Introvertie


Lundi 15 août 2005, 11h15 :

Juste un petit mot… Rien à voir avec les spectacles et la photo,… Non, non, rien du tout.
Juste quelques lignes écrites très en réaction à un email reçu récemment, dont l’auteur se reconnaîtra peut-être bien en lisant ceci et que je salue joyeusement – coucou ! – au passage.

C’est à peu près depuis que j’ai l’âge de 5 ans qu’on me rabâche les oreilles avec des « qu’est-ce qu’elle timide ! » ou des « t’es une grande timide, toi ! » et je voudrais juste dire que ça commence à bien faire.

C’est à peu près vers l’âge de mes 5 ans, l’époque de mon entrée à l’école, que ma chère société m’a donné l’occasion de découvrir que je n’étais pas aussi bruyante que tout le monde et que je n’étais pas non plus aussi naturellement « à l’aise » que tout le monde au milieu de plein d’inconnus.
Comme les gens dans mon genre, tranquilles et silencieux dans leur coin, sont vraiment trop bizarres aux yeux de tous le monde, ce foutu «tout le monde» les regarde de travers et avec une sorte de réaction de quasi agressivité-passive – parce qu’on sait jamais, ces gens tranquilles et silencieux dans leur coin sont peut-être des choses dangereuses et comme elles font pas de bruits, on peut pas savoir alors vaut mieux se méfier, tirer le premier et se poser des questions après,… ou pas du tout, à quoi bon se poser des questions, franchement ? – dans une sorte de réflexe de protection mordante, donc, ce foutu « tout le monde » sort la bonne vieille grosse artillerie, le grand classique toujours très efficace à la «Oh ! Qu’est-ce qu’elle est timide !».

Mais on va pas me foutre la paix à la fin ?

Je vous jure, pendant deeeeeees années, s’entendre rabâcher les oreilles de cette ritournelle, ça finit par faire l’effet limite lavage de cerveau. Limite si on finit pas convaincu soi-même d’être vraiment timide. On finit par «croire» plus ou moins fermement que si on reste tout seul tranquille dans son coin, c’est vraiment parce qu’on est «timide». On en oubli presque que, pas du tout : c’est parce que nous, contrairement à «tout le monde», on est bien comme ça.
Ce mot «timide» finit par s’infiltrer dans notre crâne et on finit presque par en adopter toute les caractéristiques, parce que si tout le monde le dit, c’est que ça doit être vrai… Et parce qu’à chaque fois qu’on la ramène, avec notre petite voix qui manque de pratique et nos façons de créature sauvage qui se décide prudemment à sortir du bois, à chaque fois qu’on la ramène, donc, de toute façon, on se refait traiter de timide alors on la ramène même plus, juste pour essayer d’éviter de se faire insulter.
Parce que traiter quelqu’un de timide, oui, je vous informe, c’est une insulte.
C’est lui lancer à la tronche : « Toi, tu tournes pas rond : tu parles pas assez ! Toi t’es qu’une chiffe molle qu’a pas de tripes ».

Un jour, quelqu’un avec qui je parlais depuis peut-être 5 minutes m’a carrément demandé si j’étais pas Bélier, par hasard. Parce que j’en ai pas l’air, toute tranquille et silencieuse dans mon coin, mais quand je me mets à l’ouvrir…
Alors on fait peut-être bien de se méfier, finalement…

Enfin, précision : j’ai écrit « que je n’étais pas non plus aussi naturellement « à l’aise » que tout le monde au milieu de plein d’inconnus » et « nos façons de créature sauvage qui se décide prudemment à sortir du bois ».
Ce serait donc que je reconnaîtrais qu’il y a un fond de crainte, de « timidité » dans cette attitude de retrait ?
Que je vous explique : je suis une introvertie. Introverti, cela signifie « tourné vers l’intérieur ».
Quelle chose étrange ! Les êtres humains ont donc un « intérieur » ?
C’est une notion très difficile à capter pour un extraverti.
Un introverti est une personne qui peut rester des heures à rêvasser, plongé loin « dans » son monde intérieur. Et le monde extérieur est un autre monde, un ailleurs vraiment très différent. Pour un introverti, « sortir » dans le monde ou seulement parler avec les gens, c’est comme de partir dans une contrée lointaine et exotique ou « tout le monde » vit selon des coutumes vraiment très étranges. Il faut toujours un petit temps d’adaptation pour se sentir à l’aise.
Et moi, j’en prends conscience de plus en plus clairement, je suis une hyper-introvertie, limite autiste sur les bords.

Alors la prochaine fois que vous croisez quelqu’un de silencieux tranquille dans son coin… Je vous fait confiance, hein ? Vous pouvez allez lui parler : si vous êtes sympa, que vous êtes capable de tenir une conversation pour deux le temps que la créature s’adapte à votre monde… Ca devrait pas mordre plus que la moyenne.

Voilà, c’était juste une petite mise au point…


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