La progression tranquille du Jurassien depuis sept ans s’est soldée samedi par une médaille d’or de la poursuite 12,5 km. La cinquième breloque pour les Tricolores.
Lionel Venturini
Les carabiniers ne les contiennent plus. Venus de Pontarlier (Doubs), les fans de Defrasne surgissent sur la piste de biathlon. « Viinceeent ! » Le petit gars du pays est porté en triomphe sur le podium olympique par deux plus costauds que lui, deux légendes : le Norvégien Ole-Einar Björndalen, quadruple médaillé d’or aux Jeux de Salt Lake City, l’Allemand Sven Fischer, frais champion olympique du sprint. Mais c’est bien le Français le plus grand ce samedi-là.
Quatre balles pour cinq cibles
Car être champion, c’est ne pas répéter ses erreurs. Au coude à coude avec le Norvégien, Vincent Defrasne trébuche à trois cents mètres de l’arrivée, perd trois mètres d’un coup, s’accroche, remonte Björndalen et le dépose dans le sprint final. En 2004, à Oberhof, il n’avait pas su doubler le Norvégien roublard, et avait dû prendre la neige fraîche, celle où l’on glisse le moins, pour tenter de le passer. Il avait pris la quatrième place derrière Björndalen. Quand il revient en Allemagne en janvier 2006, c’est pour signer sa première victoire en Coupe du monde.
Progression têtue de Jurassien dur au mal, plusieurs fois quatrième depuis sept saisons passées en Coupe du monde, mais rarement placé. Sauf que cette fois, la tête a précédé les jambes. « Dix minutes seulement après l’arrivée du sprint jeudi (qui détermine l’ordre des départs de la poursuite), j’avais dans les tripes cette poursuite, je savais que cette course serait pour moi », a repris Vincent Defrasne. Qui admet qu’on peut être champion olympique en ayant commis une « erreur de débutant » : il n’y avait que quatre balles dans le chargeur du second tir couché, pour cinq cibles à atteindre. Quand le tir manqué se solde par 150 mètres de plus à courir, on mesure le sel du biathlon : la course semblait alors jouée en faveur du Norvégien, excellent skieur, qui, à Salt Lake City, avait doublé biathlon et ski de fond.
« Un type bien de A à Z »
On a cherché, on n’a trouvé personne pour faire la moue devant Defrasne, « un type bien de A à Z », s’enflamme l’entraîneur du tir, Jean-Pierre Amat, plutôt avare de mots. « Généreux dans l’effort », ajoute Alex Hugonnard-Bruyère, l’un des deux kinés de l’équipe de France. Un athlète qui n’oublie pas de rendre un hommage sincère à l’encadrement, parce que « pour gagner une médaille individuelle en biathlon, il faut toute une équipe engagée à 200 % derrière vous ». Et une famille compatissante, parce qu’avoir « un sportif de haut niveau dans sa famille, ce n’est pas un cadeau. À Noël, on dit "bonjour, au revoir" et on repart à l’entraînement ». Ce qu’il a fait pour sa course fétiche, la mass start. « Celle-là, je l’adore, disait-il au début des Jeux. Mais ça m’embête de devoir attendre le dernier jour pour être motivé. » Voilà un poids de moins à porter.
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