Appel à la réhabilitation de la citoyenneté en Tunisie

Tunis le 31 Mai 2002

Le résultat d’un scrutin lamentable à quatrevingtdixneufvirgule% n’a surpris personne, comme l’a si bien souligné le ministre de l’intérieur. Il ne fait que confirmer une volonté de monopole de la vie publique de la part d’un pouvoir absolu qui s’est octroyé une légalité dictatoriale, indigne de la civilité des Tunisiens.

Toutes les forces démocratiques tunisiennes avaient dénoncé l’absence de conditions élémentaires d’une consultation électorale sincère. N’avaient droit de mener campagne que les « oui ». Toutes les voix critiques – y compris celles appartenant à l’opposition officielle – ont été interdites d’expression.

L’opération électorale elle-même s’est déroulée dans des conditions de contrainte et de fraude, devenues traditionnelles pour le citoyen tunisien qui ne croit plus à la sincérité des urnes (inscription sélective aux listes électorales, non délivrance des cartes électorales ou vote par procuration illégale pour certains, pressions dans les bureaux pour le choix du vote et enfin bourrage des urnes…) et le boycott actif a disparu des statistiques.

Ni ceux qui gouvernent, ni les gouvernés ne sont dupes du sens véritable de cette pseudo-consultation. Une véritable usurpation de la citoyenneté des Tunisiens et de leurs institutions républicaines, emballée dans un message de terreur de celui qui gouverne par la force policière.

Au lendemain de ce referendum de la spoliation, les citoyens tunisiens se retrouvent sans constitution véritable et à la merci d’un pouvoir absolu d’un homme au-dessus des lois.

Le CNLT, qui s’est associé à toutes les initiatives de la société civile pour dénoncer cette farce, appelle toutes les forces citoyennes attachées aux valeurs de la république à continuer à se mobiliser afin de réhabiliter leur constitution et reconquérir leurs droits fondamentaux en rejetant le statut de « sujet » qu’on cherche à leur faire assumer ; en investissant l’espace public et instaurant les contre-pouvoirs propres à réinscrire la valeur de citoyenneté dans la vie quotidienne. La dictature n’est pas une fatalité.

Pour le Conseil,

La porte-parole

Sihem Bensedrine