19 février 2006
Un défi olympique à rebours : ne pas finir dernier
Difficile d'être président et seul membre de sa fédération, son propre technicien et son propre entraîneur: le Costaricien Arturo Kinch réalise ce tour de force, ce qui n'explique pas tout à fait sa 96e et avant-dernière place dans le 15 km classique de ski de fond des Jeux olympiques, vendredi.
À 49 ans, Kinch fait partie de la vingtaine de participants à une autre course, plus officieuse : celle des pays mineurs en matière de sports d'hiver, ceux qui sont plus connus pour leurs plages de sable blanc que pour leurs sommets enneigés. Le fondeur-président costaricien, comme son redoutable adversaire pour la... dernière place, le Thaïlandais Nagvajara Prawat, incarne l'esprit olympique jusqu'au bout de skis.
Sans grands moyens ni véritable entraînement, ces deux hommes participent aux JO pour le plaisir. Ce qui leur vaut quelques moqueries et beaucoup d'attention, presque plus que l'implacable machine à skier qu'est Andrus Veerpalu, l'Estonien qui a conservé vendredi son titre olympique à Pragelato.
Même s'il a terminé à plus de 28 minutes du temps du vainqueur, Kinch est satisfait : ce vétéran du mouvement olympique, qui a participé à ses premiers Jeux en 1980 en... ski alpin, n'a pas fini dernier.
À l'issue d'un duel palpitant, Kinch a devancé de 25 secondes Nagvajara Prawat, son cadet d'un an : « Je serai là à Vancouver en 2010, car je pense que je n'ai pas encore donné tout mon potentiel », affirme Kinch qui, après un départ quelque peu hésitant marqué par une chute dans les premiers mètres, a fini en boulet de canon pour dépasser son rival thaïlandais.
Ce dernier a toutefois une excuse de taille : « J'ai dû m'arrêter parce que de la neige s'était accumulée sous mes skis : je n'ai sans doute pas choisi le bon fartage », ose ce professeur d'informatique à l'université Drexel, aux États-Unis.
Mais peu lui importe : « Je skie pour sensibiliser mes compatriotes aux sports d'hiver. Mon rêve, c'est que des Thaïlandais participent aux prochains Jeux d'hiver en... courte piste. Pourquoi le courte piste ? Parce que c'est le sport le plus facile à pratiquer en Thaïlande, avec des patins à roulettes sur des routes, tandis que le ski... » explique-t-il dans une moue sans équivoque.
Rivalité et coopération
Dans cette élite à rebours, l'Éthiopien Robel Teklemariam est une star : il promène ses longues tresses de rasta entre les caméras de télévision. Il raconte volontiers son histoire, celle d'un moniteur de ski alpin installé aux États-Unis qui est fier d'être le premier Éthiopien à participer aux Jeux d'hiver.
Teklemariam rigole même d'avoir défrayé la chronique et d'avoir été interdit de compétition pour cinq jours après un contrôle sanguin qui révélait un taux d'hémoglobine anormalement élevé. « Je vis à plus de 2000 m d'altitude », explique-til de son accent américain à une équipe de télévision.
Quelques mètres plus loin, le Portugais Danny Silva, 94e, et l'Irlandais Rory Morrish, 88e, échangent des tuyaux sur le fartage après s'être chaleureusement félicités. « Même s'il y a une petite rivalité entre nous pour ne pas finir dernier, on s'aide beaucoup », assure Silva, qui s'insurge lorsqu'il est qualifié de fondeur de pacotille. « Il faut se qualifier pour les JO, il faut avoir marqué des points FIS dans cinq épreuves pour décrocher sa qualification », rappelle-t-il.
Quant à Morrish, l'Irlandais qui a fait une croix sur sa pinte de Guinness quotidienne depuis trois semaines pour se préparer « sérieusement » aux JO, il aurait bien voulu participer aux épreuves de sprint, mercredi, mais il ne pourra pas.
« II faut que je retourne travailler lundi. »
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