Les cercles Respublica |
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Bonjour, je veux ces pages sans prétention...
Il y a longtemps que j'écris de petites choses et j'aimerais bien les partager avec vous car si j'attends qu'un éditeur le fasse, je risque de moisir dans ma tombe avant... Mais je vous prierais de rester honnête et de laisser ces textes en usage très restreint, merci.
Si vous désirez utiliser un de mes textes, pourquoi ne pas envoyer un joli émail pour me demander mon avis ! Mon petit ange n'attend que cela. Il peut aussi servir à recevoir vos critiques, elles sont toujours constructives.
Je tiens à remercier monsieur Claude Charries qui m'a aidé dans la correction de mes textes.
Pour vingt-cinq mille livres
Elle était nue. Nue sous les yeux assoiffés de chair tendre des pirates. Humiliée d'être si belle devant ces pauvres lascars. Elle, une grande dame, apprêtée pour mieux servir ces hommes-là. Elle était enfin soumise ne pouvant plus rien faire. Elle était partie en mer pour échapper à un homme et voilà qu'elle serait bientôt la propriété d'un autre plus cruel. Ses cheveux, descendant comme une toison d'or sur ses seins et sur son dos de nacre, n'étaient pas sans allumer ces regards vicieux. Quinze mille livres ! L'enchère était commencée. Vendue comme une esclave. Après tout, outre assouvir le désir d'un homme, qu'aurait-elle à faire ? Le plus riche l'achèterait. Qui dit riche, ne dit pas nécessairement humain. Combien de temps satisferait-elle son nouveau maître ? Après, qu'adviendrait-il d'elle ? Il la donnerait aux matelots ? Plutôt mourir. Vingt mille livres ! Qu'était-elle devenue ? Une femme soumise ? Non ! Oui, elle devait l'admettre. Vingt-cinq mille livres ! "Je suis fou, mais vous valez le prix madame. Il est vrai que vous avez les plus belles jambes du royaume... Prenez ce manteau. Me donnerez-vous le plaisir de m'appartenir ?" "Vous êtes trop bon de me le demander mon Seigneur"
Elle était couchée. Toujours nue ! On l'avait préparée pour la première nuit. Soit ! De toute façon, elle n'avait point connu d'homme depuis fort longtemps. Pourquoi lui renoncerait-elle ce privilège ? Un privilège fort cher payé d'ailleurs.
Elle s'était endormie. Il l'avait réveillée par des caresses. A sa grande surprise, elle ne résistait pas. Il lui fit l'amour avec passion. Elle en prit un grand plaisir.
Il reposait la gorge ouverte. Elle tenait encore dans ses mains le sabre du pirate. Une nuit d'amour qu'il avait payé fort chèr!
Aline Gosselin, 1980
Le prisonnier du grenier
Aujourd'hui,
j'ai eu vingt ans. Je suis bien seul. Enfin, je vis avec ma mère, mais
n'est pas avec nous. Elle est très étrange. Je ne sais pas ce
qu'elle a. Son comportement est très anormal. Elle ne m'appelle pas
son fils, mais son ami. Elle ne s'aperçoit pas que je suis là.
Je me prénomme André. Pendant plus de quinze ans, j'ai vécu avec ma grand-mère. Un peu avant mes seize ans, j'ai décidé que j'étais assez grand pour m'arranger seul. J'ai aussi pris la décision d'aller vivre avec ma mère. Oh, ce n'est pas qu'elle soit incapable de s'occuper d'elle, mais elle est d'un tel mystère pour moi !
Ma mère ne travaille pas. Chaque matin, elle s'habille avec un ensemble à l'ancienne mode et part pour la gare. Elle n'a pas changé sa vieille Ford. J'ai dû débourser une fortune pour la faire réparer ! Une fois toutes les deux semaines, elle reçoit un chèque d'une personne qui m'est inconnue. Elle s'empresse alors de le cacher, comme si elle craignait quelque chose.
Toute la journée, elle lit à la gare en attendant je ne sais qui. J'ai demandé à Grand-Mère qui elle attendait et pourquoi elle agissait ainsi, et elle m'a répondu sur un ton n'admettant aucune réplique : "Ta mère se réveillera peut-être un jour..."
Un jour, je lui ai aussi demandé qui était mon père. Alors, elle me répondit avec un seul mot, aussi coupant qu'un couteau. Un seul mot : "Lequel ?" Je ne lui ai jamais reposé ce genre de question.
Le soir, lorsque je rentre de travailler, le souper est toujours prêt. Ma mère croit que je suis son pensionnaire. Pour une fois, je n'ai pas rouspété ; je l'ai laissé à ses illusions qui semblent coller à son passé. L'important, c'est que je puisse la cajoler et la regarder lorsqu'elle sourit avec son éternel air d'amante.
Ce soir, lorsque je suis rentré, il n'y avait aucune odeur de soupe. Ma mère pleurait dans le grenier. A ses pieds, il y avait un vieux journal tout jauni. Sur la page de couverture il y avait une photo. On aurait presque dit que c'était la mienne. Je l'ai pris et je l'ai lu avec l'instinct que je trouverais la réponse à ces pleurs.
" La Presse, 9 juin 1944..." C'est drôle, c'est ma date de naissance !
"La Presse, 9 juin 1944
Un héros national vient de mourir. Le général Sicotte est mort avec honneur...."
Aline Gosselin, 1980
Ah
! quel jour merveilleux. Enfin notre tour ! Je suis amoureuse. A vous, je
peux bien vous le décrire. Mais promettez-moi d'en garder le secret.
Il a les cheveux couleur de lune. Son nez est cassé, mais si mignon. Ah ! qu'il est joli. J'attends le jour où il va m'embrasser. Ses yeux me devinent et parfois je me sens plus nue que si j'étais sans vêtements. Il est grand et dans ses bras je serais si bien. S'il ne m'aimait, j'en mourrais. Oui, je crois que l'on peut mourir d'amour. Nous valsons lors des grands bals. Ah, pourquoi je n'appuie pas ma tête sur son épaule ! Il me serre les reins, mes reins qui voudraient tant lui répondre. Parfois, le soir, sous le clair de lune, nous nous promenons main dans la main. Je la sens brûlante dans la mienne. Ou est-ce la mienne qui est glacée d'émoi ? Il me regarde tout à coup. Je crains et j'espère ses paroles. Ah oui ! Je pourrais mourir d'amour pour lui. Il l'a dit, il me l'a dit. Il m'aime. Il m'aime ! Sous le clair de lune, il m'a embrassée et ma chair s'est embrasée. Il m'aime... Oh ! à cet instant, je me meurs d'amour pour lui.
Voilà, les notes s'arrêtent. Mon histoire est encore finie. Je ne suis qu'une simple chanson mais il m'aimera toujours tant que les notes ne seront pas effacées...
Aline Gosselin, 1980
Une secte particulière
Enfin
le printemps ! Il n'arrivait pas. Mais pourquoi tardait-il ? Depuis le temps
que l'on m'en parle. Précisément, depuis le dernier automne.
Je peux enfin enlever mon manteau et passer mes grandes journées dehors.
Il faisait si froid cet hiver. Tout était gelé. N'aurait été
de mes amies, je ne serais jamais venu ici. Ah, pourquoi suis-je venue au
Canada ? On m'avait pourtant bien avertie que mon choix comportait certains
désavantages. Mais on parle du printemps canadien comme d'une merveille.
Après tout, cela valait bien la peine ! Je peux sentir le soleil sur
ma peau. Quelle douce caresse ! Et puis, c'est si beau les étoiles,
la nuit. Moi et mes amies dormons à la belle étoile. Nous sommes
très naturalistes. Chaque jour, Dieu nous confie un travail très
important ; il faut que nous chantions pour convertir les cœurs. J'aime cela.
Mais je lui désobéis un peu. Parfois, j'arrête de chanter
et je regarde tout autour de moi. Hier, pendant que nous chantions "Jésus,
que ma joie demeure", j'ai vu passer un groupe d'écolières toutes
en tablier de satin vert. C'était ravissant. J'ai un faible pour le
vert... Dans ma secte, nous sommes toutes habillées de rouge ; il faut
qu'on nous remarque.
C'est l'été depuis plus d'un mois. Aujourd'hui, alors que nous chantions le "Messie" de Handell, (c'est que Dieu aime beaucoup la musique classique vous savez...) il y a deux jeunes qui se sont assis près de nous. Ils nous ont écouté sans dire un mot. Je crois bien qu'ils vont se convertir eux aussi. Il y a beaucoup de gens qui se joignent à nous. Avec les beaux jours, beaucoup de gens se redécouvrent. Mais mes jeunes amoureux viennent nous voir presque tous les jours. L'autre jour, je l'ai ai vu sortir de l'église. Oh ! Comme ils étaient beaux. Il avait mis sa plus belle redingote bleu nuit et elle était resplendissante dans sa robe blanche. Je crois même quelle portait de la dentelle de Paris. Sa robe était du plus beau velours et était brodée de diamants. J'ai entendu dire qu'elle se mariait avec un marquis. Cela ne m'étonne pas ; il porte fièrement l'épée. Pendant un mois, ils ne sont pas revenus. Puis, je les ai entrevus. J'ai entendu la belle princesse lui raconter, lui chuchoter qu'elle était enceinte. Lui, il pleurait. Ils étaient beaux. Ils s'embrassaient. Oh, je ne regrette rien moi ! J'ai décidé de vivre en célibataire de mon plein choix, mais ils sont si beaux.
Nos jeunes tourtereaux ne nous ont pas lâchés mêmes si les premiers froids d'automne ont commencé. La petite princesse commence à être potelée. Elle est très jolie et si coquette. Aujourd'hui, on m'a annoncé que je ferais mon baptême de l'air. Le temps s'y prête à merveille. J'ai si hâte. Depuis le temps que je voie les autres. De jolis deltaplanes qui s'envolent. Cela a l'air si facile. Ma meilleure amie sera initiée en même temps que moi. Le vent est favorable. Nous allons pouvoir nous lancer dans notre aventure. Le grand chef vient de passer. Il a donné le départ. C'est une sensation extraordinaire de voler. Petite princesse, regarde-moi, je vole ! C'est vrai que ce n'est pas difficile. Pourquoi ne nous permet-on pas de voler plus vite ?
Oh ! quelle joie ! J'ai atterri sur le ventre de la petite princesse. J'ai senti la vie qui était en elle. Il me faut maintenant rejoindre mes compagnes, ma grande famille de l'érable rouge.
Aline Gosselin,© 1985-2001