Il a fallu plus de deux ans
d'enquête sur la vie intime des " Maisons closes" entre 1930 et leur
fermeture en 1946, pour réunir une imposante documentation destinée
à l'écriture d'un livre complémentaire au remarquable
ouvrage de ROMI. A cette époque (1981) Dominique Leroy manifestait
de sérieux signes inquiétants de faillite renouvellée,
nos droits d'auteur n'étant plus versés, j'abandonnais le
gros bouquin pour l'écriture d'un scénario de film que je
proposais à mon producteur de l'époque Boris Gourevitch.
Boris voulait absolument que ce film soit destiné à remplir
ses salles de St Lazare, et je m'y opposais formellement, trouvant le sujet
trop ambitieux pour le réduire à un petit film porno. Finalement,
comme toujours, en hurlant, crachotant et s'accrochant aux solides rideaux
de son bureau, Boris entrepris une guerre de tranchée qu'il gagna
en fin de compte, après m'avoir affamé six longs mois sans
commande. Ce film devint le célèbre (parait-il ?) " Petites
filles au bordel" aussi titré plus chichement : " Dodo" que j'avais
situé pendant les années 30.
Dans le bouquin de ROMI,
j'avais été frappé par la photo d'une fausse mineure
qui se faisait appeler "Dodo, en prèsence de sa tante seulement
". Je suis parti sur ses traces pendant deux ans, parlant avec d'anciennes
sous-maîtresses toujours vaillantes, des tauliers à la retraite
forcés, et des filles très amorties par le temps : aucune
trace de la fameuse Dodo. Je continuais néanmoins à fouiner,
avec un photographe, dans les vestiges des anciennes maison, rue des Moulins,
dans le quartier St Lazare, à l'ex-Sphynx de célèbre
mémoire, et d'autres boites aussi prestigieuses. Je retrouvais des
anciennes piscines sous les planchers, des glaces sans tain dans des placards,
des "donjons" dans des caves, des salons de choix dans des usines, et le
plus extraordinaire la rangée de bidets dans les bureaux d'un syndicat.
Peu de vestiges certes, mais encore du vernis.
Je chauffais même dans
mon quartier d'alors, le 9em arrondissement. Dodo devait secrètement
guider mes pas. Je découvris, en levant les yeux, dans les ruelles
du 9em, d'ancienne poternes qui devaient tenir la fameuse lampe rouge,
marque distinctif de la "maison". Rue Laferrière, il y en avait
trois, dont une qui avait conservé son guichet à la porte
pour surveiller les visiteurs, et le grand escalier en marbre qu'on montait
avec le coeur battant, impatient de découvrir les talents de son
"choix". Mais j'étais, comme me l'a dit le brave Alphonse Boudard,
un "cave", forcément puisque je n'ai jamais connu cette vie "d'homme",
étant né 4 ans avant la fermeture.
Et puis, un jour je déménage
de la rue Notre-Dame de Lorette suite à une rupture douloureuse.
Une jeune voisine arrive pour m'aider à déménager.
Nous parlons tout en trimballant des caisses de bouquins. De fil en aiguille,
nous en arrivons à mon enquête. Elle rigole, elle connait
les maisons puisqu'elle est la fille d'un taulier de la rue Laferrière
(de l'escalier en marbre). Elle a gardé les documents de son père,
qui a rejoint le Paradis des Tauliers il y a plus de 15 ans. Elle me les
montre : les cahiers de passes, les achats, les prestations diverses, des
jetons, enfin une bonne caisse de papiers, des photos des filles, et un
carnet de recettes. Un nom revenait souvent : Dodo ! Etait-ce ma Dodo ?
je ne saurai jamais. En tout cas, c'était une Dodo, mineure quand
elle est entrée comme bonne à tout faire juste avant la déclaration
de guerre. Pendant la guerre, elle ne peut plus rentrer dans sa famille
en Bretagne. On truque son identité, et elle devient une fille à
part entière. Je retrouve Madeleine, l'ancienne sous-maîtresse
du bordel, qui venait cuver ses drogs dans un bistrot de la rue fontaine.
Pas bavarde et méfiante la vieille,avec l'enquêteur pourtant
recommandé par mon ex-voisine qu'elle appelait "la petite". Il m'en
a fallu des grogs, pour qu'au bout de quelques mois, elle lâche quelques
infos avec sa voix rauque, la Madeleine. Elle m'arracherait les yeux si
elle savait que j'ai dévoyé ses souvenirs dans un film porno
et dans une BD érotique... et sans toucher de droits d'auteur !
Enfin voilà un des résultats
des courses. Le deuxième album ne concerne pas Lévis. Nous
en rapparlerons un autre jour. J'ai toujours un troisième prêt
à être dessiné. Mais qui ça intéresse
aujourd'hui ces histoires d'un autre temps ? Vous, j'espère...
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