VUIT POEMES D'EL TEMPS LLENÇAT AL POU, TRADUÏTS AL FRANCÈS PER MATIAS TUGORES GARAU

 

 

11

 

Il était oublié

par les jours et les chemins

de souvenirs non vécus.

A la mémoire il enlevait

une vie avec le regret

du sel. Il cognait

en vain l'entrée

d'un paradis hermétique

où jamais il ne pourrait

pénétrer.

                   Il écoutait

le peureux se couchait

tout craintif du crépuscule.

 

                                           (Rev. Jalons, 81, 3ème trimestre 2005).

 

 

17

 

Il dessine des mots sans vie, sans recoins,

sans replis, sans échos dans la maison.

Plans tout blanc, il construit des faux murs,

des chambres et des cloisons tout juste pour l'attente,

Il n'est pas prévu dans les destins de demain

l'horreur du vide : un être dans chaque chambre,

sans un espace pour un rêve imprévu

ou non accompli. Il faut qu'il oublie l'aurore

sans zénith et le chapeau plein d'anneaux

et de trous dans l'armoire.

 

                                           (Rev. Jalons, 81, 3ème trimestre 2005).

 

 

20

 

Toutes les stations menaient au rêve : musique fraîche et feuilles mortes dans les bois de chênes, des montagnes décorées avec des rochers et des monstres, des bancs de sable immenses avec des plages d'argent, des ermitages pendus aux balcons du vent, des villages fantastiques où les gens avaient une vie différente à la leur... Dans la dernière station, cachée, il y avait l'inconnue : elle voulait connaître le secret de la fin du chemin. Jusqu'à ce qu'un jour on lui montra la station définitive, au-delà de laquelle, le chemin de fer, n'arrivait pas : seulement un mur solitaire recouvert de silence, semblable au quai de la ville turbulente où persistaient les trains.

 

                            (Rev. Les amis de Thalie, 52, 2ème trimestre 2007)

 

26

 

Ignorance

d'être vivant :

conscience

d'être poussière.

 

                                           (Rev. Jalons, 81, 3ème trimestre 2005).

 

 

 

29

 

Chaque jour de plus en plus

il avait à sa portée

la confusion des siècles.

Il trouvait intelligible

voir son nom inscrit

comme voyageur fugace

dans ce livre ouvert.

C'étaient des images franches

de son temps figé.

A chaque moment de plus en plus

il était convaincu

qu'il était le prisonnier du temps passé.

 

                                           (Rev. Jalons, 81, 3ème trimestre 2005).

 

 

 

30

 

Il s'observait il ne voyait

rien :

              aucune fausse image

ou positive ne remplirait

les vides interrogeant.

Seulement en solitaire

il osait se demander

d'où il provenait d'où il venait.

L'effort était un sacrifice :

il savait que non plus

il n'était pas celui du miroir.

 

                                           (Rev. Jalons, 81, 3ème trimestre 2005).

 

 

 

32

 

Dans la nuit

condamné au souvenir

de l'espoir.

 

                                           (Rev. Jalons, 81, 3ème trimestre 2005).

 

 

33

 

Il voudra aussi qu'à l'aube avec la nouvelle lumière

les façons importantes retournent à leur place : la magie.

Et il cahera l'attention dans son enfer

particulier pour ne pas permettre des indices

que, des traîtres, révèlent dans le geste

un autre ton, la voix de couleurs pleine...

Countre-courant, dans un rythme diurne,

il voudra trouver l'intensité du rêve :

mais il saura que le vent l'a exilé

et maintenant il vit prisonnier d'un cauchemar, somnambule.

 

                                           (Rev. Les amis de Thalie, 43, 1er trimestre 2005).