Chapitre 4 :

En direction de l’Île de Barnak



À leur retour au campement, Hanzar et Kradim trouvèrent Dolnagsaké assis sur le sol, tremblant de tous ses membres. Bien que son visage fut masqué, il était clair qu’il se trouvait en état de souffrance. Hanzar attrapa le bras de son compagnon avant qu’il n’ait pu réagir et l’éloigna silencieuse de son étrange maître. Une fois suffisamment à l’écart, il lui expliqua que les Nennïartûl, ces mystérieux mercenaires de Glasgor, subissent dès leur plus jeune âge un entraînement extrême visant à les rendre immunisé à toute forme de poison et de douleur. Passant de la dislocation volontaire des articulations, à la fracturation répétée des os, jusqu’à l’absorption quotidienne d’une dose de substances souvent mortelles afin d’atteindre une parfaite résistance à celle-ci. Cependant les cicatrices et les déformations résultant de ses années de torture ne cessent de s’ajouter leur donnant un aspect quasi inhumain. Après quelques minutes, la voix de Dolnagsaké se fit entendre leur demandant de s’approcher pour prendre part à leur dernier repas ensemble.

Durant la soirée, le maître offrit à son élève une carte de la Côte Est de l’Aventurie d’une précision tel que Kradim en avait jamais vu de pareil et un poignard de Glasgor; une sorte de sabre droit, version réduite enveloppé d’une étoffe noire aux broderies d’argent, attaché au pommeau et minutieusement plié de façon à créer son propre fourreau. Il leur expliqua aussi la route qu’ils devaient prendre, bien que Hanzar semblait la connaître parfaitement.

Le lendemain les deux amis partirent vers le sud. Bien qu’il n’empruntait pas la direction qu’il envisageait à son départ de Rimalk, Kradim sentait sa bonne humeur revenir peu à peu et du même coup le souvenir des événements survenus au pied de la Montagne Noire n’était plus qu’un très mauvais rêve qu’il se devait d’oublier.

Ils chevauchèrent quelques jours sur la route qui longeait la côte sans faire la moindre rencontre jusqu’au soir où ils virent un groupe de soldats à pied, aux étendards bien en vue, marcher en leur direction. Avant même que Kradim ait pu déterminer leur nombre, Hanzar leva le bras en signe de salutation et s’adressa à lui à voix basse :

  • …J’ai l’impression qu’on va avoir un peu d’action. Nous aurons besoin des talents d’escrimeur que tu as démontré l’autre jour. Sort l’épée que tu caches dans tes bagages et prépare-toi!

À ces mots, le visage du jeune berger ce figea. Qu’est-ce qui pourrait pousser ces hommes d’armes à attaquer deux jeunes voyageurs? Peut-être, avec un peu de chance, pourraient-ils passer sans encombre? Cependant les questions de Kradim connurent leur réponse au moment où le geste de salutation de Hanzar bifurqua vers la poignée de son sabre. Il frappa du talon et lança son cheval en direction de la quinzaine d’hommes en armure qui lui faisaient face. Quelques secondes passèrent avant que Kradim ne réagisse, encore sous l’effet de surprise, et tourna son regard vers l’épée envelopper dans sa couverture de cuir. Alors qu’il en était encore à détacher la boucle de la corde qui tenait le paquet, il entendit les premiers cris et fracas de métal. Finalement, il sortit l’arme de son emballage pour relever la tête et se rendre compte que l’action se déroulait maintenant beaucoup plus près qu’il ne l’avait pensé. Même que cinq guerriers s’avançaient vers lui pendant que derrière Hanzar menaçait de son sabre une dizaine d’autres hommes qui voulaient maintenant venger le passage meurtrier du jeune cavalier qui avait laissé deux des leurs inertes sur le sol. Les cinq soldats étaient sur le point de tenter de désarçonner le jeune garçon lorsqu’il sortit l’épée de son fourreau. Tous s’arrêtèrent devant l’éclat de cette lame quasi irréelle, Kradim y comprit, voyant pour la première fois ce que le mystérieux fourreau révélait. Cette lame n’était pas faite de métal mais plutôt d’un cristal qui émettait une lueur rougeoyant et ses fils de tranche étaient hérissés et asymétriques.

Un de ses assaillants finit par réagir, fonçant vers lui en criant. Alors la monture fit un mouvement brusque, Kradim perdit l’équilibre et tomba sur le sol. Il réussit cependant à se relevé rapidement, l’épée toujours à la main, avant que le soldat porta son premier coup. Le jeune homme dévia l’attaque pendant que les autres se joignaient à la bataille. Bien que leur force était supérieure à celle du jeune garçon, celui-ci réussissait miraculeusement à enchaîner les mouvements de façon à se protéger de chaque attaque tout en reculant.

Bien qu’il n’y prêtait pas attention, les bruits du féroce combat que menait Hanzar maintenant aussi les deux pieds sur le sol donnaient l’impression que deux grandes armées s’affrontaient. Cependant son bras gauche dégouttait de sueur et de sang.

Kradim, quant à lui, bloquait coups après coups, ne laissant aune lame toucher son corps sans armure. Le jour devenait de plus en plus sombre et devant lui, les cinq guerriers toussaient d’épuisement et de frustration, tentant sans relâche d’en finir avec ce gamin qui tenait tête à cinq orgueilleux hommes. Soudain un autre combattant se joignit à la bataille. Il attaqua rapidement Kradim et après un certain temps le nouveau combattant adressa la parole tout en poursuivant ses attaques:

  • Peux-tu bien me dire ce que tu fais là? Si tu veux qu’un jour on arrive chez nous il va falloir se débarrasser des autres. Qu’en penses-tu?

Tous s’arrêtèrent de combattre sauf Hanzar qui continuait d’attaquer Kradim. Par contre le moment de confusion ne dura qu’un instant, assez longtemps pour Hanzar pour qu’il puisse embrocher deux guerriers avec son sabre, trancher la gorge d’un, casser le coup d’un autre et assommer le dernier d’un coup de tête, le tout en un éclair.

  • Il te reste bien des choses à apprendre, dit le jeune prince en reprenant son souffle.
  • Pourquoi m’as-tu attaqué? dit Kradim.
  • Il fallait bien que j’intervienne d’une façon spéciale pour finir avant la tombée de la nuit et l’arriver d’un groupe de trolls attiré par les bruits de la bagarre… et surtout avant d’être à bout de mes forces, dit Hanzar d’un sourire forcé entre deux grandes inspirations.

Kradim sourit à son tour et tous les deux éclatèrent de rire oubliant la dure bataille qu’il venait de mener, que certain aurait pu appeler massacre, mais qu’un habitant de l’Aventurie ne voyait que trop souvent. Il retrouvèrent leur chevaux qu’ils avaient laissés avant lors du combat et puis avant de repartir Kradim demanda à Hanzar :

  • Au juste, pourquoi a-t-on attaqué ces hommes? Les connaissais-tu?
  • Correction! Pourquoi AI-JE attaqué ces hommes? Ce sont des hommes du roi Mestam, un pilleur renommé, un homme qui garde prisonnier et en esclave plusieurs pauvres paysans. Plusieurs, dont lui-même, affirment qu’il est associé avec certains démons… mais ne nous attardons plus. Partons et nous établirons notre camp plus loin.

Hanzar chercha dans l’un de ses sac pour y sortir une petite fiole contenant un liquide brunâtre. Il en but une partie et versa le reste sur la blessure de son bras gauche. Kradim reconnu alors le même liquide qui étira la vie de sa mère pour quelques mois, jusqu’à temps que la dispendieuse potion de guérison ne fasse défaut.

Ainsi, ils reprirent la route pour s’éloigner de ce lieu. Ils ne purent allez bien loin car le soleil avait définitivement laisser place à la Lune et à Phyzor; la petite lune bleue qui apparaît irrégulièrement dans les ciels autant éclaircis qu’ennuagés. Pour certains elle est de bonne augure mais pour d’autres elles apportent le malheur. Cependant Hanzar, lui qui approchait de plus en plus de sa terre natale après un long voyage, continuait de transmettre sa bonne humeur à son silencieux compagnon lui faisant oublier le danger dans lequel ils étaient. Ils s’arrêtèrent puis installèrent leur campement.

Le sommeil ne fut pas très difficile à trouver ce soir là; un chaud vent venait constamment de la mer qui se trouvait un peu au-delà de l’horizon mais dont on pouvait encore sentir son air salin, pour agiter les branches d’un large saule qu’ils avaient choisi pour abris.

Le lendemain, Kradim fut brutalement sorti de sommeil par un coup de branche que lui asséna Hanzar :

  • Lève-toi et attrape ceci! Dit-il tout en lui lançant une autre branche.

Le jeune berger n’avait pas encore réussi à adapter ses yeux à la lumière du jour, et encore moins réussi à se sortir de sous ça couverture, qu’il se devait d’éviter un autre coup de bâton. Une fois de plus il bloqua le coup tout en se relevant :

- Il est maintenant temps que tu apprennes à attaquer tes adversaires… vas-y, ATTAQUE!!!

Toute la matinée, ils combattirent s’arrêtant à l’occasion pour que Hanzar puisse montrer quelques techniques à Kradim. Hanzar était très loquace et enchaînait les histoires de familles à propos de l’île de Barnak; comment, il y a très longtemps, un groupe d’aventuriers avaient découvert celle-ci et avait éliminé une hydre qui y avait élu domicile, à quel point il aimait se promener dans le petit port de l’île, la beauté de la petite forêt en son centre qu’il parcourait avec son petit chien, comment son frère le roi l’avait amené lors des voyages qui menèrent à la découverte de la Nouvelle-Aventurie. Les deux jeunes s’amusèrent beaucoup, par moment ils exagérèrent leurs mouvements ainsi on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un spectacle de foire.

Après avoir pris un petit repas ils poursuivirent leur voyage et tous les soirs quand ils s’arrêtaient Hanzar partageait ses connaissances avec Kradim. Pendant près de deux semaines ils parcoururent ces contrés sauvages, s’éloignant encore plus de la mer pour ensuite suivre une large rivière boueuse nommée Tobimora pendant quelques jours. Après avoir trouvé un petit pont de bois, ils la traversèrent et entrèrent sur les terres des Amazones, peuple de cavalières alliées à sa famille car son frère avait épousé l’une d’elles. Cependant ils n’en rencontrèrent aucune, mais leur voyage n’en fut pas moins mouvementé. Ils repoussèrent à quelques reprises les attaques de loups des bois, de jaguars et d’un petit groupe de Kobolds, une sorte de petit lutin noirâtre aux longues oreilles. Finalement ils rejoignirent la rivière jumelle de Tobimora, l’Ador, pour arriver à une petite ville portuaire :

  • Enfin nous voici arrivé à Baluk. Nous y passerons le reste de la journée ici et demain nous prendrons un bateau puis dans deux ou trois jours nous serons arrivés, dit Hanzar.

Midi était à peine passé que les deux amis se promenèrent dans les rues de Baluk. Sur la place du marché, une arène était installée. La foule était très dense, tellement que Hanzar et Kradim avaient de la difficulté à voir le spectacle. Il décidèrent de s’y arrêter quelques instants.

Deux lutteurs s’affrontaient; un, sûrement le champion, très musclé, et l’autre, un robuste marin qui avait probablement déjà un peu trop bu. Un homme donna le signal et les deux gladiateurs engagèrent le combat. Le champion s’amusait littéralement avec l’ivrogne le poussant dans tous les sens. Soudain la foule mécontente du spectacle hua les combattants. Ceci enragea le champion puis celui-ci commença à asséner sauvagement de nombreux coups de points et de pieds. " J’aimerais bien que quelqu’un donne une leçon à cet animal… " dit Hanzar. Au même moment, un personnage sortit de la foule. Il était gigantesque; il devait mesurer entre huit ou neuf pieds de haut. Un large sourire apparu sur le visage de Hanzar : " … et voici le professeur! "

Le géant attrapa le champion et le repoussa loin du guerrier à moitié mort. " Tu devrais t’attaquer à quelqu’un de ta force " dit le géant. La foule s’activa. L’homme qui avait donner le signal de départ recevait les nombreuses mises d’argent à travers la foule. De nouveau l’homme donna le signal d’engagement. Le champion fonça sur le géant et après une prise de force le géant propulsa le champion d’où il était venu. Cependant celui-ci attaqua de nouveau. La foule cachait presque tout le spectacle mais les deux voyageurs purent voir le géant donner un coup de point sous la mâchoire de son adversaire qui le projeta en l’air sous l’impact du choc et retomba au milieu de la foule.

Hanzar essaya de se frayer un chemin jusqu’à l’arène. Kradim, qui ne l’avait pas vu partir s’aperçut que Hanzar n’était plus à ses côtés qu’une fois celui-ci était dans l’arène. " …il va se faire tuer! " se disait Kradim mais quelque chose le rassura; les deux gladiateurs affichaient un large sourire. Le signal fut donné. Des séries de coups spectaculaires, roulades et de prises se firent échanger de part et d’autres ce que la foule apprécia beaucoup, Kradim lui riait aux éclats. Mais le combat continuait et les coups plus spectaculaires les uns que les autres se poursuivirent jusqu’à temps que Hanzar mit le géant à terre le gardant dans cette position en tenant un pied sur l’énorme poitrine du géant et levant les bras en l’air en signe de victoire. Hanzar reçu l’argent du combat puis revint voir Kradim qui riait encore.

  • Beau combat... ou devrais-je dire " beau spectacle "? dit Kradim.
  • Merci… tu sais c’est très dangereux tout ça, dit Hanzar avec un sourire en coin.

Pendant qu’ils parlaient le géant apparut derrière Hanzar. Il le prit dans ses bras comme les lutteurs le font.

  • Ça fait tellement longtemps! dit le géant.
  • Oui, oui… pourrais-tu me relâcher sinon ça fera encore plus longtemps car je serai mort, dit Hanzar.

Ainsi le géant relâcha Hanzar.

  • Voici mon cousin Golar de Barnak et ses amis.
  • Cousins? Fit Kradim.
  • Lointain… disons, très lointain!

Kradim s’aperçut qu’il était entouré de jeunes hommes, à peu près de son âge. Le premier, grand et maigre, habillé d’un grand manteau bleu et blanc. Celui-ci ne parlait ni bougeait très souvent. Le deuxième était évidemment un Nennïartûl, facilement reconnaissable à son habit noir et à son masque d’ivoire. Le troisième, habillé d’un manteau cape bleu-nuit et d’un large chapeau de cuir de cerf qui semblait cacher des inscriptions tatouées sur son crâne. Soudain un jeune garçon d’à peine dix ans sauta dans les bras de Hanzar. Celui-ci était richement habillé comme un apprenti chevalier, un peu comme Stonyr l’était à cet âge. Un homme, possiblement l’aîné du groupe, l’accompagnait. L’homme portait une robe grise et était évidemment disciple de l’un des douze dieux. Il portait à son coup une amulette avec une femme tenant un serpent à bout de bras. Dans la région de Rimalk, on connaissait l’existence d’autres divinités mais Guérimm, le Dieu Forgeron, était considéré comme l’Unique… enfin, pour ceux qui y croient.

  • Bon, dit Hanzar, il ne manque plus que mon frère le roi. Mes amis voici Kradim, mon compagnon de voyage.

Tous se présentèrent devant lui. Le premier s’appelait Magor et était magicien. Le deuxième s’appelait Yamazouki, un Nennïartûl. Le troisième s’appelait Jüsa et lui faisait parti de l’ordre des Guerriers de l’Esprit, ordre encore nouveau et aux pouvoirs très nébuleux

  • Et voici, dit Hanzar en présentant le jeune garçon, le prince Yanrick, mon neveu et, regardant l’homme qui l’accompagnait, mon cousin, un fidèle d’Hésinde, déesse des arts, sciences et de la magie, Joff de Barnak.

Hanzar était très heureux de revoir ses amis et ses membres de sa famille car cela faisait très longtemps qu’ils ne s’étaient rencontrer. Plusieurs avaient changer sensiblement depuis, Magor par exemple était tout jeune avant qu’il ne fut envoyé à la guilde des magiciens pour ne revenir que quelques jours par années à Suka. Tous étaient maintenant de retour vers l’île de Barnak ainsi ils décidèrent de prendre le même navire. Le soir venu ils fêtèrent joyeusement, y compris Kradim, puis le lendemain ils prirent le bateau qui devait les mener chez eux.

 

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