L'autre jour c'était le 31. Décembre. Changement d'année, et en l'occurrence, changement de millénaire aussi. Ben oui. Parce que hier soir c'était le 31 décembre 2000. Pas trop de famille, pas trop de copine, j'étais assez libre avec pas grand chose de particulier à faire. Je me suis dit : "Vas donc te louer des films au vidéo club!" Et c'est ce que j'ai fais. C'était déjà la fin de l'après-midi. Dehors c'était nuit noire et pluie baveuse sur les passants pressés et lourdement chargés de sacs Monoprix ou Le Bon Marché. Moi, les mains dans les poches, tranquille jusqu'au tabac où j'achète un paquet de Pall Mall pour mon cancer de dans dix ans. J'envisage un bref instant d'acquérir une barre chocolatée, mais c'est sept francs. Je souris l'air mauvais et décide que bordel de Dieu, je ne vais tout de même pas me faire enculer à sec le soir du réveillon. Je me dirige ensuite vers l'arrêt de bus. Trois stations jusqu'au vidéo club. Sauf que sur l'écran digital on m'annonce que je vais attendre un quart d'heure alors je crache dans le caniveau sans chercher à être discret, remonte le col de mon blouson et entreprends de m'y rendre à pied, genre j'en ai rien à battre et puis ça me fera la ballade. Tu parles d'une ballade... J'arrive bien trempé et bien contrarié. Je regarde les nouveautés mais y'a pas grand chose qui me tente. Il est trop tôt. Les gens ne sont pas encore venu rapporter les films loués la veille. Je me décide pour Heat. C'est pas une nouveauté, mais bon, je ne l'ai pas vu. Et puis Al Pacino - De Niro, c'est quand-même le duo qui tue. En rentrant je fais un détour par le Mc Do. C'est soir de fête oui ou merde? Je fais sagement la queue et me retrouve enfin face à une casquette rouge et jaune sous laquelle se trouve une petite gamine trop chou. "Bonsoir. Je voudrais un Menu Maxi Mc Chicken avec Deluxe Potatoes et Orangina et aussi un hamburger et aussi un Brownie." Le film est très cool. Très long et très cool. Je ne me fais pas chier une seule seconde. Je trouve l'idée des masques de hockey que portent les braqueurs vraiment top. A tel point que je me dis qu'il faudrait que j'en achète un. Je l'enfilerai et descendrai sonner chez la gardienne. Elle ouvrirait la porte et moi je lui ouvrirai le bide, d'un coup sec et rigolo, avec un couteau de cuisine gigantesque acheté au BHV. Elle aurait de grands yeux très cons et s'affalerait par terre et moi je remonterais les escaliers quatre à quatre en gloussant!… Mouais. Bof. J'ai plus assez faim pour le hamburger. Je mâche une première bouchée que je recrache aussitôt à deux doigts de vomir. Comme j'ai bu tout l'Orangina, je vais me rincer le gosier sous le robinet. Je mets la télé. J'aurais du louer deux films. A la télé tout est nul. Arthur et Obispo sur TF1, Drucker et Dion sur France 2, et pas beaucoup mieux ailleurs. Au moins j'ai pas de vaisselle à faire. Je me sens soudain oppressé. Très fort. J'ouvre la fenêtre et respire un grand coup. Je regarde en bas. Je sais que ça fait cinq étages mais on dirait que ça fait beaucoup plus quand on se penche sur le balcon. On dirait bien dix ou quinze étages. Enfin, pas vraiment, mais quand-même. Je me dis que si je me jette par la fenêtre avant minuit ce sera un peu comme si je disais merde au nouveau millénaire. Un peu comme si je lui faisais un gros doigt. Parce que franchement, qu'est-ce que j'en attends moi du nouveau millénaire? Pfff… Je sens les larmes me monter aux yeux. J'ai envie de pleurnicher. Ou plus exactement, je sens que je vais pleurnicher. Et les larmes coulent le long des joues et les lèvres tremblent et les narines se dilatent. Une bande de crétins aux fenêtres voisines se mettent à entonner le décompte de mes couilles. "5!… 4!… 3!… 2!… 1!… Booooooonne année!" Et plouf. |
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