Elisabeth de Hesse, Grande Duchesse de Russie (1864-1918)
par Jesús Ibarra
Traduction francaise par Madelayne Robitaille
Version Anglais
English Versio
n
Rentrer Reine Victoria
Grande Duchesse Elisabeth (Ella)
Serge Alexandrovitch, Grand Duc de Russie
Elizabeth de Hongrie est née en 1207 à Bratislava (maintenant en Slovéquie) et était la fille de Andreas II, roi de Hongrie. En 1220, elle épousa Ludwig, héritier du trône de Thuringie qui deviendrait plus tard le landgrave Ludwig IV. Elizabeth était déchirée entre son amour pour son mari et sa compassion pour les pauvres. La légende dit qu'elle rencontra un jour un lépreux et l'amena chez-elle; elle le baigna, le nourrit et le fit se reposer dans le lit marital. Quand son mari furieux repoussa les draps, ce n'est pas le lépreux qu'il vit mais une image du Christ crucifié. Après la mort de Ludwig en 1227, Elizabeth quitta la cour de Thuringie et alla vivre à Marburg où elle donna toutes ses possessions aux pauvres, fonda des hôpitaux et entra dans l'ordre de St-François, passant le reste de sa vie à soigner les malades et à aider les indigents. Elle mourut en 1231 et fut canonisée en 1235 par le pape Grégoire IX. Sa fille Sophie fut la mère du premier landgrave de Hesse, Henry I. L'histoire de l'ancêtre de son mari, St-Elizabeth de Hongrie, fit une profonde impression sur la princesse Alice de Grande-Bretagne qui avait épousé le prince Louis de Hesse Darmstadt. Le 1er novembre 1864, Alice donna naissance à son second enfant qu'elle fit baptiser du prénom de la sainte. Elizabeth Alexandra Louise Alice était son nom complet mais, on se contentait de la surnommer Ella. Alice ne savait pas à quel point la vie de sa fille allait être similaire à celle de Ste-Elizabeth. Elizabeth eut une enfance protégée et sans souci avec sa soeur aînée Victoria à laquelle elle était très attachée. En 1866, durant le conflit austro-prussien, la princesse Alice envoya Victoria et Ella à Windsor où elle croyait qu'elles seraient plus en sécurité sous la protection de leur grand-mère, la reine Victoria. Les fillettes passèrent sept semaines en Angleterre et retournèrent chez-elles à la fin de la guerre. Ella était ravie de revoir sa mère et de découvrir qu'elle avait une nouvelle soeur, Irene, née quand elle et Victoria étaient en Angleterre. Des trois fillettes, Ella était la plus jolie et elle se montrait plus docile que Victoria. Darmstadt reçevait les fréquentes visites de l'impératrice Marie de Russie, grande-tante d'Ella et soeur de son grand-père, le prince Charles de Hesse. L'impératrice Marie était l'épouse du tsar Alexander II et, quand elle venait à Darmstadt, elle amenait généralement ses deux jeunes fils, Serge et Paul légèrement plus âgés qu'Elizabeth. Serge et Elizabeth s'attachèrent immédiatement l'un à l'autre. En 1870, une autre guerre dévasta l'Europe, le conflit franco-prussien. Ce fut la première fois qu'Elizabeth constata la réalité de la guerre. La princesse Alice passait son temps à soigner les soldats blessés et Ella était en contact direct avec la souffrance. Parmi les enfants de Hesse, l'aînée, Victoria était celle qui menait ses soeurs. Elle était 'garçon manqué' alors qu'Elizabeth était plutôt féminine. En grandissant, elle commença à se rebeller contre les règles établies par Victoria et les deux soeurs se partagèrent désormais l'autorité. En novembre 1878, tous les enfants de Hesse, sauf Ella, attrapèrent la diphtérie. Ella, accompagnée de sa gouvernante Margaret Hardcastle Jackson, fut envoyée chez sa grand-mère paternelle afin d'éviter qu'elle ne soit contaminée à son tour. Le grand-duc Louis tomba malade. La princesse Alice soigna sa famille et contracta finalement la maladie. La cadette May, mourut le 16 novembre suivie dans la tombe par sa mère le 14 décembre. Le reste de la famille guérit. Quand Elizabeth put enfin revoir sa famille, elle écrivit: 'Ce fut une rencontre terriblement triste, personne n'osait parler de ce qui préoccupait ses pensées. Pauvre papa qui avait l'air si misérable. Ernie, très pâle mais calme, qui ne réalise pas encore, comme chacun de nous, que ce qui semble être un horrible rêve est réel'. À partir de ce moment, la reine Victoria veilla sur ses petits-enfants orphelins comme une mère l'aurait fait. Plus elle se dirigeait vers l'adolescence, plus Elizabeth devenait attirante aux yeux des hommes, elle allait être très belle. Il existait une école préparatoire pour l'armée à Darmstadt et bientôt, plusieurs jeunes anglais se mirent à visiter régulièrement les filles de Hesse. Le premier homme qui posa les yeux sur Elizabeth fut lord Charles Montagu, fils de la duchesse de Manchester, une amie de la princesse Alice, qui était à Darmstadt pour y étudier l'allemand. Un autre anglais, Henry Wilson, qui allait plus tard se distinguer comme soldat, écrivit à propos d'Elizabeth: 'Elle était la plus belle des créatures de Dieu que j'ai jamais vues'. En 1879, Elizabeth attira l'attention de son cousin, le prince Wilhelm de Prusse (futur empereur Wilhelm II). Wilhelm était un visiteur régulier à Darmstadt et durant ses visites, les enfants de Hesse devaient supporter ses manières arrogantes. Il devint profondément amoureux d'Elizabeth; il la voulait toujours à ses côtés, assise près de lui, jouant avec lui ou l'écoutant discourir. Il lui écrivit même des poèmes d'amour qu'il lui envoyait de Bonn où il étudiait. Mais, tous ses efforts n'eurent aucun résultat parce qu'Ella ne ressentait aucune attirance envers lui. Elle le trouvait arrogant et tyrannique au point de le détester, de plus, elle n'éprouvait aucun enthousiasme à l'idée de devenir impératrice d'Allemagne. Elle haïssait le militarisme et le formalisme de la cour prussienne. Elle refusa donc poliment l'offre de Wilhelm. Malgré tout, il conserva longtemps la photo d'Ella dans son bureau. Quatre mois plus tard, il épousait Augusta de Schleswig-Holstein, une petite-fille de la demi-soeur de Victoria, Feodora et, il refusa de revoir Elizabeth. Si Elizabeth avait épousé Wilhelm, la destinée de l'Europe aurait peut-être été différente; elle croyait fortement aux idées libérales de son grand-père, le prince Albert, comme sa tante Vicky (la mère de Wilhelm). Comme Vicky le fit avec son mari, elle aurait pu influencer Wilhelm afin qu'il oriente sa politique vers l'Angleterre et non contre elle et, la première guerre mondiale aurait pu être évitée. En septembre 1879, la tante du grand-duc Louis, l'impératrice Marie de Russie, vint à Darmstadt afin de prendre quelque repos après avoir été très malade. Ses deux fils, Serge et Paul, amis d'enfance de Ella, l'accompagnaient. Quand le grand-duc Serge aperçut Ella, devenue une jeune femme, il l'aima instantanément. Serge était grand et mince, il avait une figure agréable, les yeux verts et il portait une courte barbe. C'était un homme solitaire, profondément religieux et doté d'un esprit artistique. La première impression que Victoria et Ella éprouvèrent envers les deux frères fut que ceux-ci étaient ennuyeux. En octobre, ils rentrèrent en Russie. Durant les deux années qui suivirent, une série de terrifiants événements se produisirent en Russie qui allaient revêtir une importance primordiale pour l'avenir d'Ella. L'impératrice Marie, très malade, était couchée dans sa chambre à l'étage du Palais d'Hiver alors que le tsar Alexander II était au rez-de-chaussée avec son beau-frère, le prince Alexander de Hesse et les fils du prince, Louis et Alexander quand une terrible explosion se produisit dans la salle à dîner. Heureusement, personne ne fut blessé. L'impératrice Marie était si malade qu'elle n'entendit pas l'explosion, celle-ci avait été causée par une bombe placée dans le Palais pour tuer le tsar. L'impératrice Marie mourut le 3 juin sans que personne ne soit présent à son chevet. Quelques semaines plus tard, Alexander II épousa sa maîtresse Ekatherina Dolgoruki. Le 31 mars 1881, Alexander, en chemin pour rentrer au Palais d'Hiver subiit un autre attentat, cette fois-ci, il n'échappa pas à la mort. Un terroriste nihiliste avait jeté une bombe vers le carrosse du tsar, Alexander n'étais pas blessé mais, quand il débarqua du carrosse pour voir ce qui se passait, un autre terroriste lança une seconde bombe. Cette fois, le corps du tsar fut déchiqueté et son visage défiguré. Toujours vivant, il fut transporté immédiatement au Palais d'Hiver où il mourut quelques heures plus tard. Le grand-duc Serge était en Italie au moment de l'assassinat de son père. Il avait toujours beaucoup aimé celui-ci et, pour lui, la personne du tsar était sacrée, personne ne devait y poser les mains. Une haine irrésistible contre les terroristes et le courant révolutionnaire monta en lui et, à partir de cet instant, il décida de défendre le pouvoir autocratique du tsar. Il prit les commandes du régiment Preobrazhensky et y imposa une discipline toute personnelle. Dans ce régiment prévalait les beuveries où l'alcool coulait à flots et aussi une camaraderie si profonde entre les hommes qu'elle prenait parfois des allures d'homosexualité. Un des passe temps favoris des membres du régiment était de courir nus dans la neige en pleine nuit en hurlant comme des loups tout en engloutissant du champagne. On dit que c'est Serge qui eut l'idée de ce loisir. C'est à cette époque qu'on commença à soupçonnert que Serge était homosexuel. En 1882, Serge et son frère Paul se rendirent en Hesse. Cette fois, Elizabeth le vit sous un autre jour, elle le vit comme un homme éprouvé par la perte récente de ses parents. Elle avait ressenti la même chose lors de la mort de sa mère. Elle était également attirée par sa culture et par son sens religieux, elle devint amoureuse. Elle conservait quand même encore quelques doutes car elle n'aimait pas la Russie et sa grand-mère, la reine Victoria, qui avait toujours détesté les russes lui conseilla d'éviter cette union. Elle prit finalement sa décision et accepta d'épouser Serge.
Grande Duchesse Elisabeth, religieuse de l'ordre de Ste. Marthe et Ste. Marie, dont elle est la fondatrice.
Soeur Varvara
Le 13 octobre 1883, Elizabeth écrivit à la reine Victoria: 'Chère grand-maman, j'ai bien peur que cette lettre ne vous cause pas autant de plaisir que je l'aimerais mais, elle concerne mon bonheur et vous avez toujours été très gentille avec moi. J'aimerais que vous sachiez ce que je pense de Serge... Je serai heureuse avec lui... nous avons les mêmes goûts et, même si certaines de ses opinions me déplaisent, ne pensez-vous pas, chère grand-maman, que je puisse lui aider à s'améliorer? Nous avons tous deux éprouvé le grand chagrin de perdre quelqu'un que nous aimions et cela nous a rapproché. Je pense savoir ce que je fais... s'il vous plaît, pardonnez moi si ce que je ferai devait vous vexer.' Bien sûr, Victoria fut choquée et elle écrivit à Victoria, la soeur d'Ella: 'Cette chère Ella est vraiment changeante et peu fiable, elle m'a dit combien elle haïssait les russes, elle a refusé Serge 3 fois et maintenant, elle l'accepte et oublie tout le reste'. L'annonce officielle des fiançailles d'Elizabeth au grand-duc Serge fut faite le 26 février 1884 en présence du frère de Serge, le tsar Alexander III et de son épouse, l'impératrice Maria Fedorovna qui décora Ella de l'ordre de Ste-Catherine et lui offrit une broche de diamants et de saphirs. Serge lui donna un châle et un bracelet qui avait appartenu à sa mère. La reine Victoria finit par accepter cette union et elle écrivit une lettre à Ella pour lui donner sa bénédiction. Plus tard, Ella visita la reine à Windsor. Victoria lui donna une multitude de conseils et d'avertissements sur sa vie de femme mariée en Russie. Elizabeth et Serge se marièrent le 14 juin 1884 à St-Petersburg. Elizabeth portait les bijoux de la Grande Catherine, un diadème serti d'un diamant rose, un collier de diamants, de lourdes boucles d'oreille en forme de cerises. Elle portait sur la tête un voile de dentelles recouvert d'une couronne écarlate décorée d'une croix et couverte de diamants. Les nouveaux mariés passèrent leur lune de miel dans une propriété (Illinskoe) que Serge avait héritée de sa mère et située à 10 milles de Moscou. Il devint rapidement évident pour Elizabeth que Serge n'éprouvait aucune attirance physique pour elle. Elle est toujours demeurée très discrète à ce sujet. Il n'existe aucune preuve tangible de l'homosexualité de Serge mais, le fait que toutes les femmes de la famille de Ella se soit toujours montrées extrêmement fertiles et qu'elle demeura sans enfants rend la chose presque certaine. Malgré tout, Ella était déterminée à 'aimer, honorer et obéir à son époux'. À mesure que le temps passait, l'adoration qu'elle avait éprouvée pour Serge se transformait en amour fraternel, elle l'aimait maintenant comme elle avait aimé son père ou son frère. Serge lui montrait également un amour paternel, il ne cessait de lui offrir des bijoux et des vêtements coûteux. Elizabeth voulait désespérément avoir des enfants et, son espoir d'améliorer les opinions de Serge se heurta à un mur, celui-ci était inflexible et ses vues politiques demeurèrent irrévocables, Elizabeth dut donc abandonner l'espoir d'assouplir le caractère de son mari. Elle se réfugia dans la religion. Elle avait l'habitude d'assister aux services luthériens mais, en 1888, elle fit un voyage en Terre Sainte qui allait bouleverser sa vie. Ste-Magdalen, une église russe orthodoxe avait été bâtie à Jérusalem au pied du Mont des Oliviers, c'était un mémorial en l'honneur de la mère de Serge, l'impératrice Marie. Alexander III demanda à ses frères Serge et Paul de le représenter lors de la consécréation de l'église et Elizabeth se joignit à eux en septembre 1888. Elle écrivit à son frère: 'Vous ne pouvez vous faire une idée de la joie que celà représente de visiter tous ces endroits saints, d'emprunter les mêmes routes que celles sur lesquelles notre Seigneur a marché et vécu. Vous ne pouvez imaginer quelle impression profonde celà m'a fait d'entrer dans le Saint Sépulcre'. C'est à cet endroit qu'Elizabeth pria pour avoir un enfant. Lors de la consécréation de l'église Ste-Magdalen, l'émotivité du service religieux orthodoxe lui fit douter de la religion luthérienne et elle commença à croire que la religion russe était la vraie religion. À son retour à St-ëtersburg, Ella était une autre personne, elle avait découvert que l'orthodoxie offrait l'approche la plus directe avec Dieu. Elle écrivit à son frère: 'J'adore mon nouveau pays et j'apprend à aimer sa religion'. Ses nouveaux intérêts envers l'orthodoxie lui aidèrent à se rapprocher de son époux. Ils passaient ensemble de longues soirées à Illinskoe à lire des ouvrages orthodoxes et Serge lui expliquait les points obscurs de la doctrine. Le 1er janvier 1891, Ella écrivit à son père à propos de la décision qu'elle avait prise de se convertir. Le grand-duc Louis en fut choqué et lui répondit avec colère: 'Dieu vous protège et vous pardonne si vous vous trompez'. D'un autre côté, sa soeur Victoria et sa grand-mère la reine comprenaient sa décision. Quelques jours plus tard, Elizabeth se convertit à l'orthodoxie et devint 'la vraie croyante grande-duchesse Elizabeth Feodorovna'. Après sa conversion, Ella prit l'habitude de prier parmi les paysans ce qui la rendit très populaire. Le prince Nicholas de Grèce écrivit à son sujet: 'Après sa conversion son caractère se teinta d'un mélange d'idéalisme et de mysticisme qui, ajouté à son charme naturel, faisait que tous ceux qui entraient en contact avec elle l'adoraient. La propagation du radicalisme et des doctrines nihilistes, socialistes et marxistes parmi les étudiants de Moscou forcèrent le tsar Alexander III à adopter une politique de répression et il croyait que l'homme idéal pour développer cette politique était son frère, le grand-duc Serge, il le nomma donc gouverneur-général de Moscou. Serge et Elizabeth quittèrent donc St-Petersburg et s'installèrent à Moscou. Bientôt, Serge se mit à exercer sa politique de la plus brutale des manières. Il ordonna que 20,000 juifs soient exilés de la ville où ils vivaient et que ceux qui choississaient de rester pour quelque raison que ce soit soient traités le plus durement possible; les jeunes filles juives furent forcées de s'enregistrer comme prostituées si elles désiraient rester à Moscou. De sévères restrictions furent aussi imposées aux étudiants et aux professeurs des universités. Avec ces mesures, Serge se fit un nombre incalculable d'ennemis. Pour Elizabeth, ce fut une désagréable surprise que de découvrir ce côté sombre du caractère de Serge qu'elle détesta immédiatement. Elle le croyait bon chrétien, incapable de telles cruautés et elle commença à prendre ses distances vis-à-vis lui, de son côté, il entreprit de s'entourer d'amis excentriques. La vie d'Elizabeth devint plus solitaire à Moscou qu'elle ne l'avait été à St-Petersburg. Elle se dévoua à amasser de l'argent pour les gens qui crevaient de faim; elle visita les hôpitaux, les prisons et les orphelinats. Elle tenta même de bâtir un refuge pour accueillir les mères célibataires et leurs enfants illégitimes. Sa popularité croissait et celà compensait un peu l'impopularité de Serge. Durant l'été de 1891, le frère de Serge, le grand-duc Paul et son épouse, Alexandra de Grèce ainsi que leur fille Marie, âgée de un an vinrent s'installer à Illinskoe avec Serge et Elizabeth. Alexandra était la fille du roi George 1 de Grèce qui était lui-même le frère de la tsarine et de la reine Olga, petite-fille du tsar Nicholas I et cousine au premier degré de Serge, elle était donc apparentée de près à la famille russe impériale. Elle avait épousé Paul en 1889 et était devenue la meilleure amie d'Elizabeth. Quand elle visita Illinskoe en 1891, elle attendait son second enfant. Un matin, Alexandra marcha de la maison jusqu'à la rivière Moscou et sauta dans un bateau qui sillonnait la rivière, sans s'en rendre compte, elle venait d'enclencher le processus d'accouchement. Le soir même, elle fut prise de douleurs, bien en avance sur la date prévue pour la naissance. On ne trouva pas de docteur aux alentours et elle dut être aidée par une sage-femme. Alexandra tomba dans le coma et demeura inconsciente pendant 6 jours au bout desquels elle mourut en donnant naissance à un fils prématuré. Le grand-duc Paul éclata en sanglots et Serge le prit dans ses bras. Elizabeth et Serge prirent en charge l'orphelin. Il fut appelé Dimitri. Ella écrivit à la reine Victoria: 'C'est un adorable petit garçon bien gras avec un caractère des plus joyeux'. Plus tard, Paul amena l'enfant avec lui à St-Petersburg mais, à chaque mois de décembre, ils venaient passer Noël avec Elizabeth et Serge. La plus jeune soeur d'Elizabeth, Alix, avait rencontré le tsarevitch lors du mariage de la première en 1894, Alix avait alors 14 ans. Plus tard, les deux jeunes gens se rencontrèrent de nouveau alors qu'Alix visitait sa soeur, Nicholas était devenu amoureux d'Alix mais celle-ci n'était pas certaine des sentiments qu'elle éprouvait envers lui. Ella l'a toujours encouragé à accepter Nicholas. Un des obstacles majeurs à cette union aux yeux d'Alix était le changement de religion. Ella ne fut pas forçée d'embrasser la foi orthodoxe puisque Serge se trouvait bien loin sur la liste de succession au trône mais, l'épouse de l'héritier direct devrait inmanquablement se convertir à la religion de son époux. Ella essaya d'expliquer la doctrine orthodoxa à Alix, elle lui prêta même des livres. Elle fit tout ce qui était en son pouvoir pour la convaincre. Finalement, lors du mariage de son frère Ernest à Cobourg la même année (1894), Alix et Nicholas se fiançèrent. À partir de là, les événements se précipitèrent; le tsar Alexander III mourut la même année, Alix se convertit à la foi russe et elle épousa Nicholas devenu le tsar Nicholas II. Elle devint l'impératrice Alexandra Feodorovna. Alexandra avait toujours été timide, elle n'aimait pas participer aux cérémonies de la cour et à tout autre événement où elle aurait à interagir avec d'autres personnes, ce trait de sa personnalité la rendait plutôt impopulaire. De plus, elle ne s'entendait pas avec sa belle-mère, l'impératrice douairière, qui ne comprenait pas qu'Alexandra, en tant qu'impératrice régnante ait préséance sur elle. Elizabeth, conciliante, tenta d'arranger les choses. Elle passa beaucoup de temps avec sa soeur et son beau-frère. Elle assista même Alexandra quand elle donna naissance à son premier enfant (la grande-duchesse Olga) en 1895. Lors du couronnement de Nicholas et d'Alexandra en 1896, un grand festin fut offert aux paysans en l'honneur du nouveau tsar à Khondynka Meadows près de Moscou. Serge, en tant que gouverneur général de Moscou, fut chargé d'organiser ce festin pendant lequel on donnerait au peuple de la bière et des cadeaux. Aux premières lueurs de l'aube, le 30 mai, un demi-million de personnes s'étaient assemblées à Khondynka. Serge avait seulement prévu 16 hommes pour faire régner l'ordre parmi la foule. Soudaint, une rumeur se mit à circuler à l'effet qu'il n'y aurait pas assez de bière et de cadeaux pour tous. Les gens commençèrent à se pousser, certains tombèrent et furent écrasés. Tout se passa en 15 minutes, on dénombra 1429 morts et des milliers de blessés. Le blâme de cette tragédie retomba sur Serge qui fut accusé de négligence. Il fut quand même exonéré et conserva sa charge. Mais, cet incident le rendit plus impopulaire qu'il ne l'était déjà. Pendant les années qui suivirent, Marie et Dimitri, les enfants du grand-duc Paul, passèrent de longues périodes de temps à Illinskoe avec Serge et Ella. Malgré son caractère sévère, Serge était affectueux et tendre avec les enfants de son frère, il leur demandait toutefois une stricte obéissance. Quand à Elizabeth, elle se montrait indifférente envers les enfants comme Marie se le rappelle: 'Ma tante Ella n'a jamais montré le moindre intérêt envers nous, elle nous voyait le moins possible, notre présence et l'affection que nous montrait notre oncle lui semblaient désagréables.' L'attitude d'Elizabeth envers les enfants était peut-être causée par le fait qu'elle n'en avait pas ou peut-être n'appréciait-t-elle pas que Serge ne lui ait jamais dispensé autant d'affection qu'il en donnait aux enfants mais, néanmoins, elle les aimait. En 1901, le grand-duc Paul eut une aventure avec une divorcée, Olga Pistolkors et il l'épousa sans demander la permission au tsar en conséquence de quoi, Nicholas l'exila de Russie. Il fut décidé que Serge allait être le tuteur officiel des enfants de Paul, Marie et Dimitri allaient donc vivre en permanence à Moscou avec Serge et Ella. Serge leur dit: 'Je suis maintenant votre père et vous êtes mes enfants'. Il défendit à Paul de voir ses enfants et il allait s'écouler un an avant qu'il ne permette une rencontre familiale en Allemagne. Marie et Dimitri aimaient leur père et s'en étaient ennuyés, ils furent donc très heureux de le revoir et celà déplut à Serge. Entretemps, l'anarchie et la révolte s'amplifiait en Russie car Nicholas II se révélait être un monarque faible. Le 3 avril 1902, Ella écrivit à son beau-frère: 'Mon cher Nicky, pour l'amour du ciel, soyez énergique, d'autres morts pourraient se produire... mettez un terme à cette époque de terreur... excusez-moi si je vous écrit directement et si je semble vouloir vous dicter ma volonté, je n'espère pas que vous ferez ce que je propose. Je vous en parle seulement au cas ou certaines de mes idées puissent vous être utiles. J'aurais nommé moi-même votre nouveau ministre, pourquoi pas Plehve qui a de l'expérience et qui est honnête? Ne soyez pas si gentil, tous croient que vous hésitez et que vous êtes faible, il ne parle pas de vous comme étant bon et celà blesse amèrement mon coeur'. En fait, Plehve fut nommé ministre de l'intérieur mais, son inaptitude fit de lui l'un des hommes les plus détestés de Russie; Elizabeth regretta d'avoir donné à Nicholas un si mauvais conseil. À l'été de 1904, Serge et Elizabeth visitèrent Sarajevo. On dit qu'ils se rendirent dans le bois entourant la ville pour y rencontrer un ermite qui vivait à cet endroit. Le vieil homme prédit à Serge qu'ilserait tué et que sa tête serait écrasée. Les années 1904 et 1905 furent affreuses pour la Russie. En 1904, la guerre russo-japonaise fut déclarée et ses résultats furent désastreux pour la Russie. Le mouvement révolutionnaire moscovite prenait chaque jour de plus en plus d'ampleur. Le 28 juillet, Plehve fut assassiné par des terroristes au Nevsky Prospect de St-Petersburg. lL 12 août, l'impératrice Alexandra donna naissance à l'héritier si longuement attendu, le tsarevitch Alexei. Malheureusement, il devint rapidement évident que l'enfant était atteint d'hémophilie ce qui culpabilisa Alexandra et eut pour effet d'isoler encore plus le couple impérial qui souhaitait cacher la maladie du tsarevitch à ses sujets. Le dimanche 22 janvier 1905, le père Gapon 'un homme excitable, porté sur la boisson, au visage barbu agréable et à la réputation de saint homme' organisa une marche rassemblant des milliers de personnes autour du Palais d'Hiver afin de présenter plusieurs pétitions au tsar, ils n'étaient pas armés et se présentaient pacifiquement. Quand ils arrivèrent au Palais portant des icônes et des portraits du tsar, la cavalerie cosaque ordonna leur dispersion. Comme le père Gapon refusait de s'en aller et insistait pour voir le tsar, les troupes firent feu. Des milliers de personnes furent tuées, incluant des femmes et des enfants. On appela ce jour le 'dimanche sanglant'. Les terroristes qui avaient assassiné Plehve étaient dirigés par un juif du nom de Ezno Azev, ce dernier était impliqué dans le parti socialiste révolutionnaire, un mouvement terroriste qui comprenait parmi ses membres plusieurs représentants du 'Will of the people' ('Volonté du peuple'), mouvement responsable de la mort du tsar Alexander III. Azev avait planifié le meurtre de Plehve parce qu'il le jugeait responsable du pogrom de 1903 à Kisahirev au cours duquel plusieurs des parents de Azev avaient été tués. Il n'avait jamais oublié l'expulsion des juifs de Moscou de 1891 ordonnée par le grand-duc Serge, il choisit donc le grand-duc comme prochaine victime. Azev ordonna à Boris Savinko et à Ivan Kaliaev, les mêmes étudiants polonais qui avaient assassiné Plehve, de se rendre à Moscou et de tuer Serge. Le mercredi 15 févier 1905 (2 février selon le calendrier russe), Serge et Ella se préparaient à assister à une performance au théâtre Bolshoï. Quand leur carrosse passa devant l'endroit où Ivan Kaliaev était embusqué, le terroriste s'apprêtait à lancer une bombe. Il aperçut alors Marie et Dimitri dans le carrosse. Kaliaev décida qu'il ne pouvait tuer deux enfants innocents et la famille entière fut épargnée. Deux jours plus tard, le 17 février, Serge emprunta la porte Nikolski pour quitter le Kremlin, son carrosse était conduit par le cocher Andrei Rudinkin. Alors que le carrosse traversait le square du Sénat, Kaliaev, déguisé en paysan, lança une bombe en direction du véhicule. Une terrible explosion fut entendue et Serge fut tué instantanément. Son corps fut déchiqueté, sa tête, le haut de sa poitrine, son épaule et son bras gauche furent littéralement vaporisés. Rudinkin fut gravement blessé. Une fois que la fumée fut dispersée, Kaliaev fut arrêté par la police. Des ses appartements au Kremlin, Ella entendit l'explosion et pensa immédiatement: 'C'est Serge'. Pendant toute la matinée, elle s'était senti opressée; de sa fenêtre, elle pouvait voir les gens s'agiter sur le square. Elle enfila son manteau et, suivie par Melle. Hélène, la gouvernante des enfants, elle se dirigea en direction du square. Les gens rassemblés à cet endroit tentèrent de l'empêcher de passer mais, elle fit son chemin à travers la foule pour arriver à l'endroit où gisait le corps de Serge. Elle s'inclina vers sa main droite et enleva ses bagues, ce faisant, elle se couvrit de son sang. Elle prit elle-même les arrangements pour que le corps de son époux soit déposé sur une civière de la croix rouge et recouvert d'une casaque de soldat. Les restes de Serge furent acheminés vers le monastère de Chukov. Pendant tout ce temps, Elizabeth demeura calme et se montra soumise à la volonté de Dieu. Pendant ce temps, on avait transféré Ivan Kaliaev à la tour Pugachev de la prison Boutyrky. Le 20 février, Elizabeth visita le meurtrier de son mari dans sa prison. Elle s'approcha de lui, toute de noir vêtue, les larmes aux yeux et lui dit doucement: 'Je suis sa femme'. Kaliaev lui répondit: 'Ne pleurez pas princesse, celà devait se faire. Pourquoi me parlent-ils seulement après que j'ai commis un meurtre?' Voici un résumé de la conversation qui eut lieu entre eux: Elizabeth: 'Vous avez dû beaucoup souffrir pour prendre une telle décision'. Kaliaev: 'Qu'est ce que ça peut faire que j'ai souffert ou non. Oui, j'ai souffert, mais des millions d'autres se sont joints à ma souffrance. Trop de sang est versé autour de nous et pourtant, nous n'avons aucune autre forme de protestation contre un gouvernement cruel et une terrible guerre. Mais pourquoi me parlent-ils seulement après que j'ai commis un meurtre?' Elizabeth: 'Oui, c'est pitié que vous ne soyez pas venu nous voir et que nous n'ayions rien su de vous avant'. Kaliaev: 'Vous croyez donc qu'il est facile d'aller à vous. Vous savez sûrement ce qui s'est passé le 4 janvier quand ils sont allés vers le tsar. Croyiez-vous vraiment que celà demeurerait impuni? Il y a aussi cette horrible guerre que le peuple hait tant. Vous avez déclaré la guerre au peuple et nous avons relevé le défi. Je donnerais ma vie mille fois, pas seulement une. La Russie doit être libre.' Elizabeth: 'Dans une guerre, les hommes combattent face à face, et vous, vous avez tué par derrière, ce n'est pas la guerre, c'est de la couardise. Vous pensez être le seul à avoir souffert mais, nous aussi avons souffert, je vous l'assure, nous voulons seulement le bien du peuple.' Kaliaev: 'Oui, vous souffrez maintenant! et, pour ce qui est de notre bien... laissons le de côté pour le moment.' À cette étape de leur conversation, les deux se turent un instant puis, Elizabeth commença à parler de Serge. Kaliaev l'interrompit en lui disant qu'ilne voulait pas parler du grand-duc avec elle. Elle lui dit alors: 'Oui, je ne veux pas avoir cette discussion avec vous. Je voulais seulement que vous sachiez que le grand-duc vous pardonne et que je vais prier pour vous. Je vous implore d'accepter cette icône en mémoire de moi'. Kaliaev prit l'icône et se leva quand Elizabeth s'en alla. Ivan Kaliaev fut amené à la forteresse Schlusselburg près de St-Petersburg. le 23 mai, il fut pendu dans la cour de la forteresse. Son corps resta suspendu 30 minutes avant d'être inhumé en dehors de la forteresse. Après la mort de Serge, Elizabeth se retira complètement de toute vie sociale; elle oublia tous les défauts de Serge et commença à l'idolâtrer. Elle écrivit: 'J'espère que Dieu me donnera la force dont j'ai besoin et qu'on puisse dire que j'ai été guidée par un mari si noble et si véritablement chrétien'. Elle se dévoua encore plus aux oeuvres de charité et établit un hôpital à Illinskoe pour les soldats blessés. Elle écrivit: 'Je le prend non pas comme une croix mais, comme une route pleine de la lumière que Dieu m'a montrée après la mort de Serge et qui des années auparavant avait déjà commencé à poindre dans mon coeur'. Son attitude envers Marie et Dimitri changea complètement et elle devint pour eux une mère aimante. Pendant les derniers mois de 1905, des grèves et des révoltes se produisirent dans tout Moscou. Pour des raisons de sécurité, Elizabeth enmena Marie et Dimitri à Tsarkoe Selo mais elle-même demeura à Moscou. Elle écrivit à son frère Ernest pour lui décrire la situation; elle croyait que le gouvernement était si faible que c'était comme si il n'existait pas. 'Rien ne me fera quitter cet endroit. Je vivrai ou mourrai ici' écrivit-elle. Nicholas signa le manifeste d'octobre et la Douma (Parlement russe) fut créée, limitant l'autocratie du tsar. Pendant ce temps, l'impératrice souffrait toujours de la maladie d'Alexei. Le tsarevitch était éprouvé par de sévères et constantes crises qui le gardaient au lit et le faisaient pleurer de douleur. Vers 1906, un paysan crasseux fit son apparition dans la vie d'Alexandra; il était le seul à pouvoir arrêter les hémmoragies et les douleurs d'Alexei grâce à un étrange pouvoir hypnotique, il ne touchait même pas l'enfant. Son nom était Grigori Efimovich Rasputin. Alexandra, anxieuse de soulager les souffrances de son fils, tomba sous la mauvaise influence de Rasputin. Depuis le début Elizabeth détestait et se méfiait de Rasputin, elle avait prévenu sa soeur plusieurs fois contre lui. C'était un buveur insasiable et un homme totalement dépravé mais Alexandra restait aveugle à la réalité, elle croyait même que Rasputin était un homme de Dieu. Elle prit ses distances d'avec sa soeur. En 1907, Marie se fiança au prince William de Suède, le second fils du futur roi Gustaf V. Elle allait divorcer quelques années plus tard et suivre les traces de sa tante en soignant les blessés en temps de guerre. Dimitri s'enrôla dans l'école de cavalerie afin de préparer sa carrière dans la garde équestre. Une fois sa nièce et son neveu partis vivre leur vie, Elizabeth dédia tout son temps aux malades et aux pauvres. Elle embrassa la vie religieuse et fonda une congrégation de religieuses affectée aux soins des malades et à la charité. Elle établit également un couvent qui fut nommé Ste-Marthe et Ste-Marie. Elizabeth était une véritable mère pour les religieuses et elle était aussi un exemple d'humilité et d'abnégation. À la même époque, la présence de Rasputin au sein de la famille impériale provoqua un scandale dans tout le pays et augmenta l'impopularité d'Alexandra. On disait qu'il était l'amant de l'impératrice et de la grande-duchesse. Pendant la première guerre mondiale, alors que Nicholas combattait au front, Rasputin, à travers Alexandra, nommait et congédiait les ministres à sa guise. Chaque fois qu'Elizabeth voyait Alexandra elle l'avertissait des dangers qu'il y avait à céder à l'influence de Rasputin mais, Alexandra croyait qu'il était un saint et qu'il demeurait le seul espoir d'arrêter son fils de saigner. En 1916, une rumeur se répandit dans Moscou à l'effet que le grand-duc Ernest de Hesse, le frère d'Elizabeth, était en mission secrète à Moscou et qu'il était envoyé par l'empereur d'Allemagne pour convaincre le tsar de signer un traité de paix avec l'Allemagne. Rendue furieuse par cette rumeur, une foule avinée marcha sur le couvent d'Elizabeth, y entra de force en brisant les fenêtres et blessa même quelques religieuses. Quand Elizabeth apparut devant elle, la foule se fit silencieuse. Elle demanda si ces gens voulaient lui parler. L'un d'entre eux cria qu'ils voulaient son frère allemand et, elle lui répondit calmement qu'il n'était pas là et, que s'ils le souhaitaient, ils pouvaient le chercher dans tout le couvent ce qui ne servirait qu'à déranger les malades qui s'y trouvaient. Au moment où la foule commencait à fouiller le couvent, une troupe de cavalerie apparut en dehors de l'édifice et entoura la foule; certains des émeutiers purent s'enfuir mais plusieurs furent blessés et Elizabeth et ses consoeurs s'occupèrent d'eux. Plus tard, Dimitri rendit visite à sa tante. Il avait été impliqué dans une conspiration organisée par le prince Felix Yussopov pour tuer Rasputin; il entretenait quand même quelques doutes à l'idée de participer à ce complot. Après une conversation avec Elizabeth qui lui fit part de l'entêtement d'Alexandra en ce qui concernait Rasputin, Dimitri décida de rejoindre Yussopov et d'entériner l'assassinat. Le prince Felix Yussopov, le grand-duc Dimitri et deux autres partenaires, Purishkevitch et Lazovert, tuèrent Rasputin le soir du 16 décembre 1916. Quelques jours auparavant, Elizabeth avait une rencontre avec Alexandra à Tsarkoe Selo et elle avait tenté de convaincre cette dernière de bannir Rasputin mais, Alexandra refusa et, interrompant la conversation, elle demanda à sa soeur de partir. Ce fut la dernière fois que les deux soeurs se virent. Plus tard, Elizabeth décrivit cette dernière rencontre ainsi: Elle m'a éconduite comme un chien. Pauvre Nicky! Pauvre Russie!' Le 31 décembre 1916, Elizabeth envoya un télégramme à Dimitri: 'J'ai prié pour vous tous. Dieu accorde à Felix la force nécessaire après l'accomplissement de ce devoir patriotique'. Mais le meurtre de Rasputin survenait trop tard. Sa mauvaise influence, ajoutée à la guerre, avait complètement anéanti le prestige du tsar. Nicholas II dut abdiquer en mars 1917 et un gouvernement provisionnel prit le pouvoir. Depuis qu'elle avait entendu la terrible nouvelle, Elizabeth et ses religieuses priaient jour et nuit. Le 15 mars, 2 voitures portant des drapeaux rouges et pleines de soldats ivres armés de carabines arrivèrent au couvent. Elizabeth ordonna à ses soeurs de la laisser affronter seule les soldats. Ils voulaient l'arrêter mais, comme elle leur demandait de la laisser aller dans l'église pour prier, ils l'accompagnèrent et assistèrent au court service religieux célébré par le père Mitrophan, ils partirent ensuite, sans Elizabeth. Grâce à son attitude courageuse, Elizabeth avait encouragé ses religieuses à ne pas montrer leur peur devant le danger et l'adversité En Allemagne, Wilhelm II, toujours dévoué à Ella et craignant qu'elle ne fut tuée lui offrit le libre passage vers l'Allemagne. Elle refusa, sa mission était en Russie à servir les malades et les indigents. Après que le gouvernement bolchévique ait signé la paix avec l'Allemagne à Brest Litvosk, Wilhelm tenta encore de ramener Ella en Allemagne. Il envoya son ambassadeur, le comte Mirbach, pour lui offrir l'asile en Allemagne au nom de l'empereur mais, Ella refusa même de le voir. Elle venait de perdre sa dernière chance de salut. Les bolchéviques avaient décidé de l'emprisonner et, ils lui envoyèrent un émissaire pour l'informer qu'elle devait rejoindre Nicholas et Alexandra incarcérés en Sibérie. Elizabeth répondit que son devoir était de demeurer parmi ses religieuses mais qu'elle allait se soumettre à la volonté de Dieu. Pendant la semaine de Pâques, Elizabeth quitta le couvent escortée par deux voitures bolchéviques. Deux religieuses avaient insisté pour l'accompagner: soeur Varvara et soeur Catherine Yanisheva. Elizabeth et ses deux soeurs montèrent à bord d'un train gardé par des soldats et, pendant de longs jours, elles sillonnèrent la vaste forêt russe. Finalement, elles arrivèrent à Ekaterinburg d'où elles furent dirigées vers le couvent de Novotikhvinsky. D'autres parents russes étaient retenus dans ce couvent: le prince Vladimir Paley qui était le fils du grand-duc Paul de son second mariage, le grand-duc Serge Mikhailovitch, petit-fils de Nicholas I et trois des fils du grand-duc Konstantine (KR, le poète): Ioann, Igor et Konstantine. L'épouse d'Ioann, la princesse Helene de Serbie se trouvait là également. Le 20 mai, Elizabeth et les autres prisonniers furent transférés à Alapayevsk, une petite ville minière du district de Pern située à environ 100 milles au nord d'Ekaterinburg. Les prisonniers n'étaient pas traités trop durement et on leur permettait d'assister aux services religieux tous les dimanches, c'est à cette occasion qu'Elizabeth rencontra son vieil ami le père Seraphim qui devint son confesseur. Comme toujours, elle dispensait énergie et affection à ses compagnons. Quand le frère du tsar, le grand-duc Michael fut abattu et que la rumeur de son évasion se répandit, la vigilance des geôliers de Alapayevsk se fit plus sévère. Tous les biens des prisonniers furent confisqués, on leur laissa seulement les vêtements qu'ils portaient. Le 21 juin, ils furent confinés dans leur chambre. Soeur Catherine et la princesse Helena furent contraintes de quitter la prison et trois jours plus tard, le reste des prisonniers, les mains liées derrière le dos, furent menés vers un puit de mine à demi inondé en dehors de Alapayevesk. Le grand-duc Serge Mikhailovitch qui résistait fut blessé au bras par une balle provenant de l'arme d'un soldat du nom de Ryabov. Les prisonniers devaient marcher dans les ténèbres avec des armes pointées dans leur dos. Elizabeth entonna un hymne religieux et les autres se joignirent à elle. Quand ils arrivèrent au bord du puit, les gardes désignèrent Elizabeth pour être précipitée dedans la première. Elle demanda la permission de réciter une prière et, ses dernières paroles furent les suivantes: 'Père, pardonnez leur car ils ne savent ce qu'ils font'. Selon Mager, un garde la frappa à la tête avec la crosse de son arme et la jeta dans le puit, inconsciente mais toujours vivante. Selon un des assassins nommé Ryabov et cité par Maylunas et Mironenko, après qu'Ella ait été jetée dans le puit, on l'entendit se débattre dans l'eau pendant un certain temps, il ne mentionne jamais qu'elle était inconsciente à ce moment. Si elle l'était, elle a probablement repris conscience en entrant en contact avec l'eau glacée. Après Ella, ce fut au tour de soeur Varvara d'être jetée dans le puit. On entendit l'éclaboussement de l'eau et les voix des deux femmes. On disposa de même du reste des prisonniers. Selon Mager, le grend-duc Serge résista encore et il fut abattu d'une balle dans la tête avant d'être lui aussi précipité dans le puit. L'assassin Ryabov raconte que les prisonniers ne se noyaient pas comme prévu, on les entendait encore après un bout de temps. Les assassins lançèrent donc une grenade dans le puit et pour un temps tout fut tranquille. Comme d'autres voix se faisaient entendre, ils jetèrent une autre grenade, leur dernière mais, les prisonniers chantaient toujours 'God save your people'. Les assassins remplirent le puit avec des brindilles sèches et y mirent le feu. Les hymnes se firent encore entendre pendant un moment, puis, ce fut le silence. Le père Seraphim raconte qu'on lui permit d'approcher du puit tôt le matin suivant, quelques heures après l'exécution des prisonniers et qu'il entendit de faibles voix chantant des hymnes. Plus tard, on lui permit d'exhumer les corps et il trouva, côte à côte, les corps d'Elizabeth et du prince Iaonn. Les doigts de la main droite d'Elizabeth étaient figés en un signe de croix. Le père Seraphim entama un long voyage avec les cercueils contenant les restes des prisonniers d'Alapayevsk. Il raconta à la princesse Alice d'Athlone, une autre des petites-filles de la reine Victoria, qu'il échappa à un déraillement de train grâce à l'intervention d'Elizabeth qui lui serait apparue pour l'en avertir. Le père Seraphim enmena d'abord les cercueils à Irkhurst où on ouvrit celui d'Elizabeth, son corps n'était pas décomposé mais comme séché. Les religieuses la lavèrent et changèrent ses vêtements pour un costume de religieuse. Le père Seraphim continua ensuite son voyage jusqu'en Chine. Il avait quitté Apalayevsk en juillet 1919 et il atteignit Beijing en avril 1920, il enterra alors les corps. Quand Victoria, la soeur d'Elizabeth, appris où se trouvait le corps de sa soeur, elle prit les arrangements nécessaires pour que celui-ci soit transféré à Jérusalem pour être inhumé dans l'église orthodoxe de St-Mary Magdalen située au pied du Mont des Oliviers à la consécréation de laquelle Elizabeth avait assisté. Le père Seraphim s'installa dans une petite chambre près de la crypte où gisait Ella et, jusqu'à sa mort, il la veilla avec une grande dévotion. La grande-duchesse Elizabeth fut canonisée à New-York par l'église orthodoxe russe en exil en 1982.