Théorie tentant initialement d'expliquer
le mouvement relatif des corps. La physique moderne connaît en fait
deux concepts très différents, la relativité restreinte
et la relativité générale, tous deux développés
au début du XXe siècle, notamment par Albert
Einstein. La théorie de la relativité et ses
ramifications font aujourd'hui partie des concepts
fondamentaux de la physique.
Physique
classique
À la fin du XVIIe siècle, Isaac Newton énonça
les principes fondamentaux de la mécanique, résumés
par ce qu'on appelle aujourd'hui les lois de la mécanique classique.
Avant l'introduction de la théorie de la relativité,
les lois de la mécanique étaient communément acceptées
par les scientifiques. La mécanique newtonienne et la mécanique
relativiste diffèrent par leurs hypothèses fondamentales
et leur traitement mathématique. Cependant, les résultats
globaux qu'elles permettent d'établir ne sont pas toujours contradictoires,
surtout lorsque l'on étudie des situations physiques "simples".
Par exemple, lorsque l'on cherche à prédire le comportement
de deux boules de billard qui viennent de s'entrechoquer, la mécanique
classique et la mécanique relativiste donnent des résultats
quasiment identiques. Les calculs mathématiques classiques étant
bien plus simples que les calculs en mécanique relativiste,
on préfère les utiliser pour étudier de tels cas.
Par contre, lorsque la vitesse des corps, ou particules, est proche de
la vitesse de la lumière, les deux théories prédisent
des comportements très différents. Il faut alors appliquer
les lois de la mécanique relativiste.
La limite d'application de la mécanique classique à un
corps en mouvement est définie par un facteur introduit par les
physiciens Lorentz et Fitzgerald à la fin du XIXe siècle.
Ce facteur est représenté par la lettre grecque bêta
et est défini par: béta=v/c, avec v la vitesse du corps et
c la vitesse de la lumière, soit 3.108m/s. On utilise la mécanique
classique lorsque b est négligeable devant 1. Pour b proche
de 1, il faut appliquer la mécanique relativiste. Ainsi,
pour les phénomènes terrestres courants (mécanique
du solide, balistique), les corrections relativistes peuvent être
négligées. Par contre, lorsque les vitesses des corps deviennent
très élevées, comme dans certains phénomènes
astronomiques, les corrections relativistes sont significatives. De même,
lorsque les distances considérées sont très grandes,
ou lorsque l'on étudie des agrégats de matière quantitativement
importants, l'utilisation des principes relativistes est indispensable.
De la même façon que la théorie
quantique s'applique à l'infiniment petit, la théorie
de la relativité s'applique à l'infiniment
grand.
Les principes de la physique classique étaient universellement
acceptés jusqu'en 1887. Cette année-là, le physicien
Albert
Michelson et le chimiste Edward Williams Morley réalisèrent
l'expérience portant leurs noms. Les deux scientifiques tentèrent
de déterminer la vitesse de la Terre dans l'éther, substance
censée transmettre les rayonnements électromagnétiques
et supposée occuper tout l'espace. Si le Soleil était immobile
dans l'espace, la Terre aurait une vitesse constante de 29km/s du fait
de sa révolution autour du Soleil. En revanche, si le Soleil et
le Système solaire étaient en mouvement dans l'espace, la
direction variable du mouvement orbital de la Terre impliquerait que sa
vitesse apparente est une combinaison de sa vitesse propre et de la vitesse
du Soleil. Le résultat de l'expérience fut inattendu et fut
à cette époque inexplicable: la vitesse apparente de la Terre
dans l'éther hypothétique est nulle.
Dans la pratique, l'expérience de Michelson-Morley devait
permettre de détecter une différence de vitesse de la lumière,
en utilisant deux faisceaux lumineux se propageant dans deux directions
différentes de l'espace. En effet, si un rayon lumineux et un observateur
se déplaçaient dans la même direction de l'espace aux
vitesses respectives de 300000km/s et 29km/s, la lumière dépasserait
l'observateur, avec une vitesse apparente qui serait la différence
entre ces deux vitesses. Si l'observateur se déplaçait dans
la direction opposée à celle de la lumière, la vitesse
apparente du Soleil serait la somme des deux vitesses. C'est cette différence
que l'expérience de Michelson-Morley n'est pas parvenue à
détecter.
Dans les années 1890, Lorentz et Fitzgerald avancèrent
indépendamment l'hypothèse suivante: lorsqu'un corps se déplace
dans l'espace, la longueur de sa trajectoire est contractée dans
le sens du mouvement. L'échec de l'expérience de Michelson-Morley
put alors être expliqué. Bien que l'un des faisceaux de lumière
se déplace plus lentement que l'autre, c'est-à-dire qu'il
parcourt dans le même temps une distance plus faible, cette dernière
est mesurée avec des instruments soumis au même raccourcissement,
selon l'hypothèse de Lorentz-Fitzgerald. Le phénomène
prévu est donc inobservable. Ainsi, dans l'expérience de
Michelson-Morley,
la distance parcourue par la lumière en 1s semble être la
même, quelle que soit la vitesse avec laquelle la lumière
se propage réellement. La contraction de Lorentz-Fitzgerald
fut cependant considérée par les scientifiques comme peu
satisfaisante, car elle utilise la notion de mouvement absolu pour conclure
qu'un tel mouvement ne peut être observé.
Relativité
restreinte
En 1905, Einstein publia le premier
article important sur la théorie de la relativité.
Le scientifique nie alors l'existence du mouvement
absolu. Selon lui, dans l'Univers, aucun corps
particulier ne peut fournir de système de coordonnées de
référence universel qui soit au repos absolu. Tout
corps fournit par contre un système de référence convenable,
dans lequel tout mouvement peut être étudié. Il est
donc tout aussi correct d'affirmer qu'un train passe devant une gare, ou
que la gare se déplace par rapport au train. Selon Einstein,
tout mouvement est donc relatif et on doit préciser le référentiel
d'étude.
Aucune des hypothèses fondamentales d'Einstein
n'est révolutionnaire, surtout si l'on se borne à l'exemple
du train. En effet, Newton avait déjà affirmé
que le repos absolu ne pouvait pas être défini par rapport
à la position des corps qui nous entourent. Ce qui fut nouveau,
c'était d'affirmer que la vitesse relative de tout observateur par
rapport à un rayon lumineux est toujours la même, soit approximativement
300000km/s. Ainsi, si deux observateurs se déplacent l'un par rapport
à l'autre à une vitesse de 160000km/s, et mesurent la vitesse
d'un même rayon de lumière, ils trouveront tous les deux que
ce dernier se déplace à 300000km/s. Ce résultat apparemment
anormal fut démontré par l'expérience de Michelson-Morley.
Selon la physique classique, l'un des observateurs peut être au repos,
pendant que l'autre fait une erreur de mesure due à la contraction
de Lorentz-Fitzgerald. Selon Einstein,
les deux observateurs peuvent se considérer au repos, et aucun d'entre
eux n'a commis d'erreur de mesure. Chaque observateur utilise en effet
un système de coordonnées propre comme référentiel.
On peut passer d'un système de coordonnées à l'autre
par une transformation mathématique. Les équations de cette
transformation, connues sous le nom de groupe de transformations
de Lorentz, furent adoptées par Einstein.
Celui-ci les a cependant différemment interprétées,
en avançant que la vitesse de la lumière reste invariable
dans toute transformation de Lorentz.
D'après la théorie relativiste, les distances
sont modifiées dans le sens du mouvement de l'objet, ainsi que la
masse et le temps. Ces transformations sont déterminées par
le facteur gamma. L'électron, découvert au début du XXe siècle, constitue un bon objet d'étude pour vérifier
de telles assertions. Les électrons émis par des substances
radioactives ont des vitesses proches de celle de la lumière. Lorsqu'un
électron se déplace rapidement dans un champ magnétique,
sa masse peut être facilement déterminée en mesurant
la courbure de sa trajectoire. Lorsque le champ est constant, plus l'électron
est lourd, plus son inertie est grande et la courbure de la trajectoire
petite. On constate qu'au cours du mouvement, la masse de l'électron
est doublée. Les expériences confirment les prédictions
d'Einstein: la masse de l'électron
augmente exactement de la valeur prédite. L'énergie
cinétique de l'électron accéléré est
convertie en masse, selon la formule E=mc², qui traduit l'équivalence
masse/énergie.
L'hypothèse fondamentale soutenant la théorie d'Einstein
est la non-existence du repos absolu dans l'Univers.
Einstein
postula que deux observateurs, se déplaçant l'un par rapport
à l'autre à une vitesse constante, observent des "lois de
la nature" identiques. Toutefois, l'un des observateurs peut enregistrer
deux événements sur des étoiles éloignées
comme s'ils avaient lieu simultanément, pendant que le second observateur
constate qu'un événement s'est produit avant l'autre. Cette
divergence des observations n'est pas une objection valable à la
théorie
de la relativité. En effet, selon cette dernière, la
simultanéité n'existe pas pour des événements
éloignés. En d'autres termes, il est impossible de seulement
spécifier le moment où l'événement se produit,
sans préciser l'endroit où il a lieu. La "distance" ou l'
"intervalle" entre deux événements peut être décrit
exactement en combinant les intervalles de temps et d'espace, mais pas
par l'un ou l'autre séparément.
L'espace-temps
à quatre dimensions (trois dimensions pour l'espace et une
pour le temps), dans lequel tous les événements de l'Univers
ont lieu, est appelé continuum espace-temps.
Dans cet espace, le mouvement spatio-temporel d'un corps est décrit
par sa ligne universelle.
Relativité
générale
En 1915, Einstein introduisit la
théorie de la relativité générale dans
laquelle il considère des corps accélérés les
uns par rapport aux autres. Son but initial était d'expliquer les
divergences apparentes entre les lois relativistes et la loi de la gravitation.
Il adopta alors une nouvelle approche du concept de gravité, fondée
sur le principe de l'équivalence.
D'après ce principe, les forces de gravitation
sont en tout point équivalentes aux forces d'accélération.
Ainsi, dans une expérience, il est théoriquement impossible
de différencier les deux types de forces. D'après la théorie
de la relativité restreinte, une personne située dans
une voiture qui roule sur une route lisse ne peut pas savoir si elle est
au repos ou animée d'un mouvement uniforme. Selon la théorie
de la relativité générale, lorsque la voiture
est accélérée, ralentie, ou engagée dans un
virage, l'occupant ne peut savoir si les forces produites sont dues à
la gravitation ou à l'accélération.
L'accélération est la variation de la vitesse au cours
du temps. Considérons un astronaute debout dans une fusée
avant son décollage. En raison de la gravité, l'astronaute
est maintenu debout par une force équivalente à son poids
p. Considérons la même fusée dans l'espace interplanétaire,
loin de tout corps et ne subissant aucune gravité. Lorsque la fusée
accélère, l'astronaute subit à nouveau la poussée
qui le maintient debout. Si l'accélération est de 9,8m/s²
(accélération de la pesanteur à la surface de la Terre),
la poussée qui s'exerce sur l'astronaute est égale à
p, poids de l'astronaute. S'il ne regarde pas à travers le hublot,
l'astronaute ne sait pas si la fusée est au repos sur la Terre ou
en accélération constante dans l'espace interplanétaire.
La force due à l'accélération ne peut donc pas être
distinguée de la force de gravitation.
Selon la théorie d'Einstein,
la loi newtonienne de la gravitation est une
hypothèse non nécessaire. Einstein
assimile toutes les forces, aussi bien la gravité que les forces
associées à l'accélération, à des effets
de l'accélération. Lorsque la fusée est au repos sur
Terre, elle est attirée vers le centre de celle-ci. Einstein
déclare que ce phénomène d'attraction est dû
à une accélération de la fusée. Certes, dans
l'espace tridimensionnel, la fusée est stationnaire, elle n'est
donc pas accélérée. Mais dans un espace-temps à
quatre dimensions, la fusée est en mouvement suivant sa ligne universelle.
La courbure du continuum à proximité de la Terre implique
une courbure de la ligne universelle de la fusée, ce qui explique
son mouvement relativiste.
L'hypothèse de Newton, selon laquelle deux corps sont
soumis à une attraction mutuelle proportionnelle à leur masse,
est donc remplacée par l'hypothèse relativiste, selon laquelle
le continuum est courbe à proximité des corps massifs. La
loi de la gravitation d'Einstein
affirme alors simplement que la ligne universelle
de chaque corps est une géodésique dans le continuum.
Une géodésique est le "chemin" le plus court entre deux points.
Dans un espace courbe, les géodésiques ne sont pas nécessairement
des droites. Ainsi, les géodésiques à la surface de
la Terre sont de grands cercles.
Confirmation
et modification de la théorie
La théorie de la relativité
générale fut confirmée de plusieurs façons.
Nous fournirons ici quelques exemples.
La théorie prédit notamment que la trajectoire d'un rayon
lumineux est courbe au voisinage immédiat d'un corps massif comme
le Soleil. Pour vérifier cette prédiction, les scientifiques
choisirent d'abord d'observer des étoiles apparaissant à
proximité du Soleil. Leurs positions apparentes furent relevées,
puis comparées à leurs positions quelques mois plus tard,
une fois qu'elles s'étaient éloignées du Soleil. Les
prédictions d'Einstein furent
alors validées. Ces dernières années, des tests comparables
ont été faits sur les déflections des ondes radio
provenant de quasars éloignés. Ces tests ont confirmé
la théorie de la relativité
générale.
Un autre exemple confirme la théorie de la relativité
générale. Depuis plusieurs années, on sait que
le point le plus proche du Soleil, par lequel passe Mercure, se déplace
autour du Soleil avec une période de 3millions d'années.
Contrairement à la théorie classique, la théorie de
la relativité prédit ce mouvement. Effectuées récemment
par radar, des mesures de l'orbite de Mercure ont confirmé les
prédictions relativistes avec une incertitude de seulement 0,5p.100.
Observations
récentes
Après 1915, la théorie de la relativité
fut développée et prit de l'importance grâce à
Einstein,
mais aussi aux astronomes britanniques James Jeans, Arthur Eddington
et Edward Arthur Milne, à l'astronome hollandais Willem
de Sitter, et au mathématicien germano-américain Hermann
Weyl. Beaucoup de leurs travaux s'efforcent d'élargir la théorie
de la relativité pour y inclure des phénomènes
électromagnétiques. Plus récemment, plusieurs chercheurs
ont tenté d'unifier la théorie gravitationnelle
relativiste avec l'électromagnétisme et les interactions
nucléaires fortes et faibles. Bien que quelques progrès
aient été réalisés, aucune théorie n'est
aujourd'hui acceptée de façon générale. Voir
aussi Particules élémentaires.
Les physiciens ont aussi consacré beaucoup d'efforts au développement
des conséquences cosmologiques de la théorie de la relativité.
Dans le cadre des axiomes d'Einstein,
plusieurs voies de développement sont possibles. L'espace, par exemple,
est courbe, et son degré exact de courbure à proximité
des corps lourds est connu; mais sa courbure dans l'espace vide, causée
par la matière et le rayonnement de l'Univers tout entier, demeure
incertaine. Par ailleurs, les scientifiques ne savent pas encore si cette
courbe est fermée (c'est-à-dire analogue à une sphère),
ou ouverte (analogue à un cylindre ou à un bol aux parois
infinies). La théorie de la relativité implique également
la possibilité d'expansion de l'Univers.
Cette théorie de l'expansion rend crédible l'hypothèse
selon laquelle l'histoire passée de l'Univers est finie. Elle ouvre
également de nombreux champs d'investigation encore peu explorés.
À la suite des prédictions d'Einstein,
un autre sujet important de la recherche en physique est l'étude
des ondes gravitationnelles, qui sont par exemple issues de l'oscillation
ou de l'effondrement d'étoiles massives, et qui perturbent le continuum
espace-temps.
Une grande part des dernières recherches sur la relativité
est consacrée à la création d'une mécanique
quantique relativiste qui soit pratique à manipuler. Une
théorie
relativiste de l'électron fut développée en 1928
par le mathématicien et physicien Paul Dirac. Par la suite,
une théorie satisfaisante, appelée électrodynamique
quantique, unifia les concepts de la relativité et de la
physique
quantique; cette théorie est particulière à l'étude
de l'interaction entre les électrons, les positrons et le rayonnement
électromagnétique. Plus récemment, les travaux du
physicien britannique Stephen Hawking constituaient une tentative
d'intégration totale de la mécanique
quantique et de la théorie relativiste.
Comme il est possible de constater, la théorie de la relativité
générale énoncée en 1915, a supplanté
la théorie newtonienne de la gravitation; elle a passé avec
succès
tous les tests expérimentaux ou observationnels
disponibles et a séduit par sa beauté
mathématique. Le seul point noir est qu'elle semble
inconciliable avec la physique quantique.