- Quel âge as-tu?
- Sept ans.
- Et quel est ton nom?
- Vincent Inquert.
- Tu sais pourquoi tu es ici?
- Oui. C’est pour qu’on parle.
- C’est ça, mais plus précisément?
- Ben pour qu’on parle de ce qui ne va pas chez moi.
- Et toi, tu penses qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez toi?
- Je sais pas. C’est ce que mes parents disent.
- Et tu penses que c’est une bonne chose que tes parents se fassent du souçi et veulent qu’on parle tous les deux?
- Je sais pas.
- Ca t’embête?
- Je sais pas. Non. Pas vraiment.
- Et tu sais ce que je suis?
- Un psychanalyste.
- Oui, c’est ça. Alors, tes parents m’ont dit qu’ils étaient inquiets parce que tu parles très souvent de la mort. Un peu trop souvent pour un garçon de ton âge.
- Ah.
- Tu sais pourquoi tu penses si souvent à la mort?
- Je sais pas. C’est comme ça.
- Pourtant la mort c’est pas drôle, c’est pas le genre de choses auxquelles on aime penser d’habitude, n’est-ce pas?
- Je sais pas, m’en fous. Chez moi c’est comme ça.
- Et pourquoi penses-tu si souvent à la mort?
- J’ai dis que je savais pas!
- Et d’après toi qu’y a-t-il après la mort?
- Eh bien après on tombe par terre et on a la tête éclaté et le cœur qui bat plus et on est mort et il ne se passe plus rien du tout.
- Et le Paradis alors?
- Y’en a pas. C’est comme le Père Noël. C’est parce que les grands ils adorent mentir alors ils inventent plein de trucs qui sont faux et qui n’existent pas. Ils inventent des tas de trucs faux pour les enfants et puis aussi pour eux, comme le Père Noël, le Dieu et aussi le Paradis. C’est pour se rassurer, parce qu’ils ont peur, ils ont la trouille alors ils mentent tout le temps.
- Ca te fait plaisir de penser à ces choses?
- Oui, j’aime bien... J’aime pas les gens... les enfants ils sont stupides et les adultes ils sont méchants alors j’aime bien penser aux choses qui leur font peur. J’aimerais bien qu’ils meurent tous et qu’ils aient tous très mal en mourant et qu’il n’y ait pas de Paradis du tout et qu’ils aient tous l’air bien cons après.
- Tu aimerais que tout le monde meurt?
- Oui. J’aimerais bien.
- Moi aussi tu aimerais que je meurs?
- Oui.
- Et toi, tu aimerais mourir?
- Oui. Mais après tous les autres, comme ça je les aurais tous vu mourir en ayant très mal.
- Et pourquoi aimerais-tu mourir?
- Parce que la vie c’est nul et que ça fait mal.
- Ca fait mal de vivre?
- Oui, alors autant avoir mal en mourant puisque après y’a plus rien et qu’on est tranquille.
- Ca m’étonne un peu que tu penses ces choses à ton âge. Tu ne trouves pas ça étrange?
- Je sais pas. Je m’en fous.
- Mais il n’y a personne que tu aimes?
- Non.
- Même pas tes parents?
- Ils ne m’aiment pas alors moi je ne les aime pas non plus et j’aimerais bien qu’ils meurent en ayant mal.
- Pourquoi tu penses qu’ils ne t’aiment pas?
- Parce qu’ils me font mal.
- Comment ils te font mal?
- Mon père il me fait mal et ma mère elle me fait mal aussi alors je les déteste tous les deux et ils peuvent mourir que ça me sera complètement égal.
- Ils ne doivent pas te taper si souvent tout de même.
- De toute façon je m’en fous parce qu’ils sont vieux alors c’est moi qui vais les voir mourir en premier et je serai bien content.
- Eh bien...
- Toi aussi tu vas mourir avant moi.
- Et tu seras bien content aussi?
- Oui.
- C’est pas très gentil tu sais.
- Je m’en fous.
- Bon bon bon... Eh bien je crois qu’on va s’arrêter là pour aujourd’hui. On se reverra donc mercredi prochain si tu es d’accord, et maintenant je vais m’entretenir quelques minutes avec tes parents.