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4 février 2006


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Boucle bouclée

Si Martine Albert était toujours exténuée, brûlée, après ses courses, c'est qu'il y a à peine quelques mois la biathlonienne était brûlée de la vie.

Pourtant, à 32 ans bien sonnés, la voilà à quelques jours de sa première compétition olympique de biathlon, même si elle était plutôt une habituée des rendez-vous manqués.

« Rater les Jeux olympiques par des poussières, c'est l'histoire de ma vie », lance-t-elle.

Ça fait pourtant une mèche que l'athlète de Rimouski est parmi les meilleures de son sport au Canada, mais tant en 1998 qu'en 2002, elle n'est parvenue à remplir qu'un seul des deux critères de sélection pour les Jeux de Nagano, puis de Salt Lake City.

« Après 2002, j'en ai eu assez, admet-elle. J'ai pris ma retraite, mais j'ignorais ce qui m'attendait. »

Ce qui l'attendait, c'était la grande spirale vers le bas. La descente aux enfers. La grande noirceur.

« Les Jeux, j'y avais toujours rêvé, mais je n'avais pas réussi à atteindre mon objectif, ajoute-t-elle. À mes yeux, ma carrière sportive, c'était un gros zéro. »

Identité perdue
Martine Albert a donc quitté le site d'entraînement pour déménager à Montréal, où elle s'est retrouvée réceptionniste pour une importante boîte de communications, puis au studio de production d'une filiale de l'entreprise. Mais elle était égarée.

« Quand j'ai pris ma retraite, j'ai carrément perdu mon identité, explique-t-elle. Je me suis rendu compte que, durant tout ce temps, je n'avais pas pratiqué un sport, j'avais ÉTÉ ce sport. En le quittant, je n'étais plus rien. »

Alors, comme elle le dit elle-même, elle a fait ce qu'elle a pu. Elle a continué à travailler et a ensuite suivi un cours de massothérapie.

Puis, en 2004, le mur. Le burnout. La dépression. Une épreuve pour n'importe qui et certes pour une femme qui, à peine quelques mois auparavant, était un modèle de santé et de bien-être.

« Ç'a été une grosse chute, avoue-t-elle aujourd'hui. J'avais travaillé durant toute ma vie pour vivre les Jeux olympiques. J'avais passé des fêtes de Noël en Europe avec le cafard pour y arriver. Je me suis même entraînée durant un an en Bulgarie, un pays où les biathloniennes sont performantes. Toutefois, dans tout ça, je me suis perdue. »

Le retour
Malgré toute cette souffrance, c'est, de son propre aveu, ce même désarroi qui l'a menée, ces jours-ci, à Cesana San Sicario, site des compétitions de biathlon aux Jeux de Turin.

« Ces deux ans et demi de retraite, au fond, ont été les plus profitables de ma vie, affirme-t-elle. Cette dépression m'a aidée à faire le point sur mon existence. Durant cet été 2004, je suis moi. Ça m'a brassée. Je me suis dit : merde, est-ce que je vais en revenir, un jour, de cette histoire de Jeux olympiques ? »

Martine Albert est donc revenue à Québec pour étudier en réalisation télé, et c'est sur les bancs de cette école qu'elle a rencontré une jeune biathlonienne, Joannie Haché, qui lui a suggéré de retourner faire un tour à l'entraînement. Ce que la retraitée a fait.

« Durant mon absence, il y a avait eu des changements importants à la fédération, souligne-t-elle. Les jeunes qui s'entraînaient là-bas me ressemblaient beaucoup plus que la plupart des militaires que j'avais côtoyés auparavant. Le fait de voir ces jeunes de 12 à 16 ans m'a redonné la piqûre. Je me suis dit que mon expérience pourrait peut-être leur être utile. »

Puis, les événements se sont enchaînés. Il manquait une quatrième biathlonienne au sein de l'équipe nationale de relais. En novembre, on lui a proposé de tenter sa chance. Martine Albert y a réfléchi, puis a emprunté la carabine d'un ami pour, le mois suivant, officialiser sa place dans le groupe.

Et comme on peut sortir la fille du biathlon, mais pas l'inverse, elle a mis de côté sa «nouvelle vie», celle des études.

Puis, après toutes ces années, elle a fait le grand pas : lors d'une épreuve de Coupe du monde en Italie, en février dernier, elle était la dernière Canadienne à s'exécuter et, en effectuant son dernier tir, elle savait qu'elle venait d'officialiser la qualification de l'équipe pour les Jeux olympiques.

« L'été précédant, je me demandais comment j'allais guérir de mon malaise, relate-t-elle. En tirant sur cette cible, j'ai su que je venais de le faire. J'en remercie le ciel. »

Martine Albert
• Biathlonienne
• 32 ans
• Originaire de Rimouski, résidante de Val-Bélair
• S'entraîne à Valcartier sous les conseils de Jean Paquet
• Épreuves à Turin : relais 4 x 6 km, épreuves individuelles (23 février)

• Qu'aimes-tu le plus dans ton sport ?
Le biathlon représente un défi chaque jour. J'ai pratiqué plusieurs autres sports dans ma vie et j'en devenais blasée aussitôt que je les maîtrisais. En biathlon, on peut être excellente une journée, puis médiocre le lendemain. C'est ce que je trouve motivant.

• Quel est ton objectif à Turin ?
Simplement de skier et de tirer du mieux que je le pourrai. Si je réussis ça, je serai satisfaite après mes courses, peu importe mon rang.

• Si tu gagnes une médaille, quelle est la première personne à qui tu vas téléphoner et que lui diras-tu ?
À mon entraîneur Jean Paquet, pour lui dire qu'on a réussi ! Et c'est sûr que je pleurerais...


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Guy Maguire, webmestre, SVPsports@sympatico.ca
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