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Arrestation de Maître Abbou et violences au Palais de Jutice

Aujourd'hui 2 mars, le palais de justice a été encerclé par un impressionnant dispositif policier. Plus de 120 avocats ont été assiégés dans la bibliothèque du Conseil de l'ordre des avocats où ils se sont retranchés après avoir été bousculés et maltraités par des agents de police en civil qui ont investi l'enceinte du palais de justice usant de violences verbales et physiques contre les avocats qu'ils avaient empêchés d'accéder au bureau du juge d'instruction, Faouzi Sassi, où ils devaient assister leur collègue Mohamed Abbou, arrêté la veille, le 1er mars. Madame Abbou qui attendait avec ses avocats l'arrivée de son mari a perdu connaissance sous la violence de la bousculade opérée par les agents de police.

Maitre Abbou, membre du CNLT et ancien membre dirigeant de l'Association des jeunes avocats, a été enlevé la nuit du 1er mars sur la voie publique par des agents de sécurité en civil alors qu'il venait de quitter un collègue auquel il avait cédé sa voiture. Les agents avaient, préalablement, braqué la voiture que conduisait son collègue, maître Mansouri qu'ils ont brutalement dégagé de la voiture sur la route de Mégrine (banlieue sud de Tunis) avant de s'apercevoir de leur erreur. Détenu au secret depuis, ni la famille, ni le barreau ne savaient où il se trouvaient. Après de longues tergiversations, le juge d'instruction avait fini par informer la section de Tunis de l'Ordre des avocats, que maître Abbou était détenu à la brigade criminelle en vertu d'une commission rogatoire qu'il avait délivré le 28 février!
Tard dans la soirée du 2 mars, le Conseil de l'ordre des avocats avait obtenu que les agents de police en civil quittent l'enceinte du palais de justice et les avocats ont pu rentrer chez eux.

Maitre Abbou a été placé sous mandat de dépôt à la prison civile du 9 avril, les avocats ont appris qu' il est accusé de charges relevant du code de la presse dans l'affaire N° 98347/2, sans avoir pu prendre connaissance du dossier.
Selon des sources crédibles, l'arrestation de maître Abbou est survenue à la suite de la publication d'une tribune intitulée « Ben Ali-Sharon » sur la liste de diffusion de Tunisnews le 28 février où maître Abbou critiquait l'invitation lancée par Ben Ali à Sharon pour se rendre en Tunisie à l'occasion du SMSI, et où il établit un parallèle entre les deux généraux. Mais comme de coutume, les poursuites judiciaires ne portent pas sur le texte incriminé où Ben Ali est mis en cause, mais sur une autre tribune publiée sur la même liste en septembre où maître Abbou compare les prisons tunisiennes à la prison d'Abou Ghraieb en Irak.

  • Le CNLT s'élève vigoureusement contre cette occupation du palais de justice par la police politique et l'atteinte à l'intégrité physique et morale des avocats dans l'exercice de leurs fonctions. Il rappelle que selon la loi, seuls les agents de la police judiciaire en uniforme ont leur place dans l'enceinte du Palais.
  • Il exprime sa solidarité avec le barreau tunisien représenté par son Conseil de l'ordre dans son combat pour l'indépendance de la justice et le respect du corps des avocats dans l'exercice de ses fonctions; et se félicite de la position ferme prise par l'Association des magistrats tunisiens (AMT) qui se sont élevés, dans un communiqué rendu public, contre cette atteinte à l'inviolabilité de l'enceinte judiciaire par la police.
  • Il considère l'incarcération de maître Abbou comme relevant du « crime de lèse majesté » et exige sa libération immédiate et inconditionnelle, s'appuyant sur le fait que maître Abbou n'a fait qu'exercer son droit élémentaire garanti par la constitution et tous les instruments internationaux relatifs à la liberté d'opinion.
  • Il relève que, encore une fois, des magistrats du parquet se rendent complices de faux dans des dossiers judiciaires pour couvrir l'abus de pouvoir de la police politique. Il les appelle au respect de leur charge et de la loi.

Etudiants devant le tribunal correctionnel de Sfax
D'autres arrestations ont été opérées le 28 février à Sfax en milieu étudiant suite à une manifestation de protestation contre cette invitation de Sharon en Tunisie. Cinq étudiants Chawki Fourat, Thouraya Hidouri, Khaled Hidouri, Néjib Trabeslsi et Hassen Ben Salem comparaissent le 3 mars devant le tribunal correctionnel de Sfax pour « voies de fait sur agents de police dans l'exercice de leur fonctions et atteintes aux biens d'autrui ». Les étudiants ont été torturés dans les locaux de la police avant d'être transférés en prison.

  • Le CNLT exige la libération immédiate et l'abandon des charges contre les 5 étudiants prévenus qui n'ont fait qu'exercer un droit élémentaire à la manifestation pacifique et la poursuite judiciaire des agents qui les ont torturés.

Hina Jilani, persona non grata en Tunisie
Hina Jilani, le rapporteur spécial sur les défenseurs des droits humains aux Nations Unies qui devait se rendre en Tunisie le 5 mars à l'invitation de la LTDH et de la FIDH pour participer à une conférence, a vu son visa refusé par les autorités tunisiennes. Ce n'est pas la première fois que des rapporteurs spéciaux sur les droits de l'homme des NU se voient refuser les demandes de visites d'inspection en Tunisie en application de leurs mandats, mais c'est la première fois qu'un haut fonctionnaire de l'ONU se voit refuser le visa de cette manière.
Le CNLT est choqué par la légèreté du comportement des autorités tunisiennes vis-à-vis d'un haut responsable des NU en charge des droits humains. Ce comportement est révélateur du déficit en matière de droits humains que cherche à cacher le pouvoir tunisien derrière un écran de logomachie sur les droits de l'homme et du peu de cas qui est fait des engagements onusiens de l'Etat tunisien en la matière.
Il assure madame Jilani de sa considération et s'excuse auprès d'elle pour ce comportement inélégant.

Pour le Conseil,
La porte-parole
Sihem Bensedrine
sbensedrine@cnlt98.org