Je fume, étalé face au ciel,
Sur limpériale de la diligence,
Ma carcasse est cahotée, mon âme danse
Comme un Ariel;
Sans miel, sans fiel, ma belle âme danse,
O routes, coteaux, ô fumées; ô vallons,
Ma belle âme, ah! récapitulons.
Nous nous aimions comme deux fous,
On sest quitté sans en parler,
Un spleen me tenait exilé,
Et ce spleen me venait de tout. Bon.
Ses yeux disaient: Comprenez-vous?
Pourquoi ne comprenez-vous pas?
Mais nul na voulu faire le premier pas,
Voulant trop tomber ensemble à genoux.
(Comprenez-vous?)
Où est-elle à cette heure?
Peut-être queelle pleure...
Où est-elle à cette heure?
Oh! du moins, soigne-toi, je ten conjure!
O fraîcheur des bois le long de la route,
O châle de mélancolie, toute âme est un peu aux écoutes,
Que ma vie
Fait envie!
Cette impériale de diligence tient de la magie.
Accumulons lirréparable!
Renchérissons sur notre sort!
Les étoiles sont plus nombreuses que le sable
Des mers où dautres ont vu se baigner son corps,
Tout nen va pas moins à la mort.
Y a pas de port.
Des ans vont passer là-dessus,
On sendurcira chacun pour soi,
Et bien souvent et déjà je my vois,
On se dira: Si javais su...
Mais mariés de même, ne se fût-on pas dit:
Si javais su, si javais su!...?
Ah! rendez-vous maudit!
Ah! mon coeur sans issue!...
Je me suis mal conduit.
Maniaques de bonheur,
Donc, que ferons-nous? Moi de mon âme,
Elle de sa faillible jeunesse?
O vieillissante pécheresse,
Oh! que de soirs je vais me rendre infâme
En ton honneur!
Ses yeux clignaient: Comprenez-vous?
Pourquoi ne comprenez-vous pas?
Mais nul na fait le premier pas
Pour tomber ensemble à genoux. Ah!...
La lune se lève,
O route en grand rêve!...
On a dépassé les filatures, les scieries,
Plus que les bornes kilométriques,
De petits nuages dun rose de confiserie,
Cependant quun fin croissant de lune se lève,
O route de rêve, ô nulle musique...
Dans ces bois de pins où depuis
Le commencement du monde
Il fait toujours nuit,
Que de chambres propres et profondes!
Oh! pour un soir denlèvement!
Et je les peiple et je my vois,
Et cest un beau couple damants,
Qui gesticulent hors la loi.
Et je passe et les abandonne,
Et me recouche face au ciel.
La roue tourne, je suis Ariel,
Nul ne mattend, je ne vais chez personne.
Je nai que lamitié des chambres dhôtel.
La lune se lève,
O route en grand rêve,
O route sans terme,
Voici le relais,
Où lon allume les lanternes,
Où lon boit un verre de lait,
Et fouette postillon,
Dans le chant des grillons,
Sous les étoiles de juillet.
O clair de lune,
Noce de feux de Bengale noyant mon infortune,
Les ombres des peupliers sur la route...
Le gave qui sécoute...
Qui sécoute chanter...
Dans ces inondations du fleuve du Léthé...
O Solo de lune,
Vous défiez ma plume,
Oh! cette nuit sur la route;
O étoiles, vous êtes à faire peur,
Vous y êtes toutes! toutes!
O fugacité de cette heure...
Oh! quil y eût moyen
De men garder lâme pour lautomne qui vient!...
Voici quil fait très, très frais,
Oh! si à la même heure,
Elle va de même le long des forêts,
Noyer son infortune
Dans les noces du clair de lune!...
(Elle aime tant errer tard!)
Elle aura oublié son foulard,
Elle va prendre mal, vu la beauté de lheure!
Oh! soigne-toi, je ten conjure!
Oh! je ne veux plus entendre cette toux!
Ah! que ne suis-je tombé à tes genoux!
Ah! que nas-tu défailli à mes genoux!
Jeusse été le modèle des époux!
Comme le frou-frou de ta robe est le modèle des frou-frou.
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