Dimanche 23 Juin 2002

*21h33*

L'opposé de la débauche, ce n'est pas la pruderie, ce n'est pas l'austérité, ce n'est pas l'abstinence: c'est l'amour.
- Alphonse Karr -

Je sais pourquoi j'ai suivi cet homme, depuis si longtemps. Je l'oublie chaque fois qu'il est loin, je l'oublie chaque fois que je me laisse séduire, je l'oublie chaque fois que je veux être indépendante, chaque fois que je veux donner un semblant de fraîcheur à mes sentiments, mais lorsqu'il est là, et lorsqu'il s'en va, je sais pourquoi je suis restée dans cette bulle de souvenirs et d'illusions sur l'avenir. Fidèle. Fidèle puisque c'est ce que mon corps lui est depuis des années. Lorsqu'il est là, je sais pourquoi. Pourquoi je ne me suis pas encombrée d'autres liens, pas trop, pas au point de ne pas pouvoir revenir sur mes pas, et mes décisions. Pourquoi je n'ai pas tout abandonné il y a trois ans pour une aventure, pour une déchirure au coeur que la vie toujours finit par résorber, pour un peu plus de chair, pour un peu plus de bleu. Pourquoi je demeure entière tournée vers son pôle, même si celà me coûte, celà m'a coûté plus d'une fois et celà me coûtera encore. Mais lorsqu'il est là, et lorsqu'il s'en va, je sais pourquoi j'ai affronté tout ça. Et je sais pourquoi je continuerai.
Moins maintenant pour mon orgueil que pour mon humilité, moins pour l'estime qu'il attire des autres que pour celle que je lui porte lorsque nous marchons côte à côte. Moins parce qu'il est un homme formidable que parce qu'il est mon homme. Autant pour nos silences que pour nos rires...et tellement pour nos rires, pour le simple bonheur de vivre qui nous submerge et nous enivre, par éclat de voix, par éclat de coeur, pour ces échanges de gestes et de mots que je connais par coeur, et qui pourtant ne cessent jamais, jamais, de me surprendre et de m'enlever, m'enlever pour me déposer ailleurs, là où le passé, le futur, les peines et les pleurs, ont disparu.
C'est pour tout celà que j'abandonne ma liberté, un week-end par mois et peut-être pour des années dans un mois. C'est pour tout celà que j'en viens parfois à subir un personnage que je ne souhaitais pas être mais dans lequel je me confonds en amour inlassablement. Pour tout celà. Et j'oublierai encore que c'est beaucoup, j'oublierai encore que ça en vaut la peine, j'essayerai encore de me décourager, demain, demain...Mais un soir comme celui-là je sais, et je me souviens, que nous ne sommes pas rendus l'un à l'autre depuis des années pour rien, pour un jeu ou pour un autre moment de dépit dans nos vies.
Lorsqu'à ses côtés je supporte mon corps parce qu'il supporte mon coeur, lorsque tout en moi semble changé à ses côtés et n'être plus l'insoutenable vision d'un seul corps mal aimé, le reflet change, change tellement lorsqu'il est là. La seule place où je me sente à ma place c'est ma main sur son coeur et mon cou au creux de son bras, lorsque la nuit je m'oublie quand je sais que lui ne m'oublie pas. Il n'y a que cet endroit sur terre, ces épaules trop larges pour moi dans lesquelles je me perds lorsqu'il éteint la lumière et referme sa chaleur sur mon sommeil et mes rêves. Il n'y a que cet endroit sur terre, et l'on peut être n'importe où. Il n'y a que cet endroit sur terre, pourvu que nous soyons ensemble. Il n'y a que cet endroit sur terre où j'appartienne, quand sous sa force mes faiblesses se dissolvent, quand ses yeux dans mes yeux cherchent et trouvent encore ce qu'il y cherchaient il y a cinq ans déjà, l'absolu, l'infini, un point de non-retour pour ne plus se perdre.
Et cet endroit sur terre n'est plus qu'une voix lorsqu'il s'en va. Mais encore une voix dans le téléphone qui m'emmène avec lui, qui me dit à bientôt, qui d'un je t'aime m'avoue sa solitude et retient encore cette nuit-là, la nuit d'hier comme si elle était encore ce soir, la rend vivace encore une fois, vivace comme elle le restera pour faire encore exister notre amour jusqu'à la prochaine fois que je retrouverai mon homme, et qu'il me retrouvera.