QUELQUES REFLEXIONS SOUS FORME DE THESES PARTANT DE L'AFFIRMATION QUE L'ECOLOGIE N'EST PAS L'AFFAIRE D'UN PARTI

 

"Tout ça c'est du mou!..." (Mort à crédit)

 

SPLENDEURS ET MISERES DE L'ECOLOGIE POLITIQUE

 

"...le programme de Génération Ecologie avance une série de propositions très diverses pour "marier l'écologie et l'économie": assouplissement de la politique de crédit bancaire ; création d'"éco-taxes"..."

Le Monde, 12 mars 1993: présentation du programme de gouvernement de Génération Ecologie par Brice Lalonde, le 11 mars à Lyon.

 

1 LE regroupement des écologistes politiques... c'est à dire politiciens, qui se prenaient pour un des rouages essentiels d'un fonctionnement harmonieux de l'Etat, s'est dégonflé comme une baudruche. Ceci leur aura au moins donné l'occasion de montrer une fois de plus leur véritable visage: celui d'hommes et de femmes d'appareils adhérant totalement aux valeurs du système. Alors pourquoi ceux qui partagent également ces

valeurs, la plus large masse, auraient-ils été chercher des représentants autres que ceux qui sont les plus aptes à gérer le monde tel qu'il est !

 

2 LES verts se réfèrent communément à l'idée de démocratie, fut-elle directe pour les plus radicaux. C'est oublier un peu vite que ce qui a été nommé tout au long de l'histoire démocratie reposait sur une structure durement différenciée, incluant parfois l'esclavage, parfois le salariat,

toujours l'atomisation des êtres humains et l'exclusion d'une large part d'entre eux de la dite-démocratie. Ainsi, les admirateurs de la démocratie athénienne1 se dispensent souvent de signaler qu'elle était fondée sur l'exclusion des femmes et des esclaves. La même logique nous conduit jusqu'à aujourd'hui où la démocratie constitue une forme particulièrement adéquate d'organisation de la société qui engendre les catastrophes écologiques. Derrière les professions de foi démocratique

se cache la réalité des rackets grands et petits: il s'agit de définir les règles fixant qui a ou non le droit de s'exprimer en fonction des intérêts de leur boutique. C'est peut-être pourquoi les politiciens écolo-démocrates sont si bien à l'aise dans la fonction de boutiquiers2.

 

3 DEPUIS que la technique peut organiser des catastrophes naturelles, on sait que les écologistes sont des techniciens de la survie (J. Lounissart, Quelle guerre la connerie, novembre 1992). Si pour Lénine, chantre au début du siècle de l'étatisation du capitalisme russe, le socialisme c'était les soviets plus l'électricité ; pour les partis écologistes, la société à laquelle ils aspirent c'est la modernité plus les stations d'épuration. Ceci permet à l'écolo politique de ne pas être confondu avec l'écolo barbu puant la chèvre (c'est de toute façon parfois le même à quelques années d'intervalle). Il faut avouer à sa décharge que bien d'autres avant lui ont occupé ce terrain. Cette revendication de la modernité a été intégrée par nombre de radicaux des années 60-70, par exemple au travers de ce que l'on a appelé le situationnisme. Si elle a été depuis en partie délaissée, cette "modernité radicale" a été peu critiquée, oubliant par exemple qu'en 1969 la revue "Internationale Situationniste" décrivait la conquête de l'espace en termes complaisants... voir même héroïques :

"Les hommes iront dans l'espace pour faire de l'Univers le terrain ludique de la dernière révolte: celle qui ira contre les limitations qu'impose la nature... Nous irons dans l'espace, non comme employés de l'administration astronautique ou comme "volontaires" d'un projet d'Etat, mais comme maîtres sans esclaves qui passent en revue leurs domaines: l'Univers entier mis à sac pour les conseils de travailleurs." (Internationale Situationniste N°12, septembre 1969, p.81).

            Dans leurs délires, nos politiciens écologistes n'ont pas encore atteint un tel niveau de stupidité. Mais patience, ça ne saurait tarder!

 

 

LE CREPUSCULE DES MAGICIENS

 

"L'espèce humaine, tout en étant englobée par la nature, s'est organisée en dehors de celle-ci. Dans leur rapport au milieu extérieur qui les englobe, les hommes privilégient leurs rapports entre eux au sein de la communauté, rapports qui deviennent la condition préalable pour aborder la nature.

L'essence de l'homme se présente donc sous la forme d'un RAPPORT SOCIAL."

Yves Le Manach, Le matérialisme saisi par derrière (Editions La Digitale, 1988).

 

4 A l'opposé de la nature comme créneau politicien, une autre tentation est de faire de celle-ci, par une sorte de néo-paganisme mal digéré, un objet de déification3. Ceci est d'autant plus facile qu'on ne sait pas précisément de quoi il s'agit lorsque les uns et les autres parlent de "nature". Est-ce une totalité préexistante dont l'homme serait nécessairement séparé de par son essence ? Un concept inventé par l'homme pour désigner l'ensemble disparate qui l'entoure ? Le produit de l'interférence entre l'activité des différentes espèces, donc principalement une création humaine ? Peut-être un peu de tout cela !

            Je serais tenté de définir la nature comme l'ensemble de ce qui est perceptible par l'homme: êtres vivants, choses, phénomènes (tout ce qui ne rentre pas dans le concept ésotérique de "sur-naturel"). Bien entendu tout ce qui compose cette nature existe réellement, des liens existent (de différentes sortes),... mais l'idée même de nature est d'abord une invention humaine correspondant à un besoin de simplification, de classification,... Son contenu n'est d'ailleurs pas strictement définissable et varie selon les cultures... et les moyens de perception humaine.

            Ce que nous nommons la nature ne constitue pas un tout, mais un ensemble très diversifié, traversé par des interférences diverses. En ce sens, je ne crois guère que l'on puisse définir un rapport entre l'homme et la nature, mais plutôt une multitude de rapports (liés ou non) entre l'homme et diverses entités regroupées sous le terme nature. Il n'y a pas de sens à prétendre que l'on a le même rapport vis-à-vis d'un chien, d'un ours, d'un virus ou d'un feu de bois.

 

5 JE ne pense pas que l'homme ait à chercher à l'extérieur de lui-même des raisons aux pratiques écologiques ou autres. Plus, je pense qu'il ne le peut pas (tout comme l'ours règle son existence par rapport à ses problèmes d'ours!) et quant il prétend le faire, c'est au travers de théories idéologiques produites par les hommes: économisme, ethnologisme, scientisme,...

 

6 SI quelque chose caractérise l'être humain, c'est peut être d'être capable de noircir du papier pour s'interroger sur... la nature, l'essence de l'homme... L'homme est un animal complexe, même dans ses comportements les plus irréfléchis, fouineur, imaginatif,... Ceci a d'ailleurs une base matérielle, le développement et l'organisation du cerveau humain qui sont ses caractéristiques biologiques essentielles. Le revers de la médaille de cette aptitude à innover, c'est que

nous n'avons pas d'habitat ou de mode de vie - pas d'environnement - naturels. Il faut faire avec! C'est, au passage, certainement pourquoi l'individu humain ne peut se laisser indéfiniment enfermer dans des communautés traditionnelles. Quel qu'ait été, par exemple, l'intérêt de certaines communautés amérindiennes, chaque indien était potentiellement leur fossoyeur, puisqu'il avait la capacité intellectuelle d'imaginer ou d'adhérer à quelque chose de complètement différent.

 

L' ECOLOGIE COMME RAPPORT SOCIAL

 

           

"...qu'il s'incarne en un président ventru ou en un imperator de belle prestance, tout organisme dont le but avéré est de gouverner sera nécessairement autoritaire. C'est à dire que pour subsister il lui faudra des armées, des polices, des prisons. C'est à dire encore qu'il mettra sa force au service des riches,... C'est à dire aussi que ses polices traqueront les volontaires ; que ses prisons leur seront consacrées, et qu'il donnera du plomb aux rebelles...

            Constatations qui nous autorisent à qualifier d'inutiles les révolutions dont le but ou les résultats sont de remplacer un gouvernement par un autre.

            Inutiles les efforts rageurs des révoltés que guide une folle illusion, inutiles les sacrifices, gaspillages de force, gaspillage de vie..."

Lvovich Kibalchiche/Victor Serge, Une révolution, L'anarchie N°288, 13 octobre 1910.

 

7 FACE à l'embrigadement politicien de l'écologisme radical, et au charlatanisme radical, il faut comprendre l'écologie comme rapport social4. Les problèmes de l'écologie sont des problèmes de société, et non pas liés à la présence de telle ou telle équipe au pouvoir. Ils ne sont pas le simple produit d'une machination s'abattant sur des individus innocents qui ne demanderaient qu'à vivre libres et non pollués. La reproduction de ce monde par tout un chacun, par les modes de relation entre les êtres, sont pour beaucoup dans les malheurs humains. Tout ce qui est la pathologie de cette société, de la pollution au SIDA, a une composante sociale... génératrice d'épidémies inséparables de déséquilibres dans les comportements humains. Pollutions de l'environnement, des comportements et des corps sont des symptômes. Les "libérations" mêmes que permet, parfois suscite, le système social ne sont pas étrangères à cette pathologie. Un exemple est le lien qu'on pourrait établir entre ce que l'on a nommé la libération sexuelle d'après 1968 et cette pollution mortelle du corps qu'est le SIDA5. Ce que je mets en cause dans cette "libération" n'est pas le libre accès à la contraception (bien qu'il faudrait s'interroger sur les effets à long terme de cette chimiothérapie qu'est la pilule anti-conceptionnelle) ou à l'avortement. Ce libre accès est d'ailleurs de plus en plus remis en cause à la fois par la présentation du préservatif comme une panacée universelle et par les attaques croissantes contre l'avortement libre. Mais je ne vois aucune libération, en particulier affective, dans des comportements sexuels se voulant libérés répandus dans les "populations à risque": recherche perpétuelle de nouveaux partenaires (y compris au travers de la prostitution), prise de drogue nécessaire à l'accomplissement de "performances" à répétition,... Cette course après le "tout et tout de suite" est bien à l'image d'une société qui prétend que tout est accessible et possible... à condition d'y mettre le prix. Tout comme d'ailleurs la constitution d'une partie de la population la plus touchée, les homosexuels, en lobby... gang parmi les gangs. Que font-ils sinon reproduire inlassablement cette société tous ceux qui prétendent que les dérèglements qui résultent des comportements humains, à commencer par les leurs, peuvent être empêchés à coup de mesures législatives plus ou moins écologiques, ou soignés à coup de vaccins ou de prothèses diverses.

 

Hème, 1993

 

 

 

 

NOTES

 

1. L'Etat-cité d'Athènes comptait 500 000 habitants répartis ainsi:

40 000 citoyens (riches ou pauvres)

160 000 femmes et enfants n'ayant aucune participation à la vie de la cité

300 000 esclaves n'ayant aucune garantie d'aucune sorte.

Parmi les 40 000 citoyens, sans représentants mais... sélectionnés par l'éloquence, jamais plus de 5000 assistaient à l'Assemblée du Peuple (L'ecclésia).

Le Sénat ne comprend plus que 400 membres (conseil des 400) mandatés pour un an, tirés au sort après élimination des citoyens pauvres jugés inaptes et surtout peu concernés. C'est ce conseil qui approfondit les lois débattues par l'Assemblée. L'application de ces lois est sous la responsabilité de 9 Archontes, élus pour un an parmi les citoyens riches. C'est également parmi les citoyens riches que sont élus pour un an 10 stratèges (= généraux, ministres).

 

2. cf. la lettre suivante, expédiée il y a quelques années à la librairie/friperie/parfumerie... mais néanmoins écologiste à vocation radicale, "Robin des Bois", après que la boutiquière de service ait refusé non seulement de continuer à prendre en dépôt la revue "Interrogations", mais de payer ou de rendre les exemplaires déposés précédemment. Cette lettre adressée à deux reprises ne reçu jamais de réponse !

 

            A l'ensemble des animateurs et -trices de Robin des Bois

            Le 23 décembre dernier, alors que depuis plusieurs mois nous déposions notre publication dans votre librairie et que nous y étions cordialement reçus, nous fûmes "poliment éconduits" et l'on nous fit comprendre que notre revue avait été retirée des rayons et que vous ne désiriez pas vraiment nous revoir en ces lieux. Nous ne mettons pas en cause votre libre-choix et vos libres rejets. Mais à partir du moment où vous vous définissez comme autre chose qu'une librairie-parfumerie, et que vous paraissez vous situer dans le cadre de la lutte contre la destruction effrénée de la nature, il paraît élémentaire que votre rejet d'individus ou publications participant de cette lutte comporte un minimum de clarté.

            Or, que comprendre lorsque passant il y a quelque temps (le 10.9.88) dans votre librairie la personne présente nous assure que vraiment notre publication est très intéressante, nous propose d'en redéposer des exemplaires, nous demande quand sort la prochaine,... et que revenant déposer le numéro suivant on nous annonce que cette même publication déplait - à vous et à vos clients - tout en se refusant à plus d'explication ! Quant à la justification à ce brusque revirement par le fait que "tout le monde ne pense pas pareil", ceci est peu sérieux. Nous ne pensons pas que vous vous déterminez en fonction des états d'âme de l'individu présent tel ou tel jour, et votre rejet ne peut être que le fruit d'une décision collective.

            Soyons clairs ! Nous ne quémandons pas un retour dans votre échoppe. Mais nous considérons être en droit -compte-tenu de ce que vous prétendez être- de bénéficier d'une formulation claire de ce qui provoque votre réaction d'allergie à notre égard.

            A vous lire,

            P.S. Nous tenons à la disposition de ceux d'entre vous qui continueraient à être intéressés par nos publications la liste des librairies où ils peuvent se les procurer.

 

Paris, le 6.1.89

 

3. La critique de ce culte rendu à la nature (ou ... Nature!) a déjà été développé dans "Une critique du radicalisme à la petite semaine (Le Point d'Interrogations, automne 1992).

 

4. C'est ce que tentait déjà d'exprimer la lettre suivante rédigée en mai 1988 à la suite d'une réunion organisée à Paris deux ans après la catastrophe de Tchernobyl.

 

LETTRE OUVERTE AUX ORGANISATEURS DE LA REUNION "TCHERNOBYL A 2"

 

 Cette lettre est issue d'individus ayant assisté à la réunion que vous avez organisé le 28 avril à l'AGECA. Nous sommes sortis de celle-ci (plus exactement du débat final constituant l'objet de cette lettre) avec une notable amertume. Si nous nous adressons à vous, à cause de votre rôle initiateur dans cette réunion, ce que nous voulons tenter d'exprimer s'adresse à tout ceux qui étaient présents (ou auraient eu motif de l'être) à cette soirée. Notre but n'est pas polémique. Nous voudrions simplement savoir si, au delà de telle ou telle appréciation particulière, existe des refus communs entre nous mêmes et d'autres individus ou courants refusant le présent et l'avenir nucléarisés symbolisés par la centrale de Nogent.

Afin de faciliter d'éventuelles réponses, nous rédigeons cette lettre sous forme de questions. Mais avant de passer à celles-ci, nous voudrions tenter d'expliquer comment nous avons ressenti le "débat" du 28 avril.

 

Ce qui nous a le plus frappé, c'est à quel point, dans sa forme et son contenu, ce débat reproduisait la société que nous subissons quotidiennement. Chacun y jouait pour la nième fois son rôle. La journaliste jouait à la journaliste, s'extasiant au passage sur le professionnalisme de ses collègues japonais ; les scientifiques jouaient aux scientifiques détenteurs de la connaissance bien quantifiable et bien abstraite; et le représentant de l'EDF jouait au bon démocrate relevant complaisamment au passage les erreurs des uns et des autres. Les spectateurs avaient quant à eux le choix entre s'inscrire dans la logique de discours qui ne leur apprenaient pas grand chose, ou rentrer chez eux en gardant dans la tête les images d'horreur découvertes précédemment.

Dans ce débat sans débatteurs, un grand vainqueur: l'EDF qui n'eut pas de mal à montrer tout ce qui séparait notre génie français de la balourdise de ces pauvres russes. Finalement, Tchernobyl justifiait Nogent. Voilà pour les états d'âmes, passons aux questions:

 

1- L'horreur est-elle quantifiable ?

 

Tout au long de cette soirée, il n'a été question que des chiffres exprimant les seuils "tolérables" définis par différentes commissions d'experts (!). Mais notre refus du nucléaire est-il de principe, ou peut-il être gradué en fonction de la plus ou moins grande pollution engendrée par les centrales ? Devons nous laisser ce refus être dévié vers des batailles entre commissions officielles et officieuses ? Avons nous besoin de leurs chiffres pour être contre le monde produisant le nucléaire ?

Pourquoi participer à ce fanatisme du chiffre ? Aujourd'hui, tout peut se vendre: notre activité, notre santé, l'air que nous respirons et jusqu'aux paysages que nous aimons contempler. Un justificatif des centrales nucléaires est de produire à faible coût; et la volonté de fixer un seuil "supportable" ne vise pas à nous "protéger", mais à optimiser leur gestion. Se polariser sur ces chiffres conduit à participer à cette gestion, à demander des centrales propres (!), des enceintes plus étanches,...

 

2- Le nucléaire est-il un problème d'information ?

 

On peut comprendre que l'absence d'information sur le nucléaire en France ait frappé les esprits après le choc de Tchernobyl. Mais l'information sur l'horreur supprime-t-elle l'horreur ? Conduit-elle même fondamentalement à sa remise en cause.

Il n'est pas indifférent d'être informé de l'existence de tel ou tel point chaud. Mais il ne faut pas se cacher que cette information sensibilise surtout les anti-nucléaires convaincus,... et n'empêche pas les dits points chauds d'exister.

En toute logique, les seules informations lâchées dés aujourd'hui par les médias suffisent à alimenter tous les refus. Pourtant, les gens continuent à accepter. Et qu'on ne vienne pas nous parler des résultats des sondages ! Dans les faits, en quoi les personnes confrontées à l'implantation des centrales s'y sont-elles opposées ? La région nogentaise s'est -elle dépeuplée ? Ces personnes sont-elles pour autant inconscientes du danger ? Ou devant tous les autres refus que devrait entraîner celui du nucléaire... craignent-elles un saut dans l'inconnu ?

D'ailleurs, les gens sont-ils moins aliénés, moins soumis,... dans les "autres pays occidentaux où se déroulent régulièrement des consultations démocratiques précédées de débats contradictoires" (cf. Combat Nature N°79).

 

3- Quel crédit accorder aux administrations, institutions, et aux différentes représentations du pouvoir dans la lutte contre le nucléaire ?

 

Combien de fois n'avons nous pas entendu dire que le gouvernement, les instances supra-nationales... ou la commission-machin, devraient prendre des mesures contre l'aggravation de la pollution nucléaire. Autant demander aux incendiaires d'éteindre les incendies. Les parlementaires, dirigeants syndicaux, piliers de commissions divers, n'existent que par le rôle que leur octroie l'Etat nucléaire. Quelque soient les oppositions de façade qui leurs permettent de se donner en spectacle, leurs solidarités sont plus profondes.

Il y a dans tout appel au pouvoir un réflexe sécuritaire qui n'est pas sans en rappeler d'autres. Face à l'impossibilité de prendre en charge sa propre vie, on fait appel aux représentants de l'Etat pour policer la situation.

 

4- Le nucléaire est-il un corps étranger parasitant la société, ou la "plus belle" expression de celle-ci ?

 

Lors de la réunion du 28, le représentant du GSIEN semblait s'étonner que pour certains officiels ce qui paraissait intolérable pour l'individu soit par contre tout à fait acceptable pour la société. Mais où est la contradiction ? Depuis quant les individus sont-ils pour cette société autre chose que des chiffres, des objets,... Est acceptable pour la société tout ce qui lui permet de continuer à se reproduire (donc aussi le nucléaire). Quant aux êtres humains, ce n'est pas son problème... à condition qu'ils ne deviennent justement pas trop humains pour elle !

 

5- Finalement, à quoi sert le nucléaire ?

 

Est-ce un moyen parmi d'autres de produire une énergie dont nous aurions affectivement besoin ? Ou:

- est-ce le moyen adapté à un monde étatique, sur-industrialisé, pour accroître -au travers de la production d'électricité- notre domination, notre insécurité, notre dépendance au pouvoir;

- est-ce le moyen de la surproduction énergétique nécessaire à la production en masse de camelotte et gadgets divers, base de "notre" monde moderne et démocratique.

 

En conclusion, nous pensons que le nucléaire est l'expression d'un mode de relation entre les êtres humains, et entre ceux-ci et le reste de la nature, qui nie ce qui est vivant (à commencer par nous mêmes) au profit de ces modernes divinités que sont l'argent, le travail, la performance, la compétitivité,...

mai 1988

 

5. "Les revendications en faveur d'une sexualité sans risques et des préservatifs m'évoquent celles en faveur du recyclage comme une solution à la crise de l'environnement, ce qui n'est pas surprenant car je pense que nous devrions commencer à penser au SIDA dans le contexte de la crise de l'environnement, c'est-à-dire, dans le contexte d'une autre menace interconnectée à la survie de notre espèce...

Il semble que plus le présent système social (le capitalisme, la civilisation, ou quelqu'autre nom qu'on voudrait lui donner) continue, plus il se révèle. La crise du SIDA n'est que l'exemple le plus récent et le plus évident des présuppositions sur lesquelles se fonde la société dominante.

La revendication d'un remède à la maladie est l'autojustification de notre système social, de sa hiérarchie, de sa technologie, de son mythe du progrès. C'est de façon quasi-religieuse que les gens attendent de l'état, des mondes des affaires et de la haute technologie, de l'industrie, leur salut, la promesse d'une vie après la mort (après avoir été diagnostiqués HIV positifs). L'état moderne se justifie lui-même en tant que notre sauveur, et notre dépendance s'en trouve renforcée...

Mais quelles sont les conséquences du boom sur les préservatifs ? Quel morceau de planète coûte notre sexualité sans rique ? Que nous ayons des ressources sans limites pour la production de préservatifs n'est qu'une autre présupposition que les activistes oublient de reconsidérer. Ce n'est qu'un autre exemple éclatant de la façon par laquelle le capitalisme (et la civilisation) perpétue ses propres mythes (avec une aide importante des bien-pensants)...

Peu importe si je n'ai jamais eu le même plaisir sexuel avec des préservatifs que sans, de toute façon les activistes du SIDA tentent de diminuer la différence de plaisir et de créer le mythe que le sexe avec des préservatifs est vraiment meilleur. Leur campagne pour érotiser la marchandise "préservatif" est meilleure que celle que pourrait mettre en oeuvre n'importe quel publiciste.

Le sexe avec des préservatifs est en train de devenir tout autant une affirmation de l'état que le fait de voter. Et, si quelque chose est réellement justifié, c'est le désespoir croissant de l'humanité. J'espère plus de débat sur le sujet."

Traduction partielle d'une lettre de JM (Montréal, Québec) parue dans The Fifth Estate, Vol 28, N°1.