Mercredi 4 juin
2003
Saëb Erekat, vous
êtes ancien ministre palestinien, et vous avez participé à toutes les
négociations des dernières années. Pourquoi la "feuille de route"
aurait-elle plus de chances de réussite que les plans précédents ?
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Depuis l'intervention en Irak, le Proche-Orient n'est plus le
même. Il y a sans doute plus de chars et d'avions américains ici qu'en Floride
ou au Texas. C'est un tournant. Ensuite, tout le monde soutient cette
"feuille de route". Ceux qui se sont divisés à propos de l'Irak se
rejoignent sur la "feuille de route". Regardez [Tony] Blair et
[Jacques] Chirac! Même s'il y a encore des nuances et des incertitudes sur le
rôle des uns et des autres, les pays arabes, les Européens, les Russes, l'ONU,
tous soutiennent ce plan de paix. C'est pour cela que l'on peut parler d'une
opportunité pour s'en sortir.
Quels sont les
point forts de ce plan ?
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Sa précision. Tout y est. Tout d'abord l'objectif, l'Etat
palestinien, textuellement "la fin de l'occupation", mais aussi le
calendrier, les étapes, les mesures à prendre par les uns et les autres. Tout
est très clair, c'est pour cela qu'il faut prendre la "feuille de
route" comme elle est et non comme un texte à renégocier. On ne peut donc
pas prendre en compte des reserves israéliennes. La force de la "feuille
de route", c'est aussi le mécanisme de contrôle. Regardez ce qui s'est
passé lors de la dernière rencontre entre Ariel Sharon et Mahmoud Abbas, le 29
mai. Les Israéliens ont annoncé des measures d'apaisement, notamment
l'allégement des restrictions de circulation. Mais sur le terrain, les
Palestiniens ont constaté le contraire dans les jours qui ont suivi. Entre les
Israéliens et les Palestiniens, la confiance est aujourd'hui au minimum et la
haine au maximum. D'où l'indispensable présence d'un arbitre, qui pourra juger
du travail des deux parties. Je ne demande pas une présence de militaires
américains et de moyens importants. Je pense qu'environ 350 civils peuvent
suffire.
Quelles sont ses
faiblesses ?
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La "feuille de route" repose sur un seul homme :
George Bush. [Ariel] Sharon ne s'est pas levé un matin en se disant : tiens je
vais faire adopter la "feuille de route" par mon gouvernement. Il l'a
fait parce que Bush le lui a imposé. De même, M. Bush ne s'est pas dit tout
d'un coup qu'il fallait faire quelque chose ici. Il a changé d'avis après une
longue période d'immobilisme parce qu'il a compris, après l'Irak, que la
stabilité de la région passait par une solution de ce conflit. S'il ne parvient
pas à s'imposer, ou s'il renonce à s'engager, l'échec est assuré, et le pire
sera à redouter pour la région.
© Le Monde 2002