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question 6




Qu'est-ce que les bouddhistes pensent de l'homosexualité ?
Réponse :
Vous posez une question extrêmement intéressante. Il n'y a pas de réponse simple à votre question parce qu'en fait, elle appelle plusieurs niveaux de réponse.

Dans l'absolu, je voudrais rappeler que dans le bouddhisme il n'y a pas d'interdits. Je dirais qu'en outre, ce qui concerne la sexualité relevant du champs intime et strictement personnel, je ne vois pas comment un bouddhiste pourrait même imaginer poser un interdit ou faire des remontrances d'ordre moral sur cette question.

Bien entendu, pour les bonzes cette pratique n'est pas recommandée et ceux-ci évitent rigouresement de s'y adonner. Les bonzes prononcent des engagements de renoncement aux plaisirs sensuels, il ne s'agit donc pas d'un interdit, mais de l'engagement à un certain type de conduite exempte de relations sexuelles (cet engagement va beaucoup plus loin que ce seul aspect de la question). J'ai pu observer dans les temples les très nombreuses précautions pour éviter et bien évidemment contrôler l'irruption éventuelle de sensualité entre membres d'une même communauté (par exemple, on prend toujours sa douche avec un sarong autour de la taille, on ne montre pas son corps, etc...)

Pour les laïques, les conseils que donnent généralement les bonzes sur cette question, c'est que cette sexualité est une réalité, qu'elle existe et que chacun a le devoir d'assumer ses penchants du mieux possible pour lui-même et de tout faire pour être heureux avec cette sexualité particulière. Bien entendu, cet acte, s'il doit se produire, doit se faire le plus naturellement possible et dans le plus grand respect du partenaire. Le bouddhisme proscrit par contre sans équivoque la violence, la brutalité, les abus de toutes sortes.

Le bouddhisme n'a pas à proscrire l'homosexualité, parce que pour le bouddhisme c'est la question de la sensualité dans sa globalité qui est posée. C'est-à-dire, que c'est le sentiment sensuel, l'attirance, l'excitation, l'envie, le désir, la réalisation et l'obtention du plaisir sensuel, sont perçus comme un lien, un attachement, une dépendance. Le bouddhisme cherche d'abord à comprendre le fonctionnement de cette activité sensuelle (et peu importe qu'elle soit homo ou hétéro sexuelle, la pulsion est bien la même dans les deux cas), comment la sensation sensuelle naît, comment elle disparaît, comment le processus se développe. Ensuite, ayant compris ce processus, le bouddhisme va chercher à comprendre comment cette sensation sensuelle s'installe dans le schéma global du sujet, et ensuite comment cette sensation s'étant installée est un lien, un attachement et donc quelque part une souffrance (la ou les phases de non-plaisir, l'absence de plaisir, l'échec du plaisir, l'absence de l'autre, l'attente de l'autre, …). Enfin, le bouddhisme va chercher à trouver la meilleure formule qui permette au sujet qui le souhaite, d'échapper à l'attachement du plaisir sensuel non pas en l'interdisant, non pas en le niant, non pas en le dénigrant, mais en montrant son fonctionnement et sa place dans le sujet. Cette démonstration étant faite, le sujet devient plus à même d'exercer un meilleur contrôle sur ses désirs sensuels. Ce contrôle, on peut plus ou moins dire que pour une personne engagée fermement dans la voie bouddhique, c'est que tout ce que l'homme pense trouver dans la réalisation du désir sensuel, en fait, il ne le trouve pas, il ne dure pas, il s'estompe, et que le plaisir sensuel est, comme le reste, une illusion dans laquelle l'homme place beaucoup d'espoirs, qui ne sont jamais, jamais récompensés. Cette personne fermement engagée dans la voie bouddhique pourra alors laisser de côté cette illusion (et toutes les autres) pour se consacrer à la recherche de la libération. (Vous pouvez voir, le " modèle " de cette méthode dans l'exposé du Sabbâsava sutta http://www.oocities.org/Athens/Forum/2359/sabbasa.html).

(Vous avez bien compris que cette démarche se passe à côté du sentiment sensuel, qu'il ne s'agit pas de le remettre en cause, ni bien évidement le sujet chez qui il se produit. Il s'agit au contraire d'être pleinement présent dans ce processus et de " dire " ce qu'on a à " dire " (ou vivre ce qu'on a à vivre) en pleine connaissance de cause.)

Concrètement on trouve des textes expliquant qu'on doit utiliser les organes du corps pour l'usage auxquels ils sont destinés et proscrire tout usage " non fonctionnels ". Ces citations ont pu laisser penser à certains auteurs (généralement non-bouddhistes) qu'ils désignaient explicitement l'interdiction de l'homosexualité (le livre " Etre bouddhiste en France aujourd'hui ", croit devoir dresser un tableau comparatif faisant ressortir un interdit sur cette question. Je puis redire ici que je ne suis absolument pas d'accord avec cette affirmation http://www.oocities.org/Athens/Forum/2359/bibliogr.html#note 12 ). Aucun bouddhiste authentique ne souscrit à cette interprétation excessive et erronée.

Maintenant, il y a les sociétés et là c'est une toute autre histoire. De ce point de vue, il est assez mal vu d'être homosexuel dans de nombreuses sociétés qui ont le bouddhisme pour religion dominante. Il s'agit là plutôt de critères sociologiques qu'autre chose. En Thaïlande par exemple, les fils sont perçus comme devant contribuer à collecter des mérites pour leurs parents et l'homosexualité d'un enfant peut être perçue comme une possible remise en cause de cette logique. (j'ai pu observer combien les familles pouvaient aussi rester solidaires avec leur enfant, même si elles ne renoncent jamais complètement à le faire revenir à d'autres dispositions). En Chine, c'est plus dur encore, un enfant homosexuel, c'est un enfant qui n'offrira pas de descendance à la famille, descendance qui ne rendra donc plus hommage aux ancêtres, donc famille et nom amenés à disparaître. (Là, les enfants chinois dans cette situation sont soit contraints à se cacher, soit à s'exiler, soit à renoncer. L'action des familles peut être forte et virulente et peut conduire à des ruptures et répudiations).







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