Chapitre 5 : Retour à Suka Les deux jours de navigations se passèrent sans trop de mal, excepté pour Kradim qui en était à son premier voyage en mer. Aussitôt embarqué il fut atteint de fièvre et de malaises. Heureusement pour lui les vents furent très favorable et leur permirent d’atteindre l’île au milieu du deuxième jour. " Terre en vue! " annonça la vigie. Au loin on voyait apparaître deux îles séparées par un large détroit. Ils passèrent devant la première, plus petite, dont on pouvait voir les contours très facilement comparativement à l’autre qui s’étendait vers l’horizon. Aucune des deux ne présentait une grande élévation mis à part quelques collines au nord de la plus grande.
À mesure que leur embarcation s’engageait dans une grande baie, Kradim admirait les paisibles décors qui défilaient devant lui; quelques rochers arrondis brisaient le peu de vagues qui atteignaient la rive et gardaient de l’érosion les champs de blé à peine plus haut que la mer. Quelques rangées de cèdres et de saules courbés offraient ici et là une protection contre le vent pour les quelques habitations visible sur la péninsule est. Même s’il était à présent dans un tout autre pays que le sien, le jeune voyageur revoyait la quiétude de Rimalk lorsqu’il pu apercevoir la petite ville portuaire. Il s’agissait de Cournal et tous les passagers du navire étaient impatients de mettre le pied à terre. Cependant lorsqu’ils furent sur le point d’accosté ils s’aperçurent que la petite ville était d’un calme inquiétant; en fait elle était déserte. Lorsque le bateau toucha le quai, le sinistre écho de l’impact retenti telle le glas annonçant la mort. Sans plus attendre, Hanzar sauta par-dessus bord et fonça vers les maisons les plus proches. Il y entra et en ressorti aussitôt.
Hanzar, clairement enragé fini par s’expliquer :
L’atmosphère qui était jusqu’à la dernière heure des plus joyeuse sombra dans une grande tristesse.
Cette horrible découverte avait complètement ébranlé le jeune Hanzar, tellement que ce n’est qu’aux paroles de son neveu que Kradim et ses compagnons virent les yeux d’Hanzar s’ouvrirent laissant transparaître la peur qui venait de l’envahir. Il se retourna rapidement vers le nord comme s’il pouvait apercevoir quelque chose au-delà des maisons et des arbres qui réduisaient à quelques mètres son champs de vision puis, sans dire un mot, il fit de nouveau volte-face et couru vers le navire pour en faire sortir les chevaux. Il monta sur le sien puis toujours aussi silencieux, parti au galop à travers le petit village. La peur se lisait sur tous les visages. Yanrick n’attendait pourtant qu’une réponse simple de ses aînés mais tous étaient sous le choc voyant leur pays réduit au silence. Ils tentèrent de se ressaisir puis suivirent les traces du jeune guerrier qui partaient vers le nord. Toute la journée et toute la nuit ils chevauchèrent à travers champs et forêts ne faisant que de brefs arrêts. Joff informa Kradim alors que la lumière commençait à peine à reprendre sa place qu’ils s’approchaient de la ville principale, Suka. Cependant le soleil levant leur permit aussi d’apercevoir au loin, sur le chemin, une masse brune étendue sur le sol. Ils s’en approchèrent et se rendirent compte qu’il s’agissait de la monture de Hanzar, morte d’épuisement. Encore chaude, il l’avait probablement abandonnée il y a une heure ou deux. À partir de cet endroit le sol portait les marques des enjambés phénoménales de l’apprenti Nennïartûl qui poursuivait sa route. Le soleil était encore bas lorsque Suka fut en vue. En des circonstances différentes l’astre du jour aurait donner un spectacle impressionnant en éclairant les étendards juchés au sommet des trois tours de la cité. On ne pouvait qu’imaginer la grandeur et la beauté de cette construction mais aujourd’hui les rayons du soleil projetaient des ombres sinistres au bas de la seule tour qui tenait encore la garde sur une ville en ruine. Les murs qui autrefois ne faisaient que hausser les falaises grugées par la mer qui entouraient une bonne partie de la ville faisaient à présent office d’arbres couchés par le vent. Avant même que le petit groupe ait pu accepter cette vision d’horreur, un cris retenti jusqu’à leurs oreilles. Tous reconnurent la voix de Hanzar et ils se dépêchèrent à traverser la cité pour enfin arriver à ce qui restait du château. Devant l’immense porte calcinée, ils virent Hanzar marché vers eux tenant un homme dans ses bras. Les vêtements de l’homme étaient déchirés et imbibés de sang. Cinq flèches étaient plantées dans son coup et sa poitrine. Le jeune Yanrick descendit de son cheval et s’approcha du cadavre. Il reconnut les traits de son père qu’il ne pourrait maintenant retrouver vivant que sur le visage de son jeune oncle Hanzar. Il pencha sa tête sur la poitrine du décédé puis lui pris les mains comme si le mort le consolait. Tout à coup, un pendentif glissa des mains du défunt roi et ricocha sur le sol. Le son de son impact, tel un cristal éclaté, résonna dans toute la cité. Le jeune garçon se pencha puis, tout en essuyant ses larmes, ramassa le médaillon. Il s’agissait d’un aigle bicéphale en or, emblème du roi, tenu par une chaîne d’argent. L’aigle tenait dans ses griffes une perle blanche mais celle-ci était tachée par le sang du défunt. Le garçon tenta de l’essuyer avec ses mains toutes humides des larmes qu’elles avaient essuyées mais rien ne nettoya la perle. Silencieux, Hanzar porta le cadavre de son frère à travers la ville puis l’emmena sur une pointe qui surplombait la mer du haut d’une falaise pendant que le jeune Yanrick enjambait par trois les marches du château, cherchant de chambre en chambre un signe de la présence de sa mère. L’apprenti Nennïartûl posa le corps sur l’herbe longue puis retira les flèches du corps. Il se leva face au vent de la mer puis les lança de toutes ses forces. Il les regarda tomber dans l’océan, puis se retourna vers un rocher près de l’endroit où il avait poser le corps du roi. Il commençait à le pousser lorsque, après avoir écourté leurs recherches, le reste du groupe arriva. Hanzar souleva le long rocher de peine et de misère. Voyant cela Kradim voulu s’avancer pour lui venir en aide mais l’énorme bras de Golar lui barra la route aussitôt. Celui-ci ne le regarda même pas mais Kradim comprit qu’il devait laisser Hanzar se débrouiller seul. Une fois le rocher déplacé, le frère du roi repris le cadavre dans ses bras et le déposa dans la cavité maintenant créée. Il regarda une dernière fois son frère aîné puis fit signe au groupe d’avancer. De tous les visages, celui exprimant le moins de rage était celui du roi. Hanzar reposa le rocher avec l’aide de Golar puis lança un regarde vers Magor tout en hocha la tête. Le magicien tendit les bras au-dessus du roc puis prononça à plusieurs reprises les mots "salander mutander…claudibus clavistibor… ". Une lumière intense sortie des mains du magicien aveugla le groupe et lorsqu’ils purent voir de nouveau ils s’aperçurent que la pierre s’était changé en une dalle gravée de nombreuses inscriptions entourant l’aigle bicéphale du roi. Une fois de plus, les scènes de la mort de sont père au pied de la Montagne Noire revenait hanter Kradim. Le ciel était immaculé et le soleil brillait très fort mais personne ne s’en était aperçut. La douce brise qui venait de la mer leur paraissait comme une bourrasque glaciale venant du nord. Kradim se retira le premier du groupe. Lorsqu’il se retourna il revit la cité en ruine, il pensa à toutes ces vies qui avaient été perdues. " Justice doit être faite " se dit-il à voix basse. Retournant vers le château, il passa dans les rues de la ville saccagées et plus il avançait, plus la rage l’envahissait à la vue de ces centaines de scènes horrifiantes; hommes, femmes, enfants, tous réduits à l’état de squelettes. Bien qu’il en était qu’à sa première présence sur ces terres, un sentiment de rage et une soif de vengeance qui lui était jusqu’alors inconnu empli son esprit. Une fois arrivé au palais Kradim franchit les portes et pénétra les décombres afin de poursuivre les recherches précédemment écourtées suite à l’ordre de Magor. Après avoir traversé quelques pièces pillées, il arriva à deux lourdes portes, dont une était sortie de ses gonds, qui donnaient sur la salle du trône. Une centaine de soldats, possédant encore toute leur chair, formait un cercle autour de l’endroit où devait être le corps du roi. Les soldats ne portaient cependant pas les couleurs de Yanwick.
Malgré que leur enquête fut renforcit par leurs autres compagnons, elle fut rapidement terminée; personne n’avait survécut. Cependant le corps de la Reine, nommée Leïla, ne fut pas retrouvé, ce qui donna espoir au jeune héritier. Voyant leur recherches inutiles ils décidèrent, Magor prit la parole et envoya Yamazouki et Jüsa aux écuries pour y ramener deux chariots encore en état de rouler pour qu’ils puissent parcourir le reste des terres. Ils attelèrent les chevaux laissant Kradim, Yanrick et Joff en selle. Le convoi traversa l’île entière et de village en village ils ne purent que constater les dégâts. Il retournèrent ensuite à Cournal après une semaine de sombre expédition. " Aucun survivant " dit Hanzar mais Jüsa répondit aussitôt : " Il y en a un, je le sens! " Connaissant les pouvoirs instinctifs de son compagnon, Hanzar s’écria :
Quelques minutes suffixèrent à l’équipage pour se préparer et lever l’ancre. Après trois heures de navigation, on mit une petite barque à l’eau pour permettre aux aventuriers d’aller dans la petite île entouré de rocher près à déchirer la coque d’un navire qui tenterait de s’y approcher. Golar se chargea des rames et Joff du gouvernail pendant que Hanzar était debout à l’avant du bateau. Bien qu’une semaine fut passé depuis la funèbre découverte tous continuaient d’afficher un visage triste sauf Kradim dont la rage était demeurée vive. Sur la rive un homme les attendait, torche en main car le jour s’assombrissait. Il attrapa la corde que lui lança Hanzar et les tira sur la rive.
Le mystère des propos de Beldrin n’atteignit vraisemblablement pas les derniers survivants de l’Îles de Barnak car ils se retournèrent à la barque avec l’intention de visiter un après l’autre les chefs des soldats retrouvés morts, déjà reconnu pour leur mauvais alignement et conséquemment avoir une chance de retrouver la Reine Leïla vivante. Lorsque Kradim se retourna, l’ermite aperçu l’épée attachée à son dos et il dit :
Bien que ce nom lui était pratiquement inconnu, Kradim s’arrêta sans se retourner, comme frapper d’une paralysie soudaine. Tout ce pourquoi il avait quitté sa région et tentait maintenant d’oublier venait une fois de plus lui glacer le sang. - Fils de Jonatide… Viens, j’ai à te parler. Kradim se retourna doucement et s’approcha du vieil homme.
Kradim resta silencieux, abasourdit par cette révélation puis secoua la tête : - Non, la quête que mes compagnons sont présentement confrontés est plus grande qu’une vengeance personnelle, il reste de l’espoir pour retrouver la mère du jeune Yanrick et comme tu l’as dis nous aurons besoin de toutes les forces disponibles… de plus je n’ai jamais demandé à tenir ce rôle… et je n’en veux pas… ici justice doit être rendue!
Et l’homme se retourna lentement pour finalement s’enfoncer et puis disparaître dans la dense et noire forêt de Leïlaran. Retourner à la page d'accueil |