Isidore Loeb
La situation des israélites en Turquie en Serbie et en Roumanie (1877)
Internet Modern Jewish History
Sourcebook for Central and Eastern Europe
SOURCE OF MATERIAL |
LŒB Isidore. La situation des israélites en Turquie en Serbie et en Roumanie. Paris: Joseph Baer et Cie, Libraires-éditeurs 2, Rue du Quatre-Septembrie, 2, 1877. |
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NOTES |
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CONTENT |
Sixth part: Documents concerning Romania III. LOIS diverses et
excentricités. Loi pour l'entreprise des travaux publics; décret du 3/15
février 1868. — Règlement de janvier 1869 sur les licitalions. — Circulaire
de M. Donici sur les licilations. — Pensions des médecins Israélites. — Arrêt
de la municipalité de Jassy concernant les domestiques chrétiens, du 3 aoiit
1867. — Livret des domestiques chrétiens de Jassy. — Télégramme du Ministère
sur cette question, adressé à la municipalité de Bacau. — La fêté des
tabernacles à Roman. — Serment more judaico. IV. conventions commerciales,
Convention commerciale avec la Russie, du 15/27 mars 1876. — Arrêt du
tribunal de Bacau concernant la propriété d'immeubles dans les villes, par un
sujet austro-hongrois, sous le régime de la convention commerciale avec
l'Autriche-Hon-grie. — Arrêt du tribunal de Galatz du 14/26 juillet 1876. —
Arrêt de la cour d'appel de Focsani du 23 août 1876. — Arrêt du tribunal de
Jassy de fin novembre 1876. — Télégramme du ministre de la justice aux
procureurs concernant l'application de la convention austro-hongroise, du 20
août 1876. — Déclaration commerciale provisoire entre la France et la
Roumanie du 5 novembre 1876. — Circulaire du gouvernement aux préfets du 7/19
juin 1876, concernant les vagabonds austro-hongrois. — Séance de la Chambre
basse de Vienne du 16/28 -février 1876, discussion de la convention
commerciale. — Id. à la Chambre des seigneurs, du 2 mars 1876. — Lettre de M.
Melegari, ministre des affaires étrangères d'Italie, concernant les
conventions commerciales. — capitulations. V. événements antérieurs a 1868. Programme de 1848 dans l'Assemblée roumaine du 11 juin. — Note du ministère Golesco, en 1861, pour justifier les expulsions. — événements du 1866. Émeute de Bacau, juin 1866. — Le prince Charles à Jassy, fin août 1866. — Circulaire du Gouvernement roumain après le sac de la synagogue de Biicharest, du 18/30 juin 1866. — Lettre du Ministre des affaires étrangères de France ît M. Crémieux au sujet de cet événement. XIII. Notes |
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other sections of Chapter 6:
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DOCUMENTS (1)
III LOIS diverses et
excentricités. Loi pour l'entreprise des travaux publics; décret du 3/15
février 1868. — Règlement de janvier 1869 sur les licitalions. — Circulaire de
M. Donici sur les licilations. — Pensions des médecins Israélites. — Arrêt de
la municipalité de Jassy concernant les domestiques chrétiens, du 3 aoiit 1867.
— Livret des domestiques chrétiens de Jassy. — Télégramme du Ministère sur
cette question, adressé à la municipalité de Bacau. — La fêté des tabernacles à
Roman. — Serment more judaico.
N° 27.
Loi pour l'entreprise des travaux publics
promulguée par décret N° 175 du 3/15 février 1868 (38).
art. Ier. — Pour concourir à
l'adjudication des travaux publics, de quelque nature qu'ils soient, il faut
satisfaire aux conditions suivantes:
1° Posséder les droits civils et politiques;
2° Donner des garanties pour la bonne exécution des
travaux.
Peuvent être dispensés de la condition de
naturalisation les étrangers qui ont la spécialité d'ingénieurs et
d'architectes et qui ont exercé cette profession, en exécutant d'une manière
satisfaisante des travaux importants, dans le pays où à l'étranger.
N° 28*.
Règlement de 1869 sur les licitations (39).
Pour pouvoir concourir a. l'achat des terres dont le
prix est à payer par annuités, ou qui se vendent par lots, sont admis seulement
les citoyens roumains, mais pour les autres biens, sont admis aussi à concourir
les étrangers qui ont le droit d'acheter des propriétés immobilières en
Roumanie, selon la loi décrétée le 19/31 août 1864.
N° 29. Circulaire de M. Donici au sujet des
licitalions (40).
Mnsieur le Maire,
D'après plusieurs rapports, je me suis persuadé qu'à
l'application du règlement du 3 février de l'année courante, contenant les
conditions générales à imposer aux entrepreneurs de travaux publics, quelques
maires ont donné une fausse interprétation à l'article Ier de ces
conditions.
Par cet article, il est dit que les étrangers, sans
distinction, ne peuvent être entrepreneurs de travaux publics que quand ils
attesteront qu'ils possèdent des connaissances spéciales d'art ou
d'architecture et qu'ils ont exercé cette spécialité dans le pays ou à
l'étranger à la satisfaction du gouvernement.
Cette condition n'exclut point les étrangers de rite
israélite qui posséderaient la spécialité d'ingénieur ou d'architecte, comme
l'ont interprété quelques maires; elle est une mesure générale, applicable à
tout étranger qui posséderait les connaissances réclamées pour la bonne
exécution des travaux.
Cette restriction ne doit pas s'étendre au-dessus de
la prescription de ce règlement, car alors on pourrait causer des dommages
considérables, faute de concurrents. Outre cela, je suis informé également que
quelques-unes des mairies ont appliqué ces mesures aux entreprises d'une toute
autre nature que les travaux publics, ce qui peut devenir une cause de
désaccords et peut-être de procès mêmes, parce que ces conditions ne sont
applicables qu'aux travaux publics. J'ai cru nécessaire de vous donner ces
explications pour éviter, à l'avenir, toute mésintelligence.
Agréez, monsieur le Maire, l'assurance de ma
considération.
Le Ministre secrétaire d'Etat au département de
l'agriculture du commerce et des travaux publics.
N° 4,316, 25 mai (1868). P. Donici.
N° 30.
Pensions des médecins israélites (41). Séance de
l'Assemblée législative du 6/18 février 1870.
M. C. braesco, rapporteur, soumet à la Chambre un
tableau de six médecins juifs demandant à jouir de leurs pensions.
«1. Jean Finkelstein, médecin.
»Le comité lui a assigné 400 piastres ou 148 fr. 14
c. La commission a repoussé sa demande, considérant que de son acte il résulte
qu'il est juif.
»2. Maurice Wertheimer, médecin.
»Le comité de pensions a indiqué dans le tableau
qu'il lui reviendrait une pension mensuelle de 113 piastres ou 49 fr. La
commission de pensions issue du sein de la Chambre a unanimement repoussé la
demande du nommé, attendu que, de son acte de naissance il résulte qu'il est
juif. »
(Et ainsi de suite, pour les autres médecins. On
leur refuse une minime pension, parce qu'ils sont juifs.)
M. laiiovary. — La Chambre peut faire tout ce
qu'elle veut, mais moi je crois que la nationalité des juifs n'est pas une
question qui doive être mise en discussion à l'occasion de ces pensions...
J'ose me fonder sur l'équité en disant que les Roumains et les étrangers, les
chrétiens ou les juifs doivent être également traités avec justice, et si vous
ne voulez pas récompenser les services rendus, il ne faut pas les admettre aux
fonctions;
mais une fois qu'on leur a confié le service de
médecin, il faut les récompenser. C'est une question de droit, et tant que nous
serons justes envers les juifs, et surtout dans de pareilles questions, nous
serons plus forts dans la défense de notre nationalité contre eux et nous
prouverons que, dans nos grandes questions, il n'existe ni l'esprit
d'injustice, ni les préjugés religieux, mais que, uniquement, l'intérêt de la
conservation de notre nationalité y prédomine.
M. C. Braesco. — Messieurs, voilà les arguments sur
lesquels la Commission s'est fondée quand elle est venue vous proposer de
repousser ces pensions; même la loi invoquée par M. Lahovary dans son article 9
dit:
«Tout le personnel employé au service médical jouira
des mêmes droits de distinction et de pension que la législation accorde aux
autres fonctionnaires de l'État, excepté ceux qui auraient apporté de
l'étranger des conditions spéciales. »
En face de cette loi, la commission s'est demandé où
sont les conditions spéciales avec lesquelles M. Finkelstein est venu dans le
pays. Si M. Finkelstein présentait un certificat qu'à son entrée dans le pays
et aux fonctions il eùt demandé d'être en jouissance des droits accordés aux
fonctionnaires roumains, alors moi aussi je voterais avec M. Lahovary.
M. Gr. Balanesco. — Messieurs, après les
explications fournies par M. le rapporteur et après letexte explicite invoqué
par M. Lahovary, il faut que nous disions que les juifs qui ne peuvent pas obtenir
la naturalisation ne peuvent pas être admis dans le rang des pensionnaires de
notre pays. J'espère que l'honorable Assemblée admettra les conclusions du
rapport.
M. Chitza Nicolesco... — Je voudrais lui (à M.
Lahovary) demander quelques renseignements. Ce médecin (M. Finkelstein), a-t-il
été en service dans le temps où on a retenu une partie du salaire pour la
pension?
M. Lahovary. — Oui.
M. Chitza Nicolesco.— S'il a été soumis aux
retenues, il faut lui refuser la pension, puisqu'il n'est pas naturalisé, car
ceci est une condition sine qua non; mais c'est une question d'équité
que ces retenues qu'il a payées comme indigène lui soient restituées. On vote
la clôture de la discussion, qui est adoptée. On vote les conclusions de la
commission, qui sont adoptées.
N° 31.
Arrêt de la municipalité de Jassy, du 3 août 1867,
concernant les domestiques chrétiens (42).
Le Maire de la ville de Jassy,
Le Conseil municipal, dans ses séances du 3 août et
du 22 courant (1867), prenant en considération la réclamation nouvellement
produite, par laquelle on demande l'application d'une mesure plusieurs fois
répétée et aujourd'hui abandonnée, par suite d'un abus, qui défend aux
chrétiens d'être au service des juits;
Prenant en considération les avis adressés à la
police par la sainte métropole et publiés dans une collection intitulée:
Collection d'actes relatifs aux affaires spirituelles;
Considérant que les lois canoniques de noire sainte
religion dominante détendent le service des chrétiens chez les juits;
Considérant que la défense faite aux chrétiens
d'entrer au service des juifs n'est pas une mesure nouvelle, puisqu'elle
remonte
Par ces motifs, a décidé qu'il ne serait plus permis
à l'avenir aux nourrices ou tous autres serviteurs chrétiens d'entrer dans les
maisons juives, en même temps qu'il est défendu aux juifs d'entrer dans les
maisons chrétiennes;
Ceux qui contreviendraient à ces mesures seront
traduits en justice pour qu'il leur soit fait application des peines prévues par
les lois;
Le soussigné publie cette décision pour qu'elle soit
portée à la connaissance générale.
Le Maire, th. tanto. Le Secrétaire, Antonesco,
N° 32*. Livret des domestiques de Jassy (43).
art. 63. — Il est défendu aux domestiques chrétiens
et chrétiennes d'entrer en condition chez les juifs et vice versa, Pour
chaque contravention à celle mesure, les domestiques seront passibles d'une
amende de 3 francs ou d'un emprisonnement d'un jour, qui peuvent être portés
plus haut, selon les circonstances. Ni les maîtres, ni les domestiques ne
seront reçus, en justice à porter plainte contre les incapacités résultant de
ce règlement.
N° 33.
Télégramme adressé au préfet de Bacau par le
Ministre de l'intérieur.
Ce télégramme se rapporte à la défense faite aux
Israélites, en 1867, par le maire de Bacau, d'avoir des domestiques chrétiens.
« Monsieur le Préfet, voyez à la station postale le
télégramme des juifs de votre ville. Suspendez les mesures prises par la police
à l'égard dos serviteurs et portez a la connaissance de la mairie de ne pas
prendre de telles mesures, sans cela je serais forcé d'user de l'article 66 de
la loi communale. (44) »
N° 34.
Arrêté de la municipalité de Roman concernant la
construction des cabanes pour la fête des Tabernacles (45).
MAIRIE DE LA COMMUNE URBAINE DE ROMAN.
N° 2,976. 29 septembre 1867.
Le 2 octobre prochain doivent commencer les fêtes
des juifs, c'est-à-dire la construction des tentes, composées de matériaux non
admis par la loi sur les incendies et qui sont prévues par les instructions du
ministre des travaux publics du 25 avril 1830.
Le soussigné, maire de la commune urbaine de Roman,
en vertu des droits consacrés par la loi communale, fait connaître qu'il n'est
en aucune façon permis d'élever de semblables constructions; dans le cas
contraire, on sera soumis aux pénalités prévues par le Code pénal.
En même temps, le soussigné prie tous les citoyens
d'observer les démarches des individus mentionnés, afin qu'au cas ou ils
constateraient la construction de semblables cabanes, ils puissent l'annoncer à
un fonctionnaire de police, afin que les mesures nécessaires soient prises.
De cette manière seulement notre ville pourra être
préservée des incendies auxquels elle serait exposée, si l'on tolérait de
semblables constructions, comme l'ont prétendu un certain nombre de juifs par
leur pétition enregistrée sous le N°...
Le maire, Pascal Tonca. Le secrétaire, D. Romanesco.
N° 35.
Serment more judaico (46).
La manière dont il (ce serment) fut dernièrement
appliqué au négociant Joseph Goldenthal mérite vraiment d'être esquissée.
D'après la prétention de nos soi-disant libéraux,
l'Israélite doit, selon le rite mosaïque, rester à jeun et, dans un
recueillement profond les vingt quatre heures qui précèdent la prestation du
serinent; il faut donc qu'il soit surveillé; et à qui donc confier une mission
si délicate, si ce n'est à un ecclésiastique, à un pope'.'Voilà donc le pauvre Goldenthal,
une sentinelle à la porte, enfermé pour un jour et une nuit avec un pope, comme
un criminel qui attend l'expiation de son crime. Mais les vingt-quatre heures à
peine passées, il est entraîné au bain pour prendre un bain de purification
dans de l'eau glacée, et pour se faire couper les ongles jusqu'à la chair
vive, toujours sous la surveillance du pope.
De là on l'emmène sous cette escorte à la synagogue
pour y prêter enfin le serment. Mais ici l'horreur arrive à son comble:
IV conventions commerciales,
Convention commerciale avec la Russie, du 15/27 mars 1876. — Arrêt du tribunal
de Bacau concernant la propriété d'immeubles dans les villes, par un sujet
austro-hongrois, sous le régime de la convention commerciale avec
l'Autriche-Hon-grie. — Arrêt du tribunal de Galatz du 14/26 juillet 1876. —
Arrêt de la cour d'appel de Focsani du 23 août 1876. — Arrêt du tribunal de
Jassy de fin novembre 1876. — Télégramme du ministre de la justice aux
procureurs concernant l'application de la convention austro-hongroise, du 20
août 1876. — Déclaration commerciale provisoire entre la France et la Roumanie
du 5 novembre 1876. — Circulaire du gouvernement aux préfets du 7/19 juin 1876,
concernant les vagabonds austro-hongrois. — Séance de la Chambre basse de
Vienne du 16/28 -février 1876, discussion de la convention commerciale. — Id. à
la Chambre des seigneurs, du 2 mars 1876. — Lettre de M. Melegari, ministre des
affaires étrangères d'Italie, concernant les conventions commerciales. —
capitulations.
N° 36.
- Convention commerciale avec la Russie du 15/27
mars 1876 (47).
art. 1er. — Il y aura réciproquement
pleine et entière liberté de commerce et de navigation pour les bâtiments et
les nationaux des hautes parties contractantes dans les villes, ports, rivières
ou lieux quelconques des deux États dont l'entrée est actuellement permise ou
pourra l'être à l'avenir aux sujets et aux navires de toute autre nation,
étrangère.
Les Roumains en Russie et les Russes en Roumanie
pourront réciproquement, en se conformant aux lois du pays, entrer, voyager ou
séjourner en toute liberté dans quelque partie que ce soit des territoires et
possessions respectifs pour y vaquer à leurs affaires, et jouiront a cet effet,
pour leurs personnes et leurs biens, de la, même protection et sécurité que les
nationaux.
Ils pourront, dans toute l'étendue des deux
territoires, exercer l'industrie, faire le commerce tant en gros qu'en détail,
louer ou posséder des maisons, magasins, boutiques ou terrains qui leur seront
nécessaires, sans être assujettis, soit pour leurs personnes ou leurs biens,
soit pour exercer leur commerce ou leur industrie, à des taxes générales ou
locales ni à des impôts ou obligations de quelque nature qu'ils soient autres
ou plus onéreux que ceux qui sont ou pourront être établis sur les nationaux.
Il est entendu toutefois que les stipulations qui
précèdent ne dérogent en rien aux lois, ordonnances et règlements spéciaux en
matière de commerce, d'industrie, de police et de sûreté générale en vigueur
dans chacun des deux pays, et applicables à tous les étrangers en général, et
en ce qui concerne la Roumanie aux lois et prescriptions relatives à la
prohibition d'acquérir et de posséder des biens immeubles ruraux.
N° 37.
Arrêt du Tribunal de Bacau concernant l'acquisition
d'immeubles dans les villes par un sujet austro-hongrois, sous le régime de la
convention commerciale arec l'Autriche-Hongrie.
Ce 18 septembre 1876, le tribunal de Bacau, d'après
son journal N° 4,031, d'accord avec les conclusions du procureur, M. C. Radu,
admet la transcription d'un acte d'achat d'un immeuble fait par Abrah.
Herscowic, sujet austro-hongrois du rite israélite.
Le 6 octobre 1876, le même tribunal prend une
décision contraire. Voici un extrait de son journal:
ANNÉE 1876, 7 OCTOBRE.
Hier le 6 de ce mois, le tribunal au complet a été
saisi d'une requête à lui adressée et enregistrée sous le N° 8,562 du 30
septembre, par laquelle MM. Holbans et Joseph Leib Hertean, demandent que
l'acte annexé de mutation, par lequel le premier vend au second un immeuble à
lui appartenant, sis dans la ville de Bacau, au prix de 200 livres roumaines.
Par suite d'une divergence d'opinion qui s'est élevée entre le président Gané
et le membre de séance Talian, j'ai été appelé d'urgence pour trancher la
question.
Vu l'article 7 de la Constitution, qui refuse la
naturalisation aux étrangers des rites non chrétiens en ce qui concerne
l'exercice dés droits politiques;
Vu que l'article 1er de la loi du 19 août
1864, qui dit que les étrangers de tout rite chrétien, domiciliés en Roumanie,
auront le droit d'acheter des immeubles sous la condition de la réciprocité,
n'a point pour but d'interdire l'achat d'immeubles à tous ceux qui sont sujets
roumains de rites non chrétiens, car cette loi ne veut faire de prohibition
qu'envers ceux qui jouissent d'une protection étrangère;
Vu, d'autre part, l'article 6 du Code civil qui dit
formellement que l'exercice des droits civils ne dépend pas de la qualité de
citoyen; et considérant que le droit d'acheter et de vendre est un droit civil
tout à fait indépendant du droit de naturalisation prescrit par l'article 7 de
la Constitution;
Considérant, in specie, que l'acheteur et le
vendeur sont sujets de l'État roumain;
Pour ces motifs, j'étais d'avis d'admettre la
demande de transcription de l'acte de mutation dans le registre du Tribunal. Le
membre Talian, après avoir déclaré qu'il était entièrement de mon avis, m'a
prié do rédiger le journal pour l'admission de la demande, ce que j'ai fait.
Aujourd'hui, le même M. Talian, me faisant savoir
que depuis hier il a changé d'opinion et est d'avis qu'on rejette la demande,
le soussigné, pour motiver le journal du 6 octobre 1876, rédigé au nom du
Tribunal, a cru de son devoir de faire ce procès-verbal pour être joint au
dossier N° 1,578 de l'an 1876.
Le Juge d'instruction auprès du tribunal de Bacau, D. Jurasco.
Par suite de ce qui précède, cette question restant
en litige, elle est mise encore une fois en délibération du tribunal au
Le Président, Gané.
Vu la demande enregistrée sous le N° 8,692 pour
transcription de l'acte de mutation immobilière au nom do Joseph Leib Hertean;
Vu que ledit sieur est de rite hébraïque, et qu'en
cette qualité, il n'a pas, d'après la prescription de la loi du 19 août 1864,
la capacité d'acquérir des immeubles, car ce droit n'appartient qu'aux
étrangers de rites chrétiens;
Pour ces motifs, le Tribunal, a, la majorité des
voix, rejette la
J. Gané Georgiu.
N° 38.
Arrêt du Tribunal de Galatz, du 14/26 juillet
1876
(48).
Le tribunal du district de Covurlui, section I,
Vu la pétition aux fins d'homologation et de
transcription de l'acte par lequel le sieur M. Bohociu, mandataire du sieur
Georges P. Veduvoi, veut vendre un immeuble au sieur Kiva Lichter;
Considérant qu'il résulte de la déclaration verbale
de l'acheteur qu'il est du rite hébraïque et non du rite chrétien;
Considérant que, d'après l'article 1er de
la loi du 19 août 1864, promulguée le 20 août de la même année, les étrangers
de rites chrétiens seuls ont droit d'acheter des immeubles en Roumanie, que par
conséquent Lichter, n'étant pas chrétien, jouit d'autant moins de ce droit que
la convention de commerce conclue entre la Roumanie et l'Autriche-Hongrie
non-seulement n'abroge pas la loi de 1864 précitée, mais déclare formellement
que seulement les sujets austro-hongrois (et il est notoire que ceux-ci sont
chrétiens), et non tous les sujets de nationalité austro-hongroise indistinctement,
ont le droit d'acheter des immeubles en Roumanie;
Considérant que si le Gouvernement roumain avait eu
véritablement l'intention d'abroger la loi prohibitive de 1864 et par suite
d'accorder d'une manière générale à tous les sujets austro-hongrois sans distinction
de culte le droit d'acquérir des immeubles, il aurait, dans son traité de
commerce avec l'Autriche-IIongrie, exprimé cette intention en termes généraux,
comme il l'a fait dans l'article 1er, ou il est dit que les sujets
austro-hongrois sont libres de faire le commerce dans le pays;
Considérant enfin que de tout ce qui précède il
résulte évidemment que le droit d'acheter des immeubles en Roumanie
n'appartient exceptionnellement qu'aux austro-hongrois sus-qualifiés,
c'est-à-dire do rite chrétien, et non pas à ceux du rite Juif;
Oui les conclusions de M. le procureur Pastia;
Rejette la demande formée par les sieurs Bohociu et
Lichter par laquelle le premier veut, en qualité de mandataire du sieur G.-P.
Veduvoi, vendre au second un immeuble situé dans la ville de Galatz.
V. Filoti. D. Norocel.
Pour le greffier: G.-V. Comarnesco.
Le grenier du tribunal de Covurlui, section I,
atteste que la présente copie est conforme à l'original.
Pour le greffier: Comarnesco. N° 8,652. Galatz, le 14/26
juillet 1876.
N° 39.
Arrêt de la Cour d'appel de Focsani, du 23
août 1876.
Président, D. G. Capelian, conseiller; — MM. D. Neagu;
— C. Luca; S. Hociungu; — J. Aibu, procureur général, représentant du ministère
public. — M. le Président Hritescu et M. le juge suppléant Stamatiu, en congé.
Joseph Buies, du ressort de Galatz, a, par
réclamation du 29 juillet de l'année courante, enregistrée sous le N° 3,621,
interjeté appel du jugement du tribunal de première instance de Galatz, N°
2,492, du 7 juillet 1876, qui a rejeté sa demande en légalisation de la vente
d'un immeuble situé à Galatz.
La cause a été fixée au 21 août 1876. L'appelant
comparaît, assisté de Me P. Baschtoresco, avoué.
Après constatation de ce que le délai d'appel n'est
pas expiré, il est procédé à la lecture de l'acte et du jugement précités.
Me Baschtoresco demande que la sentence
du Tribunal soit modifiée de telle façon que son client soit fondé à réclamer
l'homologation de la vente d'une maison à lui faite par dame Catherine Movila,
et ce par les motifs suivants: la loi du 19 août 1864 n'est plus applicable à
cause de la convention avec l'Autriche-Hon-grie. L'interprétation du Tribunal
d'après laquelle les qualifications «Autrichiens et Hongrois» ne s'entendraient
que des personnes de confession chrétienne, est erronée, attendu qu'il n'existe
en Autriche-Hongrie aucune distinction fondée sur la religion. Enfin les
articles I, II et IV de la convention ne peuvent s'interpréter dans le sens des
articles 977 et 982 du Code civil, attendu que la convention n'interdit pas
l'acquisition d'immeubles urbains aux sujets israélites de l'Autriche-Hongrie,
que c'est d'une acquisition de cette nature qu'il s'agit dans l'espèce, outre
que son client est libre-penseur.
M. le procureur général J. Albu se prononce sur le
rejet du pourvoi et pour la confirmation du jugement du tribunal. Il se fonde
sur ce que la convention de celte année ne serait rien de plus qu'un mode de
détermination de l'article 2 du Code civil et qu'elle n'abrogerait pas la loi
de 1864. Et cette dernière restant en vigueur, l'appelant n'aurait le droit
d'acheter des immeubles ni dans les villes ni dans les campagnes.
Sur quoi le prononcé de l'arrêt a, suivant le
procès-verbal N° 1178, été remis au 23 du mois courant.
Aujourd'hui la Cour, après avoir délibéré sur
l'appel formé par J. Buies contre le jugement du tribunal de première instance
de Galatz du 7 juillet de l'année courante, N° 2492, lequel a refusé
l'homologation de la vente d'une maison faite à l'appelant par dame Catherine
Movila, a arrêté:
L'appelant a reconnu devant le tribunal qu'il
appartient à la religion mosaïque;
Considérant qu'aux termes de la loi du 19 août 1864,
les étrangers qui n'appartiennent point à une confession chrétienne ne peuvent
acquérir de biens immeubles en Roumanie, que l'appelant étant de religion
mosaïque, n'est pas fonde à revendiquer ce droit;
Considérant que l'appelant invoque à l'appui de sa
demande la convention de l'Etat roumain avec l'Autriche-Hongrie, promulguée
dans le Moniteur, N° 113, du 26 mai de l'année courante;
Considérant que cette convention n'est applicable
qu'à ceux des sujets austro-hongrois qui avaient qualité pour acquérir des
immeubles en Roumanie au moment de la conclusion de ce traité, vu que l'État
roumain s'y interdit de prendre part avant l'expira-ralion de dix années aucune
mesure contraire à la loi de 1864;
Que, par suite, l'appel de M. J. Buies manque de
base, en tant que sa demande tend à l'obtention du droit de posséder des immeubles
postérieurement à l'expiration de la convention;
Faisant droit aux conclusions du ministère public,
la Cour rejette l'appel de J. Buies et confirme la sentence du tribunal de
première instance de Galatz, du 7 juillet de l'année courante, N° 2492.
La présente décision est sujette, d'après la loi, à
recours en cassation.
Fait et prononce en séance publique, cejourd'hui 23
août 1876.
Acte N° 700/76.
Suivent les signatures des juges qui ont siégé.
Collationné: Georgescc.
Le greffier: G. Florescu.
N° 40.
Arrêt de novembre 1876, du Tribunal de Jassy (49).
Sur la demande faite par le sieur Leib Meer Hofer
d'être admis à concourir à la licitation de la maison de M. C. Eni;
Vu que le sieur Leib Meer Hofer, étant sujet
austro-hongrois, demande à être admis connue concurrent, en vertu du droit
accordé par la convention de commerce conclue avec l'Autriche-Hongrie, et que,
pour prouver sa qualité de sujet, il présente un passe-port accompagné d'une
adresse du consulat d'Autriche-Hongrie, affirmant, de la part de l'agence, que
le nommé Leib Meer Hofer est sujet austro-hongrois;
Considérant que, par la convention conclue entre la
Roumanie et l'Autriche-Hongrie, le droit d'acquérir et de posséder des
immeubles en Roumanie n'est accordé qu'aux Autrichiens et aux Hongrois;
Considérant que les protégés et sujets
ne peuvent bénéficier des droits dont, suivant l'article IV de ladite
convention, peuvent jouir seulement les citoyens des États sous la
protection desquels sont placés les sujets;
Considérant, que la qualité de sujet ne
constitue pas le droit d'être nommé citoyen de l'État à la protection
duquel on a eu recours;
Considérant que la dénomination de sujet,
dans la convention de commerce avec l'Autriche-Hongrie, ne peut avoir d'autre
sons que celui de citoyen, du moment où l'État roumain n'a que des citoyens
et n'a ni protégés ni sujets;
Considérant que, conformément aux rapports de
réciprocité établis par la convention commerciale entre la Roumanie et
l'Autriche-Hongrie, un protégé ne peut être substitué à, un citoyen
des États contractants;
Vu que le sieur Leib Meer Hofer n'a pas présenté des
actes constatant qu'il est citoyen austro-hongrois;
Oui les conclusions du ministère public, représenté
par M. l'avocat Camban;
Le Tribunal, se fondant sur les considérants
ci-dessus et d'accord avec les conclusions du ministère public, repousse la
demande du sieur Leib Meer Hofer d'être admis comme concurrent.
N° 41.
Télégramme du Ministre de la justice aux procureurs,
concernant I'application des articles 1 et IV de la Convention
austro-hongroise.
N°
9895. 20 août 1876.
Je suis informé que quelques tribunaux violent le
texte positif de la Convention commerciale, conclue entre notre État et
l'Empire austro-hongrois (art. Ier et art. IV) et auraient refusé de
transcrire des actes d'achat qui leur sont présentés par les sujets
austro-hongrois du rite judaïque, pour des immeubles urbains. Considérant que,
par une telle procédure non seulement on viole d'une manière patente un texte
de loi positif, mais encore qu'on crée à l'État des difficultés dans ses
rapports internationaux avec la haute puissance contractante, et on donne
occasion de provoquer contre lui des plaintes légitimes de la part des
intéressés, car ladite Convention a le caractère non seulement d'une loi
proprement dite, mais encore celui d'un contrat international obligatoire.
Je vous rends donc attentif sur ce point, monsieur
le Procureur, et je vous invite à avertir sans retard le Tribunal, afin qu'à
l'avenir de pareilles plaintes n'aient pas lieu, le prévenant qu'au cas
contraire le Ministère sera forcé de prendre contre les juges qui s'obstineront
les plus sérieuses mesures disciplinaires.
Le Ministre,
Eugène Statesco.
N° 42.
Déclaration commerciale provisoire entre la
France et la Roumanie (50).
La déclaration commerciale provisoire qui suit a été
échangée, le 5 novembre 1876, entre la Roumanie et la France:
Le gouvernement de S. A. le prince de Roumanie et le
gouvernement de la République française, désirant régler provisoirement les
relations entre les deux pays pendant la période de temps nécessaire pour la
négociation et la conclusion d'une convention de commerce, les soussignés,
dùment autorisés à cet effet, sont convenus des dispositions suivantes:
Les produits d'origine ou de provenance française
qui seront importés en Roumanie, seront respectivement soumis, quant aux droits
d'importation, de transi), quant à la réexportation au courtage, à l'entrepôt,
aux droits locaux et quant aux formalités douanières, au même traitement que la
nation la plus favorisée.
Le gouvernement de S. A. le prince de Roumanie et le
gouvernement de S. M. l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie, étant convenus de
s'assurer certains avantages spéciaux pour l'échange et la circulation des
produits des districts limitrophes, ces avantages ne seront pas réclamés par la
France.
S'il n'est pas expressément renouvelé, le présent
arrangement provisoire cessera le 30 avril/12 mai 1877.
En foi de quoi les soussignés ont dressé la présente
déclaration et y ont apposé le sceau de leurs armes.
Fait en double expédition, à Paris, le 5 novembre
1876.
C. A. Rosetti.
Decazes.
N° 43.
Circulaire de M. Vernescu aux préfets, du 7/19 juin
1816, concernant les vagabonds austro-hongrois.
Un ancien règlement de police voulait que tout
étranger qui entrerait en Roumanie justifiât de moyens d'existence en prouvant
qu'il possédait au moins une somme d'argent déterminée. Cette disposition a été
abrogée pour l'Autriche, par le traité de commerce qu'elle vient de conclure
avec la Roumanie. A ce sujet, M. Vernescu, ministre de l'intérieur, a adressé
aux préfets, le 7/19 juin 1876, sous le N° 9308, une circulaire insérée dans le
Moniteur officiel roumain du 8/20 juin 1876, et tendant à retirer aux
Israélites quelques légers avantages que leur accordait, bien malgré elle,
cette convention. Voici le passage principal de cette circulaire:
«Le gouvernement roumain est tenu, par l'article 2
du traité de commerce avec l'Autriche, de supprimer la disposition d'après
laquelle tout individu arrivant en Roumanie doit prouver qu'il possède une
certaine somme d'argent. Cotte mesure avait depuis longtemps cessé d'être
appliquée, et elle ne pouvait plus l'être depuis l'établissement des chemins de
fer; cependant son abrogation officielle encouragera encore davantage
l'invasion du prolétariat-étranger. Pour prévenir ce fléau, l'administration et
la police devront à l'avenir, dans l'intérêt de la sûreté publique, redoubler
de vigilance, afin que la Roumanie ne soit pas inondée par le flot du
prolétariat des pays environnants. Concertez-vous avec les bourgmestres des
communes et rappelez-vous que les articles 10 et 108 de la loi sur la police
rurale, qui défendent à tout individu sans profession, étranger ou indigène, de
s'établir dans une localité sans l'autorisation du conseil communal, doivent
être exécutés avec la plus grande rigueur. Veillez soigneusement à ce que le
vagabondage ne soit, à aucun prix, toléré ni dans les villes ni dans les
villages, et que tout individu reconnu pour vagabond soit aussitôt arrêté et
conduit à la frontière. »
A la suite de ces instructions, M. I. Dimiu, chef de
police de Focsan, expulsa huit israélites et les fit conduire, la chaîne au
cou, à leur destination. Aucun d'eux, assure-l-on, ne se trouvait sans travail
(51).
Des Israélites furent également expulsés du district
de Putna, qui compte 300 familles Israélites, et d'autres expulsions ont été
ordonnées à Iresci (52).
No 44*.
Discussion de la convention commerciale à la
Chambre basse de Vienne.
SÉANCE DU 26 FÉVRIER 1876.
M. le baron zschok, rapporteur de la minorité de
la commission. — Je n'ai que peu de choses à ajouter pour caractériser le
côté commercial de la convention. Dans les conventions internationales, ce qui
domine, c'est le principe de la réciprocité absolue. Les Roumains
jouissent en Autriche de la liberté absolue de commerce, de séjour et
d'acquisitions immobilières. Les Autrichiens en Roumanie, pour exercer une
industrie, ont besoin d'une concession qui est donnée par un vote de la Chambre
de commerce. (Écoutez!)
Le commerce des spiritueux, la tenue d'une auberge
et la vente du tabac sont interdits à tout étranger. Certes, il n'y a rien à
objecter contre ces dispositions de la loi roumaine. Mais il faut blâmer ceux
qui nous convient en quelque sorte à leur donner noire sanction.
La Turquie accorde aux Autrichiens liberté complète
du commerce et possession des biens fonciers. Ceci jette une lumière spéciale
sur la législation roumaine, quand nous voyons la Turquie, réputée partout et
si souvent à tort comme illibérale et intolérante, nous accorder des droits si
étendus (53).
M. de plener. — Si les grandes questions de
tarification douanière présentent ainsi un argument essentiel en faveur de la
convention, il y a quelques autres points qui nous engagent à nous y montrer
contraires. Vous y voyez avant tout la question des israélites.
Messieurs, en 1872, le gouvernement autrichien a
pris part aux démarches des puissances, tendant à améliorer quelque peu le sort
des israélites en Roumanie, au moyen d'une pression diplomatique exercée sur le
gouvernement de Bucharest. Notre gouvernement s'est placé au point de vue de
l'humanité, comme toutes les puissances, et a qualifié le traitement subi par
les juifs en Roumanie de barbare, d'oppressif et de condamnable.
Je concède qu'il est difficile pour les puissances
d'atteindre leur but dans des cas semblables, à moins de pousser les choses
jusqu'à un acte coërcitif. Mais ce qu'on peut tolérer, on ne doit pas le
sanctionner.
Il est possible que l'on tolère un pareil état de
choseset qu'on ferme les yeux momentanément, mais ce qui est réellement
contraire à la dignité d'un grand État, c'est que dans le protocole final d'un
acte international qui, par-dessus le marché, affiche la prétention de poser
dans son premier chapitre le principe général de l'égalité des droits pour
tous, on déclare que toutes les restrictions oppressives existant en Roumanie
seront désormais applicables aux sujets autrichiens également (54).
M. le chevalier de carneri. —.... Ce que je
n'accorderai jamais, c'est de me laisser rassurer par un exposé des motifs,
quelque excellent qu'il soit, sur le seul point qui me rend difficile de voter
en faveur de ce traité. Je veux parler du point qui fixe ou, si vous aimez
mieux, sanctionne certaines distinctions entre les citoyens autrichiens. Par
là, non-seulement un grand nombre de sujets autrichiens subissent des torts
graves, mais il est encore porté atteinte au droit de cité autrichien lui-même,
car ce droit ne reconnaît pas d'inégalité devant la loi.
M. le chevalier de chlumecki, ministre du
commerce. —.....J'accorde certainement volontiers, Messieurs, que le traité
contient deux dispositions que je regrette vivement; ce sont les articles 1 et
26. L'article 1, Messieurs, parce que je considère comme une des plus belles et
des plus nobles tâches de l'Autriche, de propager la civilisation en Orient.
Mais, Messieurs, croyez-moi, personne ne regrette plus que le gouvernement de
n'avoip'pu remplir sa tache à l'occasion de ce traité; veuillez voir dans ce
fait la preuve que l'accomplissement de cette lâche lui était tout simplement
impossible, et celui qui connaît les conditions sociales et politiques de la
Roumanie ne pourra que me donner raison. (55)
SÉANCE DU 28 FÉVRIER 1876.
M. menger.—... Ce pays ne possède pas assez de
beautés naturelles et sociales (Hilarité) pour que les touristes y aillent pour
leur plaisir. Ceux qui s'y rendent y vont pour affaires.
...(Un négociant arrive en Roumanie). Ce qu'il a de
plus pressé à faire maintenant, tant qu'on n'aura pas inventé l'homme
portant sa maison avec lui, comme l'escargot, c'est
d'obtenir le droit d'établissement quelque part. Il faut par conséquent qu'un
maire quelconque permette à notre compatriote de s'établir.— Mais non, dit
celui-ci simplement, je ne suis pas obligé de vous accorder le droit de vous
établir, les restrictions en cette matière ont été expressément maintenues dans
le traité...
...Enfin, il (le négociant autrichien) réussit à
obtenir quelque part le droit de s'établir, par ce moyen connu et tenu en si
haute estime par le roi Philippe de Macédoine, l'argent. Cependant cet homme
n'est pas venu en Roumanie pour son plaisir, mais pour faire des affaires. Il
ne demande que le droit de s'établir commerçant et croit qu'il l'obtiendra
facilement.
On lui dit: « Mon cher ami, nous écrirons à
la Chambre de commerce la plus rapprochée pour la consulter sur cette affaire.
»
— « Ah oui, réplique l'Autrichien, à la Chambre de
commerce, mais on sait qu'elle se compose pour les trois quarts de membres
hostiles aux juifs. Que deviendrai-je? Je périrai.»
— «Mon cher ami, cela m'est indifférent, car les
ordonnances de police sont restées en vigueur. »
— « Oui, répond l'Autrichien, cela n'arriverait pas
à un Roumain en Autriche.»
— «C'est juste, mais les stipulations du traité sont
là. »
II vaincra peut-être encore ces difficultés-là. Mais
il y en a d'autres. Dans les pays tels que la Roumanie, l'eau-de-vie, le tabac
et le rhum jouent le principal rôle parmi les besoins de luxe de la population.
Messieurs, notre homme est privé du droit de vendre
ces trois articles-là; il lui est interdit d'en faire le commerce. Son existence
de négociant lui est rendue impossible.
Peut-être a-t-il prêté le reste de sa fortune à
quelque propriétaire foncier, et on arrive enfin à la vente judiciaire de
l'hypothèque, après avoir passé par toutes les difficultés de la justice
roumaine. Alors voici ce qui se produit. Tout le monde hait l'étranger, et les
indigènes ne se présentent pas à l'enchère.
Veut-il acheter, on lui fait observer qu'il n'a pas
le droit d'acquérir des propriétés rurales.
Réfléchissez, Messieurs, combien de tels faits doivent
réagir sur l'autorité de l'Autriche, sur les sympathies dont notre État jouit
encore en Orient.
Veuillez considérer, Messieurs, que les marchandises
ne se débitent pas d'elles-mêmes, mais doivent, être écoulées par des hommes en
chair et en os.
Quelle atteinte portée à nos traités de commerce, îi
toute noire position en Orient, si nous allons jusqu'à reconnaître pour
légitimes des restrictions semblables!...
Je ne nie pas qu'il n'y ait en Roumanie une question
juive, peut-être y xeiste-t-elle aussi dans d'autres pays. J'ai toujours
remarqué que les pays où l'on se plaint le moins des juifs sont ceux où ils
jouissent, depuis longtemps, de l'égalité complète des droits.
Chaque pays a les juifs qu'il mérite (Hilarité), et
si la Roumanie prétend avoir des griefs contre les siens, qu'elle s'en prenne à
l'oppression séculaire, au traitement impitoyable que les juifs y ont subis (56).
N° 45*.
Discussion de la convention commerciale à la séance
de la Chambre des Seigneurs de Vienne, du 3 mars 1876 (57).
RAPPORT DE LA COMMISSION.
.... Une de ces objections, et sans doute une des
plus importantes, a été soulevée contre l'article 1er et
particulièrement contre le dernier paragraphe de cet article, en vertu duquel
les lois et prescriptions qui, en Roumanie, interdisent l'acquisition et la
possession d'immeubles dans les campagnes, ne devaient subir aucun changement
par suite de la convention avec l'Autriche-Hongrie.
On peut regarder comme certain que ces dispositions
législatives existant en Roumanie, se trouvent en contradiction flagrante avec
les vues que le Gouvernement, aussi bien que les Chambres, s'efforce de faire
prévaloir en Autriche. L'abrogation légale de toutes les lois restrictives
concernant le droit des juifs de posséder des immeubles en est certainement la
meilleure preuve.
L'unanimité de la Commission no pouvait en aucune
façon se rallier à un avis, exprimé autre part, et disant que le dernier
paragraphe de l'article 1er contenait une sanction et par suite une
approbation des restrictions apportées par la loi au droit de propriété des
juifs en Roumanie.
Il a paru surtout inutile à la Commission de faire
remarquer que jamais un État ne peut donner une sanction ou une approbation à
la législation intérieure d'un autre Etat. Elle a dû reconnaître, au contraire,
que le premier devoir des rapports internationaux de deux Etats voisins,
commande à chaque Etat de ne se mêler en rien dans les affaires intérieures de
l'autre. On ne peut se départir de ce principe essentiel, même si l'on
désapprouve formellement les dispositions législatives du pays voisin.
La Commission, à l'unanimité, ne pouvait blâmer le
Gouvernement d'avoir adopté le paragraphe de l'article 1er de la
convention commerciale, au sujet de la restriction du droit do propriété des
juifs en Roumanie. Elle espère, néanmoins, que les progrès de la civilisation
amèneront le Gouvernement roumain, avant peu de temps, à faire disparaître de
lui-même ces restrictions. Vienne, le 2 mars 1876.
LE PRINCE DE SCHWARTZENBERG, président.
Arketh, rapporteur.
N° 46*.
A Messieurs Abraham Esdra, Simon Toscano et
Pellegrino Pontecorvo, représentants de la Communauté israélite de Rome.
Rome, le 13 septembre 1876. messieurs,
M. le député Alatri m'a remis la note en date du 28
août dernier par laquelle vous avez cru devoir, comme représentants de la
communauté israélite de Rome, appeler l'attention du gouvernement du roi sur
l'éventualité où le Gouvernement roumain, en négociant une convention
commerciale avec l'Italie, voudrait maintenir une inégalité de traitement, pour
cause de religion, entre les sujets du roi qui demeurent ou voyagent dans la
principauté.
Comme j'ai eu l'honneur de le déclarer à l'honorable
M. Alatri, le Gouvernement de Sa Majesté s'est déjà occupé de ce grave sujet et
n'a point manqué de faire connaître au Gouvernement de Bu-charest sa ferme
résolution de rester, à cet égard, fidèle aux principes qui, chez nous, sont
consacrés non-seulement par les préceptes de la civilisation, mais encore par
le pacte fondamental du royaume, qui proclame l'égalité de tous les citoyens.
Votre Note, Messieurs, rend justice à nos intentions, et j'en ai exprimé ma
satisfaction à celui qui me l'a donnée en votre nom. 11 ne me reste qu'à
ajouter que nous ne négligerons rien, dans nos négociations avec la Roumanie,
de ce qui dépendra de nous pour soutenir, avec une efficacité égale à notre
conviction, une cause dont la justice ne peut faire doute pour personne.
Agréez, etc.
Le Ministre des affaires étrangères, Melegari.
N° 47.
Capitulations de 174O (58).
L'empereur sultan Mahmoud, fils du sultan Moustafa,
toujours victorieux.
Voici'ce qu'ordonne ce signe glorieux et impérial,
conquérant du monde, cette marque noble et sublime, dont l'efficacité procède
de l'assistance divine....
art. 26. Si quelqu'un avait un différend avec un
marchand français et qu'ils se portassent chez le cadi, ce juge n'écoutera
point leur procès, si le drogman français ne se trouve présent, et si cet
interprète est occupe pour lors à quelque affaire pressante, on différera
jusqu'à ce qu'il vienne; mais aussi les Français s'empresseront do le
représenter, sans abuser du prétexte de l'absence de leur drogman. Et s'il
arrive quelque contestation entre les Français, les ambassadeurs et les consuls
en prendront connaissance et en décideront selon leurs us et coutumes, sans que
personne puisse s'y opposer....
art. 41. Les procès excédant 4,000 aspres seront
écoutés à mon divan impérial, et nulle part ailleurs.
art. 65. — Si un Français ou un protégé de la France
commettait quelque meurtre ou quelque autre crime, et qu'on voulût que la
justice en prît connaissance, les juges de mon empire et les officiers ne
pourront y procéder qu'en présence de l'ambassadeur et des consuls ou de leurs
substituts, dans les endroits ou ils se trouveront....
art. 70. — Les gens de justice et les officiers de
ma Sublime-Porte, de même que les gens d'épée, ne pourront sans nécessité
entrer par force dans une maison habitée par un Français; et, lorsque le cas
les requerra d'y entrer, on en avertira l'ambassadeur ou le consul dans les
endroits où. il y en aura, et l'on se transportera dans l'endroit en question,
avec les personnes qui auront été commises de leur part, et, si quelqu'un
contrevient à cette disposition, il sera châtié.
art. 71. — Comme il aurait, été représenté que les
pachas, cadis et autres officiers voulaient quelquefois revoir et juger de
nouveau des affaires survenues entre les négociants français et d'autres
personnes, quoique ces affaires eussent déjà été jugées et terminées
juridiquement et par hudjet, même que le cas était souvent arrivé: de
sorte que non-seulement il n'y avait point pour eux de sûreté dans un procès
déjà décidé, mais même qu'il intervenait dans un même lieu des jugements
contradictoires à des sentences déjà rendues; nous voulons que, dans le cas
spécifié ci-dessus, les procès qui surviendront entre des Français et d'autres
personnes, ayant été une fois vus et terminés juridiquement et par hudjet,
ils ne puissent plus être revus; et que, si l'on requiert une révision de ces
procès, on ne puisse donner de commandement pour faire comparaître les parties,
ni expédier commissaire ou huissier, qu'au préalable il n'en ait été donné
connaissance à l'ambassadeur de France, et qu'il ne soit venu de la part du
consul et du défendeur une réponse avec des informations exactes sur le
fait....
Ecrit le quatre de la lune de rebiul-evel, l'an de
l'hégire onze cent cinquante-trois.
De la résidence impériale de Constantinople la bien
gardée.
N° 48.
Programme de 1818 dans l'Assemblée roumaine
du 11 juin (59).
art. 21. — L'émancipation des israélites et
l'octroi des droits civils et politiques pour chaque compatriote d'une autre
croyance est garanti. En motivant cet article, l'Assemblée faisait l'appel
suivant:
«Citoyens, prêtres, boyards, soldats, négociants et
industriels, de quelque classe, de quelque nation ou de quelque religion que
vous soyez; vous qui vous trouvez dans les villes ou dans la capitale, grecs,
sorbes, bulgares, allemands, arméniens et Israélites, armez-vous pour maintenir
l'ordre et pour concourir au grand acte. La patrie est à nous et à vous. Il
vous plaît de rester sur son territoire et elle vous reçoit. L'ancien système
ne vous a pas appelés à la table commune. A partir de ce jour nous avons une
table pour tous. Un asile de paternité s'étend devant, nous: les mêmes droits
seront pour nous tous! »
N° 49.
Note du Ministère Golesco, en 1861, pour justifier
les expulsions (60).
Plusieurs journaux étrangers se sont occupés récemment
d'une circulaire émanée du Gouvernement roumain, relativement à la situation
des Israélites dans les principautés.
Il y a ici une question de principes et une question
de circonstances. Le principe de la tolérance peut être invoque à bon droit, et
il est facile de démontrer que toute nation qui revendique pour elle la
liberté, ne devrait pas commencer par la refuser aux autres. Si les Roumains,
qui doivent leur émancipation aux sympathies de l'Europe, se faisaient les
persécuteurs des juifs, il serait difficile à leurs meilleurs amis de les
défendre. Mais là n'est pas la question. Il ne s'agit pas de la violation d'un
principe sacré ici comme partout; les Roumains ont prouvé et prouvent tous les
jours leur tolérance à l'égard des cultes différents du leur. Il y a dans
Bucharest trois églises catholiques, une luthérienne, une calviniste et deux
synagogues.
Il y a des Israélites employés du Gouvernement et
traités avec toute la considération qui leur est due. Les salons du meilleur
monde n'ont jamais été fermés aux Israélites qui ont conquis le droit de cité
par leur intelligence, leur éducation et les services rendus au pays. La
question d'intolérance doit donc être écartée.
Mais il faut savoir que certains pays voisins des
Principautés regorgent d'Israélites qui sont loin d'offrir les garanties
présentées par ceux qui habitent le pays depuis longtemps. Ce sont des hommes,
la plupart sans aveu, qui viennent chercher un refuge dans le pays roumain, et
qui s'y multiplient de manière à compromettre sérieusement les intérêts des
habitants, surtout dans les campagnes. Déjà, sous l'administration du prince
Stirbey, ou avait senti les inconvénients d'une tolérance sans limites, et l'on
dut prendre des mesures pour arrêter une immigration qui prenait les allures d'une
colonisation véritable.
Un décret princier régla les conditions auxquelles
les Israélites pourraient s'établir dans le pays. Ce décret était tombé en
désuétude, et des plaintes s'élevaient de toutes parts, sur l'envahissement des
israélites, lorsque le cabinet Golesco rappela le décret du prince Stirbey et
ordonna que 'tous les juifs établis dans les campagnes eussent à quitter leur
domicile dans le délai de quinze jours. Dans ces termes, la mesure avait
quelque chose qui répugne à nos mœurs. 11 semblait que nous fussions revenus
aces époques barbares où le juif était traqué comme une bête fauve, et condamné
à s'exiler de tous les lieux où le bon plaisir du gouvernement ne le tolérait
pas. Le prince D. Ghika, arrivé au pouvoir, chercha à concilier les exigences
d'une situation exceptionnelle avec les lois de l'humanité; il prolongea le
délai de six mois environ, et fixa le départ des israélites à la saint Démètre,
époque habituelle des renouvellements de contrats, de baux, etc., etc. Voilà la
vérité sur un fait qui, mal raconté, avait donné lieu aux plus fâcheuses
interprétations. En principe, nous sommes partisans de la tolérance absolue et
nous aurions regretté que les Roumains ne l'eussent pas compris comme nous. En
fait, il est des circonstances particulières dont on ne peut être. bon juge que
si l'on voit les" choses de près, et c'est ce qui justifie la conduite du
Gouvernement roumain.
Quant aux accusations personnelles au cabinet
actuel, elles sont sans fondement. Ce n'est pas lui qui a pris l'initiative de
la mesure que nous examinons, il l'a trouvée et il en a adouci l'application.
L'impartialité et la justice forceront tous les hommes sincères à reconnaître
que nul cabinet roumain n'a porté plus loin le respect des lois et de la
liberté,
N° 50*.
Émeute de Bacau, juin 1866 (61).
Jassy, 20 juin.— On écrit à la Presse:
Le chef de police de ce chef-lieu, M. L... M...,
avait prononcé en diverses occasions des harangues dans lesquelles il excitait
la population à la haine des juifs et à des voies de fait. 11 faisait remarquer
que tout ce qui avait été commis jusqu'à présent contre les juifs n'ayant pas
été puni, n'était en conséquence pas illicite. Dans la nuit du 17 au 18 juin,
un fort ramassis de populace, muni de toutes sortes d'armes véritables et
improvisées, parcourut les rues habitées par des juifs et se mit à commettre
les plus graves excès sans que l'autorité fît le moins du monde mine de s'y
opposer. Au moment ou le tumulte était à son comble, plusieurs émeutiers pénétrèrent
dans la maison d'un Israélite et y tuèrent sa servante et une juive. Quand le
mari de cette dernière, entrant dans la chambre, vit le corps ensanglanté de sa
femme, il tomba sans connaissance sur le cadavre de l'infortunée et... fut jeté
en prison par la police, parce que les taches de sang produites sur ses
vêtements par sa chute sur la victime le firent accuser d'avoir assassiné cette
dernière. Beaucoup de familles de Bacau se sont réfugiées, les unes ici, les
autres ailleurs.
N° 51*.
Le prince Charles à Jassy, fin août 1866 (62).
Jassy, 1er septembre. — Le prince Charles est à Jassy.
On écrit de cette ville à la Presse:
Dès les barrières, il eut occasion d'assister a des
scènes peu honorables. Les israélites avaient élevé sur un des points les plus
fréquentés de la ville un bel arc-de-triomphe orné d'inscriptions hébraïques et
roumaines. Sommés par le maire de faire disparaître ces dernières, ils avaient
eu l'énergie de résister, en déclarant qu'ils abattraient immédiatement toute
la construction si l'on persistait à vouloir leur en faire effacer les
inscriptions. On les laissa tranquilles et l'arc-de-triomphe demeura. Mais
lorsqu'ils parurent à l'entrée de la ville pour recevoir le prince, le
bourgmestre et le préfet leur ordonnèrent de se retirer incontinent, sinon ils
ne répondaient de rien. A peine le prince fut-il arrivé, que les cavaliers de
son escorte chargèrent les israélites, qui furent mis en fuite, leurs vêtements
déchirés et quelques-uns de ces malheureux contusionnés. Ce fut, dans la
meilleure forme, une petite chasse aux juifs; le prince la vit avec étonnement,
écouta les harangues de ceux qui l'entouraient, y répondit en français et fit
son entrée dans « la deuxième capitale du pays. »
N° 52.
Circulaire du gouvernement roumain après le sac de
la synagogue de Bucharest, le 18/30 juin 1866 (63).
(Dépêche télégraphique).
Bucharest, le 19 juin/1er juillet 1866.
Citoyens de Bucharest!
Les ennemis de notre nationalité qui ne peuvent jouer
un rôle dans la société qu'en se constituant les agents, les instruments de
l'étranger; les ennemis du nouveau régime, ceux qui souffrent, lorsqu'ils
voient notre nation entrer dans la voie de la régénération en commençant par
déraciner la corruption, les exactions et toute espèce d'abus; ceux qui
souffrent parce qu'ils se sentent les premiers frappés par la destruction de
ces vices; tous ces gens -réunis, enrégimentés, tentent sans cesse et par tous
les moyens, depuis le 11 février, d'arrêter la nation dans sa marche glorieuse.
Ils exploitent l'ignorance, la pauvreté, la
superstition, la peur; ils font des plus nobles sentiments, et même de la foi
nationale, une arme meurtrière pour les libertés publiques et pour notre
nationalité.
Une de ces armes, dont ils se servent depuis quelque
temps dans'toute la Roumanie, est celle qu'ils ont nommée la question des
israélites.
Profitant des justes appréhensions des uns et du peu
de sagesse des autres, ils ont répandu, par tous les moyens, le bruit que le
Gouvernement et la Chambre voudraient donner aux juifs les droits des Roumains.
Le Gouvernement a déclaré, il y a trois jours déjà,
à la Chambre, que l'on ne saurait confondre la religion avec les droits
politiques, mais que, malgré cela, afin d'écarter tout malentendu et toute
fausse interprétation, il a retiré ce principe même, inscrit dans le projet de
Constitution.
Les ennemis des libertés publiques, voyant que cette
arme aussi est près de leur échapper des mains, profitèrent du vertige des
esprits, de l'égarement des uns, de l'ignorance et de l'inexpérience des
autres, et entraînèrent dans la cour de l'assemblée un nombre de trois à quatre
cents hommes qu'ils y conduisirent pour y faire une manifestation contre les
droits imaginaires qu'on prétendait devoir être accordés aux israélites. La
majeure partie de cette multitude était sincère; cependant, parmi elle il y
avait des jeunes gens égarés, dont le patriotisme avait été exploité, quelques
gens enivrés du vin de la corruption et quelques agents directs de ceux qui
voulaient ramener le passé. L'un de ces agents a même essayé de sonner le
tocsin, mais il en a été empêché et il fut arrêté par le vrai peuple.
Les députés étaient à leurs bancs, mais ils ne
voulurent plus délibérer. Leur cœur se serait brisé de douleur si les étrangers
avaient pu supposer un seul instant que le peuple de la capitale s'est porté
contre les mandataires de la nation et que ceux-ci ont délibéré et voté sous
cette pression.
Apres plusieurs débats hors de la Chambre, le peuple
se retira en bon ordre et, les députés n'étant plus en nombre, la séance tut
levée.
Cependant, par malheur, les ennemis et d'autres
misérables ont conduit une bande d'hommes à la synagogue israélite, ou elle
pénétra et se livra au pillage jusqu'à l'arrivée d'un détachement de la garde
nationale, laquelle s'est montrée digne d'être l'armée libre d'une nation
libre. En quelques instants l'ordre fut rétabli.
C'est à vous, citoyens de Bucharest, que nous nous
adressons maintenant. C'est à vous que nous dénonçons le malheureux incident
d'aujourd'hui, et c'est sur vous que nous ferons retomber la responsabilité du
renouvellement de pareils actes.
La révolution du 11 février vous a donné toutes les
libertés et des armes pour les soutenir. L'Europe entière a applaudi à l'acte du
11 février et l'a appuyé, parce qu'elle nous a crus mûrs pour la liberté; et
c'est aujourd'hui, dans le moment môme où l'Assemblée nationale discute la
Constitution qui doit nous assurer tous les droits et toutes les libertés;
aujourd'hui, lorsque nous sommes à la veille de voir reconnus par la Cour
Suzeraine et les puissances garantes tous les actes accomplis par nous depuis
le 11 février; c'est aujourd'hui, lorsque l'Europe se trouve engagée dans une
lutte gigantesque, lorsque quarante mille soldats nous menacent, c'est
aujourd'hui que l'on s'unit à quelques agents de perdition et de corruption
pour mettre tout en péril!
Vous citoyens de Bucharest, vous commerçants de la
capitale, vous peuple de 1848, de 1857, de 1859 et du 11 février 1866,
resterez-vous les bras croisés et laisserez-vous perdre nos libertés, notre
honneur et notre nationalité? Cela ne peut pas être, nous ne pouvons pas
l'admettre.
Le Gouvernement actuel vous a donné des libertés
publiques, il vous a donné des armes et il a déclaré aux Puissances que vous
êtes mûrs pour les posséder.
En face de la nation, le Gouvernement déclare
maintenant qu'il vous laisse la responsabilité de veiller sur ceux qui, par
ignorance, se laissent prendre aux pièges des traîtres.
Le Gouvernement remplira son devoir à l'égard des
gens sans foi ni loi. Il remplira son devoir à l'égard même de ceux qui
sortiront dans les rues dans le but de troubler la tranquillité publique. Ils
se trompent beaucoup ceux qui ont pris son indulgence pour de la faiblesse. Ce
serait commettre un crime que de laisser une nation se perdre par
l'inintelligence des uns et lu trahison des autres. Le Gouvernement a pu vous
donner les libertés publiques;
mais nous vous rappelons et nous vous engageons à ne
pas oublier que ces libertés ne se conservent chez aucune nation que par la
nation elle-même, par des sacrifices et par une tranquillité digne et
intelligente (64).
L. Catargi, C. A. Rosetti, J. Cantaguzin, Jean Bratiano, Demètre, Stourdza, Général Jean Ghica.
38.
Buj.
I, 1984.
39.
Arch.
isr. 1869, p. 54.
40.
Kcho
danub., 7/19 juin
1868.
41.
Echo
danub., 6/18
févr. 1870.
42.
Picot,
p. 75.
43.
Allgemeine
Zeitung des Juilenthums (Bonn), 1872. p. 491. La dé-fense faite aux juifs d'avoir des
domestiques a été affichée sur les murs de Jassy le 8 mai 1872.
44.
Echo
dan., 3/15 nov.
1867.
45.
Écho
dan., 13/25
octobre 1867,
46.
Arch.
isr., 1868. p.
321.
47.
Mémorial
diplomatique.
Paris, 1867, p. 376.
48.
J.
Brociner: Conventiunea austro-romana si trihunalul din Galatz. Galatz,
1876.
49.
Journal
de Bucharest, 10
novembre 1876.
50.
Mémor.
dipt. 1877, p.
217. Une déclaration identique a été signée avec l'Angleterre, le 4 déc. 1876.
Voir London Gazette, 5 déc. 1876.
51.
Bulletin,
mens. de l'All, isr. univ. 1876, p. 112.
52.
Ibid, p. 122 à 124.
53.
Stenographisches
Protokoll, p.
6583.
54.
Ibid., p. 6602.
55.
Stenographisches
Protokoll, p.
6616 et 6625.
56.
Stenographisches
Protokoll, p,
6643.
57.
Deutsche
Zeitung, 4 mars
1876.
58.
Ubicini:
la Question d'Orient, p. 249.
59.
Echo
dan. 15/27 juin
1868.
60.
Arch.
isr. 1861, p.
627. D'après le journal le Temps et la
Voix de la Roumanie,
61.
Allg. Z. d. J., 1866, p. 460.
62.
Allg.
Ztg. d..J., 1866,
p. 6-20. Cp. Arch. isr. 1866, p.
945.
63.
Notre
traduction est empruntée à la brochure intitulée: La question des israélites
devant la cour d'appel de Jassy,.. Jassy, 1867, p. 62.
64.
Voir
plus haut, p. 149, la lettre écrite par M. Drouin de Lhuys, ministre des
affaires étrangères de France, à M. Ad. Crémieux, à l'occasion de ces
événements.