La guerre annoncée contre l’Irak,prétexte à une répression tous azimuts

Tunis le 24 février 2003

Durant la semaine écoulée, plusieurs événements ont secoué la Tunisie. Tous sont liés à la répression systématique pratiquée par le pouvoir à l’encontre des citoyens. Cette répression est devenue la réponse privilégiée à toutes les demandes ayant trait à l’exercice des libertés et droits fondamentaux des citoyens tunisiens.

Ainsi, après la violente répression des manifestants de Sfax le 17 février, le gouvernement a brutalement réprimé des mouvements estudiantins qui se sont succédés du 18 au 21 février. A Tunis à la faculté des lettres du 9 avril, au campus, à l’institut des langues, à la Manouba où les forces de police ont pénétré dans l’enceinte universitaire pour disperser les étudiants ; plusieurs étudiants ont été blessés ; nombre d’entre eux ont été interpellés par la police puis relâchés après avoir été contraints – pour certains d’entre eux - à signer un engagement de ne plus participer à aucune manifestation.
Dans plusieurs villes de l’intérieur, des manifestations anti-guerre n’ont pu se déployer face à l’encerclement de la police, comme ce fut le cas à Sfax, Mahdia, Sousse, Kairouan, Le Kef…A Gafsa, l’Union régionale du travail avait appelé le dimanche 22 février à un rassemblement contre la guerre en Irak ; la police a violemment chargé les manifestants, blessant plusieurs d’entre eux. Deux responsables syndicaux ont été maintenus en observation à l’hôpital.

Par contre, le jeudi 20 février, le parti au pouvoir était autorisé à organiser une manifestation officielle dans la capitale à laquelle avaient pris part près de 2000 cadres invités, parmi lesquels se trouvaient les partis de « l’opposition officielle ». Cette manifestation était « protégée » par un important dispositif policier afin d’empêcher toute personne non invitée à y prendre part.
Rappelons que les manifestations auxquelles avaient appelé les partis d’opposition et les ONG de la société civile avaient été interdites à Tunis par les autorités pour "raisons de sécurité".

Le CNLT condamne avec la plus grande fermeté la politique de la répression tous azimuts pratiquée par les autorités publiques face à des citoyens désireux d‘exercer leurs droits fondamentaux. Il dénie au parti au pouvoir, le RCD, la qualité de représenter l’ensemble de la population et d’être en situation d’exprimer ses sentiments. Il dénonce la discrimination opérée par le pouvoir entre les citoyens et lui rappelle l’obligation d’observer le principe de l’égalité des citoyens devant la loi.Il relève que tous les peuples de tous les pays asiatiques et occidentaux ont pu exprimer leurs sentiments contre cette guerre injuste annoncée par une puissance qui fait fi de la légalité internationale et entend imposer son diktat au monde. Seuls les peuples de la région arabe, et notamment les Tunisiens, les Egyptiens et les Algériens ne disposent pas de ce droit élémentaire à s’exprimer par des démonstrations de rue pacifiques.

Le CNLT affirme son entière solidarité avec les victimes de cette répression sauvage.

  • 17 jeunes, pour la plupart lycéens ont été arrêtés par la police politique à Zarzis le 5 février courant pour délit de navigation sur des sites Internet «prohibés». Ils ont été maintenus au secret à ce jour. Leurs avocats ont saisi le procureur de la république d’une plainte pour violation, par la police des délais de garde à vue et leur maintien en détention au secret. Certaines sources au palais de justice font état d’autres arrestations de jeunes opérées à l’Ariana, banlieue de Tunis. Les familles sont sans nouvelles des prévenus.
    Le CNLT dénonce cette terreur exercée par la police politique sur la liberté de navigation sur la toile. Il exige la libération immédiate de tous ces jeunes dont les délais de garde à vue ont été abusivement dépassés.
  • Après avoir été admis à l’hôpital suite à une grave détérioration de son état de santé, le journaliste et dirigeant d’Ennahdha, Hamadi Jebali a été contraint mercredi 19 février de suspendre la grève de la faim qu’il avait entamé depuis une quarantaine de jours pour exiger sa libération. Rappelons que Hamadi Jebali est détenu depuis 12 années en isolement, en violation de la législation tunisienne et internationale qui prohibe l’isolement et l’assimile à un traitement cruel.
    Le CNLT réitère son soutien à Hamadi Jebali et s’engage à faire sien son combat pour sa libération ainsi que celle de tous les prisonniers d’opinion.
  • Les exactions se poursuivent contre le cyberdissident Zouhayer Yahyaoui, détenu à la prison de Borg El Amri. Suite à la campagne internationale menée au début du mois de février en sa faveur, en Tunisie et dans le monde entier, l’administration pénitentiaire a resserré l’étau autour de lui : le couffin d’aliments hebdomadaire envoyé par sa famille lui parvient altéré par des détritus et des policiers en civil quadrillent sa famille au parloir grillagé, lui interdisant d’évoquer d’autres questions que les questions purement familiales. La dernière visite qui a eu lieu ce jeudi a été brutalement interrompue par les gardiens. Rappelons que Z. Yahyaoui est détenu dans une cellule surpeuplée dépourvue des conditions d’hygiène élémentaire.
    Le CNLT dénonce l’ingérence illégale de la police politique et exige le respect par l’administration pénitentiaire des droits élémentaires des prisonniers. Il demande la libération immédiate de Zouhayer Yahyaoui.
  • · Le CNLT a par ailleurs été saisi par la famille de Habib Ellouze - dirigeant du mouvement « Ennahdha » purgeant une peine de prison à vie au bagne de Borg Erroumi – d’une brutale détérioration de ses conditions de détention à l’initiative du directeur de la prison, Imed Ajmi, tortionnaire notoire, maintes fois signalé par le CNLT pour ses cruelles exactions à l’encontre des prisonniers. Monsieur Ellouz a signalé à sa famille avoir été soumis à une fouille aussi agressive qu’humiliante au cours de laquelle tous les écrits à sa disposition (livres, études, manuscrits…) ont été confisqués. Il a aussi déclaré entamer une grève de la faim pour la restitution de ses documents.
    Le CNLT rappelle que Monsieur Ellouze avait mené par le passé de nombreuses grèves de la faim pour obtenir une amélioration de ses conditions de détention, malgré un état de santé fragilisé par un asthme chronique sévère et plusieurs autres pathologies. Il exige le respect de ses droits de prisonnier et sa libération ainsi que celle de tous les prisonniers d’opinion.

Pour le Conseil,

La porte-parole

Sihem Bensedrine