Alix de Hesse:
Chapitre 4:
La naissance d'un héritier
par Jesús Ibarra
Traduction francaise par Madelayne Robitaille
Version Anglais
English Versio
n
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Chapitre 3
Chapitre 5
Olga
Tatiana
Marie
Anastasia
Alexei
Quelques mois avant la naissance d'Anastasia, le 21 janvier 1901, la grand-mère d'Alexandra, la reine Victoria, mourut. Alexandra était dévastée, de plus, elle ne pouvait assister aux funérailles en raison de sa grossesse. Le 28 janvier, elle écrivit à sa soeur Victoria de Battenberg: 'Comme je vous envie d'avoir la chance de voir notre bien-aimée grand-maman être conduite à son dernier repos. Je ne peux croire qu'elle soit réellement partie, que nous ne puissions plus jamais la voir. Celà paraît impossible puisque nous avons encore le souvenir de sa présence dans nos vies, jamais il n'exista un être plus cher. Le monde entier pleure sur elle. L'Angleterre sans sa reine ne semble pas possible. Soyons reconnaissant que la souffrance physique lui ait été épargnée mais, moralement, elle eut trop à porter cette année.' L'empereur Wilhelm avait toujours conseillé à Nicholas de favoriser une expansion des territoires russes vers l'Asie car il souhaitait conserver la Russie loin des intérêts de l'Allemagne en Europe. En ce moment, Nicholas avait des vues sur la Manchourie et la Corée que ses troupes occupaient depuis 1900. De plus, la Russie se servait de Port Arthur, un port de la Manchourie du Sud épargné par le gel des eaux, comme d'une base navale. Mais, le Japon devenait puissant et désirait jeter la Russie hors des territoires asiatiques. Le 13 janvier 1904, le gouvernement russe reçut un message du Japon demandant si les russes avaient l'intention de respecter l'intégrité des territoires chinois, on faisait bien sûr référence à la Manchourie et à la Corée. La Russie, qui considérait le Japon comme un pays insignifiant, ne répondit jamais et, le 5 février, la Japon rompit toutes relations diplomatiques avec le gouvernement russe. Le 8 février, une flotte japonaise attaqua l'escadre russe stationnée à Port Arthur et, le 10 février, le Japon déclara officiellement la guerre à la Russie et bloqua la flotte russe à Port Arthur. L'empereur Wilhelm pressa Nicholas d'envoyer la flotte qui mouillait dans la Baltique pour aider celle de Port Arthur; après une longue période d'indécision, Nicholas accepta le conseil de Wilhelm. Malheureusement, la flotte en provenance de la mer Baltique était en mauvais état et n'arriva à Port Arthur qu'en mai 1905 alors qu'elle était en route depuis octobre 1904. Port Arthur constitua une défaite de taille pour la Russie puis, les japonais écrasèrent complètement sa flotte; le 6 juin 1905, la Russie capitula. Pendant le conflit russo-japonais, Alexandra s'était montrée très active; elle transforma les galeries du Palais d'Hiver en ateliers de guerre, on y fabriquait des bandages avec des draps et tout autre objet pouvant être utile aux blessés puis, on envoyait le tout à la Croix-Rouge. Alexandra était encore enceinte et, le 12 août 1904, elle donna naissance à l'héritier si longtemps attendu: le tsarevitch Alexei. Le tsarevitch fut baptisé à l'Église Peterhof devant plusieurs rois et reines européens, incluant l'arrière-grand-père du petit prince, le très âgé roi Christian IX du Danemark. Ses parrains étaient l'empereur Wilhelm II, le roi Edward VII, son oncle Ernest Ludwig de Hesse et, sa marraine était l'impératrice douairière. Selon la coutume russe orthodoxe, les parents devaient s'absenter lors du baptême. La cérémonie fut célébrée par le vieux père Yanishev, confesseur de la famille impériale depuis des années. La princesse Marie Golitsyn, une dame d'honneur nonagénaire qui, selon la tradition portait les enfants impériaux sur les fonts baptismaux porta aussi Alexei mais, en raison de son grand âge, on dut prendre certaines précautions. Quand la cérémonie se termina, Nicholas (Alexandra était alitée, récupérant de son accouchement) se précipita dans l'Eglise; il avait attendu dehors, terrifié à l'idée que le vieux prêtre ou la princesse âgée puisse échapper l'enfant dans la vasque utilisée pour le baptême. Six semaines après sa naissance, Alexei commença à saigner du nombril; l'hémorragie dura deux jours pendant lesquels les docteurs appliquèrent toutes sortes de bandages et essayèrent diverses cures, mais le saignement persistait. Quand le tsarevitch commença à marcher, à toutes les fois qu'il tombait, de grosses bosses se formaient sous sa peau et le pauvre enfant pleurait de douleur. Alexandra était sous le choc, il était évident qu'Alexei était atteint d'hémophilie, cette terrible maladie de sang transmise par sa famille. Elle était déjà consciente du danger, son oncle Leopold était hémophile et son propre frère, Friedrich, était mort dans son enfance à cause de cette maladie. Son neveu Henry, fils de sa soeur Irene, était mort en février de cette année, aussi à cause de l'hémophilie. Alexandra avait transmis à son fils bien-aimé le gène défectueux et, elle se sentait coupable des souffrances de son enfant. La maladie d'Alexei fut gardée secrète dans l'intimité de Tsarkoe Selo; même le reste de la famille n'était pas au courant. Le conflit russo-japonais avait provoqué le mécontentement, la pauvreté et la faim chez le peuple russe. Avant la naissance d'Alexei, le Ministre de l'intérieur, Phleve, avait été assassiné par un terroriste. Le père George Gapon, un prêtre de 32 ans qui était aussi un informateur de la police, avait créé et organisé une union de travailleurs, l'Assemblée des manufactures Russes et des travailleurs d'usine dont le but était de revendiquer de meilleures conditions de vie et de travail pour les travailleurs tout en renforçant chez-eux le sentiment monarchique. Il leur dit que le tsar n'était pas le responsable de leurs souffrances mais que les patrons d'usine l'étaient; si Nicholas savait comment vivaient ses sujets, il leur viendrait assurément en aide. En janvier 1905, Gapon conçut l'idée de diriger personnellement une manifestation de travailleurs devant le Palais d'Hiver afin de présenter une pétition au tsar au nom du peuple russe. Il n'avertit aucun membre du gouvernement de ses intentions jusqu'au samedi 21 janvier quand il les informa que la marche allait avoir lieu le jour suivant et demanda que le tsar soit présent pour recevoir la pétition. Le Ministre de l'intérieur, Sviatopolk Mirsky était inquiet. Lui et le reste des ministres se rassemblèrent et décidèrent qu'il était impossible que Nicholas, qui résidait à Tsakoe Selo et ignorait tout de la manifestation organisée par Gapon, puisse rencontrer le prêtre. On décida également que des troupes supplémentaires allaient garder le Palais d'Hiver pour prévenir tout désordre. Ce soir là, Mirsky informa Nicholas des plans de Gapon pour le lendemain. Le tsar écrivit: 'Depuis hier, toutes les usines sont en grève. Des troupes ont été rappelées des régions environnantes pour renforcer la garnison. Jusqu'à maintenant, les travailleurs sont restés calmes. Leur nombre: 120, 000 personnes. C'est un prêtre qui est à la tête de l'union des travailleurs (le socialiste Gapon). Mirsky est venu me voir en soirée pour me faire un rapport sur les mesures prises.' Au matin du dimanche 22 janvier, le père Gapon entama sa marche à la tête de milliers d'ouvriers. En marchant, ils chantaient des hymnes religieux ainsi que l'hymne impérial 'Dieu sauve le tsar'. À deux heures de l'après-midi, ils arrivèrent devant le Palais d'Hiver. Une rangée de gardes de la Preobrajensky bloquait l'accès au Palais; on leur avait dit que les ouvriers voulaient assassiner le tsar. Quand les gardes aperçurent la foule qui avançait vers le Palais, ils firent feu. Les balles frappèrent les hommes, les femmes et les enfants sans distinction, il y avait du sang partout. On dénombra 92 morts et des centaines de blessés. Plusieurs des meneurs de cette marche furent arrêtés et Gapon disparut. Ce triste jour prit le nom de 'Dimanche sanglant'. De la retraite où il se cachait, Gapon dénonça publiquement le tsar en ces termes: 'Nicholas Romanov est maintenant le meurtrier de l'âme de la Russie'. Il devint un vrai révolutionnaire mais, le parti socialiste croyant qu'il conservait des liens avec la police le condamna à mort. On le trouva mort, pendu à une corde, dans un cottage abandonné en Finlande au mois d' avril 1906. Comme Nicholas, Alexandra était effondrée devant les événements de ce 'Dimanche sanglant'. Elle croyait que son devoir était de supporter son mari pendant ces jours difficiles et de le guider dans l'exécution de ses devoirs de dirigeant. Elle pria Dieu de lui donner la sagesse d'aider Nicholas à faire des jugements politiques judicieux et à choisir les ministres adéquats. Trois semaines après la 'Dimanche sanglant', le beau-frère d'Alexandra, le grand-duc Serge, époux de sa soeur Ella et oncle de Nicholas, fut assassiné à Moscou. À la mi-octobre, la Russie toute entière était paralysée par une grève générale. Les trains s'arrêtèrent, les écoles et les hôpitaux fermèrent leurs portes et les bateaux demeurèrent amarrés au port. Une nouvelle organisation de travailleurs vit le jour; elle portait le nom de 'Soviet' et bientôt, un leader prit sa tête, il s'agissait de Leon Trotsky. Comme les membres du 'Soviet' menaçaient de détruire toutes les usines qui fonctionnaient encore, le gouvernement mit en place des escadrons de cosaques pour patrouiller tous les coins et recoins de la ville. Selon le Premier ministre Serguei Witte, il n'existait que 2 moyens d'arrêter une rébellion possible: une dictature militaire ou la création d'une Douma (Parlement) qui défendrait les droits civils du peuple et sa liberté de parole et de presse. Ceci équivaudrait à une constitution et sonnerait le glas de l'autocratie. Witte rédigea un manifeste proposant la création d'une Douma et, après en avoir discuté la possibilité avec le Ministre pendant 2 jours, Nicholas signa le manifeste. Le tsar écrivit: 'Ma seule consolation est qu'il s'agit là de la volonté de Dieu et que cette grave décision va sortir ma chère Russie de l'intolérable chaos dans lequel elle baigne depuis près d'un an.' De par le Manifeste Impérial du 30 octobre 1905, la Russie cessait d'être un état autocratique pour devenir une monarchie semi-constitutionnelle. Mais, les choses ne se passèrent pas comme Witte l'avait prévu. La situation de la Russie, loin de s'améliorer, empira. Le Premier Ministre devint si impopulaire que Nicholas dut lui demander de démissionner. Les filles de Nicholas et d'Alexandra étaient très attachées l'une à l'autre. Olga, l'aînée était celle qui ressemblait le plus à son père, elle était aussi très proche de lui. C'était une jeune fille timide aux longs cheveux châtains et aux yeux bleus. La seconde fille, Tatiana était plus proche d'Alexandra, elle était grande et mince, son abondante chevelure était rousse et ses yeux gris foncé. Elle éclipsait généralement sa soeur aînée et, des quatre jeunes filles, c'est elle qui prenait les décisions. La troisième fille, Marie, avait les joues roses, une magnifique chevelure châtain et de grands yeux bleus foncés. Elle était un peu grasse mais, vivace, un peu batifoleuse, enjoué et paresseuse. Elle aimait parler du mariage qu'elle ferait et des enfants qu'elle allait avoir. La cadette, Anastasia, était petite, boulotte et plutôt masculine. C'était aussi une farçeuse mais, ses plaisanteries allaient parfois trop loin. Elle pouvait aussi se montrer entêtée et impertinente mais, elle avait le coeur sur la main. Le tsarevitch Alexei était: 'le centre de cette famille unie; le point de mire de tous leurs espoirs et de leurs affections' comme l'écrivit Pierre Gillard, le tuteur du gamin. Comme tous les garçons de son âge, il débordait d'entrain et d'énergie mais, l'hémophilie jetait une ombre constante sur sa vie. La plus minime égratignure ou le plus léger coup pouvait causer la rupture d'un vaisseau sanguin sous sa peau et déclencher l'hémorragie dans les tissus musculaires et les articulations provoquant des douleurs insupportables chez l'enfant et le rendant même incapable de marcher. Deux marins, Dverevenko et Nagorny, avaient pour mission de veiller en permanence sur le tsarevitch. Alexandra était tourmentée d'avoir à assister aux souffrances de son fils bien-aimé. Elle le surprotégeait et priait constamment, heure après heure pour la guérison de son fils. C'est pendant cette période d'interminable agonie que surgit le personnage malveillant et malfaisant qu'était Rasputin.