Le Groupe d'étude des citoyens sur le maintien de l'ordre et la collectivité

Aperçu de l'Étude et Recommandations

Introduction
Recommandations
Annexe 1: Termes de référence
Annexe 2: Présentations et soumissions écrites

Membres du Groupe d'étude
Le 9 mai, 2002
Ottawa

ÉTUDE EFFECTUÉE PAR DES CITOYENS SUR LE MAINTIEN DE L'ORDRE ET LA COLLECTIVITÉ
C.P. 722, 410, rue Bank, Ottawa (ON)  K1Y 1Y8
Courriel : CitizensPanel@rogers.com
Site web : http://members.rogers.com/citizenspanel

Aperçu de l'Étude effectuée par des citoyens sur le maintien de l'ordre et la collectivité - 9 mai 2002

LE GROUPE D'ÉTUDE

L'Étude effectuée par des citoyens sur le maintien de l'ordre et la collectivité a pris forme par suite des préoccupations formulées par des citoyens et citoyennes pendant et après les manifestations qui ont entouré la rencontre du G-20 à Ottawa, du 16 au 18 novembre 2001. Les inquiétudes ont surtout porté sur les perceptions relatives à la manière avec laquelle les manifestants ont été traités par les forces policières. Ces inquiétudes ont été communiquées à la Commission de services policiers lors de ses réunions de fin novembre et début décembre. En réponse aux demandes de citoyens et citoyennes pour la tenue d'une enquête, la Commission a refusé, invoquant la possibilité qu'elle engage sa responsabilité advenant qu'elle doive traiter des plaintes officielles.

Devant cette situation, des leaders communautaires ont approché l'ancienne mairesse d'Ottawa, Marion Dewar, qui a consenti à faire partie, à titre bénévole, d'un groupe d'étude qui pourrait entendre en détails les doléances du public.  Quatre autres membres se sont joints par la suite au groupe. Il s'agit de Ken Binks, Jacqueline Pelletier, Peter Coffin et Anne Squire. [Une courte biographie se trouve à la page ci-contre]

Le groupe a adopté les paramètres de son mandat [voir l'annexe 1], et a fait part de ses  travaux lors d'une conférence de presse qu'il a tenue à la mi-février 2002. L'Étude effectuée par des citoyens a eu comme objectif d'aider la collectivité à :

* comprendre les circonstances qui sont survenues du 16 au 18 novembre 2001, en particulier le traitement réservé à des citoyens et citoyennes ainsi que les perceptions et les objectifs du corps policier;

* examiner les problèmes systémiques relatifs au maintien de l'ordre et à la liberté des citoyens d'exprimer leurs opinions; et

* restaurer la confiance entre les citoyens et le corps policier, laquelle est essentielle dans une société libre et démocratique.

CONSULTATIONS PUBLIQUES

Afin de respecter les objectifs qu'il s'était fixés, le groupe d'étude a invité la population à participer à des consultations publiques. Les organismes non gouvernementaux et le corps policier, de même que des personnes intéressées, ont été invités personnellement et par la voie des médias. Le mandat du groupe d'étude a été publié dans Internet.

Le groupe d'étude a dit souhaiter que les consultations permettent de :

* étudier les rôles et les responsabilités qui sont en jeu lors de manifestations et du maintien de l'ordre, en particulier les droits à la liberté d'expression et à la sécurité de la personne d'une part, et le besoin de protéger les dignitaires et la propriété d'autre part;

* rehausser le niveau de discussion concernant à la fois les rôles des citoyens et les responsabilités inhérentes au maintien de l'ordre, ainsi que les principes directeurs et les normes qui viennent appuyer ces mêmes responsabilités; et

* formuler des recommandations qui serviront à toutes les collectivités, mais d'abord à la nôtre, en vue de trouver un juste équilibre, dans un respect mutuel, entre les droits et les obligations de chacun et chacune dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Des réunions ont eu lieu pendant quatre jours, les 21, 26 et 28 février ainsi que le 2 mars 2002.  Plus de cinquante personnes ou groupes ont exprimé leur point de vue au cours des séances qui ont eu lieu dans la grande salle de la cathédrale Christ Church et dans la salle Festival de l'hôtel de ville d'Ottawa. Le groupe d'étude a reçu d'autres mémoires par la poste et par courrier électronique. La plupart sont affichés sur le site Web du groupe d'étude à l'adresse suivante : http://members.roger.com/citizenspanel

Sur les quelque 60 personnes qui ont témoigné, la grande majorité avait participé au rassemblement du 16 novembre au monument des droits de la personne sur la rue Elgin, à la marche le lendemain ainsi qu'aux activités du dimanche 18 novembre. Parmi les témoins, on comptait des membres du clergé, des syndicalistes, des étudiants, des représentants d'organismes non gouvernementaux, des journalistes et tous ceux et celles qui se présentaient en tant que père et mère de famille, grand-mère, retraités et tout simplement en tant que participants.

Il y a eu aussi d'autres présentations.  Des conseillers de la Ville d'Ottawa sont venus témoigner tout comme l'ont fait des marchands, des techniciens médicaux d'urgence qui avaient été invités à prêter leur concours lors des manifestations, et d'autres enfin qui ont fourni de la nourriture et rendu divers autres services.

Les membres du groupe d'étude tiennent à exprimer à toutes ces personnes leur reconnaissance d'être venus témoigner.

Le contexte

À mesure que se déroulaient les consultations publiques, il est devenu évident que les réunions du G-20 a nécessité toute une série de préparatifs parmi lesquels figuraient la planification et la coordination des activités, la communication avec les autorités, une cérémonie de prières suivie d'une « marche serpentine » dans la rue  [les deux le 16 novembre]; d'autres manifestations qui se mettaient en branle à différents endroits dans la ville, y compris aux plaines Lebreton, à l'extrémité du pont du Portage du côté de Gatineau, à l'Université d'Ottawa [le samedi 17]; des manifestations au Centre de conférences [ le 17 également] et enfin un grand rassemblement le 18.

Afin que ce soit plus clair, nous présentons en détail la chronologie des événements
dans la page ci-contre.

Nous avons appris aussi que le centre-ville d'Ottawa a été divisé en zones, chacune d'elles étant identifiée d'une couleur selon le degré de sécurité à y assurer. La zone la plus sensible, en rouge, était celle située le plus près du Centre de conférences juste à côté du canal Rideau. Plus on s'en éloignait, la couleur passait au jaune puis au vert.

Nous ajoutons une carte au verso de la prochaine page de texte afin d'y montrer les rues, zones et lieux qui ont fait le plus l'objet de témoignages.

Les endroits suivants ont donné lieu à de vives tensions entre les agents de police et les manifestants.

* Le monument des droits de la personne, où a eu lieu une cérémonie de prières parrainée par des groupes musulmans en après-midi du vendredi 16 novembre.
* Les plaines Lebreton où la plupart des manifestants se sont rassemblés le 17.
* Plusieurs intersections ont été le théâtre d'affrontements avec les agents de police, par exemple Scott et Albert  ainsi que Laurier et Bay.
* La pelouse devant la Cour suprême du Canada, lieu d'un rassemblement le 17 novembre.
* La zone entourant le palais de justice d'Ottawa sur la rue Elgin, le 18 novembre.
 

Perspective des témoignages

D'après les témoignages que le groupe d'étude a entendus, les manifestations, en très grande partie, ont été perçues par les manifestants comme étant pacifiques, sauf pour les affrontements avec les agents de police qui ont été signalés. Un incident qui a été perçu comme violent, c'est lorsqu'une vitre du restaurant McDonald sur la rue Elgin a été fracassée. La tentative de franchir les barricades afin d'entrer dans le Centre de conférences a été décrite comme pacifique. Deux témoignages illustrent bien comment ont été perçus les événements du 17 novembre :

* Il était entendu dès le début que la manifestation du 17 novembre serait « non violente » de manière à attirer le plus grand nombre de personnes en mesure d'exprimer leurs inquiétudes au sujet des règles du FMI et de la Banque mondiale. . . . [Témoin no 7; voir l'annexe 2 pour la liste des témoins.]

* En raison de mes croyances religieuses et du fait que je suis convaincu que le recours à la violence à des fins politiques est  contre-productif, je ne peux appuyer de ma présence, même en étant passif, le recours à la violence lors d'une manifestation. Ainsi, je voulais  établir une ambiance de paix où chacun et chacune pouvait évoluer en exerçant ses droits démocratiques à la liberté d'association et à la liberté d'expression afin de dénoncer la rencontre en hommage au FMI et à la Banque mondiale. Je me souciais davantage du comportement du groupe « Black Block ».  La suite des événements m'a prouvé que j'aurais dû me méfier beaucoup plus de la violence des agents de police. [Témoin no 8]

La population en général n'a peut-être pas entendu le même son de cloche de ce qui s'est passé. Le groupe d'étude a remarqué que la couverture télévisée portait en grande partie sur l'incident de la vitre brisée.

Comptes rendus et enjeux émanant des consultations publiques

COMMUNICATION ENTRE LES AUTORITÉS ET LES ORGANISATEURS

La perte de confiance entre les responsables du maintien de l'ordre et les manifestants a été soulignée à maintes reprises lors des témoignages. Un des principaux organisateurs a fait ces quelques commentaires au début de nos consultations publiques :

* Le message qui a été transmis aux organisateurs était que les agents de police n'avaient aucune objection quant aux parcours et aux plans proposés pour les diverses manifestations; qu'ils comprenaient que les manifestants souhaitaient se faire entendre et qu'ils en avaient parfaitement le droit, et enfin qu'ils essayeraient de ne pas user de mesures visant à restreindre ou provoquer les manifestants. Je ne peux qu'ajouter que, à 7 h [le 17 novembre] j'étais assis aux côtés du sergent Marc R[...] de la GRC dans les studios de CBC Newsworld. Il a affirmé que les forces de l'ordre comprenaient les manifestants de vouloir que les manifestations se déroulent dans le calme; qu'ils s'efforceraient de ne pas les provoquer et qu'ils pourraient même avoir recours à des agents à bicyclette pour assurer la sécurité pendant le défilé et le rassemblement. Ce n'est que plus tard que je me suis rendu compte jusqu'à quel point il faisait preuve de mauvaise foi, car, la veille au soir, plusieurs personnes ont été interceptées, interrogées, menacées d'arrestation et mis à l'amende pour avoir traversé la chaussée illégalement lorsqu'ils ont demandé aux agents de produire leur numéro de badge. [Premier témoin.]

Plusieurs témoins ont souligné combien il a été difficile, voire impossible de communiquer avec les agents de police au cours des manifestations. Le prochain témoignage illustre bien cette situation :

* Les agents de police ont exercé leurs fonctions dans l'anonymat. Ils ne portaient aucun badge ou numéro qui aurait pu servir à les identifier. Je crois que ce point a été soulevé par d'autres témoins, mais je persiste à croire qu'il est important de le souligner. [Témoin no 4]

* À aucun moment n'avons-nous pu trouver d'officiers supérieurs identifiables, responsables des opérations, avec lesquels nous aurions pu communiquer durant la manifestation. Il n'y avait personne en autorité dans la rue avec qui les leaders de la manifestation auraient pu parler afin de désamorcer des situations tendues. Au contraire, ils ont arrêté l'un de nos porte-parole qui a tenté justement de désamorcer une situation délicate. [Témoin no 8]
 

RESPECT DES OPINIONS ET BESOIN DE SÉCURITÉ

Plusieurs témoins ont souligné le fait que la liberté d'expression est une valeur fondamentale dans une société démocratique. En revanche, ils ont signalé qu'ils ne croyaient pas que leur faculté de s'exprimer librement en public avait été protégée ou respectée au cours des affrontements avec les agents de police :

* À mesure que nous avancions, saisis et terrifiés par ce que nous venions de voir, nous nous sommes mis à chanter  « Voilà à quoi ressemble la démocratie! »  Je crois que ce slogan représente un message très important à l'intention du corps policier et des médias. La démocratie suppose la tenue de manifestations. La démocratie, peu importe l'endroit, a toujours donné lieu à des marches de solidarité et à des manifestations. Les Canadiens et Canadiennes qui participent à des manifestations exercent leurs droits démocratiques, et le font pour le bien public. Même si une poignée de jeunes profitent de la situation et des émotions fortes soulevées par la foule pour s'adonner à des actes de vandalisme, les milliers de manifestants sont parmi les Canadiennes et les Canadiens les plus instruits et les plus politisés. [Témoin no 5]

* En ce week-end de novembre à Ottawa, nos droits ont été violés, qu'il s'agisse de la liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de religion et la liberté de presse. Nous avons été soumis à des fouilles illégales; lors de la cérémonie de prières, le vendredi, nous avons été encerclés puis attaqués; les journalistes ont été agressés simplement parce qu'ils faisaient leur travail, et la présence des policiers a servi à intimider les participants et à étouffer toute manifestation de dissidence, non pour garder la paix. [Le témoin poursuit...] . . . Manifester son désaccord est d'autant plus fondamental pour assurer une saine démocratie, parce que c'est le moyen tout indiqué par lequel le citoyen ordinaire peut mieux sensibiliser ses concitoyens et concitoyennes aux préoccupations qu'ils ont en commun. En exprimant leur désaccord au moyen de manifestations, les citoyens et citoyennes sont en mesure d'influencer le programme politique, de contribuer véritablement à la façon dont nous, comme citoyens, sommes gouvernés, et à la manière dont le gouvernement détermine notre avenir. [Témoin no 8]

* J'ai trouvé cela très intéressant de constater le fait que, contrairement à bien d'autres endroits, il n'y avait pratiquement aucune mesure de sécurité à l'édifice de la Cour suprême où ont eu lieu le rassemblement et les discours. De toute évidence, il n'y a pas eu de problèmes, le tout s'étant déroulé sans une présence policière imposante et intimidante. [Témoin no 30]

RESPONSABILITÉ DU MAINTIEN DE L'ORDRE

* La question en est une de responsabilité et de la façon d'équilibrer les besoins en matière de sécurité et l'intérêt du public. Au cours de la conférence du G-20, l'intérêt public a été écarté parce que les responsables du corps policier n'ont pas été consultés si bien que l'approbation des mesures de sécurité n'a pas été obtenue. [Nos notes; témoin no 23]

* Je recommanderais aussi que les gouvernements assument la responsabilité d'assurer une surveillance indépendante des règles policières et des comportements des agents de police lors de manifestations jusqu'à ce que ces derniers cessent d'abuser de leur pouvoir qui les amène à violer les droits de la personne, comme nous en avons été témoins récemment. [Témoin no 5]

* Les agents de police ont démontré très clairement, ces jours-là, qu'ils étaient incapables de respecter leurs propres normes et « lois » internes. [Témoin no  52]

LIBERTÉ RELIGIEUSE ET DIVERSITÉ CULTURELLE

Un certain nombre de témoins ont souligné le caractère religieux d'une des manifestations qui ont eu lieu au monument des droits de la personne, le 16 novembre. Plusieurs représentants du clergé et de confessions différentes ont également témoigné devant le groupe d'étude. Voici le témoignage d'une jeune organisatrice de la cérémonie de prières, suivi du commentaire d'un autre témoin :

* C'est pourquoi, nous, de la minorité musulmane, qui étions accompagnés d'enfants et de plusieurs aînés, avons quitté les lieux dès l'arrivée des agents de police. L'ironie de la chose, c'est qu'avant la tenue de la cérémonie de prières, nous avions communiqué avec deux agents pour nous assurer que NOUS, les manifestants, serions protégés de toute force extérieure durant la manifestation. Le 16 novembre nous a permis de bien comprendre une chose : que notre sécurité n'était pas l'objectif principal. . . Plusieurs manifestants ont apprécié les prières que nous avons faites, le jeûne que nous avons tenu, et les points de vue que nous avons exprimés lors de la cérémonie qui se voulait tout à fait paisible. L'intention était de réunir des gens de tous âges et de divers milieux pour qu'ils participent à une activité à la chandelle. Toutefois, les agents de police, qui sont censés avoir la responsabilité d'assurer la protection du public et de servir la population, ont plutôt semé la pagaille parmi la foule du fait qu'ils se faisaient menaçants et qu'on ne pouvait les aborder. [Témoin no 6]

* Ce jour-là faisait partie du ramadan au cours duquel les musulmans prient et rompent leur jeûne. Nous avions l'intention de faire vivre cette expérience aux gens qui étaient réunis au monument afin de les sensibiliser à cette religion et de favoriser la tolérance. Toutefois, un agent de police a vu cela comme un moment propice pour lancer une bombe lacrymogène. [Témoin no 42]

SENSIBILISER LES AUTRES AU MESSAGE DES MANIFESTANTS

Les témoins ont indiqué à plusieurs reprises qu'ils ne croyaient pas que les agents de police avaient compris ni leurs intentions, ni leur message. S'ils avaient compris, ont affirmé des témoins, peut-être que les manifestants auraient eu, de la part des forces de l'ordre, une oreille plus attentive et sympathique à l'égard de leur discours dissident.

* Dans l'avenir, je propose que les agents de police rencontrent les organisateurs de prochaines manifestations, assistent à leurs réunions, essaient de comprendre les enjeux et participent à toutes les étapes qui mènent à l'événement. [Témoin no 6]

LA SÉCURITÉ DES PERSONNES

La plupart des comptes rendus, qui ont été présentés devant le groupe d'étude, ont fait état des démêlés avec des agents de sécurité à différents endroits du centre-ville.  Les témoins étaient inquiets pour leur sécurité et celle de leurs enfants, inquiets aussi des risques de blessures aux autres, de l'accès aux soins médicaux et des séquelles émotionnelles résultant de ces affrontements. Ces préoccupations variaient en importance. En voici des exemples :

* Je me tenais dans le peloton de queue, et lorsque je me suis trouvé à environ 70 mètres de la rue Albert, j'ai remarqué de l'agitation à proximité de l'intersection des rues Booth et Albert. J'ai accouru et j'ai alors aperçu l'escouade antiémeute, armée de fusils et de chiens dressés pour l'attaque, en train d'arrêter une poignée de manifestants. Au moins deux jeunes manifestants gisaient sur le sol, face contre terre, les agents en train de leur passer les menottes. D'autres agents repoussaient la foule, et les chiens étaient visiblement agités. Je me suis placé devant un agent de l'escouade anti-émeute qui tenait un chien en laisse, lequel sautait sur les gens.  J'ai indiqué à l'agent qu'il s'agissait d'une manifestation pacifique et qu'il avait avantage à reculer. Je sentais qu'il s'agissait d'une situation particulièrement dangereuse du fait qu'il y avait parmi les manifestants des gens avec des poussettes et de jeunes enfants ainsi que des grands-parents. L'agent m'a dit de reculer, mais je suis demeuré sur mes positions parce que j'avais le sentiment que les policiers n'avait pas en tête la sécurité des personnes. Pendant que je parlais à l'agent, je me tenais les mains en l'air pour lui montrer que je n'étais pas menaçant.

Soudainement, le chien, qui était toujours en laisse, a sauté sur moi et m'a mordu à la cuisse. Il a lâché prise après quelques secondes. Les gens qui m'entouraient étaient scandalisés par ce qui venait de m'arriver et ont demandé à l'agent ce qu'il entendait faire. Il a tout simplement répondu que nous devrions tous nous éloigner. Le chien a continué à sauter après les gens et, dans l'espace d'une minute, il a attaqué une femme en lui soutirant son chandail. Heureusement, elle a réussi à s'échapper. À ce moment-là, je faisais dos à la foule; j'essayais de me placer entre les manifestants et le chien, mais par moments, j'ai pu apercevoir les gestes des autres agents. Ils avaient un comportement très agressif; ils pointaient leurs pistolets vers les gens et en repoussaient d'autres avec leurs boucliers. [Témoin no 7]

* Au moment où nous traversions le pont McKenzie et que nous nous approchions du petit espace vert qui sert de terre-plein central à la hauteur de la rue Elgin, j'ai aperçu deux jeunes hommes qui étaient pourchassés par les agents de police. Ils ont contourné le terre-plein, sont revenus vers Elgin et c'est là qu'ils ont été jetés par terre. Je me suis approché des barricades situées au bord du terre-plein pour mieux assister à leur arrestation. Nous étions à plusieurs pieds au-dessus de la rue Elgin et évidemment incapables d'intervenir de quelque façon. Une rangée d'agents s'est alors précipitée vers les barricades puis ils ont pointé fusils  et bombes de poivre de Cayenne en notre direction. Sans avertissement, ils ont commencé à tirer. Je me suis vite retourné, et j'ai commencé à courir pour m'enlever de la ligne de feu. J'ai alors entendu une détonation d'armes à feu. Ils nous tiraient des balles en caoutchouc, et tout ce que nous faisions, c'était d'être témoins d'une arrestation. [Témoin no 29]

* Même si je n'ai opposé aucune résistance, j'ai été particulièrement malmené. J'avais les mains et les pieds retenus contre le mur, un agent pour chaque main, même chose pour les pieds. Un autre agent avait son genou contre mon scrotum (présumément en guise de représailles au cas où j'oserais bouger). Il y en avait un très agressif et cruel (dans la jeune vingtaine, cheveux bruns ras, environ 5 pi. 8 po., 170 livres, bien rasé, au visage de bébé mais aux yeux terrifiants) qui m'a recouvert le nez et la bouche de sa main  - il portait des gants noirs - et qui me disait de me la fermer. . . . Pendant mon arrestation, la force employée contre moi n'était aucunement proportionnée à ma conduite. Je n'ai offert absolument aucune résistance. Et puis, on n'a fait aucun cas de ma maladie. [Témoin no 34]

* J'ai tremblé pendant des jours à la suite de la manifestation, non pas à cause des vilaines personnes qui pouvaient se trouver dans la foule, mais à cause de ce que j'ai vu, des hommes, vêtus de leur attirail anti-émeute noir, s'en prendre à des hommes et des femmes qui ne faisaient que marcher dans les rues d'Ottawa. [Témoin no 45]

RECOMMANDATIONS

Les témoignages révèlent une série d'erreurs - certaines graves - commises par le service d'ordre lors des événements qui sont survenus à l'occasion de la rencontre du G-20. Le groupe de citoyens s'est penché sur les leçons à tirer de ces événements, qui sont une occasion de proposer des pistes de solutions afin d'améliorer les relations entre la police et les citoyens, et de protéger les citoyens et citoyennes qui participent directement ou indirectement à de telles manifestations. Pour ce faire, nous avons examiné toute une gamme de principes directeurs et de règles, en vigueur au sein  d'organismes publics, sur le maintien de l'ordre dans ce genre de contexte. Voici nos recommandations :

1. En vue de rétablir un lien de confiance entre les autorités policières et les manifestants, et de faire preuve de responsabilité, nous croyons nécessaire que les autorités :

* reconnaissent que la confiance que les organisateurs des manifestations ont eue dans les représentants de la police, avant  le 16 novembre, a été sérieusement compromise;

* prennent les mesures pour reconnaître que le corps policier a commis des erreurs de communication et de coordination à l'égard des manifestants, et qu'il présente des excuses pour avoir commis ces erreurs;

* assurent un suivi de cette reconnaissance, assorti de lignes directrices précises relatives aux principes à respecter et aux opérations à effectuer afin d'éviter que de telles erreurs ne se répètent, et

* veillent à ce que ces dites lignes directrices soient mises en application.

Nous sommes également d'avis qu'il est nécessaire à l'avenir pour les organisateurs des manifestations de :

* poursuivre un dialogue fécond avec les autorités policières en les mettant au courant de leurs buts et objectifs, à condition que le corps policier ait rétabli les liens de confiance en instaurant un nouveau cadre de principes et de fonctionnement;

* renseigner ces mêmes autorités quant aux enjeux de la manifestation et l'expression d'opinions qu'ils pourraient susciter, et expliquer comment, en général, ces opinions pourraient vraisemblablement s'exprimer;

* encourager sans cesse la tenue d'assemblées non violentes et l'expression de propos pacifiques en plus de décourager ceux et celles qui voudraient agir autrement.

2. En vue de trouver un juste équilibre entre les besoins en matière de sécurité et l'expression démocratique d'opinions, nous recommandons l'adoption de mesures visant à :

* rendre publics des principes et méthodes de fonctionnement sensés, pour assurer le maintien de l'ordre lors de manifestations, de manière à s'assurer de bien comprendre ce qu'on peut s'attendre du comportement des manifestants, des journalistes et du public en général;

* Mettre à la fois les agents de police et les organisateurs de la manifestation au courant de ces principes et méthodes, de même que les sensibiliser au besoin de garantir le droit démocratique à la libre expression d'opinions.

Afin d'assurer que de tels principes voient bien le jour, nous conseillons vivement à la population (p. ex. par l'entremise des élus et élues) d'établir :

* un Conseil des Sages [dans le sens que lui donnent les Premières nations] responsable  de rappeler aux parties concernées les responsabilités et des libertés qui sont associées à la planification et à la tenue de manifestations, et de dialoguer avec les deux parties au sujet de l'état de leurs relations au sein d'un même milieu;

* le rôle d'Accompagnateurs, lesquels agiraient comme observateurs et compagnons des manifestants, qui seraient très bien identifiables par tout le monde (y compris par les journalistes) et qui seraient bien placés pour témoigner du respect des responsabilités de chacun et de l'expression des opinions.

3. Ces principes et mesures demeureront en vigueur seulement qu'avec l'assentiment non seulement des parties en cause lors de manifestations comme celles du 16 au 18 novembre 2001, mais aussi de l'ensemble de la population. Nous trouvons important de :

* sensibiliser le corps policier aux enjeux de ces manifestations, qu'il s'agisse de la politique des institutions internationales ou des besoins des pays en développement, afin de favoriser un meilleur respect et une meilleure compréhension des opinions exprimées par les manifestants;

* rassurer la population sur le fait qu'elle peut exprimer librement ses opinions, en toute sécurité, au moyen de manifestations dans des lieux publics;

* établir au sein de la population un sentiment de confiance durable à l'égard du caractère positif de ce genre de manifestations qui visent à défendre la liberté d'expression au moyen, p. ex., de forums interactifs, qui se tiendraient périodiquement ou, si possible, sur une base annuelle;

* reconnaître la responsabilité des dirigeants municipaux et celle des autorités chargées du maintien de l'ordre pour garantir à la fois la sécurité des personnes et de la propriété et le droit à la liberté d'expression et à la liberté d'association.
 
Favoriser une meilleure compréhension du public au moyen de l'adoption de mesures concrètes, par les médias en particulier, afin de :

* reconnaître la valeur que représente la libre expression d'opinions dans une société démocratique dynamique;

* représenter les faits tels qu'ils se produisent au moment où des opinions sont exprimées, et concentrer particulièrement notre attention sur l'expression pacifique de ces opinions de même que sur le rôle constructif des autorités à vouloir faciliter cette expression, de manière à évoquer l'élément important plutôt que des à-côtés, s'il y en a;

* éveiller les consciences sur la puissance que représente le pouvoir de s'exprimer librement dans un contexte pacifique grâce à des reportages ne faisant l'objet d'aucunes restrictions.
 
4. Des mesures précises sont nécessaires afin de protéger les personnes de même que leur droit à la liberté d'expression et d'association.  L'adoption de mesures s'impose afin de :

* employer de façon judicieuse les effectifs chargés de la sécurité publique, notamment en :

* affectant l'escouade canine à la protection du périmètre érigé par les policiers, et non pour contrôler les foules, et en

* réservant les unités spéciales d'intervention pour des situations où la paix est  vraiment menacée, c'est-à-dire lorsque des menaces ont été formulées, et non durant des manifestations pacifiques;

* pouvoir compter sur des agents de la paix pour accompagner les manifestants pacifiques et travailler avec eux pour assurer une communication et une coordination efficaces entre toutes les parties;

* prévoir entre autres une assistance médicale pour répondre convenablement aux besoins personnels des manifestants;

* respecter les droits de toute personne lors de son arrestation et lorsqu'elle se trouve en détention, y compris le fait de lui offrir l'occasion de consulter un avocat.
 

ANNEX 1 : Termes de référence

Le Panel

Un panel de 4 chefs de file de la région d'Ottawa a été constitué pour se pencher sur des questions résultant de l'activité policière lors de manifestations et de l'expression d'opinions par des citoyens, au cours de la fin de semaine du 16 au 18 novembre, alors que le G-20 se réunissait à Ottawa.

Contexte : les préoccupations

Des citoyens qui ont participé à ces marches et à l'expression d'opinions ont rapporté qu'ils estimaient que leurs droits à la manifestation pacifique et à l'usage de lieux publics avaient été brimés par certaines actions de la police. Ils rapportent notamment le recours à des fouilles manifestement arbitraires et à des arrestations, à des techniques propres aux escouades anti-émeutes, à des mitrailleuses et à des chiens, et à l'intimidation face à des manifestations pacifiques. De tels événements soulèvent des questions graves pour la collectivité et pour les relations entre la police et les citoyens.

Étant donné que ces questions ne sont pas soumises à l'examen d'instances officielles ou d'autres organismes publics, leur étude par un panel de citoyens a été adopté comme solution de rechange.

Objectifs généraux de l'examen

L'examen se veut un processus transparent qui permettra aux citoyens et à la police de faire valoir leur point de vue et d'en discuter, et servira de base

* à la compréhension des événements qui ont eu lieu du 16 au 18 novembre, plus particulièrement la manière dont les citoyens ont été traités ainsi que les perceptions et les objectifs de la police;

* à l'étude des questions d'ordre systémique en ce qui a trait à l'activité policière et la libre expression des citoyens;

* au rétablissement, entre les citoyens et la police, du lien de confiance qui est essentiel dans une société libre et démocratique.

Paramètres de l'étude

L'étude vise à réaliser ce qui suit :

* Fournir à toutes les parties une occasion de décrire les événements et les manifestations de la fin de semaine du 16 au 18 novembre, en encourageant l'expression de tous les points de vue;

* Analyser les rôles et devoirs que supposent les manifestations et l'action policière, particulièrement le droit à la libre expression et à la sécurité des personnes d'une part et la nécessité de protéger les dignitaires et la propriété d'autre part.

* Susciter un débat public à la fois sur ces droits des citoyens et les tâches inhérentes au travail de la police, et sur les politiques et les normes qui régissent l'accomplissement de ces tâches;

* Formuler des recommandations qui permettront à notre collectivité comme à d'autres de réaliser un équilibre juste et respectueux de toutes les parties, entre les droits des uns et les devoirs des autres dans le cadre d'une société libre et démocratique.

L'approche choisie

L'étude se veut un processus à la fois transparent et respectueux de la vie privée lorsque demandé, et qui cherchera à mettre au jour la vérité et visera la réconciliation. Le Panel invitera les intéressés à lui fournir de l'information et des observations verbalement et par écrit et sollicitera l'avis de toutes les parties avant de formuler ses propres observations et recommandations.

PROCÉDURES DE PRÉSENTATION D'OBSERVATIONS

Le Panel de citoyens entend suivre un processus à la fois transparent et respectueux de la vie privée, lorsque demandé, et qui cherchera à mettre au jour la vérité et visera la réconciliation. Le Panel invite les intéressés à lui fournir de l'information et des observations verbalement et par écrit et sollicitera l'avis de toutes les parties avant de formuler ses propres observations et recommandations.

Les observations écrites : d'une longueur maximale de 5 pages à double interligne, elles peuvent être présentées en français ou en anglais et transmises par courrier électronique ou par la poste. Inscrivez votre nom au haut de la première page de vos observations, sauf si vous demandez que votre identité ne soit pas révélée (voir plus bas).

* Sur une page couverture, veuillez indiquer ce qui suit :

1. Considérez-vous vos observations PRIVÉES ou PUBLIQUES? Si vos observation sont publiques, peuvent-elles être postées sur le site web? Avec votre nom?
2. La date;
3. Votre nom, ainsi qu'une adresse et un numéro de téléphone où il sera possible de communiquer avec vous;
4. Si vous désirez paraître en personne devant le Panel, veuillez indiquer les dates où vous serez disponible, compte tenu du calendrier des séances publiques.

* Un bref sommaire des points principaux que vous désirez aborder.

Dates limites de la présentation d'observations écrites :
 
* 21 février - sommaires
* 2 mars  - observations écrites (textes)

Veuillez faire parvenir vos sommaires et observations écrites à l'une des adresses suivantes :

 Par la poste :  Panel des citoyens, CP 722, 410, rue Bank, Ottawa, ON K1Y 1Y8
  (Si possible, veuillez faire parvenir 6 copies)
 Courriel : CitizensPanel@rogers.com
 

La tenue à Ottawa des séances publiques pour la présentation verbale d'observations sera annoncée d'ici le 14 février. L'horaire des présentations sera établi par des bénévoles qui fournissent un soutien administratif au Panel de citoyens et qui communiqueront aux intéressés la date et l'heure de leur présentation.

 S'il s'agit de la seule façon d'entendre une variété de points de vue, on effectuera un tri des demandes de présentation verbale, afin de regrouper des points de vue semblables, et on choisira des observations types. Les observations qui ne feront pas l'objet d'une présentation en personne seront incorporées au rapport final.

Si vous désirez présenter vos observations :
 
* veuillez en faire parvenir au Panel, d'ici le 21 février, un bref sommaire accompagné de toute l'information nécessaire pour que nous puissions communiquer avec vous, afin de rendre plus facile l'établissement des horaires;

* si vous faites partie d'un groupe, vous pourriez décider de rassembler vos observations en une seule présentation et de choisir un/une porte-parole; les autres membres du groupe devraient assister à la présentation pour aider à répondre aux questions du Panel.

Dossiers, confidentialité et protection de la vie privée
 
Le travail du Panel reflète un processus communautaire, et non judiciaire. On ne gardera dans les dossiers que les observations écrites et une note sur le déroulement de la séance de présentation (qui aura fait cette présentation et quand).
 
* Les noms et adresses seront notés tels que fournis par les personnes faisant la présentation.

* L'information personnelle ne sera divulguée que si la personne en cause a donné sa permission.

* L'information personnelle fournie au Panel ne paraîtra pas en détail dans ses observations et recommandations, lesquelles aborderont les questions de manière générique.

* Pour une protection totale de votre vie privée, veuillez demander à un ami ou une amie de communiquer avec nous par courrier électronique et de nous fournir un numéro où l'on pourra communiquer avec vous.

Les médias pourront assister aux séances publiques, mais le Panel ne leur fournira pas aucune des observations écrites qui lui auront été transmises. Afin de favoriser le caractère informel des séances, leur enregistrement à l'aide de matériel audio ou vidéo ne sera pas encouragé.

Février 2002
 
 

ANNEXE 2: Présentations et soumissions écrites
 

Présentations : jeudi le 21 février 2002

1  Jamie Kneen et Mary Hutcheon
2  Alma Norman, Ria Heynen et autres (Raging Grannies)
3  Denise Veilleux
4  John Baglow
5  Ellie Barrington
6  Nancy Peckford et Muna Deria
7  Paul Smith
8  Peter Atack
9  Bill Moore-Kilgannon
10  John Hollingsworth
11  Sarah Dover

Présentations :  mardi le 26 février 2002

12  Sharon Moon
13  Pegi Cesar et autres (First United)
14  Evan Dyer
15  Tim Lash
16  Carl Hétu
17  Laurence Clément-Sirois
18  Bob Stevenson
19  Betty-Ann Davis
20  Caroline Parry
21  Sybil Grace
22  Patricia McGraw

Présentations : jeudi le 26 février 2002

23  Alex Cullen
24  Jane Keeler
25  Jared O'Neill
26  Howard Clark
27  Jantine Van Kreghen
28  David Robbins
29  Vicki Smallman
30  Geoff Bickerton
31  Alex Campbell
32  Evelyn Gigantes
33  John Sifton
34  Rick Reimer
35  Mary Hutcheon
36  Marie-Claude Huot
37  Christian Legeais
38  Stuart Ryan

Présentations : samedi le 2 mars 2002

39  Richard Renshaw
40  Neil Wallace
41  Clive Doucet
42  James Pratt
43  Normand Pellerin (l'auteur) et Paul Saubière (témoin)
44  Jan Heynan
45  Ian Allen
46  Angela Pinchero
47  Janet Parr
48  Ken Johnson
49  Audrey Brewster et Sean Darcy
50  Nancy Lauder
51  Soha Kneen
52  Bob Thomson
53  John Downey
54  Randall Marlin
55  Christine Shaikin

Soumissions écrites (reçues sans présentation en personne)

56  Laura Brawn
57  Stephen Brunette
58  Michael Dallaire
59  Erin Fowler
60  Alison Gorbould
61  Nathan Hauch
62  James MacIntosh
63  T. Howard Mains
64  Chris Nolan
65  Jim Nolan
66  Donald Parkinson
67  Hugh Pouliot