Sa Sainteté Sakya Tridzin

 

 

 

 

Tara

 

Un enseignement sous forme de

réponses à des questions posées à Sa Sainteté

 

lundi 4 avril 2005,

Dreulma Podrang,

Rajpur, Inde

 

 

 

Question : Qui est Tara ?

 

En vérité, Tara est la perfection de sagesse ; elle est la mère de tous les bouddhas, de tous les bodhisattvas, shravakas et pratyekabouddhas. Cette sagesse est, en fait, au-delà de toute forme, de toute description, de tout signe. Cependant, en raison d’une grande compassion, pour venir en aide à tous les êtres, elle apparaît sous une forme physique, celle de Tara. Le mot Tara signifie “ La Salvatrice ou Libératrice ”, “ Celle qui nous sauve ou nous libère ”.

 

 

Q. : Y a-t-il des moments spécifiques pour l’efficacité de chaque tantra, par exemple, celle du Tantra de Tara ?

 

Je pense que cela dépend principalement des personnes. Pour certains, le kriyatantra convient bien ; pour d’autres, ce sera le caryatantra ou le yogatantra, et ainsi de suite. De même, pour certaines personnes, le Tantra de Tara conviendra mieux que d’autres tantras.

 

 

Q. : De nombreuses divinités possèdent la compassion ; en quoi Tara est-elle particulière ?

 

Fondamentalement, toutes les divinités sont de la nature de la compassion et de la vacuité, mais Tara est spéciale à deux égards : d’une part, c’est une figure maternelle ; et d’autre part, elle est une émanation d’Avalokiteshvara, lui-même manifestation de la compassion de tous les bouddhas. Cela explique le lien particulier entre la compassion et Tara.

 

 

Q. : Que va-t-il se passer dans la “ cérémonie de bénédiction ” de Tara (dans l’initiation-bénédiction) ?

 

Toutes les initiations sont semblables en ce sens que, durant ces cérémonies de transmission, notre corps, notre parole et notre esprit sont bénis de telle sorte qu’à partir de ce moment, nous sommes autorisés à faire la visualisation, à réciter le mantra et à méditer sur la sagesse primordiale.

 

 

Q. : Qu’est une lignée ?

 

Le terme “ lignée ” signifie que l’enseignement a été transmis par le Bouddha à ses disciples, puis de ceux-ci aux traducteurs, puis de chaque maître (sct. gourou, tib. lama) au suivant : c’est une lignée ininterrompue, qui a transmis les enseignements provenant du Bouddha lui-même jusqu’au maître actuel.

 

 

Q. : Tara est-elle seulement pour les bouddhistes ?

 

Pas du tout ! Tara voit tous les êtres comme si chacun était son enfant unique. Toutes les mères aiment leurs enfants, surtout celles qui n’en ont qu’un seul. Elles pensent constamment à lui, à ce qui est bon pour lui, à son bien-être. Tara possède une telle compassion et un tel amour que chaque être, sans aucune exception, sans aucune discrimination, est comme son unique enfant.

 

 

Q. : Il semblerait qu’il y ait des méditations durant la cérémonie de l’initiation-bénédiction. Votre Sainteté, pourriez-vous nous expliquer de quelles sortes de méditation il s’agit ?

 

Il existe divers types d’initiations, certaines sont des initiations majeures, certaines sont des initiations-bénédictions, et certaines sont des initiations simples. Prenons par exemple une initiation simple. Elle comporte trois sortes de méditation : tout d’abord, au niveau physique, on se visualise soi-même sous la forme de la divinité ; ensuite, au niveau verbal, on récite le mantra ; et finalement, au niveau de l’esprit, on médite sur la sagesse primordiale de Tara. Cette sagesse est au-delà de toute description, de toute activité, de toute parole, de toute pensée. Telle est la méditation.

 

 

Q. : La méditation de Tara concerne-t-elle seulement les femmes ?

 

Bien sûr que non ! Tout le monde peut recevoir [l’initiation et la pratique de] Tara.

 

 

Q. : Tara a-t-elle réellement existé en tant que femme ? Si tel est le cas, à quelle époque a-t-elle vécu ?

 

En fait, bien entendu, ce n’est pas une personne : la vraie nature de Tara est la perfection de sagesse, qui est mère de tous les bouddhas et de tous les êtres nobles ; cette sagesse est au-delà de toute forme, de toute description, de tout signe. Cependant, par compassion, elle apparaît au niveau relatif sous la forme de Tara.

Il y a aussi des Taras historiques. Il est dit, qu’il y a de très nombreuses ères, vivait une princesse du nom de Gyana Chandra. Elle généra l’esprit de l’éveil devant le Bouddha Amoghasiddhi et, pour sauver les êtres, elle fit le vœu de demeurer toujours sous une forme féminine, tout au long du chemin vers l’éveil – et même après l’éveil. Cela indique l’existence d’un personnage historique.

 

 

Q. : On la nomme “ le Bouddha Féminin ”. Votre Sainteté, pourriez-vous nous expliquer en quoi elle diffère du Bouddha que connaissent la plupart des gens ?

 

Il y a des bouddhas masculins et des bouddhas féminins, exactement comme il y a des hommes et des femmes. On compte de nombreux bouddhas féminins, pas seulement Tara et Vajrayogini. Il y a tant de divinités féminines ! Pour certaines personnes, elles s’avèrent bien plus faciles à pratiquer. Cela dépend de nos connexions karmiques personnelles : pour certains, les divinités féminines conviennent mieux ; pour d’autres, les divinités masculines. Cependant, il est dit ceci : “ Quoique toutes les divinités soient égales en termes de sagesse, de compassion et de pouvoir, il est plus aisé d’invoquer la bénédiction des divinités féminines en raison du fait qu’il s’agit de figures maternelles ”.

 

 

Q. : Tara protège-t-elle et soigne-t-elle seulement ceux qui l’invoquent ?

 

C’est tout à fait comparable au soleil : il brille sans cesse, mais à certains moments nous l’apercevons et à d’autres, non. De la même façon, Tara dispense continuellement ses bénédictions à chaque être, cependant certains ne peuvent les recevoir en raison de leur manque de foi, de conviction et de confiance. Voyez-vous, pour sauver quelqu’un, il faut le crochet et l’anneau. Tara jette sans cesse le crochet de sa compassion pour repêcher les êtres, mais pour que vous puissiez être sauvé, il faut que vous ayez l’anneau de la foi. Si vous avez cet anneau, alors le crochet de la compassion l’accrochera et vous serez sauvé.

 

 

Q. : Serait-ce donc que cette chance ne peut être saisie pour nous par une tierce personne, et qu’il faille la saisir par soi-même ?

 

Effectivement. C’est une constante de base dans le bouddhisme : vous devez tout faire par vous-même. Comme l’a dit le Bouddha, vous êtes le seul à pouvoir vous sauver, personne d’autre que vous ne le peut. Ainsi, il faut que la plus grande partie de l’aide vienne de votre part. Si vous êtes prêt, alors les divinités sont toujours prêtes [à aider] ; mais si vous n’êtes pas prêt, alors les divinités ne peuvent vous aider.

 

 

Q. : Nous avons entendu raconter de nombreuses histoires sur l’aide de Tara. Votre Sainteté, en auriez-vous une à partager avec nous, qui puisse aider vos disciples maintenant ? Certains de vos disciples accomplissent certainement le rituel de Tara depuis une vingtaine d’années…

 

Je n’ai aucune expérience personnelle à proprement parler, mais Tara étant très très importante, il y a à son sujet une profusion de beaux récits dont l’un a trait à la continuité de la Lignée Kheun. Cette histoire est liée à Zangpopa, le XIe souverain Sakya depuis Kheun Keunchok Gyalpo (fondateur du monastère de Sakya). Le grand-père de Zangpopa eut cinq fils ; or il se trouve que Lopeun Yéshé Joung-Né, celui qui sera le père de Zangpopa, n’était pas le fils de l’une des reines mais celui d’une servante.

Parmi les fils officiellement reconnus, Cheugyal P’agpa fut détenteur de la couronne et maître de l’empereur de Chine de l’époque ; un autre, Drogœun Chagma, eut lui-même un fils nommé Dharmapalarakshita, qui devint le IXe souverain. Lorsque ce dernier mourut, en 1287, il ne laissait pas de successeur officiel de la Lignée Kheun, aussi ce fut Jamyang Chènpo de Sharpa qui monta sur le trône. À ce moment précis, il n’y avait donc aucun héritier de la lignée officiellement reconnu, en dépit du fait que Zangpopa était en vie : cela provenait des doutes que les gens entretenaient au sujet de son père, étant donné que sa mère n’avait pas compté au nombre des reines officielles.

Zangpopa fut invité en Chine. Cependant, comme son père n’avait pas été successeur officiel, l’empereur ne le reconnut pas ; Zangpopa fut envoyé dans une région excentrée, aux confins de la Chine. Lors du décès de Dharmapalarakshita, l’empereur fut très affligé. Plaçant les ossements de Dharmapalarakshita sur sa tête, il pleura, car la lignée héréditaire de son maître se retrouvait sans succession, chose extrêmement triste. Il n’y avait eu qu’une fille pour cette lignée, une princesse. Lorsqu’elle quitta ce monde, des arcs-en-ciel apparurent et son corps laissa un grand nombre de reliques. Cela affecta encore plus l’esprit de l’empereur ; il déclara que désormais, toute connexion à la lignée héréditaire de son maître était sacrée.

Au même moment dans la région chinoise reculée, Zangpopa, qui vivait à proximité d’un sanctuaire d’Avalokiteshvara, traversait une période très difficile ; aussi priait-il Tara. Celle-ci lui apparut et, plaçant la main sur le sommet de sa tête, lui dit :

 

Ceux qui souhaitent un enfant, peuvent l’avoir.

Ceux qui souhaitent la fortune, peuvent l’avoir.

Tous tes souhaits seront comblés et tes obstacles seront écartés.

 

Après que Zangpopa eut reçu cette bénédiction, des lamas tibétains aidèrent l’empereur à le retrouver. En effet, l’empereur le reconnut parce qu’il était le neveu de Cheugyel P’agpa. On fit venir Zangpopa au palais, où il fut reconnu comme prince héritier de la Lignée Sakya de Kheun et officiellement intronisé.

L’empereur déclara alors qu’il était extrêmement important de continuer la lignée historique et il offrit sa propre sœur à Zangpopa pour qu’il en fasse sa reine. Cet empereur appartenait à la dynastie Yeun de l’Empire Mongol de Chine. La princesse, qui se nommait Moudakhèn, vint jusqu’à Sakya, épousa Zangpopa et lui donna un fils.

 

 

Q. : On dit que Tara réside au Potala, une île du sud. Sa famille de bouddhas étant celle d’Amitabha, comment se fait-il que son champ pur ne soit pas à Sukhavati ? Y a-t-il des personnes qui prient pour renaître au Potala ?

 

Le Potala est, bien entendu, un endroit relevant du domaine physique ; mais parfois vous le voyez, parfois non. Chaque bouddha a son propre champ pur. Il y a effectivement des personnes qui prient pour aller au Potala, malgré le fait que ce ne soit pas un champ pur aussi populaire que Sukhavati. Il se trouve que c’est très difficile pour les êtres ordinaires, dont l’esprit est obscurci [par les voiles], de naître dans les champs purs des bouddhas ; mais le Bouddha Amitabha a tout spécialement créé Sukhavati afin que même ceux qui ont du karma négatif, même ceux dont l’esprit est obscurci, puissent y renaître. C’est ainsi que nous, qui sommes des êtres ordinaires, devrions prier pour y renaître car c’est réellement possible – tandis que renaître dans un autre champ pur de bouddha n’est pas si aisé.

 

 

Q. : Quelle est la signification historique du temple Sakya de Tara au Tibet, le Dreulma Podrang ? Par qui fut-il construit, par qui fut-il utilisé ? Pourquoi fut-il construit… y a-t-il une raison particulière pour qu’il ait été dédié à Tara ?

 

Le temple [originel] n’existe plus de nos jours. Il avait été construit par Bari Lotsawa. En fait, il est dit que Tara sous une vraie forme humaine l’accompagnait en permanence et qu’un jour, en ce lieu, elle se fondit dans une pierre ou “ statue ”. Bari Lotsawa édifia alors un temple afin qu’il soit le sanctuaire de cette pierre. Ce temple et toutes les représentations extérieures de Tara ont été complètement détruits durant la révolution culturelle chinoise ; mais la pierre essentielle où avait été absorbée la forme humaine véritable, ce support particulier de Tara fut sauvé par quelqu’un.

À l’heure actuelle, nous avons déjà fait faire vingt-et-une statues supplémentaires de Tara et nous avons placé la pierre à l’intérieur de la statue principale de Tara. Pour l’instant, le temple (ou sanctuaire) de Tara n’est pas indépendant : il est situé au sein du grand temple du monastère de Sakya. Nous avons fait don de ces vingt-et-une statues, qui ont été fabriquées au Népal puis apportées au Tibet.

Le fait qu’il s’agisse d’un temple de Tara est dû à la connexion entre cette divinité et Bari Lotsawa. En fait, le monastère de Sakya abrite quatre sanctuaires merveilleux : celui de Tara, celui de Manjushri, celui de la déesse Vijaya et celui de Mahakala.

 

 

Q. : Y a-t-il une connexion spéciale entre Tara et la lignée des détenteurs du titre de Sakya Trizin au palais de Dreulma Podrang, en particulier avec vous, Votre Sainteté ? Le couvent était-il également situé près du temple ?

 

Notre palais ne se nomme pas “ Dreulma Podrang ” en réalité, mais “ P’unpèl Podrang ” ; toutefois, comme il jouxte le très célèbre sanctuaire de Tara, la plupart des gens l’appelèrent Dreulma Podrang (Dreulma Podrang, en tibétain, signifie “ Palais de Tara ”). En fait maintenant, plus personne n’appelle notre palais P’unpèl Podrang, tout le monde l’appelle Dreulma Podrang. Il n’y a pas de couvent à cet endroit : il se trouve du côté opposé. Quatre moines sont rattachés au temple où, tous les jours, ils accomplissent le rituel de Tara.

 

 

Q. : Votre Sainteté, pourriez-vous nous raconter quelque chose à propos des célèbres pratiquantes Sakya ? Quelles divinités et quelles techniques méditatives particulières ont-elles privilégiées ?

 

L’École Sakya compte beaucoup de pratiquantes, elles sont vraiment très nombreuses même à l’époque récente. On peut citer Jétsunma Chimé Tènpei Nyima, Jétsun Tamdrin Wangmo, Jétsun Péma Trinlé. Il semble que pour la plupart, leur divinité d’élection ait été Vajrayogini. À Sakya, l’un des temples abrite une très célèbre statue de Vajrayogini. Lorsque je m’y suis rendu, il n’y avait personne faisant les rituels, mais on dit qu’autrefois toutes les princesses et toutes ces Jétsunmas (qui étaient des moniales) s’y réunissaient les dixièmes et vingt-cinquièmes jours du mois lunaire pour accomplir le rituel ; on dit que cette statue de Vajrayogini était exactement comme chacune de ces femmes, car un flux menstruel de nectar coulait d’elle chaque mois.

 

 

Q. : Votre Sainteté, quel conseil particulier donneriez-vous aux pratiquantes d’aujourd’hui, qui doivent se partager de façon équilibrée entre la famille, le travail et la vie spirituelle ? Ces pratiquantes contemporaines jouissent-elles de meilleures conditions qu’autrefois, comme un accès aisé aux enseignements ? Au Tibet, les disciples devaient faire de longs trajets et cela prenait des mois pour recevoir un enseignement. À présent, les Rinpochés sont à portée de courrier électronique ou de téléphone. Certains maîtres disent que nous vivons en une époque de dégénérescence mais que celui qui est diligent peut obtenir des résultats plus rapidement.

 

D’une façon générale, ce qui est commode ne favorise pas nécessairement la pratique. La raison en est tout d’abord que nous sommes à une autre époque, une époque de dégénérescence où les personnes n’ont plus autant de foi et de dévotion que par le passé. En outre, les gens d’aujourd’hui ont bien plus de doutes. C’est pourquoi, de nos jours, les difficultés sont accrues : même s’il est plus aisé de pratiquer et d’avoir accès aux enseignements, je trouve que le résultat prend beaucoup plus de temps à survenir.

 

 

Q. : Nous avons entendu parler de pratiquants qui ont atteint la réalisation grâce à la dévotion au maître ; ils ont dû traverser de nombreuses épreuves physiques, mentales et spirituelles. Lhuding Khèn Rinpoché a dit que si un maître faisait réellement passer ses disciples d’aujourd’hui par les pratiques traditionnelles de dévotion au lama, tous s’enfuiraient. Que pourraient être, comparées aux pratiques traditionnelles, des pratiques modernes de dévotion au maître ?

 

Je crois que, dans l’ensemble, c’est comme autrefois. Cependant, ce qu’a dit le vénéré Lhuding Khèn Rinpoché est vrai : les gens d’aujourd’hui ne supporteraient pas de si grandes épreuves, aussi ne peut-on faire les mêmes choses. Nous devons faire ce qui est adapté aux circonstances actuelles. Cela dépend des personnes : par le passé également, certains n’eurent pas autant d’épreuves à traverser que d’autres.

 

 

Q. : Dans de nombreux enseignements, il y a, sans cesse, insistance sur l’impermanence ; cela a suscité, pour beaucoup d’entre nous, un certain sentiment d’insécurité concernant nos relations et nos carrières. Or le véhicule vajra nous rappelle que nous devons placer une entière confiance en le lama-racine jusqu’à ce que nous atteignions l’éveil. Cela contredit-il les enseignements sur l’impermanence, selon lesquels nous devons approcher les choses avec détachement plutôt qu’attachement ? Votre Sainteté, pourriez-vous nous conseiller sur la façon d’équilibrer [notre compréhension de] l’impermanence et notre dévotion pour le maître ?

 

Je ne comprends pas cela (votre question). C’est justement parce que tout est impermanent, que la foi vous est nécessaire. Parce que tout est impermanent, parce que la vie est impermanente, parce que nous allons mourir un jour. Nous allons perdre tous nos biens, toute notre fortune et tout le reste. Lorsque nous quittons cette vie, lorsque notre conscience mentale voyage seule vers une destination inconnue, à ce moment-là, la seule chose d’où puisse provenir de l’aide, c’est le dharma. Et le dharma, vous ne pouvez l’apprendre que de votre maître ; c’est pourquoi il vous faut la foi et la confiance en lui. N’est-ce pas ainsi ?

Je ne vois là aucune contradiction.

Nous ne sommes pas engagés dans la recherche d’une existence agréable. Cette existence n’est pas agréable. Même la plus agréable des existences ne l’est pas, il s’agit en fait d’une souffrance : c’est seulement une forme différente de souffrance. Aussi faut-il renoncer à cela, se réveiller de cette illusion. Et comment s’éveiller ? On s’éveille grâce au soutien et à l’aide qui viennent du maître et du dharma.

 

 

Q. : C’est similaire pour moi, car les enseignements de Nang Soum me rendent plus stressé, au lieu de m’apaiser. Si nous ne pouvons surmonter l’effroi suscité par les enseignements de Nang Soum sur les souffrances des enfers et autres, sommes-nous vraiment prêts pour les enseignements du Lamdré ?

 

Là non plus, je ne comprends pas. C’est l’existence qui est effrayante, voyez-vous. Tout est impermanent, tout est souffrance ; si vous tentez d’esquiver cet état de fait, alors vous ne pourrez pas le surmonter. Vous ne pouvez éviter ces choses car elles sont la réalité ; nous ne les désirons pas, nous voulons vivre une vie vraiment heureuse, mais la réalité n’est pas le bonheur, la réalité est la souffrance et cela, nous ne pouvons l’esquiver. Nous devons y faire face : c’est seulement en affrontant cette réalité, que nous pourrons la surmonter. Si vous tentez au contraire de l’esquiver, inévitablement, vous vous y retrouverez confronté tôt ou tard ; alors à ce moment-là, quand vous y serez confronté contraint et forcé, vous serez dans une situation aussi terrible que désespérée. Quelle est donc la façon de surmonter cela ? Il faut y faire face en en prenant conscience puis en acquérant, grâce aux enseignements du Lamdré, le savoir et le savoir-faire permettant de le surmonter.

 

 

Q. : Votre Sainteté, s’il vous plaît, dites-nous encore quelque chose au sujet des pratiquantes !

 

Comme vous le savez, il y en a beaucoup. Par exemple, Jétsunma Tènpei Nyima eut un grand nombre de disciples : presque tous les maîtres Sakya et Ngorpa reçurent ses enseignements. Certaines Dagmos, également, furent éminemment célèbres.

L’un des pères fondateurs parmi les maîtres Sakyas, Drogmi Lotsawa, fut le premier lama tibétain à recevoir les enseignements du Lamdré. Il eut en fait quatre disciples femmes. L’une d’elles est Teumo Dorjé Tso, je m’en souviens très clairement. Ce n’était pas une moniale, mais quelqu’un de tout à fait ordinaire ; elle était issue d’une famille riche, et son mariage l’unit à une autre famille très aisée et très puissante. Elle mit au monde cinq fils. Cette famille possédait donc un grand pouvoir, de la fortune, des serviteurs et de la main-d’œuvre… tout ce que l’on peut imaginer. Mais il se trouvait que les villageois ne les aimaient pas. Un beau jour, tous les gens du village se rendirent à la propriété, tuèrent le père et les cinq fils puis emportèrent la totalité des richesses, ne laissant derrière eux que Teumo Dorjé Tso, complètement seule. Elle en devint presque folle de chagrin, pleurant nuit et jour en proie à une terrible souffrance.

Drogmi Lotsawa entendit parler de cela et sut qu’il existait une connexion entre lui et elle, aussi la fit-il appeler. Elle sera notamment une disciple qui [une fois l’enseignement reçu] n’aura pas à traverser de nombreuses épreuves. Donc, il la fit appeler et ne lui donna que peu d’enseignements : il lui conféra seulement l’initiation-cause d’Hevajra et la méditation nommée “ au-delà des pensées ”. Je crois qu’il ne s’agissait pas de la méditation de ce nom liée à Vajrayogini, mais plutôt de celle qui est liée à Hevajra. Grâce à ces seules pratiques, elle atteignit la réalisation en très peu de temps. Elle devint une formidable yogini et l’on dit que, durant la dernière partie de sa vie, elle pouvait se rendre dans les divers champs purs des bouddhas, puis revenir à sa résidence au Tibet.

 

 

 

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