Déclaration de Mr Hocine Ait Ahmed
En
juin 1976 Boumdiene ordonna la rédaction par un comité de cinq membres, la
discussion publique et l'adoption par la voie d'un référendum de la Charte
Nationale.
Les
Algériens et Algériennes jusque là exclus de la vie politique, furent conviés à
un colossal psychodrame radiotélévisé dans le style totalitaire, cette mise en
scène nous est toujours présentée comme un modèle de démocratie directe.
Les
Algériennes et les algériens se sont vite rendus compte que le droit au micro
qui leur fut octroyé l'espace d'une Kermesse nationale ne fut pas le signe
d'une libéralisation politique, le début d'un changement démocratique. Pour le
pouvoir en recherche de légitimité, la charte avait pour but d'abord de donner
la façade de légitimer et ensuite de cloisonner le champ politique: "nous
vous avons autorisé à parler, vous avez parlé, maintenant la récréation est
terminée, vous allez vous taire et vous et vous avez donné le droit fondamental
ainsi que les versets nécessaires pour vous faire taire".
Les
résultats d'une gestion sacralisée par ce bréviaire Coranisé et marxisé se
lisent même dans les bilans officiels le "oui au rejet du népotisme, du
favoritisme, de la corruption...de tout paternalisme...de tout
autoritarisme" s'est traduit dans la réalité quotidienne par un oui au
déferlement de tous ces fléaux avec leurs conséquences politiques, culturelles,
économiques et sociales.
Les
seuls moyens qui auraient permis au peuple Algérien d'échapper à cette
dégradation, c'est la liberté d'information, de la presse, d'association, ce
sont les libertés démocratiques sans lesquelles il n'y a pas de démocratie.
Ayant été spolié de ces droits de l'homme, le peuple algérien a perdu son droit
à l'auto-detérmination et à la souveraineté, à la faveur et sous la logique
déconcertante des chartes, charte de Tripoli (1962) charte d'Alger (1964) et
charte nationale.
Celles-ci
n'ont pas empêché que dans la réalité les véritables choix sont exprimés, vécus
et existé dans un cadre policier. Face au principe policier, il n'y a d'autre
alternative que le principe démocratique. Une vie politique saine passe par
dialogue permanent entre le pouvoir et l'opposition, le développement politique
qui conditionne le développement tout court est conditionné par l'instauration
du pluralisme politique et associatif.
Les
Algériens et les Algériennes ont vraiment espéré que les successeurs de
Boumediene engagent leur pays dans la voie démocratique. La soif
d'expression et de participation est
telle dans la société algérienne que le diagnostic étant rendu évident le
remède le serait aussi.
Force
est aujourd'hui de constater que les orientations autoritaires, l'emportent sur
les velléités d'ouverture, les faits ont donné tort à ceux et à celles qui ont
cru que les mesures de description et de détente prises par le nouveau régime
étaient l'annonce d'une ère nouvelle. Les conservateurs du système, les
partisans du parti unique c'est à dire du principe policier semblent l'avoir
emporté, ils annoncent la couleur en remettant sur le tapis la Charte
Nationale, le peuple algérien se voit offrir une autre récréation du micro pour
enrichir l'ancien testament, un nouveau testament pour de nouveaux maîtres, la
nouveauté portera surtout sur les options "économiques", et on parut
être certain que même si les corrections seraient bonnes en théorie, en pratique
elles sont détournées par les clans affairistes qui s'allient ou s'identifient
aux clans de classe dirigeante.
Quant
à ce qui n'est pas nouveau, au conservatisme fondé sur la force et la
propagande, il continue à se traduire par le monopole de l'information de
l'expression, et de l'association sur lequel les tenants du pouvoir ne veulent
pas faire de concessions et par l'étouffement systématique des libertés
démocratiques.
"Le
code de la famille" est anti-démocratique et dans son contenu, par le traitement
discriminatoire envers la femme, et dans les pratiques qui ont abouti à son
adoption, les femmes étant privées du droit de libre association. Ce droit est
aussi dénié aux hommes, les enfants de martyrs de la révolution comme le fils
d'Amirouche sont arrêtés, détenus depuis juillet 1985, pour avoir voulu
constituer une association de fils de martyrs à but non lucratif.
La
seule réponse du régime à la naissance de la Ligue algérienne des droits de
l'homme est la répression, la plupart de ses dirigeants dont Ali Yahia, les
frères Ait-Larbi, le docteur Nait Djoudi sont sous les verrous. Le docteur
Sadi, initiateur du Printemps Kabyle, est aussi emprisonné, le pouvoir
s'attaque à un symbole comme s'il voulait provoquer la jeunesse algérienne qui
revendique pour la langue berbère le droit de cité dans la cité berbère, cette
épreuve de force est soulignée par l'arrestation de deux chanteurs Kabyles
Ferhat et Ait-Menguellet.
Je tiens à m'associer à tous ceux et toutes
celles qui dénoncent la répression et demandent la libération de tous les
détenus. Les violations des droits de l'homme constituent des actes
d'appauvrissement de l'Algérie qui suffisent à disqualifier l'enrichissement de
la charte voir la charte elle-même.
Que
vaut un statut octroyé sous la menace d'emprisonnement "on ne peut mentir
à tout le monde et tout le temps", la tutelle n'est pas digne du peuple
algérien. Ses idéaux révolutionnaires ont été longtemps portés par ces mots
d'ordre "contre tout statut", la parole au peuple, élection d'une assemblée
constituante souveraine, l'alternative démocratique est la seule voie de salut,
les promesses de l'histoire doivent être tenues pour décoloniser l'état, il
faut instaurer les libertés démocratiques et préparer des élections libres pour
une vraie Assemblée Constituante Souveraine.