Toute l’analyse de ce nouveau phénomène producto-sociétal était en fait une mise en contexte pour une anecdote que je désire partager avec vous. Il s’agissait d’un de ces soirs où j’étais particulièrement en forme, ma sœur et moi-même avions mis le cap vers le Café Campus et ce vendredi soir se déroulait à merveille. Après de longues heures de danse folichonne, me voilà (pour une énième fois dans la soirée) dans la file d’attente qui serpente devant la jolie barmaid en poste ce soir-là, une dénommée Geneviève, je crois. En jetant un coup d’œil dans les environs, j’aperçois quelque chose qui attire mon regard. Eh oui, vous l’avez deviné, un T-shirt à teneur humoristique spécifique. Fidèle à mon habitude, je tente de deviner de quel élément de l’entertainment est tirée la phrase imprimée sur chandail. Le verbe « tenter » est quelque peu inaproprié, car je sais tout de suite à quoi se rapportent les mots « More Cowbell » qu’elle portefièrement. Dans un sketch à l’immensément populaire émission Saturday Night Live, Will Ferrell, acteur comique américain, fait partie d’un groupe de musique en pleine séance d’enregistrement en studio et joue, sans le moindre sens du rythme et avec autant d’éloquence qu’un discours de Jean Chrétien, de la cloche à vache. L’irritation des membres du groupe est palpable, mais le producteur ne fait que redemander « More Cowbell ». Ferrell y va de plus en plus fort, devant les membres de sa formation qui s’énervent de plus belle. Très comique, croyez-moi. Si vous avez la chance de tomber dessus, ne ratez pas l’occasion de visionner cet hilarant sketch. Donc, pour en revenir à mon histoire, j’aperçois cette demoiselle vêtue d’un gilet teinté de ces mots cocasses. Je m’empresse de lui tapoter l’épaule, pour ensuite pointer le devant de son chandail d’une main en levant le pouce de l’autre. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant le doigt d’honneur s’élever devant mon regard ébahi. Je déduis qu’il y a malentendu et je tente de m’approcher pour lui transmettre que j’ai également adoré ce sketch de Ferrell, mais avant même que je puisse me prononcer, elle me regarde comme une star hollywoodienne regarde un mendiant, comme un homophobe regarde deux hommes se tenant la main, comme George W. Bush regarde le peuple américain du haut de Air Force One, et laisse échapper, dans un français cassé : « Regarde, laisse-moi, OK ? ». En reproduisant le célèbre geste d’Obélix quand il parle de l’état psychologique des Romains, je lui dis qu’elle a besoin d’aide, ce dont elle se fout éperdument, dans ses délires de diva Paris-Hiltonnienne.
En sortant du bar, je réfléchis un peu à la question, car le recul a souvent cet effet sur moi de mettre en lumière certains aspects d’une situation qui m’échappent sur le moment, mais même là, je ne peux croire que je méritais un tel traitement. Mon raisonnement? D’accord, imaginons la pire des situations, la fille passe une soirée de merde, je suis le 15ième mâle qui lui adresse la parole ce soir, elle pense que je suis saoul mort comme les autres, les starlettes superficielles qui lui servent de copines l’ont envoyé paître car elle a mis les même pantalons que l’une d’elles, elle est en plein SPM et son conjoint est en train de danser avec sa meilleure amie. Est-elle tout de même dans l’obligation d’envoyer promener quelqu’un qui la complimente sur le choix de son T-shirt? Même en pleine soirée exécrable, éviter de lever le doigt du milieu au premier venu est la moindre des politesses, il me semble. Mais le pire dans toute cette situation, c’est que si cette demoiselle désire ne pas se faire accoster par des gens que son chandail fait réagir, ELLE N’A QU’À NE PAS ACHETER CE GENRE DE CHANDAIL! Logique, pure et simple, bordel! Cette manière d’agir des plus imbéciles s’inscrit dans la même catégorie que les regards offusqués des filles quand le regard d’un homme ose s’aventurer trop près de leur buste qu’elles exposent au grand jour par le biais d'un décolleté dont la pointe visite le nombril, ou alors les airs scandalisés des demoiselles qui considèrent obsédés les individus de sexe masculin qui se risquent à jeter un coup d’œil sur ce qui est écrit en grosses lettres rouges sur la partie de leur jogging gris qui recouvre leur postérieur. À mes yeux, ce comportement est aussi foncièrement con que celui de quelqu’un qui se demanderait pourquoi sa main est calcinée après qu’il l’ait plongée dans le milieu d’un feu de camp. De plus, nul ne saurait m’accuser de ne pas parler en connaissance de cause, puisque, tel que je soulignait précédemment, il m’arrive de rencontrer des inconnus qui commentent mon T-shirt. Mais même quand je suis pressé, esquisser un sourire ne me demande pas trop d’efforts, alors je m’exécute. Suis-je si parfait ou quoi? |