Témoignage de Monsieur François BABY, professeur retraité de l'Université Laval (Québec)


    Monsieur le supérieur général

    J'apprends avec beaucoup de regrets le décès de notre ancien professeur, monsieur l'abbé Jules-A. Ménard. Comme vous vous le rappelez, il nous avait enseigné la minéralogie et surtout la chimie, à l'aide de l'édition rouge et or du manuel de Chimie générale de l'abbé Gagné qui venait tout juste de sortir. À cet égard, je dois dire qu'il a été un professeur remarquable, très aimé de ses étudiants. En toute amitié pour lui, entre nous, nous l'appelions familièrement Julot et l'estimions beaucoup. Il nous a d'abord permis d'acquérir avec beaucoup de rigueur et d'intérêt les notions de chimie qu'il était chargé de nous transmettre, de même que des moyens adéquats pour les utiliser ou les mettre en application. Mais nous lui sommes redevables de beaucoup plus. D'abord parce qu'il a permis à nos jeunes cerveaux de s'enrichir et de se développer en acquérant et en utilisant avec enthousiasme des connaissances scientifiques. C'étaient les premières expériences structurées et organisées en ce domaine que nous offrait notre éducation. Nous lui devons aussi de nous avoir permis d'acquérir et de développer une tournure d'esprit et une rigueur qui étaient loin d'être familières à notre mentalité de jeunes québécois et qui n'avaient que très peu de place dans nos traditions de société. Ce fut tout en son honneur. Pour moi, il fut un véritable éducateur. Il avait découvert chez moi la passion pour les sciences qui m'habitait et il a contribué à la consolider et à lui permettre de se développer non seulement au contact de la chimie, mais plus généralement de l'esprit scientifique. Il a accompli avec nous, ses élèves, un véritable travail d'éducateur en faisant que l'esprit de rigueur et de géométrie vienne compléter l'esprit de finesse que nos humanités nous avaient permis à moi et à mes condisciples, d'acquérir et de développer.

    Je me rappellerai toujours son accueil chaleureux, lorsqu'aux vacances de Noël 1951-52, j'étais allé le voir pour lui demander quelques grains de matériel radioactif pour un spintariscope que je voulais me construire chez moi et dont je venais grâce à lui, de découvrir l'efficacité pour mettre en évidence la radioactivité, phénomène nouveau pour nous et qui nous passionnait à l'époque. Il s'était montré extrêmement intéressé par mon projet. Il n'en revenait pas qu'un de ses élèves soit suffisamment motivé pour essayer de réaliser cette expérience difficile. Je lui avais alors confié qu'il m'avait permis de découvrir la chimie et de m'enthousiasmer pour cette discipline scientifique et je l'avais remercié chaleureusement.

    Il m'avait alors donné quelques grains de matériel approprié et m'avait donné : de précieux conseils. Il m'avait beaucoup encouragé, en me disant de ne pas : me décourager si je n'y arrivais pas immédiatement. La science, m'avait-il dit, est un long chemin qui demande beaucoup de patience et de détermination, i mais dont les récompenses sont à la hauteur de ce qu'elle exige. Nous avions aussi parlé de choses et d'autres. Il m'avait dit son grand intérêt pour le développement des sciences au Québec et son espoir que notre génération permette à notre pays de prendre la place qui lui revenait dans ce domaine, et nous permette à nous, de reprendre le terrain que d'autres occupaient à notre place, faute d'avoir fait ce qu'il fallait pour que nous soyons des intervenants de première ligne. Par notre faute, nous avions dû trop longtemps nous contenter de la portion congrue et d'être des spectateurs, des arriére-bancs ou des joueurs de seconde zone. C'était à l'époque tout un sportif d'ailleurs. Malgré ma détermination, mon travail minutieux et toutes les heures que j'y avais consacrées pendant les vacances de Noël, je n'étais pas parvenu à construire un appareil qui fonctionnait bien, mais j'avais appris beaucoup de choses. Cela m'est toujours resté en mémoire et a contribué de façon importante à mon enrichissement et à mon propre développement.

     

    Vous me permettrez d'ajouter quelque chose à ce sujet. Comme vous vous le rappelez aussi sans doute, il nous était loisible de faire au cours de la Philo Il, le laboratoire de chimie de pré-scientifique universitaire, même si nos études de chimie étaient terminées. Mon intérêt était si grand que je l'avais fait assidûment pendant toute l'année et avec beaucoup de succès d'ailleurs. Cela allait être déterminant pour moi.

    Par son enseignement et ses contacts avec nous, il faisait à la fois figure et oeuvre de pionnier. Je lui dois beaucoup, mais aussi toute une jeunesse pour laquelle il s'est dévoué avec empressement et un grand sens du devoir et du service.

    Je vous prierais donc, monsieur le supérieur général, d'agréer l'expression de ma plus profonde sympathie et de transmettre mes condoléances empressées à la communauté que vous dirigez et à sa famille.

    Ma conjointe se joint à moi pour vous exprimer sa sympathie.

     

    François Baby

    963 Laudance, app. 105105

    SAINTE-FOY,

    Québec G1X 4Y1

     

     

    À monsieur l'abbé Hermann Giguère, Supérieur-général

    Séminaire de Québec 1 rue des Remparts

    C. P:. 460 - Haute Ville

    QUEBEC, Quebec G1R 4R7

     

    Le 16 décembre 2002.

     

     



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    Mis à jour le 25 février 2003
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