Jeudi 6 Juin 2002
*10h40*
Il n'y a de joie pour l'âme que dans l'action.
- Hubert Lyautey -
Je me sens bien, je fais partie du monde. J'ai des occupations. Je travaille d'arrache-pied (aïe) pour mon exam de la semaine prochaine, et j'ai l'impression que celà me rend invincible. Celà me rend humaine. Celà me rend une place quelque part dans ce vaste monde. Je suis quelqu'un. Une âme et un corps. Une semi-étudiante qui lis tard le soir et se lève tôt le matin, qui écrit et fait brûler de l'encens, qui ne sort pas de la journée car bien assez occupée avec les livres et les feuilles-brouillons étalés par terre, qui ne se maquillera pas aujourd'hui, laissera ses cheveux en désordre, en pantalon large et t-shirt ridicule. J'adore ça. Exister. Quand ma passion reprend le dessus. Lorsque je me fous de tout et de tout le monde, ou presque, sauf de ce que j'ai à faire. C'est pas toujours comme ça, alors lorsque ça arrive, lorsque je me sens complète avec juste des bouquins des classeurs et un stylo et la musique et une tasse de café et une cigarette et la fenêtre ouverte, lorsque la net-addiction et les tourmentes de mon coeur laissent place à mes passions de la vraie vie, alors je me sens incroyablement bien. Lorsque j'enferme mes rêves stériles dans une boîte que je ne me sens pas le besoin d'ouvrir. Lorsque je n'ai pas besoin ni d'amour ni de compréhension. Lorsque je deviens imperméable aux doutes et aux autres, j'ai le sentiment de ne vivre que pour moi, ce que l'on ne s'autorise pas assez souvent à faire, vivre rien que pour soi, sans se laisser dominer par nos vices, en épurant nos faiblesses. Il ne fait pas beau et j'adore ça.
*19h34*
C'est tout ptit ici. Là, dehors, cette ville, c'est tout ptit. C'est tout ptit et ça me rend dingue. Chaque fois que j'y mets un pied ça me rend dingue. Dehors, j'ai 15 ans à nouveau et je hais cette rue. et je hais cette ville. et je hais ces gens. et leurs petites manières étriquées. et leur petit monde. C'est pas la vie ça, c'est pas la vie. Je ne supporte pas qu'on me regarde, je supporte pas qu'on me parle, je regarde mes pieds, laissez-moi dans mon monde, laissez-moi jusqu'à ce que je m'en aille loin d'ici, et surtout, surtout, me demandez pas de marcher dans les rues de cette ville. J'ai commencé ma vie ici et je ne veux pas m'en souvenir.
Un jour j'étais ailleurs et un jour c'était mieux. Et devant moi, il n'y a rien que du meilleur. Mais c'est là, c'est tout près et encore hors d'atteinte. Alors en attendant, avoir un semblant de vie ici, je préfère pas y penser, je préfère rester entre ces murs qui me font oublier que je suis revenue, et que pour s'en aller la route est longue. Même si j'en vois le bout. Oui.