La liberté linguistique et le droit des peuples
Les Algériens et les Algériennes touchés dans leur dignité et leur sensibilité
"Faqu Tiqelayin" (vos pièges ne prennent plus)
La liberté linguistique et le droit des peuples
LA
LUTTE qui se développe en Algérie pour la reconnaissance officielle de la
langue berbère déborde la cadre de la Kabylie et de la capitale et revêt un
caractère populaire.
Elle
doit au travail d'éducation accomplie patiemment et en profondeur par le
mouvement auquel j'appartiens ( le FFS, Front des Forces Socialistes ):
* Qu'elle soit une lutte pacifique refusant tout recours à la violence et cela
quelles que soient les formes de violence répressive. Car pour tout homme qui
souhaite que sa patrie échappe au déferlement du fascisme dans le monde,
comment exclure l'appréhension que certains dirigeants, si prompts à exclure ce
qui constitue le socle culturel sinon linguistique de leur pays, ne nourrissent
pas d'arrière-pensée de génocide à la faveur de manipulations totalitaires. Les
exemples, hélas, ne manquent pas.
* Qu'elle ne soit pas sectaire et
s'inscrive dans le cadre national des aspirations populaires à une
démocratisation politique, économique et culturelle. Convaincre pour vaincre.
La résistance passive ne sera pas néanmoins sans entraîner des souffrances
humaines qui m'obligent à un devoir de témoignage dans cette rubrique; d'autant
que tous les correspondants étrangers viennent d'être expulsés de Kabylie.
De
quoi s'agit-il ?
De
quoi s'agit-il, mises à part les accusations classiques de complots
impérialistes, vocabulaire désormais banalisé par Pinochet, Pol Pot et Amine
Dada dans la pathologie du sous-développement politique ? La langue et
civilisation berbères sont l'objet d'enseignement dans les universités de
Paris, d'Aix-en-Provence, de Vienne, d'Utrecht, de Prague, de Tokyo, de
Michigan et de Los Angeles; elles n'ont pas droit de cité dans la cité berbère
en Algérie.
Il
s'agit donc d'une revendication linguistique, le droit d'apprendre à l'école sa
propre langue maternelle et de la voir réhabilitée comme langue nationale aux
côtés de la langue arabe. L'affirmation de l'identité culturelle a été un
ressort de la libération puissante parce que enracinée dans le conscient et
l'inconscient individuel et collectif; elle est un impératif commun à tous les
hommes; elle fait à l'état national une obligation, non abstention mais
d'impulsion politique et de soutien financier à la langue berbère au même titre
que la langue arabe, car si l'état colonial à relégué celle-ci au rang de
langue étrangère et enseignée au compte-gouttes, il a complètement banni la
langue berbère.
Comme
dans tous les combats libérateurs marqués par l'exaltation de l'unité politique
face aux manœuvres coloniales de division et par le paroxysme activiste, les
patriotes berbères ont fait front autour de la langue arabe avec espoir que
l'Etat national, dont ils se persuadaient qu'il serait un état démocratique,
l'état de tous les Algériens sans discrimination, prendrait à cœur leur culture
qui fait partie du patrimoine national.
Après
l'enfer
"Aidez-nous
à traverser le fleuve après on verra", le fleuve est traversé qui fût
l'enfer pour la population rurales principalement. Dix-huit ans après
l'accession de l'Algérie à l'indépendance voilà qu'il est interdit à un
écrivain algérien de faire une conférence sur la poésie kabyle. Cet acte
d'intolérance qui touche la sensibilité de la population pétries de poésie et
de valeurs démocratique fut un révélateur de l'intolérance politique. Il donne
sa signification plénière à la suppression de la chaire berbère créée à
l'Université d'Alger et fait apparaître brutalement l'engrenage dialectique qui
lie le monopole politique au monopole économique et culturel et qui a permis
par une bureaucratisation forcenée de la nouvelle classe.
C'est
pourquoi la contestation culturelle revêt de plus en plus sa dimension
politique tant il est vrai que la culture en actes, et non en slogans,
s'exprime au niveau des rapports quotidiens que les citoyens, dans leur diversité
linguistique, entretiennent entre eux et que les gouvernés entretiennent avec
les gouvernants. Les Algériens viennent de découvrir que la liberté
linguistique est indissociable des libertés d'expression, d'information,
d'association et de tous les droits de l'homme dont le respect et la promotion
leur permettent de reconquérir leur droit à l'autodétermination à ne pas
confondre avec la généalogie de l'état.
La
nécessité démocratique
Triple
expression de nos racines, de nos servitude présentes et de nos pouvoir
potentiels, la culture est au cœur de la vie de toute nation. Les problèmes
qu'elle pose dépassent le cadre de l'Algérie et soulignent la partie décisive
engagée entre l'état qui se veut un et indivisible et l'humanité dont le sort
dépend d'une efficience démocratique toujours plus grande tant au niveau
national qu'international.
Aussi
bien, on ne peut pas parler de culture de droit divin pas plus que de la charte
de droit divin, qu'elle tourne à l'évangélisation, à l'ésotérisme, à l'élitisme,
elle devient totalitaire et destructive de l'homme. C'est pourquoi, elle ne
peut être que le fruit de la liberté, donc de la diversité, donc de l'action
des hommes et des femmes rendus responsables et solidaires et redevenus maîtres
de leur destin.
Hocine
Ait-Ahmed
Les Algériens et les Algériennes touchés dans leur dignité et leur sensibilité
Après
les grandes manifestations de Kabylie, des Algériens et des Algériennes,
touchés dans leur dignité et leur sensibilité, sont descendus dans les rues
d'Alger pour revendiquer le respect et le promotion de la langue berbère.
Les
autorités ont répondu par le matraquage et la répression, des centaines de
jeunes ont été arrêtés et jetés dans les cars de police, dans le plus pur style
colonial.
Il
s'agit là, d'une politique antinationale et antidémocratique; elle est d’autant
plus discriminatoire que les manifestations organisées par les arabisants
intégristes avaient bénéficié auparavant de toute la mansuétude du pouvoir.
Comment
peut-on se réclamer du socialisme, parler de retour aux sources et de
démocratisation de la culture quand on nie l'existence d'une culture nationale
dont au surplus les patriotes ne peuvent nier la contribution à la lutte de
libération.
Cette
négation de caractère fasciste et réactionnaire s'inscrit dans la ligne directe
d'une charte octroyée qui préfère ignorer en bloc le problème de l'intégration
nationale afin de deviser le peuple algérien et de la couper de ses traditions
de lutte démocratique et révolutionnaire.
La
répression culturelle constitue une atteinte aux droits de l'homme et aux
droits du peuple algérien à l'autodétermination en tant que processus permanent
de démocratisation politique, économique et culturelle.
Il
est du devoir de tous les algériens et algériennes arabisants, berbèrisants,
soucieux de l'unité de leur pays, où qu'ils trouvent à l'intérieur ou en dehors
du ( système ) de s'opposer à l'engrenage de la violence et aux partisans de la
politique du pire, en redoublant de vigilance et de combattre pour la
démocratie en Algérie.
Hocine Aît-Ahmed
Il n'y a
pas de printemps sans hiver, " baad laaser yusr ", après
l'épreuve, la délivrance, les explosions de la vie suivent en germination
profonde et secrète, les rigueurs du froid, c'est d'abord à ce niveau que le
sens commun entend le mot printemps.
A un registre supérieur, l'expression
"Printemps de Prague" par exemple, la création explicite de
l'espérance, est l'ensemble des rêves d'évasion d'une histoire subie en tant
que nation, elle exprime le rapport vécu aux printemps qui n'ont pas tenu leur
promesse...aux pseudo-printemps. C'est ce qui s'inscrit le plus fortement dans
l'imaginaire collectif. Se voulant opérationnelle et rationnelle, la métaphore
requiert et la force mobilisatrice d'un mythe "Socialisme à visage
humain", il y avait derrière ce pléonasme et par delà les masques nostalgiques de la
social-démocratie, l'ardeur d'une jeunesse blessée par la perversion d'un
symbole et qui veut lui redonner sa fascination mythique en le réconciliant
avec la Liberté, la Démocratie et la Culture.
"Tafsut
Imazighen", le printemps berbère, est une séquence grandiose de la
vitalité nationale, un de ces moments historiques, d'effervescence tranquille,
de solidarité spectaculaire et de communion profonde où la redécouverte de soi
dilate la conscience sur les mécanismes de l'oppression, convoque les grandes
pages du passé pour vivre le présent sur le mode pacifique de la libération.
"Tafsut
Imazighen" se veut un coup d'arrêt à la fatalité d'une brise glaciale,
étouffante et monocorde, qui simule la brise pour mieux détourner et persister
ainsi sur les esprits et les cœurs.
La
langue et la nature font appel à l'optique maternelle pour retrouver et
mobiliser leurs affinités et leurs forces profondes.
Comme
préalable à l'idée de floraison, d'ouverture signifiée par Tafsut, la notion de
dénouement - "Atfsi Tyersi" -dénouer une contradiction et une
tournure d'esprit propre à la culture berbère. La lettre fait surgir l'esprit
quand l'histoire cesse d'être subie. Défaire patiemment et intelligemment le
Nœud Gordien de la déculturation fondamentale nouée scientifiquement par
l'Eternel Inquisiteur. Une incursion linguistique suffit à éclairer une
rationalité qui pour être de survie et parce qu'elle est aussi en sursis, porte
les leçons rigoureuses d'une stratégie pour la construction d'une véritable
culture et de la reconstruction de la Nation.
Le
Nœud Gordien du discours officiel basé sur la sacralisation du piège
fondamental qu'est l'identification c'est à dire la réduction de l'unité nationale
au parti unique et de la culture nationale à une langue avec un grand L, n'a
pas résisté à cette rationalité. Un argument d'autorité fonde une technique
autoritaire et ce quelque soit le signe linguistique ou cabalistique qui
l'exprime.
L'inculture
même quand elle s'orne de Kultur est l'opposé d'une pensée rationnelle et
intelligente. Le génie d'une langue, n'est pas dans sa grammaire ou sa syntaxe,
elle est dans son pouvoir analytique capable de transformer les événements en
réflexion, les échecs en leçon.
Les
mêmes causes reproduisent les mêmes effets. Cette loi de la logique
élémentaire quand elle se répète et se
vérifie pendant une génération, devrait être un acquis de la pensée. Voyez par
exemple combien de fois le parti ou l'appareil et ses succédanés décident de se
réorganiser c'est à dire de repartir à zéro dans les mêmes conditions sinon
avec les mêmes hommes, qui les ramènent au point de départ. A moins zéro,
pourrait-on dire car les pertes inqualifiables de temps gaspillé, de cadres
usés et de confiance abusée sont incalculables. Perpétuer les mêmes causes
bureaucratiques et promettre d'échapper aux mêmes effets relèvent de
l'irrationnel et aboutit à traumatiser la société dans ces structures les plus
saines. Après cela on peut lui faire avaler des couleuvres et lui faire
découvrir des chauves souris dans une tache d'encre.
Aux
hallucinés de la continuité‚ Tafsut à répondu: "les chauves-souris sont
dans votre esprit "Faqo
Tiqelayin". La réflexion linguistique a éclairé la rationalité du pluralisme
démocratique et déclenché la connivence de toutes les libertés entre elles,
syndicale, linguistique, d'opinion, d'expression, d'information, d'association.
C'est l'extraordinaire connivence des vieillards et des enfants, des femmes et
des hommes qui les libère de
"bu-berach",
cette masse gigantesque de cauchemar - war ixef d'war udem sans identité et
sans visage - qui profite toujours de l'obscurité pour fausser les réflexes de
défense, paralyser et enfin asphyxier. Il a suffi d'un rayon de lumière
provoqué par la provocation pour identifier " bu-berach " et
comprendre que ce fantasme collectif et le produit de la démoralisation
générale de la dépersonnalisation...et de la peur qui courtise les ténèbres,
c'est sans doute la forme revêt "la bête immonde dans les entrailles de
toute société sont fécondes ".
L'idéologie
officielle fonctionne comme "bu-berak" vis à vis des droits de
l'homme, des libertés publiques et personnelles, elle a tenté de les opposer
les uns aux autres pour les diviser, les pervertir et les réduire au rang de
dialecte folklorique toujours en sursis, sous la tutelle définitive d'une
langue du droit divin. "La Charte Nationale" a suffit que ces
libertés reprennent la parole pour se découvrir complémentaires, indissociables
et parler le langage commun de l'alternative démocratique. Il y a dans la
vérité la ferveur et la maîtrise de soi qui caractérisent Tafsut Imazighen, le
contre-modèle, la preuve contraire de la compagne organisée autour de la
Charte. C'est ce qui distingue la démocratie ascendante des préoccupations
populaires, de la "Démocratie" descendante comme technique
plébiscitaire, c'est ce qui différencie la liberté d'expression, du mécanisme
des confessions publiques aux fins de la manipulation et de la récupération !
Tafsut Imazighen n'autorise plus à confondre: socialiser l'interrogatoire pour
clore définitivement un débat et socialiser l'interrogation en permettant au
peuple dans ses classes sociales et ses composantes culturelles différentes,
d'ouvrir un véritable débat d'opinion qui n'a jamais eu lieu...faute de toutes
les libertés qui constituent la substance
du droit à l'autodétermination.
La
culture est affaire de langues différentes qui doivent s'enrichir mutuellement
pour féconder et développer les traditions et les valeurs nationales de
conscience et d'intelligence.
La
pensée est affaire de logiques et de rationalité différentes. Ce n'est pas un
hasard si les sciences mathématiques, les recherches cliniques, la poésie et la
musique réussissent à converger par dessus la forme et le prosaïque en percée
historique vers cet univers d'harmonie et de sympathie illimitée, d'entité,
d'identité éternelle et de rationalité infinie qu'est la Culture.
Le
Coran est vibrant d'émerveillement devant le moindre souffle de la vie et de la
diversité des peuples et des tribus voulues par Dieu. Le message d'adieu du
Prophète en condamnant la supériorité raciale ou ethnique confirme cette
élévation spirituelle.
Si
l'autorité appartient à ceux qui l'exercent effectivement et la propagande à
ceux qui la commettent, la vérité elle, n'appartient à personne, ni à une
langue, ni à une discipline en particulier, elle est plurielle car la vie est
diversité et pluralisme, et les problèmes de société de plus en plus complexes,
les solutions pour les résoudre ne peuvent être que le fruit d'échanges, de
recherches, de confrontation et d'argument de raison. L'intolérance et le
mensonge sont des preuves de faiblesse, ils produisent le fascisme quand ils
font main basse sur les moyens d'information et de communication et veulent
régenter la vie intellectuelle, artistique et politique.
La
réflexion linguistique en dramatisant l'interrogation sur les conditions
nécessaires à l'épanouissement et au développement d'une culture démocratique,
conduit au cœur d'un projet de civilisation. Comme toutes les percées
historiques, le printemps Kabyle est ainsi dépassé par son propre projet.
C’est
en ce sens que le rapport de l'Etat-Nation aux droits de l'homme, aux
différences ethno-culturelles à la nation et à la communauté régionale et
internationale est mis en question, partout à travers le monde. Du Cambodge au
Salvador, du Chili à l'Afghanistan en passant par l'Afrique déchirée, que de
printemps transformés en cyclones ! Que d'autres en sursis et que d'hivers se
veulent définitifs !
Les
communautés victimes de la marginalisation politique économique et culturelle
sont toutes porteuses de promesses ;
elles
peuvent tenir parole parce que dotées de mémoire. Cette mémoire qui même sans
souvenir - à l'instar des rescapés de la paix blanche et rouge des
conquistadores et des kommissars - fonde la spiritualité humaine, elle donne
assise et consistance à la personnalité qui transforme les épreuves en
intuitions et les acquis en créativité - Un grand écrivain disait en substance:
"Une mémoire de vraie culture est plus fonction de l'avenir que du
passé".
Qui
mieux que la jeunesse peut comprendre que la mémoire n'est pas seulement se
souvenir du passé mais aussi ne pas oublier l'avenir pour se rappeler le
présent?
Aussi
une culture démocratique requiert-elle une conscience parfaite et toujours
présente de l'idée maîtresse qui soutient la visée stratégique du printemps
berbère: la paix civile et la non-violence. N'ayant aucun titre pour distribuer
des titres, on ne saurait néanmoins assez rendre hommage à tous ceux et à
toutes celles qui ont su garder leur sang-froid et éviter le déchirement au
plus fort des provocations des incitations à la violence. Il y avait dans cette
maîtrise de soi, l'espoir, l'intuition d'une solidarité nationale. Le peuple
algérien garde un patrimoine de bon sens et sa jeunesse foisonne de générosité
et de ferveur. Ils sauront briser les barrières des préjugés et de la haine
cultivées par les intérêts en place. Le grand débat d'opinion qui est la gloire
du printemps constitue aussi sa servitude. Il est condamné à le poursuivre à
l'échelle nationale patiemment et avec la calme détermination de convaincre
pour vaincre.
La paix civile est une idée révolutionnaire à
un triple point de vue.
D'abord, la paix peut favoriser
l'accomplissement du processus de démocratisation, si dérisoire étant donné la
marge laissée au combat d'opinions, cette marge ne peut s'élargir que dans la
non-violence. L'humour, la poésie, le bon sens, le souvenir d'une fraternité
sans pareille sauront conquérir d'autres espaces de liberté et de rencontre.
Le combat de l'opinion est un combat
d'intérêts et de projets différents; c'est ce qui fait la raison d’être et le
sens de toute vie politique - car il postule la totalité de l'existence des
citoyens. Une majorité vraiment représentative peut surgir de toutes ces
rencontres qui mettra fin à la fracture interne de la nation ( parti unique )-
sans avoir à se servir de béquilles ou à supprimer l'adversaire pour s'imposer
en alternative. Les traditions nationales de l'oralité berbèrophones et
arabophones gardent une mémoire qui tiendra ses promesses. Les troubles et les
désordres sont toujours suscités ou invoqués par les forces du fascisme pour
s'auto-légitimer l’ordre de droit divin.
Ensuite la paix est un droit fondamental de
l'homme, de la femme et de l'enfant qui conditionne l'exercice et la promotion
de tous les autres droits et libertés fondamentales.
Qui a intérêt à créer l'insécurité, à
manipuler des fauteurs de provocations ? Ceux qui ont intérêt à prolonger et à
aggraver l'état larvé‚ l’insécurité civile, politique, économique, sociale et
culturelle.
Au
temps ou les bêtes ne parlaient pas, ce n'est pas de l'histoire ancienne, c'est
l'expérience vécue des djema qui avaient à arbitrer des conflits d'honneurs ou
a maintenir des équilibres délicats entre villages et douars. C'était le temps
où les brutes aussi n'avaient pas le droit à la parole ou le concept du pouvoir
convoquait son arrière-plan culturel:
"hekm imanik ! hekm amcum ik " "maîtrise toi ! maîtrise
ton trublion ! " Nous avons le souvenir des villages et des douars qui ont
maîtrisé leurs irresponsables.
C'était la responsabilité des djema de
maintenir " l'Ufeq " qui veut dire à la fois paix et consensus
librement élaboré. Elles en avaient le pouvoir. Aujourd'hui qu'elles n'ont plus
de pouvoir...Les trublions se balladent, on ne peut les empêcher de faire la
loi du plus fort. La force des faibles réside dans la maîtrise d'eux-mêmes et
dans les rapports de soutien mutuelle et d'union qu'ils doivent tisser chaque
jour.
Enfin il reste si peu de foyers de paix dans
le monde encerclé par le déferlement fasciste que chaque mot, chaque geste,
chaque initiative en faveur du dialogue, de la confrontation, et de la concorde
nous parait un acte de patriotisme.
Paix
et Démocratisation sont les deux faces d'une même stratégie qui doit arracher
l'humanité à son désarroi et lui permettre de renaître à elle-même pour
construire sa culture, ses cultures.
Ait-Ahmed Hocine
"Faqu Tiqelayin"
vos pièges ne prennent plus
La levée en masse pacifique de la Kabylie digne de nos plus belles
traditions historiques.
Ceux
de la génération des "années de braises" n'ont peut-être pas oublié
cette plaisanterie lancée par un "boudal " d'Ait-Ziri (qui feint la
folie pour dire la sagesse) qui a fait boule de neige à travers la Kabylie
comme un véritable cri de ralliement du patrimoine algérien.
D'abord
prise de conscience des fictions, des slogans, et des mensonges dont usé et
abusé l'état colonial pour camoufler l'exploitation, l'humiliation et la
discrimination des indigènes du 2ème collège par les citoyens du 1er collège.
Le " Faqu tiqelayin " fut un:
- Refus radical de la pratique de division
incarnée par le voyage en Kabylie du ministre de l'intérieur socialiste Tixier,
venu après les massacre de mai 1945, annoncer un train de
"réformettes" dans la perspective de l'assimilation . Pourquoi la
Kabylie ? Etait-ce l'enfant chéri du colonialisme, comme suggèrent abondamment
les plaintifs aux ordres ? La vérité est que le colonialisme n'avait peur ni
des Oulémas, ni de l'UDMA, ni du PCA mais du patriotisme révolutionnaire
implanté en Kabylie. Il voulait non pas diviser l'Algérie car notre région
n'était pas divisible, mais diviser les forces populaires réduites à la misère
et au silence en isolant la Kabylie et en bloquant la dynamique de nos société
rurales. Les militants de la Kabylie n'ont pas attendu les ordres des chefs
algérois, empêtrés dans leurs rivalités personnelles et de quartier pour
organiser une réponse populaire sans précédent à la volonté coloniale de couler
l'Algérie dans un monde de l'assimilation fondée sur les rapports de
domination.
Le " Faqu Tiqelayin " fut aussi:
- un projet radical de lutte de libération
qui passait par la dénonciation des pièges réformistes de Droite ou de Gauche
(soubassements actuels des intégrismes de Droite ou de Gauche). L'Algérie à
l'ONU ! Treize mendiants à Paris, non. C'était la contribution Kabyle à la
conscience révolutionnaire algérienne, à l'unité - pas n'importe laquelle car
Faqu tiqelayin s'adressait aux chantres de l'unité dans l'indignité.
- Contre les tartuffes de l'islam, guéris
de leurs délires littéraires par quelques jours de prison "bi layali
ha" (avec leurs nuits ). Les Oulemas divisibles par la frousse et qui
affirmaient que le peuple de " djouhala " ( d'ignorants ) ne méritait
pas leur sacrifice, n'ont pas hésité à briser l'union sacrée pour soutenir,
après l'amnistie des grands leaders nationalistes, la formidable campagne de
démoralisation organisée par l'UDMA et la grosse bourgeoisie (en formation )
contre les " séparatiste ".
- Contre les pièges de l'union auxquels
conviaient les tartuffes du marxisme, du parti communiste algérien, complices
de la grande terreur de 1945.
- Contre les tartuffes populistes de
l'extrémisme arabo-islamique, messalistes et centralistes qui solidairement
face aux Kabyles puis concurremment érigèrent l'inconséquence, l'opportunisme
et le caporalisme en principe politique.
Aussi
les mensonges flagrants ont par omissions diffusés aujourd'hui par les tenants
de ces trois grandes familles politiques, dont le FLN était censé avoir
débarrassé l'Algérie en 1962, ne peuvent cacher le rôle de bastion fédérateur
des énergies révolutionnaires joués par la Kabylie à l’échelle de toute la
nation. Aujourd'hui que ces "contre-élites historiques" sont chargées
de fabriquer l'idéologie du pouvoir, c'est à leur face que les algériens doivent
jeter la politique coloniale de division, puisque le seul héritage empoisonné
de cette politique est le "berbèrophobie", le mépris voir la haine du
berbère. Le piège de l'unité se prend plus puisque la Kabylie, non seulement
fait échouer les manœuvres de division mais elle a pu surmonter les vagues de
berbèrophobie qui se sont emparées de l'administration coloniale après
l'insurrection de 1871 et qui ont contaminées les couches privilégiées
algériennes candidates à la succession.
Dans la période même des expéditions
punitives contre les villages Kabyles ( 1947-1949) ou les patriotes étaient
abattus par la milice ou bien pourchassés par la police, l'organe officiel du
Cheikh Taleb-El Ibrahimi, "Bassar", qui bénéficiait de tolérance
coloniale, revendiquait la suppression de la chaîne Kabyle à la radio dans un
article intitulé " Ma hadihi elura elati yuferfiruna biha " ( qu'est
ce que ce jargon que l'on murmure ). Les militants Kabyles devaient résister à
cette jonction des racismes à titre français et à titre indigène. Pour eux
l'unité, l'islam: c'est le langage de la vie, le combat libérateur, le djihad
pour les dirigeants Oulémas: c'est la vie du langage; le verbiage qui occulte
les intérêts des castes et justifie toutes les trahisons. A beau mentir qui
vient de loin. L'offensive berbèrophobe lancée par les dirigeants centralistes
en 1949 n'avait pour but que d'isoler le bastion révolutionnaire Kabyle. Il
s'agissait d'une véritable diversion stratégique qui, au nom de l'unité
arabo-islamique a accéléré la double évolution réformiste et fascisante du
mouvement indépendantiste. La direction centrale d'abord, qui confondait déjà
délire de schizophrène avec les valeurs arabo-islamiques, trouva en Bellounis
un auxiliaire de taille, qui après avoir insulté les Berbères, ne tardera pas à
cesser du fellagha avec le grade de général. Au cours d'une visite
d'explication en Kabylie destinée à combattre les Berbèristes, un membre de
cette direction eut le culot d'inviter les maquisards à la reddition car les
"HLL" ( hors la loi ) pouvaient compromettre le Parti et sa grande
stratégie des soubassements...Amar
Cheikh le dira plus tard, stupéfait: "Sid Ali Abdelhamid a osé me demander
de me rendre aux autorités, je comprend maintenant pourquoi ils veulent
supprimer TAQBAYLIT ( le Kabyle)"
"Almi ttura ay zrih ayher bhan ad aksen taqbaylit " Taqbaylit
qui un langage de la dignité, du respect d'autrui et du patriotisme
intraitable.
Mais l'histoire a ses ruses. Il y a le 1er
novembre, le congrès de la Soummam, l'accession de l'indépendance et 18 ans
après, le règne de la dictature, de la misère sociale et morale, de la
désespérance politique, il y a aujourd'hui la levée en masse pacifique de la
Kabylie. La Kabylie se retrouve à l'avant-garde du combat pour la démoralisation
des institutions étatiques. Mais pour décoloniser l'état, il faut décoloniser
la culture et décoloniser l'histoire.
A
ceux qui nous demandent de ne pas réveiller de mauvais souvenirs et qui nous
parlent d'unité, nous disons justement: Parlons d'histoire, parlons d'unité !
L'histoire se recommence. D'autant que les catégories petites bourgeoises
d'hier président au monopole de l'Algérie d'aujourd'hui. Parlons d'unité mais
pas n'importe quelle unité - Faq Tiqelayin - c'est pour cela que pour tous les
algériensla levée en masse pacifique de la Kabylie signifiait à la Charte
Nationale, au parti unique, à la langue unique: " vos pièges ne prennent
plus ". Vos pièges ne prendront plus lorsqu'il n'y aura plus de Kabyle de
service et lorsque toutes les autres régions d'Algérie auront réunis à leur
place des contre-élites parasitaires qui agissent et sévissent en leur nom.
L'Alternative
Démocratique pour laquelle se battent tant de jeunes algériens et algériennes
de Kabylie et qui a soulevé des initiatives de solidarité dans la capitale et
diverses autres villes de notre pays est en train de prendre corps. La
répression ne fera que renforcer et l'approfondir.
Hocine
Aît-Ahmed