Chapitre 3 : Un Sourire



Bien qu’il n’était pas à sa première rencontre d’elfe, Kradim se demandait bien d’où pouvaient venir ces personnages et surtout pourquoi avaient-ils décider de l’escorter en secret. Quel autre secret allait-il encore apprendre sur la double vie de son père et de la sienne ? D’un autre côté, il se devait de profiter de ce coup de main afin d’arriver sain et sauf à destination. Alors il poursuivit son chemin vers l’est sortant progressivement de la triste tranchée pour longer les Monts Dragon. Peu élevé en altitude et peu étendu, cette région montagneuse avait l’apparence d’une forêt d’arbres creux dont le feuillage était remplacé par la brume et les troncs par la pierre. D’innombrables grottes avaient été creusées au cours des années par les colonies de dragons des cavernes qui peuplaient cette région. Les plus jeunes de ceux-ci quittaient les pics et leurs trous durant le jour et partaient dans la forêt en quête de nourriture et d’objets brillants pour rapporter aux plus âgés.

Un de ces jeunes dragons avait trouver cachette dans un grand arbre surplombant la route qu’empruntait Kradim et attendait patiemment le passage de toute être de comestible. À l’approche du grand saule le jeune homme s’arrêta. Déjà que la tristesse ne l’avait quitter depuis son départ, Kradim était très peu attentif à tous ces dangers potentiels mais maintenant quelque chose n’allait vraiment pas. Il avait la sensation d’entendre une voix parlant de lui dans on esprit. Cette voix se questionnait sur le pourquoi même de cet arrêt et sur la possibilité qu’elle put être vue. Regardant autour de lui, Kradim appela haut et fort les mystérieux elfes afin de savoir s’ils étaient derrière cette manigance. À ces mots, la voix se questionna de nouveau; " Quoi? d’autres hommes? des elfes? Beurk! " Malgré que les elfes ne répondirent pas à l’appel, le jeune voyageur comprit qu’il s’agissait d’une autre présence. Cette fois Kradim descendit de son cheval, s’avança un peu plus et ordonna : " Sortez de votre cachette et montrez-vous! " Automatiquement le dragon se laissa tomber lourdement de sa branche et la monture de Kradim pris panique. Tenant fermement les guides il la calma rapidement. De taille d’un grand loup, sans aile, la créature à peau brune s’avança lentement vers l’homme en reniflant bruyamment l’air. Tous les deux semblaient aussi surpris l’un que l’autre qu’ils puissent communiquer. Kradim resta immobile pendant que le jeune dragon tournait autour de lui et ils s’inspectèrent mutuellement. Après quelques minutes, la créature remonta dans son arbre tout redevint silencieux. Le jeune homme comprenait difficilement ce qui venait de se passer mais il savait que le dragon ne lui ferait aucun mal et qu’il pouvait poursuivre son chemin. Alors il fit un pas devant mais un grincement de bois retenti autour de lui. Après un rapide regard il vit qu’il s’agissait des cinq elfes cachés dans l’ombre des arbres, arc et flèche à la main, prêt à tirer sur le dragon perché. Le jeune voyageur fit signe d’abaisser les armes à ses gardes.

Après ces quelques minutes le garçon connaissait tout du caractère de ce jeune dragon des cavernes aussi bien qu’un enfant pour sa mère et il savait ainsi qu’il ne serait pas attaqué par celui-ci. Une fois de plus les elfes s’évanouissèrent dans la pénombre.

Kradim remonta sur son cheval et finit par dépasser les montagnes. Il arriva au bord d’une crête qui surplombait une vallée où les cinq elfes l’attendaient;

  • Nous voici aux abords des plaines du golfe de Borelande, Festum est à deux jours d’ici. Tu pourras y trouver le ravitaillement que tu auras besoin pour le reste de ton voyage, dit le plus grand des elfes.
  • Mais est-ce que je pourrai savoir avant de quitter pourquoi vous m’avez escorté et qui vous êtes exactement?
  • Tu es encore jeune petit Wotan, et seul tu ne seras pas de taille à affronter les forces qui t’attendent… Nous nous reverrons, n’aie crainte! Tu pourras m’appeler par mon nom : Slynard.

Contrairement aux rencontres précédentes, les elfes demeurèrent sur le chemin un moment. Puis, après être resté immobile et silencieux au passage de Kradim, Slynard ordonna aux autres leur départ d’un signe de mains. Avant qu’il n’ait pu se retourner, les elfes avaient de nouveau disparu.

Devant lui s’étendaient les basses terres du golfe; un riche tapis vert parsemé de petits villages reliés entre eux par de solides routes de galets. Malgré la distance qui le séparait de Festum et la côte, la mer, tel un mince ruban turquoise, délimitait le ciel de la terre. Cependant ce paysage n’avait rien à voir avec l’idée que Kradim avait de la Borelande; pays réputé pour ses chênes immenses et droits, ses forêts si denses qu’on ne peut y voyager à cheval, ses pins si dur qu’aucune flèche n’y reste planté. Du nord au sud il n’y avait que plaines jusqu’à la mer, seulement quelques broussailles pouvaient revendiquer le titre de forêt.

Non mécontent de quitter les sinistres Monts Dragon, Kradim poussa sa monture en direction de la route qui descendait du nord et courbait vraisemblablement vers Festum tout près du sentier qu’il avait emprunté.

Comme la journée avançait, Kradim entra dans une petite ville. Il descendit de sa monture pour aller demander le logis. Il y trouva une auberge loin d’être des plus accueillante qui, selon toute apparence, ne faisait face à aucune concurrence en matière de gîte pour les voyageurs. Une fois à l’intérieur il s’entendit avec l’aubergiste et sorti de sa bourse encore bien remplie les deux pièces de bronze nécessaire. Le cliquetis des pièces attira l’attention de quelques ivrognes qui sirotaient leurs bières dans la taverne mais le sombre Kradim n’y porta pas attention. Il ressortit de l’auberge afin de trouver un endroit pour acheter des provisions.

Soudain Kradim se rendit compte que les petites rues s’étaient vidées tout comme le soleil qui commençait à ce cacher derrière les maisons de bois. Derrière lui cinq hommes habillés de vestes de cuir sale s’avançaient tranquillement. L’un d’eux dit :

  • Une bourse aussi bien remplie doit être bien dure à porter pour un petit garçon comme toi. On peut t’alléger si tu veux.

Les autres hommes se mirent à rire bruyamment pour un instant, le temps de réaliser que leurs esprits encore affectés par les bières ne leur permettaient pas de pratiquer le rire en même temps que la conservation de l’équilibre. Mais Kradim resta aussi sombre qu’il était. Une des hommes sortit un poignard et les autres coururent vers Kradim qui ne bougeait pas. Ils le tinrent pendant que celui avec le poignard le fouillait. " Cinq hommes contre un garçon, humm?… c’est un peu injuste, on pourrait égaliser ça avec cinq hommes contres deux garçon, si ça ne te dérange pas mon ami? " dit un jeune garçon, probablement un peu plus vieux que Kradim, sorti d’une ruelle. Il était vêtu d’une armure très différente de celle que Kradim avait l’habitude de voir. Elle était formée de plaques noires protégeant ses avant-bras et ses jambes. Sur les plaques de nombreuses pointes hérissées d’argent brillaient. Pardessus un ensemble noir, le jeune homme portait un plastron et des épaulettes hérissées noires. Son casque était orné de trois cornes se joignant au milieu du front. Un masque couvrait aussi sa bouche ne laissant paraître dans l’ombre que ses yeux. Chaque gant ne formait que deux longues griffes d’argent et dans son dos il y avait un grand sabre courbé.

Il s’avança tranquillement vers le groupe. Les autres bandits dégainèrent leur vieux glaives. " Maintenant c’est égal " dit le jeune homme en riant. L’un des cinq fonça sur l’étrange garçon. Celui-ci ne bougea pas, pas même un respire. Le barbare fonçait toujours sur lui brandissant son glaive. De loin, Kradim entendit un craquement et vit le bandit tomber tout en criant;  " Il m’a cassé le genou! " L’étrange jeune homme enjamba le bandit qui se tordait de douleur sur le sol puis marcha vers le groupe. Un autre homme fonça sur le garçon qui continua de marcher lentement jusqu’à ce que le bandit soit près de lui. Encore une fois Kradim n’entendit qu’un craquement et vit l’homme s’effondrer devant le garçon criant :  " Il m’a cassé le bras! "

L’étranger, qui ne s’était pas arrêté de marcher, se rapprochait de plus en plus. Pris de panique, les trois autres prirent la fuite en ramassant leurs deux compères. Une fois devant Kradim il dit :

  • Une chance qu’ils sont partis, il ne me restait plus beaucoup d’autres membres à casser tout en étant original!

Le jeune homme enleva son casque et remarqua que Kradim souriait :

  • Je me nomme Hanzar?
  • Moi? Krad… en fait je sais plus.
  • Comment ça!? tu ne sais pas ton nom.
  • Tu peux m’appeler Kradim mais le reste est une longue histoire…

Retourne à l’auberge, car les rues de cette ville ne sont pas bien sûr à l’heure qu’il est… sûrement que nous pourrions nous revoir demain, à la place du marché?

Il se saluèrent puis Kradim regarda le jeune homme à la longue chevelure brune, attachée derrière la tête continuer son chemin comme si rien ne s’était passé. Cependant il avait finalement reconnu l’habit traditionnel des combattants de l’est, les maîtres des combats à mains nues. Par contre ceux-ci ne dévoilaient jamais leur visage et n’était pas aussi cuirassé que ce jeune homme, en tout cas pas ceux qui passaient par Rimalk. Kradim retourna à l’auberge pour se coucher et tout en passant devant un miroir cassé, il remarqua qu’il souriait. Cette nouvelle rencontre lui avait fait du bien et essaya de se rappeler depuis quand il n’avait pas été si heureux. Il dormit bien ce soir là.

Le lendemain Kradim retourna sur la place du marché pour se procurer les provisions qu’il n’avait pas pu avoir la journée d’avant et pour rencontrer son nouvel ami.

Vers midi, Kradim entendit le bruit de sabots de cheval frapper sur les pierres du chemin se démarquant de la foule piétonnière. Il s’agissait d’Hanzar cherchant dans la foule celui qu’il avait sauvé la veille. Il le repéra rapidement et l’aida à monter sur son cheval. Il lui dit : " Je vais te présenter à mon maître ". Hanzar le conduisit à travers le petit village pour finalement sortir de la ville et arriver à un campement clairement étrangé de cette région. Quelques arbres rapproché avaient servit d’ancrage à une véritable toile d’araignée, cependant l’aspect finale s’approchait davantage à une tente qu’on aurait tressé d’un ruban extrêmement long qu’ensuite on aurait fait flotter à quelques pieds du sol. L’abris capable d’accueillir facilement un homme de grande taille debout avaient été installés si solidement qu’aucun des arbres reliés à la structure sembla réagir lorsqu’un homme en sorti et posa le pied a terre. Il s’avança tel un vieillard; le dos considérablement arqué et les épaules voûtées. A ces premiers pas, tout son corps se pencha vers l’avant se servant de ses bras disproportionnés tel une canne, cependant sa tête n’avait pas faibli tellement que Kradim eu de la difficulté à soutenir le regard de ce curieux être, ce regard caché entièrement derrière un masque d’ivoire triste et sans émotions. Fendu en son centre tel une porte à double battant, ce masque ne comportait que trois minuscules orifices et une étoile de métal gravée de multiples symboles était fixé en son front. Le reste de son apparat constituait d’un fin manteau noir aux larges manche ne laissant apparaît aucune parcelle de peau. Il s’adressa au jeune voyageur d’une voix grave et juste, celle d’un homme au milieu de sa vie et non à sa fin comme on aurait pu l’imaginer. Il lui souhaita la bienvenue puis, de quelques gestes, il fit comprendre à Hanzar de s’occuper des chevaux et des bagages.

  • Voici, Kradim, mon maître. C’est lui qui m’enseigne l’art du combat à mains nues.
  • Je me nomme Dolnagsaké et je te salue jeune homme. J’ai appris ce qui s’est passé hier… mais que fais-tu par ici? Tu n’es pas très mur pour te promener seul avec une bourse aussi remplie?
  • Bien… je ne sais pas vraiment où je vais car je suis en ces terres pour la première fois et le peu de choses que je pourrais vous dire dont je comprends le sens ne serait probablement d’aucune utilité pour vous. Mon père a été assassiné par une créature au service d’un homme dont je crois être l’ennemi depuis des générations. Je suis donc en route vers l’est où je pourrai le retrouver, dit Kradim le regardant le sol.
  • Pourquoi n’arrêtes-tu pas ton voyage pour quelques temps et rester avec nous, dit Hanzar.

Kradim hésita quelques secondes, se demandant s’il pouvait faire confiance à cet étrange personnage mais les recommandations de Slynard lui revinrent en tête et se rappela que les routes de l’Aventurie n’était pas très accueillante pour un jeune garçon non accompagné.

Dolnagsaké fit signe de le suivre à l’intérieur. Dès qu’il mit le pied sur le planché de l’abris, il eut la surprise d’y trouver un sol aussi solide qu’un plancher de bois. De plus aucun son ne semblait traverser les minces parois même si l’on pouvait discerner la silhouette d’Hanzar en train d’attacher les chevaux tout près. L’intérieur était simple mais efficace; des pochettes avaient été spécifiquement prévues pour le rangement des divers items présents, dont Kradim ne connaissait l’usage. Encore plus surprenant, une large assiette remplie d’une matière boueuse flambait au fond de la salle et réchauffait ce qui semblait être une marmite.

Une fois ses choses installés, s’installa à l’endroit qu’on lui avait désigné puis reçut une portion du ragoût qui mijotait sur le feu. Au cours du repas Kradim appris qu’Hanzar était le jeune frère d’un roi vivant sur une grande île sur la mer de l’est. Ce roi s’appelait Yanwick et il régnait sur les terres de leurs ancêtres; l’île de Barnak. Son frère était très puissant, il possédait une énorme armée et de très nombreuses terres sur le continent et par-delà les mers. Hanzar, lui, avait été élevé en guerrier mais celui-ci apprenait très vite, battant même ses professeurs. Plusieurs disaient qu’Hanzar aurait dû être envoyé à la guilde des magiciens là où les enfants surdoués allaient. Mais celui-ci refusait voulant perfectionner l’art du combat. C’est pour cela qu’il demanda à Dolnagsaké, un ancien compagnon d’arme de Yanwick, de lui enseigner les techniques de combat traditionnelles des habitants de Glasgor, le continent voisin. Il y a bientôt un an, Hanzar est allé retrouver Dolnagsaké dans sont petit village nommé Glastone et qu’ils parcourent les terres de Glasgor et de l’Aventurie. En fait, ils étaient en route pour rendre visite à son frère le roi.

  • Le temps passa rapidement à écouter Hanzar qui était plutôt du genre bavard ce qui compensait pour le silence de Kradim qui se transforma en sommeil au court d’une histoire du jeune prince.

Le lendemain Kradim fut réveillé par le bruit de bâtons de bois s’entrechoquant. Il reprit ses sens et sortit de l’abris qui semblait avoir changer de forme. Il vit Hanzar et Dolnagsaké s’affronter avec des épées de bois. Kradim n’en croyait pas ses yeux et se demandait si son récent réveil était la cause de l’incroyable vitesse que semblait avoir chacun des gestes des combattants. Il s’assit et observa attentivement.

Tout à coup Hanzar réussit à désarmer son adversaire, et maître, portant son bâton à sa gorge. Le jeune homme releva la tête, remarquant qu’il avait un spectateur et Dolnagsaké profita de cette fraction de seconde d’inattention pour désarmer le jeune combattant pour ensuite le projeter contre le sol dans un éclair.

  • Tu dois apprendre à ne pas sous-estimer un adversaire désarmé car peut-être que tu lui donnes une nouvelle arme… assez pour ce matin!

Hanzar se releva et s’avança vers Kradim. Il ramassa les deux armes de bois et en donna une à Kradim.

  • J’ai vu que tu transportais une épée dans tes bagages… voyons si tu saurais t’en servir! dit Hanzar, protèges-toi!

Le jeune guerrier attaqua aussitôt mais à sa grande surprise, il ne put atteindre Kradim car celui-ci se protégea aisément. Hanzar fit un pas en arrière et dit :

  • …et tu dis que tu n’as jamais été enseigné pour être chevalier!?
  • C’est pourtant la vérité...
  • Je crois que tu as ça dans le sang, dit Hanzar en riant.

Le souvenir de Jonatide en armure lui revint à l’esprit rejetant un ombre sur cette jeune journée.

  • Peut-être!?… dit Kradim.

Soudain, la voix de Dolnagsaké se fit entendre, celui-ci avait tout vu et dit :

  • Aujourd’hui ton apprentissage avec moi est terminé, il ne te reste plus qu’à apprendre par toi-même. Demain à l’aube ton cheval sera prêt pour ton départ. Aujourd’hui va au marché et procures-toi ce dont tu auras besoin pour ton voyage jusqu’à Baluk.

Kradim et Hanzar passèrent la journée ensemble. Kradim semblait oublier ce pourquoi il avait quitter sa région quand il était avec son ami. Celui-ci lui demanda s’il voulait l’accompagner pour son voyage de retours vers l’île de Barnak, il accepta puisque cela s’agissait selon les dires de Hanzar qu’un léger détour. De toute façon, il ne connaissait même pas le chemin exact qu’il devait prendre… et encore moins sa destination.

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