Le triptyque du
Mal d'Ernesto Sabato, 2:
Par Juan Asensio
Ce qui restait
clair dans le premier roman disparaît: une jalousie, puis le meurtre
concluant la passion, c'est encore la vieille histoire des hommes, leur
indéracinable soif de possession, répétée par le roman, par l'écrit dans
toutes ses formes, par la peinture repeignant les vieux mythes, les habillant
de neuf. La jalousie, sans doute, est vieille comme le monde. Mais plus vieux
encore est le sang qui, dit-on, tourne au vinaigre dans les veines du jaloux.
Le roman c'est le sang de l'homme, et le sang de l'homme est plus vieux que
lui, puisqu’il est le symbole et le gage d’un souffle de vitalité sans lequel
l’homme n’aurait pu respirer: le sang de l'homme précède l'homme parce qu'il
est en somme sa plus claire attache avec le domaine du divin. D’une certaine
façon aussi, le roman précède donc l’homme car, imbécile et hagard, pétrifié
par le regard vert de la méduse en furie, le premier qui s’avisa que sa
compagne infidèle l’avait trompé dut se résoudre à répéter le geste sordide
qu’il avait trouvé dans les vielles légendes, dans son sang
bouillonnant : aussi, follement, sûrement, ces mêmes légendes lui apprenaient-elles
que les meurtres ne sont pas tous condamnables. Jamais le romancier, ce
premier des jaloux (de l’Art, de Dieu, de lui-même…) ne devait oublier la
leçon. Avec le deuxième
titre de Sabato, le vieux sang de l'homme occidental se trouble, s'épaissit,
explore de nouvelles cavités — non pas nouvelles, mais simplement oubliées —
s'enfonce et se souvient de la lourde matière qu'il charrie, puis remonte,
remugle sordide contaminé par les vapeurs du bas, propulsé par la pompe de
l'ultime vitalité, celle qui précède la fin, celle qui annonce l'orage de la
révélation, comme une nappe de pus tout chargé de choses mauvaises, vers le
cerveau qu'il va gonfler d'angoisse et de peur. Toujours, la dégénérescence
chère à Max Nordau s'accompagne d'une fièvre de vie. Le roman c'est le sang,
mais le sang contaminé c'est le mauvais rêve, le labyrinthe qui cache en son
foyer le Minotaure redoutable: le roman
est un labyrinthe qui emprisonne le monstre du romanesque, dit Bergamín
quelque part, c'est l'enclos qui libère le mauvais rêve. Avant que d'être
exploré, devenir le terrain de prospection des demi-dieux, parfois celui, de
jeu et ridicule, imaginé par quelque esthète précieux, n'oublions pas que le
labyrinthe est construit pour répondre à cette unique nécessité: à tout prix,
il faut que le monstre reste prisonnier, de sa conscience malheureuse plutôt
que de murs et d’un tracé compliqué dont la patience pourrait bien évidemment
venir à bout. Cet impératif oublié, voilà que l'homme s'est demandé s'il lui
était possible, non seulement d'entrer dans l'antre énigmatique, non
seulement d'en chasser le monstre central après lui avoir arraché ses
secrets, mais d'y prendre sa place, et enfin, comme un Sphinx catégorique, de
jouer à la pythie écumante: devenu le môle autour duquel la noria folle
inlassablement poursuit sa giration, l'homme ne questionne plus le roman,
mais regarde son nombril comme un Narcisse fatigué. Gide à présent n'est même
plus là pour encourager le coquebin vicieux, lui tapoter amicalement sur
l'épaule, encourager la sainte ferveur de ses reins stériles. Ainsi l'homme
nouveau, disons, cette figure idéale de l’Européen revenu de tout, comme un
mauvais élève Törless, se fiche de savoir que le monstre dédaigné peut lui
indiquer la route profonde des abîmes. Sabato lui, comme Borgès ou Arlt,
comme n'importe quel grand écrivain sud-américain, comme Carpentier, sait
bien que ce monstre, vite évacué, vite dédaigné, méprisé, rôde pourtant,
comme un lion cherchant qui dévorer: alors, jouer avec lui, comme jouent
aujourd'hui d'irresponsables crétins qui s’amusent avec la littérature, c'est
bien sûr courir le risque de se faire dévorer bêtement, mais c'est surtout
remettre l'antique idole au centre de tous les regards, et d'abord de celui,
fasciné, du lecteur, en convoquant au pied du monstre la meute sauvage des
dangers. Une nouvelle fois, le romancier déroule les prestiges (dans le sens oublié que le démonologue Jean Wier
donnait à ce mot) de l'écriture, sans jamais cesser de fixer le gouffre
infini qui l'attire: ainsi redonne-t-on à l'art son éminent mystère, qui est
quelque chose comme le langage maléfique de la pythie. Rien ne change,
finalement, car l'écriture tourne toujours, quelle que soit la durée de
l'éclipse de l'imbécillité, comme une lune avide autour d'un astre lumineux
et noir, soleil inverse et hypnotique duquel il reçoit une lumière avare, la
lumière du Démon qui illumine les faces blêmes des possédés. Ainsi, alors que
le personnage du conte de Poe s'engouffre dans le maelström qui crachera,
comme une puissance souveraine inassimilable, la transparence de la narration
victorieuse de la mort et de l'engloutissement, celui de Sabato, Fernando
Vidal Olmos, le démon initié, descendant dans les caves humides alors que les
deux héros de La montagne morte de la
vie[1]
grimpent jusqu'au sommet de la vie qui est la mort, contemplant l'oeil ouvert
de ce qu'ils ne peuvent voir sans mourir, de ce que pourtant ils ne verront
pas dans la mort, Fernando Vidal Olmos découvre le royaume des aveugles,
royaume de mort et de désolation au centre duquel trône la statue de la
Grande Déesse, dont l'Oeil phosphorescent appelle l'explorateur et l'ingère.
Mais Michel Bernanos s'arrête au seuil — le S'oeil, dit Frank Herbert dans L'étoile et le fouet, mon Dieu !, mais de quoi peut-il donc s'agir
? —, tandis que Sabato fait remonter Vidal Olmos à la surface, où l'ire
consumante d'Alejandra va consacrer son sacrifice, comme les noces interdites
entre un père et sa fille, ou celles des deux bêtes de l'Apocalypse,
annonçant et scellant la venue
temporelle du Maître, après que la geste périmée de l'honneur et du courage —
la retraite épique et calamiteuse du général Lavalle — a terminé de fonder la
grandeur de l'Argentine, maintenant croulante, folle et percluse: rien de
plus qu'une tête coupée qui n'en termine pas de se dessécher, contemplée
amoureusement par une vieille folle. Parce que ce
roman est une descente, une plongée dans l'inconnu (je m'en veux de songer à
cette coquille vide qu’est Rendez-vous
avec Rama d'Arthur C. Clarke, mais la littérature est comme un vaste
temple vivant où tout correspond avec tout, n’est-ce pas ?...), le
secret qu'il fait mine de dévoiler est un secret inférieur, infernal, une conspiration ourdie par la ténébreuse
Secte des aveugles: mais dans les deux cas nous n'apprenons rien, car le
monde hiératique de Clarke est muré dans un silence vieux de millions
d'années, car celui, inversé, de Michel Bernanos vit alors que plus rien de
vivant ne continue de l'alimenter, car celui d'Ernesto Sabato depuis toujours
paraît mort alors qu'à la fin de son prodigieux périple, au terme de sa
catabase prolifique, Vidal Olmos s'accouplera avec la maîtresse hiératique
des lieux — sa propre fille ?, quelle tutélaire et ancestrale Lilith ?,
quelle Eve noire poursuivie dans les jungles étouffantes du délire ? —,
enfantant une portée cruelle de démons qui viendront tourmenter Sabato dans L'Ange des ténèbres. Toute descente
est une remontée; toute plongée est riche de ce qu'elle ramène à la surface
lumineuse, même si les splendides horreurs des tréfonds se transforment en
gluants cadavres transparents, une fois exposés à l'air libre. Qu'est-ce que
remonte Sabato des profondeurs interdites ? (c'est bien évidemment la
question la plus pressante que pose celui qu'on appâte avec la vieille carne
du secret, je m'en voudrais donc de ne point contenter mon lecteur
impatient). Ce que nous apprenons, ce qui remonte des ténèbres comme une
évidence obscure, nous le savions déjà, c'est la matière même de nos songes,
le tissu des mythes, l'emportement violent de notre coeur: La nuit, l'enfance, les ténèbres, les
ténèbres, la terreur et le sang, sang, chair et sang, les rêves, abîmes,
abîmes insondables, solitude, solitude, solitude…[2]
Et puis aussi la certitude merveilleuse que deux êtres peuvent s'aimer (Alejandra
et Martín), et, en s'aimant, continuer de longer le précipice tout en
entendant les vociférations des démons, et l'un des deux (l'homme, le jeune
homme encore béjaune) peut aimer l'autre (la femme, la jeune femme, dont
l'expérience semble avoir été ouverte par le forceps du vice) tout en
soupçonnant que le mystère véritable se cache derrière le masque splendide de
sa beauté, et l'aimer en raison même de la pourriture qu'il devine, cachée
maladroitement par la volonté, tendue jusqu'à se rompre, de devenir (ou
redevenir) pure; Alejandra, comme le pathétique maire de Fenouille imaginé
par Georges Bernanos, est obsédée par la saleté de son corps et par ce qui, à
ses yeux comme à ceux du maire, constitue l'unique remède à cette saleté
invisible: le feu, le feu ultime et rédempteur, dernier vestige, dans notre
monde malade de machines, du sacré: Je
rêve toujours. Je rêve de feu, d'oiseaux, de marais où je m'enlise, ou encore
de panthères qui me déchirent, de vipères, mais surtout de feu, ça finit
toujours par du feu. Tu ne trouves pas que le feu a quelque chose
d'énigmatique et de sacré ?[3]
Ainsi, c'est de nouveau, dans ce deuxième roman, l'histoire d'un amour
malheureux, et le coeur du jeune protagoniste angoissé, torturé par tous ces
visages invisibles qui regardent celle qu'il aime, Alejandra, le cliché en
somme de la jalousie destructrice, ce vent
noir qui plane sur les eaux agitées de l'imagination, déchaîné sur la
pauvre tête de son personnage par Paul Gadenne. La jalousie
serait-elle, comme la mélancolie, une maladie du sang, qu'il faut purger, saigner ? Le sang lourd de présages
avait été consacré jadis dans la peur par le couteau du sacrifice,
l'extraction des organes fumant sous le soleil: le sang ruisselant et pur du sacrifice, celui, vicieux et lourd, du
maléfice, notre époque les confond
alors que rien ne les unit comme Bataille la savait bien; désormais ils vont
être mélangés pour de bon. Avec le Christ sacrifié le sang n'est plus versé
pour rien, ni tourné (comme du lait) au profit du mauvais oeil, et, puisque bon sang ne saurait mentir, il faut
bien espérer que le sang précieux, le sang de l'Agneau circule entre les
pécheurs, dans le corps exténué d'Adam, pour prix du sang arraché à l'Ennemi,
comme un maléfice (ou plutôt, un bénéfice) jeté à la tête de l'antique
Serpent. Dans ce roman, Sabato invite de nouveau les divinités chthoniennes à
se régaler du buffet sanglant, et les vampires qui soufflettent le visage du
dormeur de Goya à sucer la plaie découverte, celle de la jalousie qui est
infectée par le ver du doute. Désormais, dans un monde qui a oublié l'annonce
et l'espoir fou du retour du Christ ou qui ne l'annonce plus que par la voix
grotesque de fous comme Barragán-le-Dingue, avec l'oubli de la Bonne
Nouvelle, pur-sang bondissant par-dessus les horizons, le Nouveau Monde n'est
plus l'île frangée de lumière et d'or, ouvrant son ciel versicolore sous les
marches des Aguirre rebelles, l'oeil vert planté comme un pieu sur les
pyramides repues d'or et de fresques sanguinaires, mais l'infecte marais
s'étendant à perte de nuit dans les entrailles du vieux continent où
fermentent les carcasses des monstres inconnus, lézardés par des filons
d'émeraudes livides, ces gemmes de la pourriture. Le même songe de
pétrification hante Sabato, Michel Bernanos et le Huysmans d'En rade.
Car le Golgotha, quoique prétendent les piteux post-modernes, la montagne du
Crâne, est la borne marquant le flux de la marée[4],
non pas celle qui creuse parfois les affaires des hommes selon Shakespeare et
Stevenson pour les conduire aux amers des fonds vaseux, mais celle qui
ballote leur destinée et annonce leur enlisement sur la plage immobile où
s'envasent les coquillages morts. Lorsque le maléfice jeté est celui de
l'immobilité, il ne reste alors plus, sous l'astre dardant sa lumière comme
des éteules jaunes et pointues, qu'une implacable chaleur achevant de
poignarder la vie misérable qui rampe là, un parterre de choses horribles,
agrippant leurs moignons aux flancs de la colline du Dieu mort, qui ne va pas
tarder à être entièrement recouverte, elle aussi, par l'océan d'ordure. Baal
trône désormais sur les flots pétrifiés, et, comme dans le poème de Georg
Heym, ce dieu inconnu dispense à poignées la poudre des cauchemars et des
pestes, et les hommes courbés tendent vers leur idole les mains maigres de la
peur, qui circule dans leurs veines comme le mauvais sang des fièvres et des
orgies, le sang transparent des hommes sans Dieu, et leur cervelle
douloureuse est pleine d'une inquiétude sans nom, qui les laisse pantelants
sur la rive du désespoir. Sabato n'a
décidément pas tort, Fernando Vidal Olmos[5]
n'a pas tort de penser que notre univers a été abandonné à l'administration
calamiteuse d'un potentat démoniaque, dont le beau livre de Patrice Cambronne
retrace la venue et les formes luxuriantes de gouvernement temporel[6]:
dans chaque partie du monde, dans le
monde entier, partout, d'un côté comme de l'autre, s'étend le royaume des
Ténèbres. Mais dans le
vieux sang des hommes circule encore — parfois — un peu d'ardeur rancunière,
un reste ultime, le dernier reste
d'amour de la vérité et de la lumière, s'estimant lésée tant que les bonnes
questions n'ont pas été posées, par exemple: sommes-nous bien certains que le
Mal règne sans partage, comme la peste rouge de Poe sur le monde qu'il a
englouti dans ses ténèbres froides ? Encore: sommes-nous bien certains que
ces mystérieux aveugles, froids et gluants comme des serpents, sont les
agents zélés du Monarque ? Pour en avoir le coeur net, pour balayer ses
derniers doutes — mais cet homme a-t-il jamais douté du Mal, étant lui-même
un démon ? —, Vidal Olmos décide de plonger dans le repaire des aveugles,
rejoignant, pour y consommer son sacrifice, le totem phosphorescent qui le
fera renaître, retrouver son corps de reptile en l'avalant, dans une parodie
de résurrection. Fernando Vidal Olmos, nouveau Christ ? Christ noir alors,
comme celui qui ensemence de ses doutes le vertigineux Faust de Pessoa: J'enquête
sur le Mal, nous dit Olmos, et
comment enquêter sur le Mal sans se plonger dans l'ordure jusqu'au cou ? Vous
me direz que je semble y avoir pris un grand plaisir, au lieu d'éprouver
indignation ou dégoût, comme ce devrait être le cas de tout chercheur obligé
de faire ce genre de travail. Certes, je le reconnais ouvertement. […] Jamais je n'ai dit que j'étais quelqu'un
de bien, j'ai dit que j'enquêtais sur le Mal, ce qui est très différent. Et
puis j'ai reconnu que j'étais un salaud.[7]
Christ noir, Dieu de l'ombre, Dieu dont la lumière est noire, Dieu dont la
lumière noire est d'essence démoniaque selon Bergamín, Christ pervers qui
jouit de sa propre déréliction, fils maudit de l'homme qui a déserté les
larges esplanades ensoleillées pour révéler les secrets du monde d'en bas,
proscrit paranoïaque s'étant mis en quête du trésor fangeux des êtres
habitant les immenses souterrains, explorateur intrépide des Amazone
invisibles: Et tout cela se dirigeait
vers le Néant de l'océan par des conduits souterrains et secrets, comme si
Ceux d'En Haut préféraient oublier ou se voiler la face devant cet aspect de
leur réalité. Comme si des anti-héros comme moi étaient destinés à rendre
compte de cette réalité, tâche ô combien difficile et ingrate ! Explorateurs
de l'Immondice, témoins de l'Ordure et de la Malignité ! Oui, je me sentis soudain une sorte de héros, ou plutôt
d'anti-héros, héros noir et répugnant, mais héros quand même. Un Siegfried
des Ténèbres, avançant dans l'obscurité et la puanteur en faisant claquer sa
bannière noire au souffle des ouragans infernaux. Mais avançant vers quoi ? [8] Dans son livre,
Patrice Cambronne prend constamment le soin de légitimer la vision
manichéenne de l'univers, bien trop souvent réduite à sa plus grotesque
caricature, écrivant par exemple, à propos de la doctrine de Mani: Ne pourrait-on pas même aller jusqu'à
penser que l'opposition si contrastée entre les deux Royaumes, c'est
peut-être exactement celle que l'imagination religieuse ressent entre le Réel
et le Désir ? Car enfin, le Royaume des Ténèbres fait songer à l'Enfer,
dit-on souvent. Et si par hasard, comme dans la pensée gnostique, il n'était,
dans le Mythe manichéen, qu'une allégorie de notre monde d'ici-bas ? La
Frontière, ce serait bien l'expression plastique de la Déchirure de l'Ame
Exilée.[9] C'est
tenter de montrer que cette doctrine, en fin de compte très mal connue, a
élaboré une cosmologie extrêmement complexe, où jamais les Ténèbres n'étaient
totalement victorieuses de la Lumière qui, retirée du royaume terrestre, peut
encore être contemplée par le pur, par celui qui a su s'arracher de la tourbe
malfaisante, de la pesanteur du monde. Dans son
deuxième roman, Sabato a fait de notre univers le royaume illimité du Mal,
même si pointe, dans les toutes dernières pages, l'espoir d'une libération
par la découverte émerveillée des territoires glacés de la lointaine et
claire Patagonie. Mais ce rêve de
lumière appartient au personnage, non au lecteur, ni même, peut-être, au
romancier. Car
c'est l'essence même de la lumière qui
éclaire notre âge que d'être noire |
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[1] Un
des splendides romans de Michel Bernanos, avec son énigmatique Ils ont déchiré Son image...
[2] Oeuvres romanesques, Seuil, 1996, pp. 212.
[3] Ibid., p. 240.
[4] Cette borne permet, selon Sabato, de comprendre l'évolution du romanesque: Le roman se situe entre le commencement et la fin des temps modernes, il se développe parallèlement à la profanation grandissante […] de l'être humain, parallèlement au processus effrayant de démythification du monde. C'est pourquoi les tentatives de juger le roman d'aujourd'hui en termes étroitement formalistes aboutissent à la stérilité, il faut le situer dans cette formidable crise totale de l'homme, en fonction de l'arc gigantesque qui commence avec le christianisme, L'Ange des ténèbres, op. cit., p. 671.
[5] Voici ce qu'écrit l'auteur du Rapport sur les aveugles: Pour moi, la conclusion est évidente: le Prince des Ténèbres continue de régner et sa domination s'exerce par l'intermédiaire de la Secte sacrée des aveugles. Tout est si évident que pour un peu je me mettrais à rire, si en fait je n'étais pris de panique, op. cit., p. 335.
[6] Chants d'exil Mythe et Théologie mystique, préface d'Alain Michel, William Blake & Co., coll. “Arts et Arts”, 1998. Voir en particulier le troisième chapitre consacré à la doctrine de Mani. Le passage cité (page 200 de l'ouvrage) est extrait du Contra Fortunatum de saint Augustin, 21.
[7] Oeuvres romanesques, op. cit., p. 387.
[8] Ibid., p. 453.
[9] Op. cit., p. 202.