27 mars 2004


Clara Hughes était exténuée après avoir remporté la médaille d'or du 5000 mètres, il y a deux semaines à Séoul.

Clara Hughes a su tout mettre en oeuvre pour donner une nouvelle signification à l'expression « dépassement de soi». Nous la proposons donc comme modèle à tous les lecteurs de cette chronique.

« Clara est une des athlètes les plus extraordinaires que j'ai rencontrés en vingt ans de métier », reconnaît Randy Starkman, journaliste au quotidien Toronto Star et un des grands connaisseurs de sport olympique au Canada.

« Elle est une intarissable source d'inspiration et constitue un puissant antidote à tout ce qui cloche dans le sport professionnel et amateur. »

À un âge - 31 ans et demi - où la majorité des athlètes ont pris leur retraite depuis des lunes, la Manitobaine de naissance et Québécoise d'adoption continue d'ajouter des chapitres glorieux à un livre de performances sportives internationales pourtant déjà bien garni.

Le 14 mars, à Séoul, Hughes a décroché le titre de championne du monde du 5000 m par une demi-seconde. Dans cette épreuve suprême d'endurance en patinage de vitesse féminin sur longue piste, Hughes était vice-championne mondiale en titre.

Athlète d'exception
En 2002, aux J.O. de Salt Lake City, Hughes a décroché la médaille de bronze, à peine un an et demi après avoir commencé à donner ses premiers coups de patin en compétition internationale.

Au cas où ça vous aurait échappé, Hughes est alors devenue la quatrième athlète du monde, et la première du Canada - hommes et femmes confondus - à remporter une médaille aux Jeux olympiques d'été et d'hiver.

Tout au long des années 1990, Hughes s'est entièrement consacrée au cyclisme sur route, discipline où elle s'est illustrée notamment avec une récolte de deux médailles de bronze lors des J.O. d'Atlanta en 1996.

Quatre ans plus tard, au terme des J.O. de Sydney où elle n'a pu offrir une performance digne de sa réputation à cause de problèmes de santé, Hughes a décidé de revenir à ses premières amours, le patinage de vitesse sur longue piste.

Elle n'a pas mis de temps à s'y imposer, même si cette discipline possède énormément de profondeur, avec des athlètes aussi formidables que les Allemandes Claudia Pechstein, Anni Freisinger et Gunda Niemann-Stirnemann, ainsi que les Néerlandaises Renate Graenewold et Gretha Smit.

Pour triompher de l'adversité, Clara Hughes s'est servie de son esprit, de sa lucidité, de ses qualités athlétiques exceptionnelles ainsi que de son seuil de tolérance à la douleur tout à fait hors du commun.

Comme elle sait aussi philosopher sur le sport et la vie, nous en profitons pour vous présenter quelques unes de ses observations.


« Toute cette souffrance, toutes ces heures investies sans compter dans l'entraînement trouvent leur pleine justification
dans les fruits d'une excellente performance », dit Clara Hughes. Comment en douter quand on la voit sourire ?
photo : Raynald Leblanc

Une athlète en état de grâce !

« J'ai façonné toute ma vie en fonction du sport. J'ai pris des risques, mais je mène une vie fantastique. Je crois être la personne la plus chanceuse sur Terre. Parfois, j'ai l'impression d'être continuellement en état de grâce. »

Clara Hughes est d'une franchise totale et n'a jamais eu besoin d'un relationniste pour s'exprimer. Elle a développé une formidable capacité d'introspection qui lui permet de lever le voile sur des découvertes et des émotions qui marquent sa vie d'athlète. Elle les partage régulièrement avec ses proches dans des courriels fascinants, desquels provient le paragraphe d'introduction ci-dessus.

Voici d'autres extraits tirés d'un long courrier rédigé après sa conquête du titre mondial du 5000 mètres.

Ici et maintenant...
« En route vers cette performance suprême, j'ai réalisé comme jamais auparavant l'importance d'aller de l'avant avec candeur et avec la plus grande ouverture d'esprit possible. On peut ainsi savourer pleinement l'émerveillement que chaque nouvelle expérience peut offrir. Le jour de l'épreuve du 5000 mètres, je ne ressentais aucune limite dans mon coeur. Je savais qu'en étant patiente et attentive sans accorder d'importance à un but spécifique, je pourrais repousser les frontières de mon possible. Dès que le coup de pistolet du starter s'est fait entendre, j'ai eu l'impremion d'être en pleine méditation, tout en étant pleinement consciente des gestes techniques à poser. Chaque sensation a pris naturellement et aisément sa place dans le portrait de ce qui se passait ici et maintenant. Je me laissais imprégner par tout, sans oublier que je voulais finir en ayant tout donné... »

Reine de la douleur...
« Avec cinq tours à franchir la douleur était intense. Tous mes muscles criaient au meurtre. Mon cerveau rationnel me disait de tout arrêter. Puis quelque chose au fond de moi a pris le contrôle. J'ai compris que le moment de vérité était arrivé. Si je ralentissais le tempo, c'était fini. Si je poursuivais la lutte contre la douleur, je pouvais gagner le combat et élever plus haut que jamais mon seuil de tolérance. J'ai trouvé un second souffl, mais les deux derniers tours ont été les plus longs de ma vie. »

Simplicité
« Une conversation avec le thérapeute Ed Louie m'a fait réaliser que la glace n'est que de l'eau gelée. Elle est parfois rapide, parfois lente, comme quand elle coule dans un ruisseau. Il faut savoir reconnaître sa nature pour se laisser porter quand elle est rapide comme à Calgary, ou fournir plus d'efforts quand elle est lente comme à Séoul. Une fois en symbiose avec cet élément, on réalise qu'une course n'est plus qu'une série de virages à gauche sur glace. C'est une épreuve d'une simplicité incroyable, mais qu'on complexifie énormément en lui greffant des émotions, de la pression et des attentes... »

Extase de la vie
« Toute cette souffrance, toutes ces heures investies sans compter dans l'entraînement trouvent leur pleine justification dans les fruits d'une excellente performance. Fourbue, crevée, drainée de la moindre parcelle d'énergie, je ressens dans mon for intérieur un débordement de joie, de bonheur, de satisfaction... Un véritable cri de ravissement d'être en vie, une extase de pouvoir la savourer sans aucune retenue ! »

Inspiration
En guise de conclusion, une déclaration qui définit parfaitement cette athlète admirable qu'est Clara Hughes.

« J'ai eu la piqûre pour les sports et les Olympiques en voyant patiner Gaétan Boucher lors des Jeux de Calgary, raconte celle qui avait 15 ans à l'époque. Pour moi, le rêve olympique est fait de valeurs incomparables. J'ai été inspirée par un athlète en 1988. Ma vie en a été changée, peut-être même sauvée. Mon souhait le plus cher est de servir à mon tour d'inspiration à des jeunes. »


une page mise en ligne le 27 mars 2004 par SVP

Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
Consultez notre ENCYCLOPÉDIE sportive