Mardi à 02h33 : Bonjour. Je me présente. Je m’appelle Kevin et j’ai dix-sept ans. J’habite encore chez mes parents, mais plus pour très longtemps vu que j’en ai marre qu’on me donne des ordres. Donc je m’appelle Kevin et j’ai dix-sept ans, et je vais battre le record de veille. Pour ceux qui ne comprendraient pas très bien de quoi je parle, ou qui ne seraient pas familiarisés avec le langage technique, ça veut dire que je ne vais pas dormir le plus longtemps possible. Voilà, c’est ça que ça veut dire. Mercredi à 14h15 : Si j’ai décidé de battre le record de veille, c’est pas pour faire mon intéressant, c’est pas non plus pour draguer les filles vu que celles que je connais se foutent complètement que je le batte ou pas le record de veille. Non, si je fais ça, c’est pour mille autres raisons aussi valables, mais plus personnelles. D’abord, et c’est peut-être la plus importante, j’aime pas dormir. Dormir c’est nul. C’est un truc de vieux cons séniles. Dormir, ça ne devrait même pas être un verbe vu que quand on dort on ne fait rien. On perd du temps. On gaspille du temps de vie. Il suffit d’ailleurs d’y réfléchir une seconde pour se rendre compte que dormir, c’est ridicule et totalement ringard. Vous êtes là, vous faites toutes sortes de trucs, vous vous activez et puis tout d’un coup, vous vous déshabillez, vous vous allongez sur un matelas et là, vous dormez. Vous passez des heures et des heures à ne rien faire. N’est-ce pas hallucinant? Je veux dire, franchement, vu sous cet angle? Est-ce que ça ne vous semble pas tout d’un coup absolument grotesque? Bien sûr que si. La question ne se pose même pas. C’est si flagrant, ça crève les yeux. Moi je vous le dis en toute sincérité, vous devriez avoir honte de dormir. Surtout si vous avez moins de soixante ans. Parce que, bon, il est vrai que passé un âge, on ne se maîtrise plus vraiment alors c’est pas complètement de sa faute si on se laisse avoir de temps en temps. C’est le corps qui prend le dessus sur l’intellect, et ça, ça arrive de plus en plus fréquemment quand on vieillit. Jeudi à 00h20 : Moi, ça fait très exactement onze jours que je ne dors plus. Ca fait onze jours, soit deux cent soixante-quatre heures, soit plus de quinze mille huit cent quarante minutes que je n’ai pas dormi, et sans mentir, ça va très bien merci. Le record à battre, c’est treize jours, quatre heures, vingt-sept minutes et seize secondes, et sans me vanter, je sens que je suis parti pour le pulvériser. Moi, l’objectif que je me suis fixé, c’est trente jours. Mais bon, il ne faut pas rêver (ça ne risque pas puisque je ne dors pas! Ha! Ha!) et j’ai peur d’avoir tout de même mis la barre un peu haut. Le minimum, ce serait de tenir au moins quinze jours. Ca serait correct. Mais je dois dire que c’est pas évident du tout, et pas seulement pour des raisons physiques. Comme je vous l’ai dit, j’habite encore chez mes parents, et à eux, je n’ai pas intérêt à dire que je veux battre le record de veille, sinon c’est le record de baffes dans la gueule que mon père va tenter de battre. Il faut donc agir en finesse pour qu’ils ne se doutent de rien. Quoique depuis deux jours ça devient vachement délicat. Ma mère m’a dit que j’avais un teint de cadavre et que si ça ne s’arrangeait pas très vite elle téléphonerait au toubib. Et au stade où j’en suis, une confrontation avec un toubib, même le plus cool et compréhensif de la profession, ça risquerait bien de tout ruiner. J’aurais fais tout ça pour rien! Vendredi à 04h58 : Il y a une autre raison pour laquelle je fais ça et dont je ne vous ai pas encore parlé qui est la progression de la science en matière de connaissance sur les capacités de l’esprit et du corps humain à résister. Pour ceux qui ne comprendraient pas ce que je viens de dire, disons que je fais ça pour que le monde sache jusqu’à quand on ne devient pas fou quand on s’empêche de dormir. N’y voyez là aucune prétention, mais c’est en quelque sorte pour faire évoluer l’humanité. Mais faire évoluer l’humanité avec des parents comme les miens et des profs comme les miens, ça n’a rien d’évident. Parce que bien sûr je ne vais plus en cours. Il ne faut pas éxagérer, car ne pas travailler contribu à être en mesure de ne pas dormir. Je suis donc contrains d’appeler le secrétariat du bahut tous les deux jours pour leur confirmer que je souffre toujours d’une angine à répétition. Jusqu’à maintenant ça marche très bien, mais il faut rester vigilant, ce qui n’a rien d’évident quand ça fait douze jours qu’on a pas fermé l’œil. Samedi à 02h00 : J’ai mal au ventre... j’crois qu’la nuit dernière j’ai un petit peu abusé du café... j’arrête pas de roter... et même si j’ai pas véritablement envie d’vomir, j’en suis pas très loin non plus... puis y’a les cigarettes... j’ai fait le calcul tout à l’heure... ça m’a bien foutu les boules ça... depuis que j’ai commencé... j’ai fumé huit cent soixante cigarettes... attendez voir... heu, non... huit cent quatre-vingt cigarettes... non non... j’ai fumé... huit cent mille... mais non!... huit cent soixante-quinze cigarettes... non plus... argh! ç’pas ça!... heu... là faut dire que j’ai comme un p’tit coup de barre... c’est con ça... là... là faudrait avouer... un ch’tit coup de pompe...hé! hé!... hou là!... va m’faire un café tout de suite moi... hé! hé!... manqu’rait plus qu’je fasse un somme!... Samedi à 03h05 : Eh bien! Vous avez vu ça? Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout à l’heure je me suis un peu relâché! C’est rien du tout. Ca peut arriver de temps en temps. C’est juste le corps qui essaye de la ramener. Mais chez moi, c’est l’esprit, le psychique, la volonté qui est la plus forte. Il suffit juste de l’aider avec un petit café bien serré, deux ou trois pilules à base de concentré de vitamines diverses, un litre de jus de fruits et une ou deux barres chocolatées pour que tout rentre dans l’ordre. Dimanche à 11h42 : N’empêche... ça m’aide à mort de rédiger c’te connerie de journal... parce que mater la télé c’est sympa... mais y’a un moment où ça endort... ça ramollit... ça fait chier vu que mater la téloche c’est pas crevant... et que quand on veut rester debout un moment... enfin... quand je dis debout... quand je dis ça c’est une façon de parler... hé! hé!... bien sûr... ça vous l’aviez tous compris. Lundi à 02h00 : On dirait que tout à l’heure j’ai pas terminé ma phrase, hi! hi! J’aurais pu corriger et vous auriez rien remarqué, mais je me dois de rester fidèle à ce qui a été spontanément écrit parce que ça servira de témoignage plus tard... y’aura des types top savants du monde entier qui l’analyseront en détail et ça les aidera à faire comme j’ai dit l’autre jour... attendez que j’aille voir... ah ouais!... La progression de la science en matière de connaissance sur les capacités de l’esprit et du corps humain à résister. Voilà... c’est à ça que ça servira... ça sera en quelque sorte un outil de travail pour ces gros cons de tapettes de chercheurs même pas fichus de faire des trucs comme du saut à l’élastique... Eh bien moi connard j’en ai fait du saut à l’élastique!... Et j’ai pas chié dans mon froc moi! Les yeux ouverts que j’ai fais le saut!... Les bras en croix comme l’autre taré là-haut, les yeux ouverts et le cul bien serré! Hé! Hé! Mardi à genre 23h : Coucou! Coucou c’est moi! Bon... voyons les chozes en face (de rat! hé! hé! en face de rat! hé! hé! hé!)... non, sérieu!... là, j’tiens pas la grande forme des grands jours comme on di...mooouais... pi l’café... rien qu’di penser... j’ai la nosé de ta mère quand elle suce mon truc! hé! hé!... hum!... pfff... la fo pas croire mais si je note tout ce que je fais comme brui ces pour que ça soit vraiment fidaile à la véritable réalité... bon... là, c’est grave... y fo aitre objectif... pfff! pfff!... j’tiendrai jamais un mois... même pas trente jours... ha... ha là là... chié merde putain!... chi k’un gro nul!... kom i di mon père... un gro nul de bon à rien de rien! chi k’une lavette!!!... pfff!... cé nain porte koi... j’ai envi d’chialer... Mercredi à j’en sais rien merde! : hé! hé! chi toujours là! z’avé cru keu j’allais craker n’est-ce pas?... mais si bien sûr que vous zavez cru keu j’allais craker!... pfff... hum! hum!... gé du fermer la porte à clé passe que y’a ma mer ka gueulé for... c’te conne!... pi grosse en plus!... pfff!... ça sera pas ma mer, eh ben pour rien o monde que j’voudrai la niquer c’te truie!!! hé! hé!... Mais revenons sans plus tarder o chozes sérieuzes qui nous intéraissent à savoir comment les M&M’s ont pu prendre la place des Treets... passe que moi les Treets c’étaient mes copains de quand j’étais petit et pi k’un jour y’a eut le génocide des Treets et pi keu, kom par hazar, vlatipa keu se ramaine les M&M’s!!!!! C’est pas louche sa peu taitre? Y’a pas kom un gros problaim kelke par? Hum? Francheuman? De vou za moa? Francheuman francheuman? Hum? Jeudi non à la drogue!!!! jeu vai donk arrêtez issi mon exploi... et ces cent me venter ke je konstate (moi le bou du gland! hé! hé! tate moi le bou du gland! hé! hé!) keu gé donk niké grave le rekor de vieille, hé! hé! mais non! de veille bien sur!... et keu cé donk la konsciensse trankile keu je vé fer un petit dodo.