appui de son conjoint ou de sa conjointe, que ce soit par soumission ou pour avoir la paix et ne pas perdre les avantages de leur relation, maintient avec plus de force cette domination, développant une puissance gigantesque de manipulation sur son entourage.
Cette personne dominatrice, se sentant valorisée dans tous ses agissements, ressent une impression de supériorité qui lui procure des satisfactions. Cette personne ne réalise pas la gravité de ses comportements désordonnés et toutes les souffrances qu’elle donne aux siens.
Il faut se défendre dans ce système, surtout si l’on a presque ou plus de vingt ans. Nous ne sommes pas nés pour demeurer dans la souffrance que les autres nous imposent. Il faut même les abandonner si nous voulons retrouver la joie et vivre à notre manière, dictée par notre logique.
Un autre père me disait que, lui aussi, il donnait à ses enfants l’éducation sévère qu’il avait reçue et qu’il gardait la main haute sur eux pour conserver son autorité et son pouvoir. Où est l’amour dans tout cela? Pour lui, l’autorité passe avant l’amour. Elle fait agir par devoir et non par amour du devoir. Pourtant la propriété d’une personne n’existe pas.
Existe-t-il quelque part un inventeur d’appareil d’optique psychologique, collimateur pour ajuster notre regard où le désir de domination est exagéré, et unifier en bonté notre univers familial ? Si oui, nous devrions lui donner son brevet sans problème, afin d’avoir cet appareil sur le marché au plus tôt ou, c’est urgent, se le procurer avant que tous nos jeunes en viennent à désespérer et à s’éliminer.
Même pour ceux d’entre nous qui avons grandi en cette période où l’atavisme et les contextes de la vie nous ont formés et conformés, en ce temps où tout était défini avec précision, comme en un manuel de casuistique, aujourd’hui nous devons savoir faire des brèches dans notre optique pour nous adapter à la vie du jour et développer une grande ouverture d’esprit et de regard, pour savoir accepter les différences, les changements et le caractère hétérogène de chacun.
Nous avons un pressant besoin de trouver les mots et les gestes qui redonneront l’espérance à nos jeunes. Avec intérêt, nous pouvons emprunter l’alphabet pour former des phrases qui donneront un vocabulaire de confiance en la vie à nos jeunes.
Un jeune m’a bien surprise en me disant que, depuis sa tendre enfance, son père le manipulait assez régulièrement avec cette énonciation : “Aimerais-tu cela que ta mère commence à se fâcher ?” Le jeune disait non. En réalité, il en avait assez d’entendre l’intensité puissante des décibels de son père. Alors ce dernier ajoutait: “Ne lui dis pas ceci, ne lui dis pas cela. Ne parle de cela à personne.” Ce fils s’est presque toujours tu pour ne pas déplaire à son père. Ce jeune a tellement été retenu de parler par son père qu’il a une très grande difficulté à communiquer. Aussi, il a été très affecté par cette solitude que son père lui imposait.
Trop de pères imposent à leurs jeunes la solitude dès leur tendre enfance, n’acceptant pas les petits voisins à jouer dans le carré de sable chez eux, incroyable, mais vrai encore aujourd’hui ! Nous enlevons à l’enfant les moyens de communication qui l’aideraient à s’épanouir et qui sont des étapes très importantes à vivre.
Ce même jeune me raconte que, lorsque la parenté s’annonçait pour venir chez-lui, son père lui disait qu’il serait plus tranquille à lire dans sa chambre. Et, lorsque la visite était présente, ce père disait aux petits cousins et cousines qu’il ne comprenait pas que son garçon aimait mieux lire dans sa chambre au lieu de venir jouer avec eux. Deux dires différents de ce père. On me dit que ce père agissait comme cela assez régulièrement. En réunion de famille, ce père conseillait à son fils, dès ses six ans, de demeurer près de lui, que ces autres jeunes ne lui apprendraient rien et qu’ils n’étaient pas assez fins, assez intelligents pour lui, son fils. Quelle cruauté de manipulation. Moi, je vois cela comme criminel qu’un père soit aussi possessif et manipule ainsi son enfant. C’est révoltant même d’empêcher son enfant de s’épanouir avec les autres. Ce père n’acceptait pas que son épouse dise comment elle appréciait le savoir de son fils, de peur que ce dernier en devienne orgueilleux. Il est très déplorable que de tels pères soient si envieux des performances de leurs fils.
Ce jeune me dit avoir eu un malaise en lui depuis qu’il est conscient de la vie. Ce jeune a découvert l’importance de la communication à l’âge de 22 ans. Étant très soumis à son père et obéissant, il croyait que c’était celui-ci qui avait les idées justes. Même si sa mère lui avait parlé quand il était plus jeune de l’importance de la communication, il ne la croyait pas car son père lui disait assez régulièrement que, vu que sa mère n’avait pas de diplôme, elle n’avait pas un bon jugement. Vous, lecteurs, vous pouvez en déduire que ce père est homme de profession mais a les idées bien bornées pour ne pas savoir comprendre et ne pas savoir apprécier les autres.
Moi, j’aurais aimé avoir une scolarité universitaire mais je n’avais pas mon pouvoir de décision. Je suis convaincue qu’il n’est pas nécessaire d’être consacrée par un diplôme pour savoir trouver le bon dans l’autre et que ce ne sont pas les diplômes qui font la qualité de la personne. Cela peut aider à avoir une meilleure ouverture d’esprit mais encore là, on peut l’avoir sans avoir obtenu de diplômes, parchemins ou autres certificats. C’est ridicule et mesquin de penser de cette manière. Mais ce sont le coeur et la bonté, sans oublier la logique et l’amour des autres, qui font la qualité de la personne.
Ce jeune est sorti du paternalisme, mais démoli et voisinant l’idée du suicide. Le père, voulant se libérer la conscience, dit que si son garçon est comme cela, c’est qu’il est comme sa mère, sans diplômes. Que pensez-vous de ce père ? Moi, je crois que c’est lui, le malade. A-t-il une vision rétrécie ou embuée ? Je crois bien qu’il a les idées givrées et le coeur congelé pour avoir une telle perception de la vie. Je ne le crois pas récupérable même en psychiatrie. Nous faudrait-il épiloguer sur l’avenir brisé des jeunes par ces dominateurs ? Ces écrits déborderaient largement le volume de ce journal.
Il faut que demeure toujours vivante en nous cette empreinte de l’amour et de la bonté que nous avons reçus en héritage au pays des cigales, et que nous soyons assez habiles pour les transmettre en nos douceurs et nos tendresses.
On a aussi transmis à nos jeunes la vertu de la bonté en même temps que la grâce sanctifiante. Ils se surpassent en bonté, s’évertuant de plus en plus à bien faire, bien agir et sont très obéissants car ils ne veulent pas déplaire à leurs parents et surtout à leur père, qui très souvent les a fait vivre sous le régime de la peur et des blâmes brimant leur personnalité d’élite. Puis, malgré leur bon vouloir de plaire, de toujours bien agir, ces jeunes viennent à réaliser qu’ils se sont fait avoir par la manipulation dominatrice de l’autorité parentale négative qui les brise presque continuellement. Alors c’est la révolte en eux et c’est la déroute, parfois la fuite de ces jeunes qui donnera bien des angoisses. D’autres, n’ayant plus leurs armes de défense, demeurent bien soumis, étant dans la crainte de faire des erreurs et de fâcher l’autorité dominatrice.
Ces jeunes n’osent bouger, se replient sur eux-mêmes, plongeant davantage dans le désarroi, se devant d’accepter la solitude et l’ennui.
Ce désoeuvrement donne l’impression d’un échec de leur idéal et, quand ils ne disposent pas d’aide qualifiée pour les écouter et les comprendre, ils constatent leur impuissance à se relever. Le repli sur eux-mêmes les emporte au bas-fond du désespoir. Ils sont tellement bouleversés qu’ils n’en dorment plus. Tout cela contribue au découragement et là est la fatalité.
Certains parents manipulent leurs jeunes avec le quatrième commandement de Dieu : “Père et mère, tu honoreras, afin de vivre longuement.” Pensez-vous que ces jeunes veulent vivre longtemps avec ces parents, rabat-joie et extincteurs d’enthousiasme, presque quotidiennement.
Elle est inconcevable, cette domination abusive, chez des parents pratiquants et qui apportent pourtant de si grandes souffrances à leurs jeunes. D’autres semblent penser qu’ils détiennent la possession de la morale.
Qu’est-ce qui a pu entraîner cet appauvrissement du coeur et de l’esprit? Serait-ce dû à un mauvais développement de leurs neurones, à ces sortes de parents, ou ont-ils des gènes qui les gênent ou le lobe temporal qui n’intervient pas avec la pensée, pour retenir à ce point leur bonté et leur douceur ? Il serait si facile d’adopter gratuitement une composition de lettres qui dénoncerait son amour par les mots : “Je t’aime” et bien d’autres mots qui envelopperaient nos jeunes d’affection et de la clarté dans l’espérance. Par la suite, nous pourrions nous rejoindre au même registre d’opinions, appuyé sur le répertoire de nos valeurs différentes et s’accepter dans “le vivre et le laisser-vivre”.
Même s’ils ont connu une longue hibernation, nos jeunes ne veulent pas laisser fondre leurs rêves sous la gelée, car ils sont bien vivants. Ils ont beaucoup d’espoirs à réaliser. Il faut les aider, les encourager. Mon frère Léopold dit souvent qu’il ne faut pas laisser briser nos rêves. Moi, je lui réponds : “Que pouvons-nous faire si on nous les brise sans nous le demander?”
Je remarque que plusieurs de ces parents ont encore des tiroirs pleins de bonté et de tendresse à donner. Ils ne veulent même pas les partager avec leurs enfants. Pourtant, il faut se détacher petit à petit pour pouvoir y arriver complètement à la fin.
Si nous réfléchissons que l’aujourd’hui est le premier jour du restant de notre vie, cette réflexion nous donnera une grande énergie d’action et de bonté, que nous pourrons déposer sur la boussole de nos jeunes afin qu’ils demeurent en mouvement d’espérance, bercés par les violons d’une santé morale et physique florissante. Alors, les parents, votre personnalité pourra se reposer sur la tendresse de vos cheveux blancs.
Un certain père manipulait son jeune depuis sa tendre enfance, lui disant dès ses trois ans de ne pas se laisser bercer car il ne fera pas un homme. Alors, même si l’enfant avait la fièvre, il ne voulait pas se laisser bercer par la suite. Vers ses six ans, son père lui disait de ne pas embrasser sa mère avant de se coucher car il ne ferait pas un homme. Il semble que sa mère allait l’embrasser dans son lit et l’enfant de dire: “Tu ne peux pas, maman, je ne ferai pas un homme.” Et la mère de répondre : “Tu ne pourras faire une femme non plus.” Alors que pensez-vous que l’enfant dans sa réflexion se disait? : “Je ne suis rien!”
Un jeune me dit qu’il aurait aimé aller au Patro mais son père le lui défendait. C’est révoltant de voir que la domination en est rendue là. Ce père décida même quel cours universitaire son jeune devait suivre. Ce dernier ne put terminer sa deuxième année. Ensuite, ce père est très surpris que son jeune ne puisse performer et qu’il fasse des dépressions à répétition.
J’ai appris que ce père n’était pas facile à vivre même au bureau. Non-pratiquant, il se cherche je crois bien, et développe continuellement sa domination. Cela n’est pas possible pour ce jeune de retourner vivre avec ses parents. Sa mère, étant bien soumise, croit qu’il lui faut demeurer avec son mari, vu qu’elle lui a promis son engagement devant l’autel, et lui la manipule sous ce prétexte. A-t-il peur de la perdre! Ce jeune ne peut avoir de support de ses parents. Je le garde chez moi par intervalles. Il est sorti du paternalisme mais est démoli et l’idée du suicide le voisine.
Nous ne savons pas toutes les souffrances que causent à ces jeunes ces “apostrophes de pères”, avec toutes leurs renonciations imposées, qui peuvent les conduire à la ponctuation du point final.
Certains parents font miroiter tout ce que leurs jeunes leur ont coûté, sur les plans monétaire et du dévouement, remontant dans leurs comptes jusqu’à la conception. Quelle manipulation! Beaucoup de familles ont aussi à subir l’état d’ébriété du père.
Certains jeunes, ne pouvant assouplir l’emprise du bouleversant système parental, s’ils veulent s’en sortir, il leur faudra fuir la maison. Pour certains, il leur faudra se sauver afin de trouver un peu de liberté d’esprit et de pouvoir sur eux-mêmes.
Étant démunis de tout, y compris monétairement, ils prennent le gîte et la nourriture qu’ils trouvent, là où ils le peuvent, et sont victimes de toutes les attirances qui se présentent à eux. Ensuite, nous sommes surpris quand nos jeunes vont dans toutes les directions, qu’ils promènent leurs sentiments d’un bord à l’autre. Certains peuvent aller jusqu’à l’état de prisonniers. Nous les croyons même sur l’autoroute de l’enfer.
À ce que je sache, deux jeunes voulaient suivre des cours en théologie. Leur père n’a pas voulu. L’un disant que ce n’était pas assez payant et l’autre de dire que bientôt la religion n’existerait plus. Ce qui n’empêchait pas ce dernier de demander à ses filles pourquoi elles ne voulaient plus pratiquer.
Un autre jeune me dit que son père lui fait beaucoup de reproches lorsqu’il a des divertissements à l’extérieur de la maison. N’a-t-il pas le droit de se distraire sagement parce qu’il a un père qui lui paye des cours universitaires ?
Quatre jeunes, au collégial, me disent que leur père les oblige à promettre de ne pas avoir d’amie s’ils désirent faire des études universitaires. Remarquez qu’on ose même briser l’ordre naturel de leur vie, qui est en eux, car c’est souvent entre 16 et 22 ans que ces jeunes peuvent penser à remarquer les filles et il en est de même pour ces dernières. Nous savons aussi qu’il existe des jeunes plus précoces. N’ont-ils pas le droit d’aimer ? Ils ont l’atout et l’attrait mais pas le droit de faire des conquêtes. Ils sont à l’âge des rendez-vous, de vivre leurs amours, sans pouvoir aimer, l’âge du chemin des amoureux sans pouvoir y circuler. Nous avons peur qu’ils négligent leurs études, mais on ne se gêne pas pour les briser dans leurs sentiments. Bien souvent, ils peuvent accorder les deux.
Trop de nos jeunes sont prisonniers de la domination et des peurs parentales. Comment peuvent-ils penser pouvoir atteindre la cible d’action qui existe en eux, s’ils n’ont pas l’aide de leurs parents. Pourtant ce sont ceux-ci qui seraient le mieux placés pour aider leurs jeunes à suivre leur cheminement d’évolution, en appuyant sur leurs possibilités de réaliser des projets mais en leur laissant la liberté d’esprit et de jugement pour que chacune des facettes de leur vie soit réussie.
Une autre anecdote, montrant comment la domination maternelle a brisé la vie de son fils. Dernièrement, c’est au salon mortuaire, au décès d’un monsieur K. de près de 50 ans, que j’ai compris pourquoi il avait eu une vie si désordonnée. Ce dernier m’avait déjà dit que, dans sa tendre enfance, sa mère qui était sévère et très maligne, le faisait battre sans raison par son père avec sa ceinture de taille et qu’il en avait gardé une grande révolte.
Il était le premier-né de cette famille de onze enfants. Sa mère disait que, si on domptait le premier, les autres allaient bien aller. En réalité, il a dû recevoir gratuitement ces “envolées gestuelles ceinturées”, en être une victime, pour que les frères et soeurs qui le suivaient parviennent à réussir leur vie. Ce même jeune, à ses 19 ans, lorsqu’il apprit à sa mère qu’il avait une bonne amie, de suite elle dit à son père que s’il laisse sortir son garçon, K., avec les filles, celui-ci ne serait plus disponible pour travailler avec lui. Le père appuyant tout ce que son épouse voulait ou disait, s’est acharné avec cette dernière à briser les amours de K. et ils ont réussi. Ce K. en a été tellement bouleversé qu’il a commencé à mener une vie de fou, à courir les jupons et même à voler et à boire. Il a fait plusieurs accidents.
Les parents avaient très peur des agissements de leur fils K. Le père payait pour ne pas que K. fasse de la prison, pour que l’image de cette famille reste sans tache. À ses 24 ans, ce K. se maria à une autre jeune fille qui portait le même prénom que la première mais avec laquelle il n’avait pas d’affinités. Par la suite, K. continua à boire, à courir les jupons et à voler. Pauvre K. Il a été bien brisé par cette dominatrice maternelle à l’esprit pervers et dépravé.
Cette mère a bien manipulé son mari par des : “Si tu ne dis pas cela ou si tu ne fais pas cela, je m’en vais.” Alors ce père si obligeant, de dire et de faire ce que cette dernière désirait. Il a donné beaucoup de souffrances à ce fils qui a bouleversé toute la famille. Le père est décédé l’année dernière et la mère, pour se libérer la conscience, se demande ce qu’elle a fait au bon Dieu pour avoir un fils comme cela. Elle ne réalise pas ses grandes erreurs qui ont brisé son fils. Quelle lecture devons-nous faire de tout cela? Cette mère n’a jamais su pavoiser son coeur de bonté et de tendresse. Ses autres enfants ont eu aussi à subir beaucoup de divergences. Elle est toujours là pour placer des frontières à leurs décisions, même s’ils ont tous plus de vingt-cinq ans.
En réalisant tout le bouleversement que ce K. a eu, je raffermis davantage ma pensée de ne jamais juger un humain par son comportement, car nous ne savons pas tout ce qu’il a vécu de souffrances pour en être rendu là. Une grande partie du climat familial est la responsabilité des parents.
Comment les jeunes peuvent-ils s’organiser une vie de qualité, en parallèle avec l’harmonie et la joie de vivre en douceur et en bonté, s’ils ont une thématique très lourde à vivre.
Nous sommes en instance d’espérance et sollicitons de façon urgente l’abandon de cette domination abusive pour la remplacer par la tendresse et la douceur.
Sinon combien de têtes faudra-t-il perdre pour que nous comprenions l’importance pressante d’abandonner cette domination, dont trop souvent nous ne réalisons pas les ravages vu que nous nous sentons valorisés en la conservant. Cette domination brise la qualité de coeur et d’espoir de nos jeunes et de nous tous.
Ce qui fait leur force, à ces parents dominateurs, c’est la faiblesse de leurs jeunes, à qui ils ne laissent aucun droit de parole et de décision, de peur qu’ils aient raison. Alors il ne reste à ceux-ci aucun pouvoir de défense. Nos jeunes savent bien ne pas parvenir à triompher de toutes leurs attentes mais, comme nous, ils veulent essayer de se complaire à en réaliser et à en parfaire une bonne partie pour entrer dans les critères de la société. Etre autonomes, quoi!
C’est bien triste de constater qu’une grande partie de notre si belle jeunesse soit dissoute par cette domination trop sévère. Il vaudrait mieux éliminer cette trop grande domination avant que nos plus jeunes, vivant dans ce même contexte, en viennent aussi à se suicider.
Quoi de mieux que de se relier avec élégance à une voix aux couleurs apaisantes, avec des qualités aux senteurs odorantes d’amour et de souplesse, pour assurer l’alternance : Changer le mal en bien. Là, vos enfants sauront prendre une nouvelle direction dans la confiance et l’espérance, qui ne pourra leur être que bénéfique. Ils vivront des moments qui leur sembleront presque magiques et auront des objectifs élevés qui rehausseront la qualité de leur personnalité.
Nous ne sommes pas tous doués d’extraits de cerveaux de professeurs mais nous devons, selon nos possibilités, leur inoculer nos croyances et nos bonnes idées, pour aider les jeunes à être en meilleure posture pour laisser émerger l’espérance. L’activation de leur réseau de neurones par la secrétion d’adrénaline en serait favorisée positivement. Alors il faudrait changer la trajectoire qui émanait du labyrinthe du désespoir et diriger leur gouvernail vers une vie nouvelle, enjolivée d’espérance qui agrémenterait leur quotidien.
En sommes-nous rendus à penser que, si nous voulons avoir des enfants, nous devrions nous faire un schéma et y inscrire les critères que nous voulons retrouver en nos jeunes pour qu’ils soient épanouis et réalisent leur vie à leur manière? Il faudra les aimer en douceur, en tendresse, avec leurs différences. Alors ils pourront s’adapter plus facilement à la vie du jour. Ou si nous voulons leur créer toutes sortes de problématiques, nous devons agir en conséquence, les bouleverser par une domination rigide, comme celle que nous avons peut-être connue.
C’est dès la naissance de l’enfant, dès son premier vagissement que nous devons commencer la prévention du suicide. Que toutes paroles ou actions soient bien pensées et repensées avant d’être données. Toutes marques d’amour et d’affection seront appréciées et conservées dans la joie pour le bonheur de nos plus petits, de nos grands et de nous tous. Ainsi nous pourrons bannir de notre monde beaucoup de souffrance qui brisait notre être, notre famille et notre peuple.
Toute vie humaine a une valeur sacrée. Si nous ne pouvons aider nos jeunes à réussir leur vie, alors tout ce qui leur restera sera la pensée de ce qu’ils auraient pu être.
Qu’est-ce qui vous tient le plus à coeur dans votre vie? N’est-ce pas le succès de vos enfants dans leur épanouissement et leur bien-être? C’est le rêve que nous caressons tous, je crois.
Vous serez peut-être offensés de réaliser que vous êtes un dominateur ou une dominatrice, surchargés de pouvoir qu’il vous faudra abandonner sans le publier ni l’afficher mais en toute humilité, savoir vous incliner et accepter que vous ayiez été trop sévères avec votre ou vos jeunes.
Il faut reconsidérer vos positions, changer votre optique et votre attitude envers eux car là vous réaliserez que vous n’avez pas le droit d’imposer votre domination pour briser un être, et pas même votre jeune qui ne vous a été que prêté, pour l’aider à s’épanouir et non le rendre aphasique. Est moins encombrant celui qui ne peut parler, celui qui n’a jamais le droit de parole, mais c’est un crime de l’empêcher de parler. Reconnaître votre grand manque, c’est accepter de vous réconcilier avec la bonté, vous libérer de cette domination qui brise la vie de vos biens-aimés.
Vous devez lui dire à votre jeune désespéré, surtout s’il a plus de 18 ans, que vous avez été trop sévères et qu’à l’avenir vous lui laisserez son pouvoir de décision en tout, le laisser vivre à sa manière. Cessez tous ces blâmes et reproches que vous lui donnez continuellement et gratuitement. C’est bien offensant pour lui et cela lui enlève toute confiance en lui-même.
C’est celui qui a compressé les situations qui peut les décompresser complètement pour en sortir tout le malaise. Ah! si nous pouvions décompresser tout ce que nous avons compressé! Quand vous laisserez la domination et la manipulation, votre enthousiasme et votre joie jailliront. Vous aurez fait un gain sur vous-mêmes, accordant des points à votre épanouissement. Vous le ressentirez à l’intérieur de vous et vous serez valorisés, et sereins, ainsi que les personnes concernées. Vous n’aurez plus peur de tout ce qui sera différent. Votre vie et celle de votre famille en seront améliorées. Vous aurez à vivre une vie nouvelle
Un père me disait qu’il ne voulait pas de vie nouvelle et qu’il ne changerait donc pas d’idée pour élever ses deux fils dans la vingtaine, qui n’ont pourtant plus l’âge d’être formés. Sans prédire, je lui dis que d’une manière ou d’une autre, il aura une vie nouvelle. “Si vous changez votre attitude de domination envers votre garçon désespéré, vous aurez obtenu la vertu de la sagesse et vous vous sentirez libéré. Cela vous procurera une vie nouvelle. Sinon, votre garçon peut devenir un bienheureux et vous aurez une vie nouvelle sans lui.”
Nous avons une vie nouvelle toutes les fois que nous avons un changement, une addition par une naissance, une soustraction par un départ, un changement de position, un déménagement, etc... etc... Nous avons tous plusieurs vies nouvelles à vivre. Moi, cela m’a amenée à m’adapter plus facilement aux changements. Aux dernières nouvelles, ce père va obtenir la vertu de la sagesse. Heureusement, il peut modifier son comportement et adopter une meilleure attitude qui va sauver son garçon du suicide.
Il ne sera peut-être pas facile de déraciner vos habitudes et de changer votre style de pensée et de parole, surtout si cela fait plus de trente ou quarante-cinq ans que votre domination existe, mais si vous savez dire “Je veux” et non “Je voudrais”, vous allez y parvenir. Il suffit de penser que vous êtes là comme guide et non comme gouverneur. Vous pouvez suggérer des choses, des manières de faire, mais pas obliger les autres en parole, ne pas leur donner d’ordres et accepter que chacun décide pour soi. C’est très important de laisser le pouvoir de décision à chacun. Ainsi chacun se sentira respecté dans ce qu’il est et dans ce qu’il veut. Si votre jeune est rendu au désespoir, raison de plus pour le lui dire à plusieurs reprises, il reprendra confiance et en lui et en vous.
Vous savez qu’en amour ou autrement, nous devons toujours aimer l’autre pour ce qu’il est et non pour ce qu’il a. Alors c’est le temps plus que jamais de lui montrer que vous l’aimez pour ce qu’il est, car à son âge, votre jeune est démuni de tout ou presque tout, comme nous l’étions à cet âge.
La rapidité de votre émondage en nature de domination surprendra votre jeune mais servira à calmer ses alarmes. Il saura que vous voulez réparer et lui donner toutes les chances pour qu’il puisse reprendre goût à la vie. Alors vous n’aurez pas à faire de mea culpa funéraire car vous aurez pu sortir votre jeune de cette incubation de souffrances. Moi, j’aurais bien aimé être informée plus tôt de ce que j’ai appris depuis cinq ans en mes recherches d’analyse du pourquoi de ces retraits, et par la communication de renseignements que j’ai pu recevoir au sujet du suicide. Peut-être, j’aurais pu sauver mon garçon de cette horrible torture qu’a été pour lui ce préambule au suicide. Martin, c’est l’insomnie de six à sept mois qui a fauché ses énergies.
C’est par notre manque d’information, notre ignorance que nous souffrons et faisons souffrir les autres. La connaissance nous libère de nos peurs.
Le suicide affecte la famille par son deuil mais le préambule du suicide est terrifiant, bouleversant et atroce même pour ces jeunes car c’est une longue agonie. C’est l’enfer pour ces personnes au désespoir car elles ne veulent pas s’éliminer mais elles ne sont plus capables de vivre cette souffrance déchirante qui les habite de façon presque continuelle. L’angoisse et la panique sont si grandes que ces personnes sont convaincues que seule la mort peut les délivrer de leurs malaises, leur mal de vivre. Alors la mort les prend de vitesse s’ils ne peuvent avoir l’intervention des spécialistes au bon moment. La dernière journée, c’est le martyre pour eux, il m’en passe des frissons que je n’aime pas. J’affectionne plutôt de penser que maintenant mon grand est un bienheureux. À quel sacrifice il s’est astreint.
Ma soeur Hélène m’a bien aidée dans ce deuil, elle a été pour moi un support dans cette situation obscure que j’étais obligée de vivre. Elle me dit aussi que peut-être mon Martin avait seulement cette vie-là à vivre. C’est le Seigneur qui dirige les événements, il me faut accepter même si cela est difficile. Dans la vie comme dans la mort, nous appartenons au Seigneur. Ce que nous sommes est un cadeau de Dieu et ce que nous devenons est notre cadeau à Dieu.
Il faudrait bien toutes les sauver, ces personnes au désespoir. Nous aimerions bien les voir afficher des coeurs aux couleurs de la joie, mais comment faire quand ils sont des victimes avec la mort dans l’âme.
Que devons-nous faire si certains parents dominateurs ne veulent laisser prise parce que le prestige du pouvoir de domination leur tient trop à coeur ainsi que leur fierté. Je crois bien que nous devons nous impliquer pour faire anéantir tant de souffrances chez nos jeunes, les sortir de cet univers de ténèbres afin qu’ils ne tombent pas dans l’abjection en devenant des épaves et en se laissant aller à un état étique. Nous ne devons surtout pas nous croiser les bras et dire, comme pour les choses matérielles : “C’est pas moi qui l’ai brisé, alors je ne touche pas à cela. Je ne me mêle pas des affaires des autres.”
N’est-il pas dit quelque part que nous devrions faire à l’autre ce que nous aimerions que l’on fasse pour nous-mêmes si nous étions dans les mêmes situations. Tous, nous avons eu quelqu’un et même plusieurs personnes sur notre route, pour nous aider à réussir à être ce que nous sommes et je crois que nous devons transmettre notre aide à ces jeunes afin qu’ils puissent prendre leur vie en main, être autonomes quoi, et dans ce que nous leur livrerons, ils choisiront ce qui leur conviendra.
En 1990, j’étais allée porter dans une famille l’ensemble des cinq volumes de “Biographie et Histoire des Gens de Charlesbourg”, que nous venions de publier. La mère dit à son fils unique de huit ans, et le père l’appuyait : “C’est pour toi que nous avons acheté ces volumes, alors plus de “couraillage” dehors et, ajoutait cette mère, il faut que tu lises tous ces volumes.” 3646 pages, 8 1/2” x 11”. Ces paroles ont résonné en moi comme si on lui donnait une condamnation à lire toutes ces pages. Si nous ne laissons pas courir leur enfance sans les surcharger lourdement, comment se sentiront-ils libérés à leur adolescence?
Toujours en prévision de ces volumes, je m’étais rendue chez des gens pour chercher des photos de famille pour les y insérer. Un jeune, au début de la trentaine, est venu m’ouvrir. Le père me répondait à distance, me disant qu’il était alité. Il criait à son fils d’aller chercher les photos dans telle chambre, tel tiroir. Le jeune ne les trouvait pas, alors il lui criait: “ Ma tête de c..., va voir dans l’autre chambre” et ce père me disait à voix forte: “Excusez-le. C’est mon innocent de fils qui ne comprend rien. J’en ai rien qu’un comme cela sur mes dix enfants et c’est lui.” Quelle humiliation donnait-il à son jeune et quelle souffrance ! Ce fils semblait très gêné et avec raison. Comment devait-il se sentir et quel manque de respect à son être. S’il avait vraiment un handicap, c’était encore plus humiliant. Sa famille et ce jeune peuvent vraiment penser qu’il est innocent vu que la “force supérieure” de ce père le dit.
Ce jeune doit penser qu’il est né pour être offensé, et quelle confiance peut-il avoir en lui? Quelle avalanche d’offenses et de bêtises les jeunes sont trop souvent sujets à recevoir. Ce père ne semble pas savoir que ce que l’on ressent et que l’on fait ressentir par nos paroles et nos gestes, c’est très important. Nous avons reçu l’usage de la parole pour compléter de belles phrases, prononcer avec bienveillance des paroles de gentillesse et de grâce et non pour offenser, humilier, dominer, manipuler. Trop souvent nous laissons dans l’encrier de très belles paroles à dire à ceux que nous aimons.
Un autre père disait à son seul fils, depuis son enfance : “Vas-tu nous aider jusqu’à la fin ?”, voulant dire jusqu’à la mort de ses parents. Ce même jeune voulait aller terminer ses études à l’extérieur. Il en parle à son père. Ce dernier de répondre : “Vas-y, mais qui va souffler la neige, qui va tondre le gazon? Et si j’en meurs, de dire ce père, cela sera de ta faute.” Quelle manipulation, quelle domination. Si vous saviez où est rendu ce jeune qui n’a pu continuer ses études où il voulait. Ce père portant l’égoïsme à son comble n’a plus son fils avec lui.
Pourtant on n’a pas des enfants pour nous servir mais bien pour les aider à s’épanouir. On a perdu le vrai sens de l’éducation à donner en vue de l’épanouissement de nos jeunes afin qu’ils réussissent leur vie eux aussi.
Je crois que nous sommes à l’heure de grands changements dans le courant de nos pensées. Nous sommes amenés à reconsidérer nous aussi nos positions. Cela va être dérangeant, mais cela vaut la peine d’aider ces jeunes en souffrance, au bord de l’abîme, avant qu’ils aient levé les pieds.
Nous vivons dans une mer de monde, inquiets, et la majeure partie d’entre nous ne voulons pas demeurer sourds à ces souffrances. Je sens monter des rumeurs de dévouement. Je sais que dans notre monde il existe encore plusieurs coeurs semblables à ceux de Saint Vincent de Paul et Don Bosco, qui veulent tout faire pour aider ces jeunes à se sortir de cette torture et de ce désespoir. Où sont-ils ces jeunes? Près de vous, peut-être. Soyons toujours aux aguets pour donner un vocabulaire d’espérance à tous ceux que nous côtoyons. Un simple bonjour peut donner beaucoup de joie à ceux qui le donnent mais aussi à ceux qui le reçoivent. Ils se sentiront appréciés et aimés.
Toutes personnes qui demeurent inertes, solitaires, qui n’ont pas d’habileté à communiquer et qui acceptent la domination désordonnée seront plus sujettes à faire des dépressions. Mais si les personnes seules savent s’intéresser et même se passionner pour demeurer en activité, elles apprendront à communiquer et seront ainsi moins exposées à ce marasme du désespoir.
Dans l’enseignement à donner à nos enfants, il est très important de leur laisser, dès leur enfance, toutes les occasions possibles de communiquer car c’est très important pour leur épanouissement. Cela leur donnera une bonne ouverture d’esprit sur les autres, alors l’apprivoisement leur sera plus facile, ainsi que le cheminement. Sans oublier peu à peu de leur laisser leur pouvoir de décision sur de petites choses pour les habituer aux grandes décisions de l’âge adulte.
Si vous rencontrez des dominateurs ou dominatrices dans votre parenté ou parmi vos amis, vous devriez leur dire qu’il leur faudrait changer d’attitude. Leurs jeunes seraient moins sujets à se suicider. Nous pouvons être bien généreux pour nos enfants et ne pas respecter leur pouvoir de décision.
Tout en nous n’est qu’aspiration à la félicité. Nous devons nous discipliner et garder ce désir intense puisqu’il est un important facteur de dynamisme dans notre vie. Il est essentiel de savoir apprécier nos jeunes. Ils faut les complimenter pour ce qu’ils sont et pour ce qu’ils font. Ils acquerront plus de facilité à prendre confiance en eux. Alors ils auront une meilleure réussite dans la vie et accompliront les grandes choses qu’ils avaient idéalisées : aimer et savoir se faire aimer. Leur dire la chance que nous avons de les avoir pour enfants. Eux penseront de même à notre égard. Ils nous aimeront davantage car ils ressentiront notre amour pour eux.
Notre subconscient peut tout. Il détient une puissance merveilleuse, celle de nous aider en tout. Il rend possible toutes nos pensées, qu’elles soient positives ou négatives. Libre à nous de conserver celles qui nous plaisent mais les positives favoriseront notre bien-être.
Lorsque j’avais treize ans, j’ai acheté mon premier bouquin dont le titre était: “Votre subconscient peut tout”. Vu que ma mère est décédée alors que j’avais six ans, je voulais comprendre la vie, me comprendre et comprendre les autres autour de moi, avoir une meilleure ouverture d’esprit. J’ai lu et relu ce petit volume de psychologie pour analyser le contenu de ses lignes, savoir bien agir, avoir un style de vie qui donne un espace où construire son havre de paix, créant des liens de bien-être entre ceux qui m’entourent et moi-même. La lecture de plusieurs autres volumes de psychologie m’a bien captivée. Ah! la lecture, du plaisir à la page !
C’est en aidant les autres à s’épanouir que nous pourrons nous épanouir davantage. Il y a comme une loi naturelle en nous qui nous incite à nous améliorer continuellement. Tous, nous désirons atteindre la perfection, mais nous en sommes toujours plus loin que nous pensons l’être. Alors il y a sans cesse place pour l’amélioration de notre personnalité.
Nous ne pouvons absolument pas nous améliorer si nous n’avons pas de but. Quelqu’un qui n’a aucun but ne peut être motivé. La motivation est l’aliment intérieur qui nous pousse à agir. Le seul fait de se fixer un but précis est le point de départ de toute réussite heureuse. Il est bon d’avoir des hausses de réflexion certains jours et en venir à une idée juste de ce que nous vivons, pour voir clair par rapport à ce que nous avons vécu et ce que nous voulons vivre.
*Tout est dans la perception. Une grande part de notre attitude déterminera ce que seront nos enfants. Tout part de nous, de notre regard, de notre attitude. C’est celle-ci qui nous permettra d’être en harmonie avec nous-mêmes et avec les autres que nous côtoyons. C’est du moins notre credo.
Je lisais dernièrement que nous sommes naturellement doués de bonnes aptitudes et que si nous conservons de bonnes attitudes, cela compte pour 80 % de la réussite globale d’un individu. La bonne attitude fait naître des circonstances favorables. Là est le secret de l’épanouissement de notre personnalité. L’homme et la femme n’ont pas été créés par les circonstances mais les circonstances sont créées par eux.
Tous nos jeunes ont des ressources naturelles pour bien fonctionner. Par notre attitude, leur donner la vision de leur succès est très important. Beaucoup de problèmes en seraient dissous et cette perception créerait même des idées propres à les décompresser.
Dans une réunion, un monsieur nous disait qu’il regrettait d’avoir donné une vie difficile à son épouse et que c’est par elle et par le ministère de la Justice qu’il avait été sorti de la maison. Je lui réponds qu’en réalité ce ne sont ni son épouse ni le ministère de la Justice qui l’ont sorti de la maison mais bien son attitude de mauvaise foi envers elle qui lui a permis, à elle, de penser à s’informer pour savoir comment sortir de cette souffrance. Il faut apprendre à discerner entre ce qui donne l’impression et ce qui est juste. Cet homme, dans la cinquantaine, faisait une bonne dépression. Autant il se valorisait avant, autant il se dévalorisait. Il voyait tout le monde en noir, surtout les femmes.
Je lui dis que cela pouvait être à la mode mais qu’il devait changer son regard s’il voulait arriver à bien vivre en harmonie avec lui-même et avec les autres et reprendre confiance en la vie. Je lui conseille de se rappeler chaque matin, au départ de chez lui, que toutes les personnes qu’il rencontrera ont la volonté de bien agir et cela, selon leurs connaissances. Il constatera, hélas, bien des erreurs et des manques mais cela le rendra plus compatissant. Dans le transport en commun, peut-être quelqu’un lui marchera sur le pied, mais il devra comprendre que cette personne ne voulait pas mal faire. Le principal avantage pour lui , c’est qu’il passera une meilleure journée, augmentera son bien-être et cela même s’il se culpabilise encore d’avoir causé la rupture conjugale.
En réalité, le divorce nous affecte. C’est une situation humiliante, révoltante, très dérangeante même, surtout si nous avons toujours agi pour le mieux, avec les connaissances que nous possédons. Notre fierté en prend un coup mais il ne faut pas se suicider pour cela. Quand le divorce est accepté par le ministère de la Justice, nous ne pouvons le refuser. Arrêtons de penser que c’est un échec, un insuccès mais voyons-le plutôt comme une libération. D’ailleurs très souvent c’est une grande libération et un soulagement pour les deux personnes en cause. Nous cesserons de nous détruire, de nous tuer l’âme psychologiquement.
Il serait inutile de s’obliger à demeurer ensemble sous prétexte que nous avons une alliance, un engagement catholique. Nous savons que les attraits de l’amour sont au passé et que nous ne sommes plus ou n’avons jamais été sur la même longueur d’ondes, en réalité, ni au même niveau de pensée. Alors ne pouvant nous rejoindre sur le même palier d’idées, nous sommes mieux de renoncer et d’accepter cette séparation de notre alliance.
Aujourd’hui, l’adoucissement des règles ecclésiastiques mieux adaptées nous avantage en nous permettant de refaire notre vie en conformité avec l’Église catholique. On nous présente un questionnaire auquel on doit répondre en restant fidèle à la vérité. Puis nous obtenons notre annulation ecclésiastique. Tout ceci nous permet de garder l’espérance et de refaire notre vie avec un mieux-être. Nous pouvons regarder cela comme une autre chance de pouvoir réaliser une reprise.
Si nous nous sommes mariés, ce n’était pas pour nous séparer. C’est pour cela que le divorce nous affecte tellement et que notre fierté en est fracassée. Cette séparation bouleverse beaucoup notre manière de penser et notre inquiétude sera plus grande si nous avons des enfants, une raison de plus de ne pas se suicider. Nous ne pouvons changer le passé mais devons l’accepter même s’il est douloureux parfois.
Quand nous sommes dans le flot de ces séparations, le fait d’être nombreux à vivre ce problème nous permet de sympathiser ensemble. D’ailleurs, maintenant, il n’y a plus de honte à être divorcés.
Une amie est venue me dire sa peine, vu que son garçon devait accepter le divorce. “C’est bien triste, lui dis-je, mais il faut l’aider à l’accepter. Moi, j’aimerais bien pouvoir dire cela de mon garçon. Alors, il serait encore vivant.”
Notre regard fait foi de tout. Pourquoi se tirailler, se donner des souffrances si l’impossible est au présent. Je ne veux inciter personne à demander le divorce mais il faut reconnaître que parfois il n’est plus possible de continuer ensemble.
Par la suite, nous réaliserons que notre coeur est en liberté pour une reprise mais nous devons prendre garde de ne pas briser une union pour nous en refaire une autre , même si telle personne ne nous laisse pas indifférente. Appuyer son bonheur en brisant celui d’une autre personne, cela est fragile à soutenir longuement. Dans notre choix, il faut savoir les critères que nous désirons chez l’autre car nos priorités ont pu changer d’étage. La désagrégation de la cellule familiale de notre enfance est peut-être, parmi d’autres maux, une des raisons profondes du malaise ressenti par les personnes qui l’ont vécue.
Comment pouvons-nous bien voguer sur le fleuve de la vie ou tout doit être pensé de façon à assurer notre bien-être, si on a, depuis toujours, connu une vie tribale sous l’autorité d’un chef omnipotent.
Je crois que nous devrions peut-être instaurer une partie du Québec, un peu à la manière des Kibboutz en Israël. Quand je les ai visités, j’ai appris qu’ils avaient une doctrine communautaire. Chacun travaille selon ses goûts et capacités. Personne ne reçoit de salaire et chacun reçoit la nourriture, l’habillement et autres nécessités selon ses besoins. C’est la communauté qui prend soin de tout ainsi que des enfants. Les parents les voient au réfectoire avant de se rendre au dortoir.
Les parents perdent le double aspect protecteur et nourricier qui est un des éléments qui alimentent l’instinct filial, mais ils voient si peu leurs enfants que, lorsqu’ils les voient, me disait une dame, ils leur donnent toute l’attention possible et ils savent apprécier leur épanouissement. Ils réalisent davantage que leurs enfants ne leur appartiennent pas. Ils n’ont pas le droit de les taper. Ils ont beaucoup de conférences et de films sur la psychologie. Personne n’est premier ni dernier, on leur prêche l’égalité. Tout ce monde vit dans le calme et la bonté.
**Déstabilisons le silence : Vous savez que nos priorités peuvent changer en ce qui concerne les valeurs. Pour certaines, nous devons sonner le glas, les annuler de notre programme de vie. La première à mon idée, c’est le proverbe qui dit : “Le silence est d’or et la parole est d’argent”. Aujourd’hui, nous devons bannir à tout jamais cette expression populaire car cette maxime est une proposition générale, énoncée sous la forme d’un précepte, d’une règle touchant la morale même. Elle valorise la force utilisée par des personnes dominatrices, celles qui aiment toujours gouverner.
Si nous gardons le silence, nous ne pouvons être aidés et nous ne pouvons aider. Alors, nous ne saurons sortir de nos souffrances et les dominateurs en auront pour leur crédit, surtout s’ils en sont au méridien de leur vie. Ils s’activeront davantage en forces supérieures de manipulation, de domination et de peur à donner.
Faudrait-il leur suggérer le choix du grégarisme? Étant tous dans la même sphère, ils ne feraient plus de dommage à leurs femmes et à leurs fistons. Alors chacun ou chacune d’entre nous et nos enfants aurions la liberté de vivre selon nos goûts, nos aptitudes, dans l’une des différentes branches d’activités qui nous conviennent.
La fierté nous pousse à afficher que nous vivons bien, à notre guise, alors que très souvent nous vivons sous les ordres d’un autre ou d’une autre qui se sert de nous car il ou elle décide presque tout pour nous. Alors, nous ne vivons pas. Nous existons seulement. Nous avons une seule vie à vivre et les autres se l’approprient sans gêne. Nous les laissons faire par soumission et pour avoir la paix.
Examinons une voix qui semble être celle de la charité, ce semblant de charité qui consiste à ne pas se défendre, à ne pas prendre son droit de parole. Cette philosophie représente des gains pour ces personnes dominatrices et elles exigent l’obéissance et la soumission. Elles nous jouent avec de telles paroles proclamées dans la foi chrétienne. Pourtant, le Seigneur n’en demande pas tant. Ce ne sont pas les valeurs universelles qui sont importantes mais bien nos valeurs individuelles. Lorsque l’ONU a osé proclamer l’année de la tolérance en 1995, cela m’a vraiment déplu car je voyais que la tolérance créait des sujets soumis, une force pour les dominateurs.
*Une autre valeur à descendre d’échelon, c’est “La crainte est le commencement de la sagesse.” À certains moments, nous devons l’éliminer car dans la peur nous ne pouvons nous épanouir. Nous demeurons inertes et nous pouvons transmettre notre peur à d’autres. Si les sujets demeurent dans la peur, cela donne une force aux dominateurs. Si nous pensons à donner un enseignement de crainte, où passera l’amour dans tout cela?
Notre échelle des valeurs doit être revisée. Étalons nos valeurs et nous réaliserons que dans notre “aujourd’hui et maintenant”, plusieurs doivent être remises en question.
Pour apprivoiser une personne qui me paraît triste, je lui offre mon aide. Si c’est un jeune, je poursuis en lui demandant ce qu’il pense de la vie et de l’autorité parentale puis je le laisse exprimer ses souffrances. Certains m’ont surpris par leur passé très lourd en ce qui concerne la dépression.
Ces personnes au désespoir vivent souvent des situations où leur insatisfaction est à son comble, alors il faut voir à leur procurer des moments de satisfaction et de contentement. Une de mes tantes disait que pour elle, chaque jour était rempli de contentement, moi aussi je pourrais dire de même souvent. Moi, je dis aux jeunes: “Si, en fin de journée, tu penses ne pas avoir eu de moments de contentement, alors sers-toi un cornet ou autre chose à manger que tu aimes, cela sera un contentement, ou téléphone à quelqu’un que tu aimes, cela sera un autre contentement, et ainsi de suite. Si je le reçois, j’ai un contentement de le recevoir et de l’accueillir, et lui, a celui de venir me visiter, j’espère. En réalité, regardons pour nous donner des joies chaque jour et réalisons qu’il peut être assez facile de nous en donner.
En raison de leur âge, je suggère à ces jeunes de s’acheter une radiocassette. Ils auront le contentement de posséder quelque chose, car ils se sentent bien démunis. Par cela, ils pourront changer leur climat de solitude et enjoliver leur jour. Avec la diversité de cassettes qui existent, ils ont un grand choix. Souvent, je les accompagne au magazin pour le transport, mais je ne fais aucun choix pour eux. Ils doivent prendre en main leur pouvoir de décision pour tout ce qu’ils veulent. Alors leur arme de défense concernant leurs droits reviendra petit à petit.
Leur laisser des mots à dire au niveau décisionnel. Leur faire retrouver leur pouvoir de changer les choses qui ne leur conviennent pas et apprendre à discerner leurs besoins et les talents qu’ils doivent développer. Reconnaître aussi ce qu’ils ne veulent plus et accepter ce qu’ils ne peuvent changer, sans oublier d’éliminer tous les signaux d’arrêt qui brisent leur possibilité de s’épanouir.
Il faut aller au devant de ces jeunes qui sont tristes, car ayant un sentiment d’isolement, ils ont l’incapacité d’entrer en relation avec les autres. Écoutons leurs doléances avec compassion car ils sont dans une phase très difficile à vivre autour de ce pôle où se fixe la frustration. Nous devons favoriser la vie, la guérir, l’améliorer et la défendre contre tout ce qui pourrait la blesser, l’affaiblir ou la détruire.
Tous ces jeunes que j’ai aidés, je les ai amenés aux Archives nationales, près de l’Université Laval, afin de les initier à la généalogie, à la recherche de leurs ancêtres. Certains n’ont pas continué, d’autres en sont devenus des passionnés. J’ai amené les jeunes filles aux soirées de danses canadiennes et de danses en ligne que nous avons chaque mois, à Charlesbourg. Il faut les aider à se trouver des intérêts à eux, qui peuvent être aussi des divertissements puisque ceux-ci sont nécessaires à notre équilibre dans la joie. J’en suis à aider le douzième. Son père vient de décéder.
Je dis à ces jeunes qu’ils doivent repartir dans leur cheminement avec ce qu’il leur reste de beau et de bon. En y réfléchissant, ils réaliseront qu’il subsiste beaucoup d’éléments de leur belle personnalité. Toutes les ouvertures sont présentes. Ils peuvent rencontrer encore des perturbations qui les gênent dans leur travail de reconstruction, mais plus ils se trouveront des intérêts personnels, plus ils élimineront les perturbations. Ces jeunes ont besoin d’accompagnement pour combler leur sentiment de vide, car ils n’ont plus rien d’écrit d’avance. Très souvent, ayant eu trop d’insatisfactions et de renoncements, ils n’ont plus d’attente en rien. Ils ont le coeur broyé par l’amertume. Pour certains, on a déchiqueté en eux leurs ressources naturelles.
Oublions le chemin parcouru en souffrance. Cela peut paraître difficile à faire, mais si nous les aidons à gérer des ondes positives en leur montrant ce qu’il y a de beau et de bon dans la vie, ils dérogeront de leurs idées de suicide. Il faut bannir de leur vie ces interdits continuels et les protéger des déceptions néfastes, funestes même. Il vaut mieux avoir des paroles d’accueil qui laisseront couler l’espoir sur leur génération.
Il faut aider le jeune à retrouver un sens en la vie dans de petites choses, ce qui le motivera à rechercher des sources d’intérêt qui correspondent à sa personnalité. Il faut leur accorder le facteur temps afin qu’ils puissent agir à leur rythme puis, s’il le faut, les accueillir peut-être en notre demeure. Cela peut nous paraître un séisme dans nos habitudes, mais si nous étions à leur place, qu’aimerions-nous qu’on nous offre ? Très souvent, ces jeunes ne savent où aller ni demander l’aide dont ils ont besoin. Il faut provoquer la conscience de ce besoin et leur donner le temps d’y répondre. Notre présence attentive peut faire toute la différence entre leur vie et leur mort.
Nous constatons que la détresse humaine est palpable en nos jeunes et je dis à ces derniers que, même s’ils sont entourés de nombreux intervenants, le meilleur intervenant est dans la fibre de leur être. Il leur faut décider de se prendre en main, arrêter de dire : “Je voudrais” mais penser et dire : “Je veux réussir ma vie malgré toutes les embûches, et ajouter que nous sommes là pour les supporter, les encadrer. Qu’ayant vécu cette souffrance, ce malaise, ils seront les mieux placés pour en aider d’autres.
Si nous voulons aider les jeunes, il nous faudra comme en toutes choses investir du temps, gérer nos paroles et nos mouvements en douceur afin que l’état d’esprit qui nous habite émane de joie et que celle-ci se transmette à ces jeunes en souffrance, qui n’ont pas cette exubérance de vie qu’ils devraient connaìtre, car très souvent on ne leur a pas accordé le respect qui leur permettrait d’accéder à leur autonomie.
Nous devons garder une uniformité de bonté pour les sortir de ce dilemme. Utilisant notre vision d’ensemble, nous pourrons détecter qu’ils ont une histoire difficile à articuler. Même si vous êtes profanes en la matière, votre plus petite action saura imprimer sur eux vos plus grandes intentions, ce qui sera préférable au silence. Vous pouvez ajouter beaucoup d’idées au contenu de ces écrits et je suis prête à les accueillir.
Mon idée première est que nos jeunes soient sauvés du suicide puisque, par nos interventions, une bonne partie de leurs souffrances se seront envolées. C’est une question d’attitude pour abandonner cette domination. Tout ce que je vis ou fais vivre dépend de moi, le parent. Plus nous laissons languir ces situations dominatrices, plus cela s’aggrave et plus la souffrance distribue de larmes.
Même si l’héritage de la domination vous vient de votre bisaïeul paternel, il ne faut pas accepter son esprit testamentaire car si vous le faites, votre compte sera débiteur avec vos jeunes. Nos intérêts seront placés en des actions de bonté qui, réparties dans notre vie, arriveront à redonner une plus-value à la personnalité à nos jeunes bien-aimés.
Nos jeunes, nous devons les Aimer, en majuscule, avec beaucoup de souplesse et de détermination, les respecter dans leur être et les accepter dans leurs différences. Alors nous serons allégés de l’inquiétude que nous donnaient tous ces suicides.
Combien de fois ai-je entendu que nous sommes nés pour aimer et être aimés et non pour souffrir ou faire souffrir, et j’ajouterai, ne pas laisser souffrir les autres, être à leur écoute pour les aider à s’en sortir, les libérer de leurs nombreux parasites. Au début, vous aurez peut-être l’impression de perdre le contrôle sur vos jeunes, mais ce sera une excellente occasion de grandir avec eux, en laissant leur identité personnelle s’épanouir. Le contraire leur laisserait un équilibre précaire. Ce n’est pas parce que votre identité est plus ferme que vous avez tout pouvoir sur eux.
Accepter le fait que la communication avec nos jeunes soit aussi intéressante et valable que celle avec les adultes est une question de respect et d’ouverture d’esprit. Il ne faut pas les prendre pour des subalternes. Ils sont nos égaux, ayant la même nature que nous.
Accordez votre violon à leur instrument, même si vous n’avez pas joué dans le même orchestre et que vous étiez habitués d’être à la bombarde. Souvent nous aimerions nous faire enlever quelques années pour suivre nos jeunes dans leurs souliers. Quant à eux, leur vie foisonne et leur avenir est fragile. Notre vie à nous s’étiole, mais très souvent nous sommes en sécurité.
Vous savez que les jeunes ont besoin de leurs parents pour s’épanouir pleinement. Alors, cessez de les attendre avec une brique de vocabulaire offensant et un fanal presque éteint. Vous ne pouvez garder le lien avec eux en les maintenant en état d’infériorité. Cela ne leur convient plus. Acceptez qu’ils vous informent de leurs besoins et de leur refus d’être une de vos victimes. Ce créneau leur appartient. Ils veulent couper ce cordon ombilical que vous voulez préserver, pensant avoir sur eux un droit de supériorité.
Il y a comme une confusion d’idées et de perceptions sur l’éducation de nos enfants. Il y a ceux qui s’approprient leurs enfants et veulent tout décider pour eux et ces autres parents qui semblent les rejeter en les laissant à eux-mêmes, dès leurs bas âge. Il vaudrait mieux penser que notre engagement est de les aider à s’épanouir en développant les talents qu’ils ont reçus.
C’est l’amour qui nous permet d’atteindre la plénitude de notre être. C’est bien beau de vouloir garder toute la saveur des traditions mais il faut accepter les imprévus qu’ajoutent les générations successives et éliminer les contradictions fondées sur le maintien de ce pouvoir de domination qu’aiguillonne la peur des différences.
Nous devons accomplir notre mission dans la tendresse, leur distribuer abondamment nos réserves de bonté, guider leurs premiers pas en sagesse, les envelopper de notre amour. Donnons-leur la chance d’ajouter à leur vie les couleurs de la joie. Nous devons par nos attitudes chaleureuses nous rendre dignes de l’amour filial qu’ils nous portent. Ce changement dans notre comportement envers eux pourra provoquer à prime abord des tergiversations de leur part. Ce sera dû à la surprise que leur causera notre changement d’attitude. Que la rigueur d’une conception dominatrice de la vie s’émousse en témoignage de bonté envers eux. Sachons mettre de l’avant des alternatives qui permettent à nos jeunes de se sortir de cette horrifiante dépression. Nous pourrons alors observer la capacité qu’a l’être humain à se régénérer. Nous savons que la vie active peut l’augmenter.
Quel que soit le thème qui domine notre vie, il doit représenter notre grande contribution à faire continuellement fleurir ce germe d’amour qui permet de bien agir au quotidien. Qu’il serait doux d’entendre sur toutes les lèvres un témoignage comme celui de mon beau-frère qui dit “qu’il vit pour faire plaisir.” Je lui réponds : “Tu peux bien avoir marié ma soeur Hélène, toi.”
Une amie me racontait que, lorsque son mari, en jouant avec eux, avait dit à ses deux garçonnets : “Qu’est-ce qu’on va faire de ces garçons-là?” Le plus grand qui avait neuf ans à l’époque, lui a répondu : “Nous aimer pour nous aider à grandir.” N’est-ce pas merveilleux, ces paroles sorties de la bouche d’un enfant? Chaque enfant devrait bien avoir la possibilité de le dire.
Les couples et les familles les plus heureux sont ceux où l’on sait déléguer et partager les pouvoirs de décision. Nous nous sentirons libérés dans la mesure où nous serons en harmonie avec nous-mêmes et les autres. La confiance ébréchée de nos jeunes pourra être cicatrisée par notre habileté à leur témoigner notre amour. Ils apprendront à ressentir la qualité de ces tendres joies et sauront à leur tour nous démontrer leur amour et leur reconnaissance.
J’ose avancer que si nous pouvons nous conditionner à témoigner de notre bonté, le laisser-aller vers les pensées de suicide touchera ses limites. L’esprit de domination est partout. Depuis plus de trois siècles, il existe en Nouvelle-France, au Canada et surtout en notre belle province de Québec. Nous le retrouvons dans nos maisons, dans le couple, dans nos enfants, à l’école, dans nos réunions, nos comités, nos communautés, au travail, au bureau, il nous côtoie presque continuellement. Est-il plus difficile d’abattre l’esprit de domination que de défricher une forêt vierge ? Resterons-nous tributaires de cette domination?
La domination est aussi proche de nous que la bonté. C’est à nous de choisir notre priorité mais nous ressentirons la douceur d’aimer et d’être aimé en choisissant la bonté. Elle est légère à transporter, facile à présenter. Nous devrions toujours l’avoir dans nos dictées. Elle a le don de nous transformer.
Daignez excuser la longueur de ces paroles. M’aurait-il fallu mon garçon décédé pour réfléchir davantage à ces jeunes mal-aimés ? Je vous remercie de l’attention que vous porterez pour sauver d’autres personnes bien aimées. J’ai été longue à m’exprimer mais je crois qu’il vous sera plus facile de comprendre comment plusieurs de nos jeunes peuvent en venir au désespoir par notre attitude mal gérée. Comme vous pouvez le constater, j’ai utilisé plutôt le masculin. C’est parce que je sais que le féminin aime bien se faire embrasser par le masculin, comme le disait si bien madame Simone Bussières à la soirée Hommage aux écrivains de Charlesbourg en avril 1997.
MARTIN
Mon grand, déjà il nage en silence,
Dans les temps sages de l’absence,
Prisonnier de la transparence.
Il a perdu le fil de nos saisons.
Me côtoyant comme de raison,
À mes appels, il répond.
Un jour, nous aussi, on se laissera faire,
Nous glisserons dans leur lumière.
Pour les rejoindre dans leur mystère,
Là nous reverrons nos êtres chers.
Ceux qu’on aimait tant se sont effacés
derrière les voiles du passé, mais demeureront
à perpétuité présents en notre mémoire.
Nos personnes décédées, nous savons les prier.
Certains jours nous aimerions les voir, mais
il y a ces pardessus de terre dont
ils sont prisonniers.
Heureusement que le Seigneur
ne nous demande pas tous la même
performance, car nous n’aurions pas
la possibilité d’être sur le même
palier au Ciel.
Mme Cécile Villeneuve.