Communiqué

Tunis le 9 Février 2002

Parodie de justice au tribunal militaire
Le tribunal militaire de Tunis présidé par le juge Béchir Zarkouna a prononcé le 30 janvier 2002 une condamnation à 10 ans de prison ferme pour Béchir Zaied et 8 ans pour Mounir Ghaith et Abdelbasset Daly. Ces trois citoyens tunisiens résidant en Italie, comparaissaient pour « appartenance à une organisation terroriste visant l’atteinte aux biens et aux personnes et appelant à la haine des races et des religions ».Lors de l’audience du 19 décembre 2001 les prévenus avaient nié toute appartenance à toute association.

Les avocats ont mis en exergue l’instrumentalisation politique de cette affaire et la condamnation des prévenus par les médias officiels ainsi que celle prononcée par Habib Ben Yahia, le Ministre des affaires étrangères, qualifiant ce procès de « procès entrant dans le cadre de la stratégie du pouvoir de lutte contre le terrorisme ».La défense a relevé les violations qui ont été constatées tant à l’étape de l’enquête, de l’inculpation que de l’instruction :

  • Béchir Zaied et Mounir Ghaith ont fait état devant la cour de tortures qu’ils ont subies dans les locaux de la sûreté de l’état.
  • Des actes de faux de la part des officiers de la sûreté de l’état qui ont falsifié les conditions d’extradition de Béchir Zaied par les autorités algériennes et prétendu avoir procédé eux-mêmes à son arrestation pour qu’on ne puisse pas vérifier les conditions illégales de cette extradition.
  • Les dates d’arrestation de Mounir Ghaith et Abdelbasset Daly ont été également falsifiées.
  • Le juge d’instruction militaire Hosni Abrougui s’est contenté, quant à lui, de recopier le P-V de police aux fautes d’orthographes près et n’a pas procédé lui-même à l’interrogatoire des prévenus.

Les avocats ont relevé l’absence de toute preuve à charge contenue dans le dossier d’accusation. Le seul élément dans le dossier étant la fiche de renseignement policière. Ils ont également plaidé l’incompétence de la cour militaire, puisque aucun des accusés n’appartient au corps de l’armée ou à l’Académie militaire.

Le CNLT condamne cette nouvelle parodie de justice et relève que ce procès a été préfabriqué pour accréditer la thèse du complot terroriste contre le pouvoir tunisien et souligne encore une fois l’instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique.

Agression caractérisée contre Lumumba Mohsni
Le 30 janvier 2002 en fin d’après-midi, deux motards sur une Yamaha se sont précipités sur Lumumba Mohsni, membre de la rédaction de la revue Kaws El Karama, alors qu’il attendait un taxi à La Marsa, le matraquant sur la tête à coup de barres de fer jusqu’à ce qu’il perde connaissance. Transporté à l’hôpital de La Marsa, les médecins ont constaté plusieurs plaies (frontale, sur la nuque, sur l’arcade sourcilière droite, plusieurs ecchymoses et un œdème de l’œil droit.). L’équipe de Kaws El Karama venait de publier son dernier numéro où figure le dossier de la plainte déposée à Paris contre les tortionnaires tunisiens par six plaignants. Cette grave agression de la police politique est la seconde ciblant l’équipe de Kaws El Karama, après celle survenue en février 2001 contre le directeur de la revue Jalel Zoghlami.
Le CNLT condamne avec la plus grande énergie ces procédés mettant en péril l’intégrité physique des opposants et exige la traduction devant un tribunal des auteurs et des commanditaires de cette agression caractérisée contre Lumumba Mohsni.

Siège du domicile de S.Hamzaoui:
Monsieur Salah Hamzaoui, président du comité de soutien à Hamma Hammami, a fait l’objet d’une quasi mise en résidence surveillée depuis le 20 janvier 2002. Son domicile est quadrillé jour et nuit par la police politique qui en interdit l’accès à tout visiteur, y compris aux membres de sa famille élargie. Le CNLT condamne cette mesure arbitraire, non motivée légalement qui constitue une violation flagrante de la liberté de circulation et une atteinte à la vie privée. Il exige la levée immédiate de cette mesure abusive.

Libération conditionnelle de M. Moada
Le CNLT félicite monsieur Mohamed Moada, président du MDS pour sa libération, survenue le 31 janvier après sept mois de détention arbitraire pour délit d’opinion, en vertu d’une mesure qui équivaut à une lettre de cachet, à savoir « l’annulation » de la libération conditionnelle dont il avait bénéficié en 1996. Il relève que les autorités ont encore une fois dénié à monsieur Moada son droit à une amnistie en imposant de nouveau et illégalement la forme d’une « libération conditionnelle décidée par le ministre de la justice » à son élargissement. Le CNLT renouvelle son salut à monsieur Moada pour son combat pour la démocratie en Tunisie.

Mandat d’amener contre K. Ksila
Monsieur Khémaiès Ksila, le secrétaire général de la LTDH est convoqué pour le 12 février devant le tribunal de première instance de Tunis pour répondre de l’accusation de « tentative de viol ». Un mandat d’amener a été lancé contre lui. Le CNLT exprime sa crainte que monsieur Ksila ne puisse bénéficier d’un procès équitable et que la justice soit de nouveau instrumentalisée pour régler des comptes avec les opposants au pouvoir.

Campagnes de diffamation contre M. Charfi et R. Ménard

  • Monsieur Mohamed Charfi, ancien président de la LTDH a fait l’objet d’une campagne de calomnies et d’insultes qui s’est prolongée durant plusieurs semaines sur les colonnes d’un journal de caniveau « Achourouq » sous la plume de Ridha Lajhouri en toute impunité et sans pouvoir bénéficier d’un droit de réponse. Le CNLT souligne l’absence d’espace de débat où les idées divergentes peuvent s’exprimer dans le respect de la déontologie et dénonce ces procédés visant à atteindre à l’honneur des démocrates et des opposants par le biais de journaux aux ordres, et assure monsieur Charfi de son entière solidarité.
  • Le journal gouvernemental « La Presse » du 4 février a publié un article diffamatoire contre Robert Ménard, le secrétaire général de « Reporters sans frontières » sous la plume du désinformateur attitré Moncef Gouja, directeur du journal. Cet article est un monument de diffamation, de mesquinerie et de vulgarité. Il faut rappeler que ce journal n’est pas la propriété privée de son directeur où il peut s’offrir toutes les calomnies auxquelles il est accoutumé et qu’il porte ainsi atteinte à l’image du pays. Le CNLT exige que Moncef gouja réponde de ses actes conformément à la loi et à la déontologie de la profession.

Interdiction de quitter le territoire pour S. Khiari
Le 7 février, la police des frontières a interdit à monsieur Sadri Khiari, membre dirigeant de RAID et membre fondateur du CNLT, de quitter le territoire. Depuis que son passeport lui a été restitué en juin dernier, suite à une grève de la faim qu’il avait entamée, c’est la quatrième fois que Sadri Khiari fait l’objet d’une telle mesure abusive qui n’a aucune base judiciaire. Le CNLT exige des autorités qu’il soit mis fin à cet abus de pouvoir et que monsieur Khiari puisse jouir de sa liberté de circulation.

Pour le Conseil,

La porte-parole

Sihem Bensedrine