VAGABONDS EN CHARTERS, ROUTARDS DE BANLIEUE
Tourisme moderne entre misère et business
 SCHÖN IST ES AUCH WOANDERS 
 Über Vagabunden und sonstige Touristen 
 Sur les marges du voyage et sur fond de crise sociale se développe un certain tourisme de misère. Nos sociétés méprisent les misérables mais exaltent à l'envi les voyageurs. Le refus de l'autre de l'ailleurs résonne tristement avec le rejet de l'autre de chez nous. Alors que les mobilités augmentent un peu partout dans le monde sous des formes de plus en plus diverses, les mentalités se ferment et les nomades parlent à des murs.
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 Nés à la fin du XIXe siècle sur les décombres de la crise économique dans une Amérique qui jetait, déjà, ses milliers de chômeurs dans la rue, les hobos sillonnaient les Etats en quête de chantiers pour travailler, de trains pour se déplacer, d'emplois pour exister sur le plan social et pour survivre sur le plan financier. Dès 1923, dans son ouvrage Le Hobo, sociologie du sans-abri (1993), Nels Anderson notait qu'une culture libertaire sous-tendait ce mode de vie bohème. Le hobo n'est pas qu'un chômeur ou un travailleur nomade : c'est aussi un jouisseur de la vie, un rescapé du romantisme. Am Ende des 19. Jahrhunderts tauchten sie in den USA auf. Nach der verheerenden Wirtschaftskrise standen Tausende von Arbeitern auf der Straße, und so zogen sie in Scharen von einem Bundesstaat zum anderen, auf der Suche nach einer Gelegenheitsarbeit. In seinem Standardwerk "The hobo; the sociology of the homeless man" hielt Nels Anderson schon 1923 fest, dass dieses nichtbürgerliche Leben in gewisser Weise die Kultur der Freizügigkeit begründet hatte: Ein Hobo war eben nicht nur ein Arbeitsloser oder ein Wanderarbeiter, sondern auch ein Lebenskünstler, ein letzter Vertreter romantischer Ideale.

 

 On en oublierait presque que le temps de l'errance est également un temps de déviance, de rejet et, souvent, de souffrance. Un temps qui peut nous faire croire que tout est possible... Pour Anderson, le  « bon  » hobo n'est pas le travailleur mais l'oisif, celui qui met son temps au service de la vie et non du labeur. Nourri d'un imaginaire puissant marqué notamment par la figure d'un Jack London, il représente surtout un pionnier, un éclaireur, découvreur potentiel d'un hypothétique Far West.

 

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 L'image du hobo relève du mythe : l'extrême voyage au bout du  « tourisme moyen  ». Rien d'étonnant si tous les aventuriers originaux en mal d'ancêtres, mais aussi certains ethnologues, militants ou touristes soucieux de se démarquer revendiquent l'héritage du hobo. Ils lui attribuent le statut envié de  « vrai  » voyageur, de modèle idéal - celui que généralement, par peur ou manque de courage, on ne parviendra pas à imiter... - du nécessaire détachement de nos attaches aliénantes, qu'elles soient matérielles ou affectives.  Der Hobo wurde zum Mythos. Er stand für die extreme Form des Reisens jenseits des "Durchschnittstourismus". Kein Wunder, dass sich Abenteurer, aber auch manche Ethnologen, politische Aktivisten oder Touristen, die sich von der Masse abheben wollen, immer wieder auf diesen Idealtypus des "wahren" Reisenden berufen. Auf ein Vorbild, an das wir nicht herankommen, weil uns der Mut fehlt, all die materiellen und affektiven Bindungen zu lösen, die uns unfrei machen.
 Des  « vagabonds du rail  » (London) aux  « nomades du vide  » (Chobeaux), en passant par les  « clochards élégants  » (Kerouac), l'univers de l'errance - dont Bruce Chatwin a décortiqué l' « anatomie  » sur le mode si couru du travel writing - a plus changé en degré qu'en nature. Et l'Amérique reste l'Amérique.  XXXXXXXXX XXXXXXX XXXXXXX XXXXXX
 Il m'est arrivé,  « sur la route  », de partager durant quelques jours la pitance, la vinasse et le mode de vie d'un hobo  « moderne  », en reliant les deux extrémités des Etats-Unis. Agé d'une quarantaine d'années, Charles, par exemple, fait la route depuis près de dix ans. D'où vient-il ? Où a-t-il grandi ?  « Quelque part entre New York et Boston, mais je ne sais plus trop bien ; maintenant, mes seules attaches sont la route, le vent, la pluie et le soleil...  » A chaque véhicule qui s'arrête au bord de la route, la première question de mon compagnon d'infortune n'est pas vraiment celle du stoppeur  « classique  » se destinant à un lieu précis, mais :  « Bonjour, monsieur, où allez-vous ?  » Les questions suivantes ne tardent pas non plus à surgir :  « Pensez-vous qu'il y a du travail par là-bas ? Peut-être pourriez-vous m'aider à trouver un petit job temporaire, même si c'est mal payé ?  » Echantillons de mendicité et concessions anticipées symptomatiques d'un système qui place l'individu au bout de la chaîne du progrès. Interrogations qui ont laissé quelques automobilistes pour le moins interloqués. (XXXXXXXXX Per Anhalter in den USA von Küste zu Küste reisend, habe ich ein paar Tage lang das Leben, die kargen Mahlzeiten und den billigen Fusel mit einem der "modernen" Hobos geteilt. Charles zum Beispiel ist seit fast zehn Jahren auf Achse. Wo ist er aufgewachsen? "Irgendwo zwischen New York und Boston. So genau weiß ich das nicht mehr. Heute gibt es für mich nur noch die Straße, Regen, Sonne und Wind." Wenn ein Wagen am Straßenrand anhielt, dann stellte er nicht die typischen "Anhalterfragen", sondern sagte einfach: "Guten Tag, wo fahren Sie hin?" Und als nächstes fragte er: "Glauben Sie, dass es da Arbeit gibt? Können Sie mir helfen, irgendwas zu finden? Einen Job, er muss nicht gut bezahlt sein ..." (XXXXXXXXX XXXXXXX XXXXXXX XXXXXX) Einige Autofahrer reagierten auf diese Anfragen ziemlich verstört.
 Les formes que revêt le vagabondage sont multiples. Il y a les errants et les mendiants, les paumés et les désespérés, les renonçants et les expulsés. En accumulant le malheur, on peut être un peu tout cela à la fois. Mais la  « bonne société  » a toujours distingué les vrais vagabonds des faux. Les  « vrais  » : ceux qui, happés par la cruauté du monde, mais prêts à se rendre utiles, restent malgré tout intégrés au sein de la communauté. Les  « faux  » : ceux qui fuient à la fois le travail et la communauté.  DIE Formen nichtsesshaften Lebens sind durchaus vielfältig. Es gibt Vagabunden und Bettler, verzweifelte und gescheiterte Existenzen, Aussteiger und Ausgestoßene. Am schlimmsten ist es, wenn man alles zugleich ist. Die "anständigen Leute" machten stets einen Unterschied zwischen "echten" und "falschen" Vagabunden: Wer vom Schicksal geschlagen dennoch bereit war, sich nützlich zu machen, fand immer noch einen Platz in der Gemeinschaft; allen anderen unterstellte man, sie wären arbeitsscheue Sonderlinge.
 La société préfère sans aucun doute le vagabond appauvri et même déchu de toute humanité, mais  « acceptable  » et présent à ses côtés, auquel on cède volontiers une pièce de temps en temps, au vagabond rebelle et fuyard,  « inacceptable  » (donc  « enfermable  » !) et absent (donc, en quelque sorte, inexistant), tenté par l'oisiveté et l'inconnu.  
 Les comportements à l'égard du  « vrai  » SDF - version moderne du vagabond - oscillent entre charité bienveillante et compassion religieuse. Les attitudes envers le  « faux  » SDF, usurpateur de la misère officiellement acceptée, expriment, en revanche, au mieux la méfiance, au pis la haine. Après avoir été privés de citoyenneté, certains sont expulsés de la cité, d'autres meurent brûlés ou tabassés... L'histoire regorge d'oeuvres charitables pour les uns - de saint Vincent de Paul à l'abbé Pierre -, de procès et de prisons pour les autres. Le  « vrai  », on le plaint et on l'aide ; le  « faux  », on le stigmatise et on le rejette. Le premier aspire à la sédentarité là où le second a toujours la bougeotte. Le SDF voyageur passe toujours pour un mauvais vagabond qui refuse de se stabiliser, de s'installer, de s'adapter. Dans ce cas de mobilité, pourtant plus involontaire qu'on ne le croit, le voyage est non seulement mal vécu, mais aussi mal vu...  Das Verhalten gegenüber "echten" Obdachlosen - den heutigen Vagabunden - schwankt zwischen religiös geprägtem Mitleid und gut gemeinter Mildtätigkeit. Dagegen gilt der "falsche" Obdachlose als ein Trittbrettfahrer des offiziell akzeptierten Elends, dem bestenfalls Misstrauen, schlimmstenfalls Hass entgegenschlägt. Der "echte" Obdachlose wird bedauert und unterstützt, der "falsche" verteufelt und verstoßen. Der eine hofft, wieder sesshaft zu werden, der andere hält es nirgends lange aus. Und so gilt der vagabundierende Obdachlose stets als übler Landstreicher, der sich nicht niederlassen und anpassen will.
 La société défend d'abord une conception du voyage héritée des congés payés. Les autres formes sont suspicieuses et inconvenantes, surtout si elles se pratiquent hors des sentiers battus. A ce titre, les voyageurs-vagabonds sont comparés aux Tziganes... Dans une économie monde tout entière vouée au marché, les consommateurs de voyages sont mieux cotés que les gens du voyage.
Mais qui sont les  « vrais  » voyageurs ? Zygmunt Bauman note, avec justesse, qu' « un monde sans vagabonds, telle est l'utopie de la société de touristes  ». Le SDF a remplacé le clochard, l'exclusion la pauvreté. Mais les problèmes demeurent ; d'autres mots ne suffisent pas à résoudre les maux. Les jeunes quittent leur campagne isolée ou leur cité invivable pour recréer du lien social et survivre à l'absence de relations humaines. Ces  « nomades du vide  » envisagent toujours le départ, mais rarement l'arrivée : leur périple est avant tout - et il risque de le rester - un voyage en aller simple. Ces  « zonards  » rejoignent ici exceptionnellement les exilés - l'exil, voyage imposé, se limite, lui aussi, à un aller simple.
 UNSERE Gesellschaft hält an einem Begriff des Reisens fest, der an das Prinzip des bezahlten Urlaubs gebunden ist. Alle anderen Formen, zumal Reisen abseits der ausgetretenen Pfade, gelten als verdächtig und unschicklich. Vagabundierende Reisende werden deshalb immer wieder mit Zigeunern verglichen. In einer vollständig marktorientierten Weltwirtschaft ist das fahrende Volk unerwünscht, während die Käufer von Reisetickets heiß umworben werden. Wer aber ist ein "echter" Reisender? Zygmunt Bauman hat treffend festgestellt, dass "die Utopie der Touristengesellschaft eine Welt ohne Vagabunden ist"(1).( )Die Stelle des Clochards hat der Obdachlose eingenommen, die Stelle der Armut die Marginalisierung. Aber die Probleme bleiben - neue Begriffe können die alten Missstände nicht beseitigen.
 L'histoire des nomades du vide, selon la belle expression de Chobeaux, raconte la fuite hors d'une réalité quotidienne insupportable et vers d'autres gens dans le malheur. Si les actuels  « zonards  » nous rappellent les hippies d'hier, ils n'emportent pas avec eux les mêmes bagages. Moral moins flamboyant, route en général nettement plus courte. Manque de carburant, de force, d'argent... Les voilà loin des aventures beatniks, des périples routiers interminables et des expériences littéraires. De nos jours, l'errance et le nomadisme de certains manquent de cette poésie qu'on leur trouvait jadis. La vie d'errant n'a rien d' « exotique  » ou de  « folklorique  » : c'est avant tout une vie gâchée, triste, sans arrêt sursitaire, sinon suicidaire...  JUNGE Leute fliehen aus abgelegenen ländlichen Gebieten und unbewohnbaren Städten und versuchen, neue soziale Bindungen zu knüpfen. Die Geschichte dieser "Nomaden der Leere", wie François Chobeaux sie genannt hat(2),( )ist eine Geschichte der Flucht aus dem unerträglichen Alltag - hin zu anderen Menschen, die ebenfalls Not leiden. Diese neuen "Asozialen" erinnern an die Hippies von einst, aber sie haben weder einen hohen moralischen Anspruch noch einen langen Atem. Ohne Benzin, ohne Elan und ohne Geld, verkörpern sie das Gegenteil von Beatnik-Abenteurern. Ihnen widerfahren keine "On the Road"-Erlebnisse, die zu Literatur werden. Was viele heute als ziellose Nomaden erleben, hat nichts "Exotisches" oder "Folkloristisches" an sich. Es ist schlicht ein trauriges, verpfuschtes Leben, ein ständiger Überlebenskampf, wenn nicht ein Weg in den Tod.
 « Nous sommes tous des gens du voyage (1)  », écrit Bauman.
Avec, partout, la vogue du tourisme, le voyage devient  « tendance  ». Comme la  « crise  », le chômage, la pauvreté. Même si la condition de touriste reste sans doute préférable à celle de chômeur. Mais l'un rejoint l'autre, ou plutôt les deux termes tendent à se confondre. Si l'industrie touristique crée des emplois et des recettes là où d'autres secteurs n'en suscitent plus guère, chercher du travail peut se révéler une tâche harassante. Partir à la recherche d'un emploi représente, pour beaucoup de nos contemporains, un voyage douloureux et sans issue. A l'instar de l'île déserte, inaccessible, du bout du monde, l'emploi recherché exige de la part du voyageur intrépide patience et organisation, courage et traitements particuliers ! Cela peut s'apparenter à une aventure autrement plus exotique que les tribulations périodiques et vacancières dont l'objectif se résume à la conquête des plages méditerranéennes...
Déjà, nombre de ces aventuriers du travail perdu s'orientent vers des continents retrouvés, souvent très éloignés... Tout le monde ne peut espérer s'envoler à bord du Concorde, ou même d'un quelconque vol charter, mais la route, elle, est ouverte à tous. Du moins en apparence, la difficulté majeure consistant à ne pas rester sur le bas-côté. Car, si tous les chemins mènent à Rome ou ailleurs, beaucoup de migrants (ou immigrants) restent sur le bord, et pas seulement les auto-stoppeurs malchanceux. Du mendiant au routard, en passant par le réfugié et l'exilé, du SDF affamé au fils de PDG en quête d'émotions fortes, la route appelle une foule composite. Faire la route est une alternative offerte, en principe, à tous. Mais, en général, la manière et la finalité du voyage des uns et des autres diffèrent considérablement(2).
 Sicher wäre man lieber Tourist als Arbeitsloser, dabei könnten beide Rollen durchaus zusammenfallen oder sogar zu austauschbaren Begriffen werden. Denn die Arbeitssuche kann zu einer äußerst beschwerlichen Sache werden, für viele gleicht sie schon heute einer strapaziösen und ergebnislosen Reise. Der Arbeitsplatz scheint eine ferne leere Insel am Ende der Welt, die nur erreichen kann, wer unerschrocken, geduldig und kühn ist, wer sich mit exakten Plänen und guter Ausrüstung auf den Weg macht. Eine solche Expedition verspricht womöglich exotischere Abenteuer als der immergleiche Urlaubsstress oder der Kampf um einen freien Platz am Strand.
Dans la boîte à touristes, on trouve de tout. Y compris ces reality tours qui consacrent le succès d'un tourisme politiquement correct. En vogue surtout aux Etats-Unis, ils font commerce de la misère. Ainsi Global Exchange, une association de San Francisco, s'est-elle spécialisée dans les voyages vers les lieux d'exploitation et de conflit de la planète.
Son catalogue propose, entre autres, une exploration californienne des centres de détention de mineurs ; une autre dans les plaines du Centre, où les touristes peuvent rencontrer des travailleurs  « qui assurent la cueillette des fraises et sont, au premier chef, concernés par la toxicité des pesticides. Les séquoias du nord de la Californie et la déforestation qui menace l'écosystème sont l'objet d'une autre investigation  ».
IM Touristikangebot gibt es heute auch so genannte Reality Tours, die den Erfolg eines politisch korrekten Tourismus begründen. Der Reiseveranstalter Global Exchange in San Francisco ist auf Reisen spezialisiert, die an Orte der Ausbeutung und in die Konfliktregionen der Welt führen. Im Katalog wird etwa ein Trip durch kalifornische Jugendstrafanstalten angeboten oder eine Fahrt in die Hochebene Zentralkaliforniens, um Erdbeerpflücker zu treffen, "die Hauptleidtragenden des Einsatzes giftiger Pflanzenschutzmittel." Eine weitere Erkundungsreise führt in den Norden Kaliforniens, "wo die Entwaldung das ökologische Gleichgewicht bedroht".
 Quant au programme  « Beyond Borders  », il s'agit de  « trois jours à la frontière mexicaine qui, pour 500 dollars, permettent des contacts directs avec la population locale, les immigrés clandestins, la patrouille de la frontière, les organisations pour les droits de l'homme. Sans oublier la visite des maquiladoras, ces ateliers de confection situés sur la frontière, et sans négliger l'évocation des problèmes de pollution(3)  ».
Tourisme malsain où les plus misérables ne sont peut-être pas ceux qu'on croit... Cela rappelle les paroles d'un Américain rencontré au Mexique en 1987. Alors que je me trouvais à Chihuahua, on apprit la mort de plusieurs Mexicains clandestins asphyxiés dans un wagon du train transfrontalier. Et un touriste états-unien attablé dans un bistrot laissa alors échapper :  « On ne voyage pas gratis ! Moi, je paie bien mon billet d'avion pour venir jusqu'ici !  »
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 Le touriste a le tort de rendre amères les saveurs exotiques du simple fait de sa présence embarrassante. Circulant, se transportant, il se voit accusé de banaliser le monde et d'en atténuer le désir d'en faire le tour.

Il irait, selon ses détracteurs, jusqu'à assassiner le sens profond du voyage à force de le désacraliser.

  Die Lust an der Exotik wird einem allerdings häufig schon allein dadurch vergällt, dass man nicht der einzige Tourist ist. Der zweite Tourist ist der Feind des ersten: Wo er auftaucht, banalisiert er die Welt und ist schuld daran, dass das Reisen immer weniger Spaß macht.

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 Ce n'est pas tant la timide démocratisation du voyage qui rend caduque la distinction imaginaire entre touriste et voyageur que la volonté des touristes de marcher dans les pas des voyageurs ! Comme ces derniers, les touristes se prennent parfois à rêver d'un monde sans... touristes. D'où l'excitation facilement perceptible lorsqu'une  « nouvelle  » destination s'ouvre aux pratiquants de l'aventure : hier Cuba et le Vietnam, aujourd'hui le Laos, la Birmanie, le Bhoutan... Demain le Congo, la Corée du Nord, l'Afghanistan, voire le Timor-Oriental ou le Kosovo ? Es sind freilich nicht die zaghaften Tendenzen einer Demokratisierung des Reisens, die den Unterschied zwischen Touristen und Reisenden hinfällig gemacht haben - schuld ist umgekehrt der Wunsch der Touristen, in die Fußstapfen der Reisenden zu treten! Der Traum der Touristen von einer Welt ohne Touristen erklärt auch die unübersehbare Begeisterung, wenn ein "neues" Reiseziel auf den Markt kommt: Gestern Kuba und Vietnam, heute Laos, Birma und Bhutan, und morgen der Kongo, Nordkorea oder Afghanistan - warum nicht gleich Osttimor oder das Kosovo?
 Il serait temps de réapprendre à flâner au gré de ses envies, à cheminer librement avec l'autre, à musarder au fil de l'ailleurs, dans ce florilège de lieux à collectionner, au lieu de sillonner la planète à coups de séjours parfois si rapides qu'on ne parvient même plus à faire tranquillement tamponner son visa à la frontière.
Pour reprendre la classification du nomadisme contemporain établie par Jacques Lacarrière, on peut espérer que demain les  « voyagés  », ces adeptes du tourisme trop organisé et trop facile, rejoignent en actes - sinon en esprit - les voyageurs, ceux qui font du voyage un enrichissement personnel et une rencontre avec autrui.
 WIR sollten wieder lernen, nach Lust und Laune zu flanieren, uns unbeschwert auf das Andere einzulassen, gelassen unsere Pfade ins Anderswo zu suchen. Es gibt so viele Orte, die sich entdecken lassen, statt ein ums andere Mal in die Welt auszuschwärmen, eine Serie von Blitzurlauben hinzulegen, die oft so kurz bemessen sind, dass man schon die Passkontrolle als Verzögerung empfindet.
 A notre époque hantée par les incertitudes du quotidien, l'évasion passe de plus en plus par l'effacement. Le voyageur moderne n'entre pas seulement dans la clandestinité, il brouille le sens mythique du voyage : où est-il parti ? Au bout du monde pour un an, ou voir un ami dans la rue d'à côté ? Combien de fois ne m'a-t-on pas demandé, alors que je partais un ou deux jours  « quelque part  » en France, si je revenais avant six mois, voire si je restais définitivement  « là-bas  » ?  In einer Zeit, da der Alltag immer weniger Sicherheiten bietet, wird Zerstreuung immer mehr mit Vergessen erkauft. Der moderne Reisende taucht einfach ab, mehr noch, er stellt sich gegen die mythische Bedeutung des Reisens: Wohin ist er gegangen? Ein Jahr lang ans Ende der Welt? Oder nur ein paar Straßen weiter, um einen Freund zu besuchen?
 Le voyage ne s'est jamais autant inventé, fabriqué, pensé. Jadis, tout le quartier savait l'itinéraire du périple dans ses moindres détails. De nos jours, les voisins n'ont plus que les volets fermés pour s'apercevoir de la disparition du voyageur. On s'en va sur la pointe des pieds, on hésite à annoncer le départ, on cultive le flou sur les dates ou les destinations, etc. Le voyage nous invite secrètement à entrer par une porte dérobée... Trop de stress, trop de pressions de toutes parts, trop de technologie et trop de consommation, trop de travail, trop de chômage, trop de communication, trop de solitude, trop de paramètres remettent en cause le sens du voyage.  Nie zuvor war die Reise ein derart künstliches, erfundenes, ausgedachtes Produkt. Früher wusste das ganze Viertel über die Reiseroute eines Nachbarn bis ins Detail Bescheid, heute bemerkt man nur noch an den heruntergelassenen Rolläden, dass jemand gerade unterwegs ist. Der Tourist schleicht sich auf Zehenspitzen davon, zögert, einen Abreisetermin zu nennen, bleibt bewusst vage, was Termine und Ziele betrifft.DIE Reise lockt uns, verstohlen durch eine Geheimtür zu treten. Zu viel Stress, zu viel Druck von allen Seiten, zu viel Technik und zu viel Konsum, zu viel Arbeit und zu viel Arbeitslosigkeit, zu viel Kommunikation und zu viel Einsamkeit: es gibt einfach zu vieles, das den Sinn des Reisens in Frage stellt.
 Notre société survit d'excès comme elle en meurt : accumulation, matérialisme, consommation, gaspillage, etc. Trop, c'est trop. Partir aujourd'hui, c'est d'abord quitter tout cela. Partir, c'est  « se mettre au vert  », se retirer pour mieux se cacher et se protéger d'un monde devenu fou et sans cesse en ébullition. Ce n'est pas par hasard que les voyagistes jouent à fond la carte du  « retour à la nature  » et de la  « nostalgie des origines  ».
Le touriste-voyageur s'accommode de cette vision du monde, alors que le flâneur-badaud se situe en rupture de l'ordre qu'on lui impose : il voyagera aussi bien chez lui qu'au loin, fera l'effort de prendre son temps pour vivre au rythme de l'homme et de la nature.
Jean Chesneaux en fait son art du voyage :  « Accepter d'être un voyageur du monde tel qu'il est, c'est sans doute le prix à payer pour pouvoir légitimement s'interroger sur le devenir à la fois pluriel et unifié des sociétés contemporaines. (...) Voyager dans le monde, c'est philosopher sur le monde, c'est s'interroger sur l'équilibre toujours instable qui s'établira peut-être entre les pesanteurs de l'uniformité et les forces restées bien vivantes de la diversité(4).  »
Il n'y a pas plus d'invasion de touristes dans des milieux culturels fragiles que, jadis, d'invasions de barbares armés jusqu'aux dents pour mettre à sac l'Europe du bas Moyen Age - ou, actuellement, d'invasion de l'Europe par des immigrés venus voler emplois et femmes.
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Partout et toujours, une rencontre constitue une confrontation. Mais l'invasion touristique si décriée de nos jours a ceci de novateur qu'elle est - en général - pacifique. Conquistadores, missionnaires et colonisateurs d'autrefois ne pouvaient prétendre à cette vertu. L'échange a remplacé le vol. La plupart des touristes-voyageurs ont soif d'horizons nomades et affichent de louables intentions. Même si, parfois, ils ne savent guère ce qu'ils font, négligent les conséquences dramatiques de leurs actes et sous-estiment l'impact des traces de leur bref passage dans quelque hameau retiré de la planète.  Immer und überall bedeutet eine Begegnung auch eine Konfrontation. Gegenüber den militärischen Invasionen der Geschichte zeichnet sich die viel geschmähte Invasion der Touristen dadurch aus, dass sie weitgehend friedlich verläuft. Den Konquistadoren, Missionaren und Kolonialherren früherer Zeiten war diese Tugend nicht zu Eigen. Der Handel hat den Raub abgelöst. Die Mehrheit der Touristen treibt nur das Verlangen, die Welt mit dem Auge des Nomaden zu betrachten, und sie kommen in bester Absicht. Auch wenn sie oft nicht wissen, was sie tun, wenn sie die weit reichenden Folgen ihres Handelns ignorieren und unterschätzen, was für tiefe Spuren ihr kurzer Aufenthalt in irgendeinem Dorf am Ende der Welt hinterlässt.
 Visiter le monde par le biais du voyage, c'est aussi tenter de comprendre l'univers qu'on parcourt. Saisir - sinon vivre - les réalités sociales locales, ne jamais nier le rôle de l'histoire dans le présent et le devenir des sociétés. Le regard, forcément politique, porté sur le voyage forge les convictions et ouvre les portes du réel à celui qui sait écouter avec son coeur l'univers qui l'entoure.  DIE Welt besuchen, indem man reist, sollte auch heißen, dass man versucht, die durchquerten Welten zu verstehen, die soziale Wirklichkeit vor Ort zu begreifen, wenn nicht gar zu erleben. Es heißt auch, nie zu vergessen, welche Rolle die Geschichte für die Gegenwart und die Zukunft von Gesellschaften spielt. Eine solche - unvermeidlich politische - Art des Reisens festigt nicht nur Überzeugungen. Sie erschließt auch eine neue Wirklichkeit, jedenfalls den Reisenden, die mit dem Herzen zu hören verstehen.
(1) Zygmunt Bauman, Le Coût humain de la mondialisation, Hachette, coll.  « Pluriel  », Paris, 1999.
(2) Lire Franck Michel, Désirs d'ailleurs. Essai d'anthropologie des voyages, Armand Colin, coll.  « Chemins de traverse  », Paris, 2000, et, sous sa direction, Tourismes, touristes, sociétés, L'Harmattan, Paris, 1998.
(3) Cf. Le Monde, 10 janvier 1999.
(4) Jean Chesneaux, L'Art du voyage, Bayard, Paris, 1999.
Fußnoten:
(1) Vgl. Zygmunt Bauman, "Globalization: the human consequences", Cambridge (Polity) 1998.
(2) Vgl. François Chobeaux, "Les nomades du vide: des jeunes en errance, de squats en festivals, de gares en lieux d'accueil", Arles (Actes sud) 1996.

 

Par FRANCK MICHEL

Anthropologue et directeur de la revue Histoire et Anthropologie (18, rue des Orphelins, 67000 Strasbourg) ; auteur de Désirs d'ailleurs. Essai d'anthropologie des voyages, Armand Colin, Paris, 2000, et L'Indonésie éclatée mais libre. De la dictature à la démo cratie, L'Harmattan, Paris, 2000.
Diese Übersetzung von Edgar Peinelt, deren Rechte beim TAZ-Verlag liegen, ist leider an wichtigen Stellen verfälscht und gekürzt, ich möchte also sagen zensiert. Auch hagalil.com hat nur den Archivtext vom 11.8.2000 der deutschen Ausgabe von Le Monde Diplomatique gemirrored.  

* EDGAR PEINELT: Anthropologe, Herausgeber der Zeitschrift "Histoire et Anthropologie" (18, rue des Orphelins, 67 000 Strasbourg); von ihm erschien zuletzt "Désirs d'ailleurs. Essai d'anthropologie des voyages", Paris (Armand Colin) 2000 und "L'Indonésie éclatée mais libre. De la dictature à la démocratie", Paris (L'Harmattan) 2000.

 

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IN oXom .com (Moteur de recherche)  Dort fand ich am 28.Juni 2006 im Google-Cache (Stand 15. Aug. 2005), daß diese Seite hier in einer Suchergebnis-Liste 'Armut Schuld oder Schicksal' aufgelistet war.

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