Pleurer ton nom

Épisode 1.15

 

Dans l’épisode précédent…

Samuel, délicat, pose une main sur le ventre de Floriane et il est heureux de sentir son bébé bouger.

Samuel : Hello, toi! J’ai hâte de te voir, tu sais, ne te fais pas trop attendre! Tu sais, tu vas avoir la maman la plus attentionnée et la plus aimante du monde. Tu vas être un enfant comblé.

Floriane : C’est gentil.

Samuel : C’est vrai.

Étienne (de l’embrasure): Oui.

 

*

Floriane se retourne vivement en entendant la douce voix familière, et en voyant la visage affligé, son expression de bonheur se transforme en compassion. Elle va serrer son meilleur ami contre elle, muette. Étienne l’étreint fortement, y trouvant un réconfort sans égal, ayant l’impression que la présence de la jeune femme lui donne de la force. Samuel s’approche lentement, ému.

Samuel : Étienne, vieux, ça va pas trop mal?

Étienne se détourne à regret de Floriane et il serre la main de Sam pour ensuite lui taper amicalement le dos.

Samuel : Comment as-tu que nous étions ici?

Étienne : Je… Là-bas.

Samuel : Les gens de l’immeuble te l’ont dit?

Étienne secoue positivement la tête, visiblement troublé.

Floriane : Est-ce que… heum… tu sais…

Étienne acquiesce de nouveau.

Étienne : Hier.

Floriane : Oh. Je suis désolée, Éti.

Étienne : Ça va.

Il ment visiblement!

Étienne : Qu’est-ce qu’elle a Sam?

Floriane baisse les yeux, incapable d’apprendre la triste nouvelle à son ami. Samuel s’humecte les lèvres.

Samuel : Heu… Elle… Ben tu sais… Elle a…

Il prend une grande respiration pour maîtriser le tremblement de sa voix.

Samuel : Le Sida.

Floriane guette la réaction d’Étienne, mais le problème, c’est qu’il n’en a aucune. Il reste inerte, les sourcils froncés, les bras le long du corps.

Étienne : Merde.

Puis, il sort de la chambre d’hôpital aussi rapidement qu’il est entré, laissant Flo et Samuel inquiets.

 

Maxime et Christian, se remettant tranquillement de leur soirée bien arrosée, sont assis dans leur salon, l’un en face de l’autre.

Christian : C’est peut-être pas de mes affaires ce que je vais te demander, mais pourquoi tu n’aimes plus Jasmine? Je veux dire, tu n’as plus le goût d’elle? C’est au niveau physique ou psy… psy… psychologique.

Maxime éclate de rire en tapant ses mains l’une contre l’autre, puis il se cale exagérément dans le divan.

Maxime : Heum… Je crois que c’est à aucun niveau.

Christian : Hein? Mais. Heum. Je saisis pas trop, ça veut dire quoi à aucun niveau?! Tu l’as bien laissée pour une raison, non?

Maxime : Tu sais, Christian?

Christian : Quoi?

Maxime : Ne le dis pas à personne, mais je crois que je l’aime encore.

Christian : Tu dis ça parce que tu es saoul!

Maxime : Non, pas du tout. Je la désire encore et j’espère tant qu’on se retrouvera. Je m’ennuie d’elle comme ce n’est pas possible.

Christian : Tu crois que c’est pareil pour Jasmine?

Maxime : J’en sais rien. Elle a toujours été jalouse, alors je ne peux pas me fier à sa crise quand elle a vu Tanya et qu’elle pensait que c’était ma copine.

Christian : Tu pourrais lui en parler.

Maxime : Oui. En fait, je crois qu’on était trop dans notre bulle et on ne voyait, à ce moment-là, que les beaux côtés de notre relation, mais… mais après il faut accepter la réalité et apprendre à vivre avec les défauts de l’autre. Ça nous demandait trop de maturité, je crois. Seulement, je sens que je suis prêt pour vivre avec elle… et toi, si tu veux. Elle pourrait venir emménager ici. Je vais trop vite. Non. Oublie ça.

Christian : Tu fais comme tu veux, moi ça ne me dérange pas, tant que tu es heureux.

Maxime : Tu dis ça parce que tu es saoul!

Les deux copains s’esclaffent et essuient les larmes qui coulent de leurs yeux plissés.

 

Floriane est assise sur son lit, un coussin serré contre elle, et elle caresse tendrement son ventre, un sourire flottant sur ses lèvres.

Floriane : Tu sais, je ne saisis pas encore que Samantha va mourir. Elle a toujours été là, alors c’est difficile de comprendre qu’un matin, elle partira pour ne jamais revenir. Ça va tellement être étrange sans elle. Depuis le début de notre amitié, nous élaborons des plans pour l’avenir, et c’est si décevant de voir qu’ils ne tiendront pas. Pas à cause de moi, pas à cause d’elle non plus… Juste à cause d’un homme. Et nous qui nous étions promis de ne jamais briser nos pactes pour des hommes!

Son sourire s’élargit, mais il est empreint de tristesse.

Floriane : Je me souviens qu’elle disait que nous allions mourir à 100 ans, main dans la main comme de vieux amoureux! Ça nous faisait rire, ça ne nous fait plus rire maintenant. La mort vu sous cet angle était moins tragique, mais au fond ce n’était que pour nous heurter plus fort plus tard. Comme une stratégie pour plus de souffrance, tu comprends? Tout est différent de ce que nous avions imaginé… Trop différent. La seule ressemblance, c’est que je lui tiendrai la main lorsqu’elle s’en ira. Je n’ai jamais été très croyante, mais en cet instant, j’espère profondément qu’il y a quelque chose de beau après la mort, un endroit féerique où Samantha pourra m’attendre.

Ses yeux sont perdus dans le vague tandis qu’elle ne cesse d ‘effleurer les courbes de son ventre rond.

Floriane : J’ai un service à te demander : tu pourrais sortir avant son trépas? C’est que j’aimerais énormément que tu la rencontres juste une fois dans ta vie. C’est si important pour moi que deux des êtres que j’aime le plus au monde se connaisse… Ne serait-ce que pour quelques minutes. De mon côté, je demanderai à Sam de t’attendre le plus longtemps possible même si ça lui est pénible. Tu peux me dire pourquoi c’est elle qui part? Pourquoi ce n’est pas moi? Un seul être vous manque et tout semble dépeuplé. C’est bien vrai, hein?

Floriane détourne les yeux et voit son reflet dans un miroir rectangulaire qui paraît avoir vu passer bien des années! La jeune femme soupire, découragée.

Floriane : Je suis laide. Tu as vu? Je te comprends de te faire désirer, qui voudrait avoir une mère aussi affreuse que moi? Je suis grosse, j’ai l’air enflé de partout, et je fais peur! Comment quelqu’un pourrait m’aimer? Tu peux me le dire, toi? Je ressemble à une poupée gonflable.

Ce disant, elle gonfle ses joues sans ciller.

Floriane : Ouais, il n’y a pas à dire, je suis misérable. Je suis désolée, je sais que tu es jeune et que tu ne peux pas comprendre tous mes problèmes, mais il ne me reste personne! Samantha est mourante, Samuel veille sur elle, mes parents sont mes parents ce qui –tu dois l’avouer- est un problème majeur, Olivier n’est qu’un irresponsable et Étienne… Où est-il quand j’ai besoin de lui? Il doit être en train de se remettre de la mort de son père. Je me sens si seule, alors je me confie à toi, à toi que je ne sais même pas comment appeler. Habituellement, on sait le nom de la personne à qui on se vide le cœur, c’est bizarre.

Nouveau soupir.

Floriane : Tout est de ma faute!

Puis, elle éclate en sanglots.

Floriane (saccadé) : Je… Si je ne m’étais pas enfuie! Si je m’étais pliée à l’autorité de mes parents! Ou encore, si j’avais eu l’intelligence de dire non à Olivier! Si je n’avais été aussi stupide –si stupide-! Samantha ne serait pas partie de chez elle et nous n’aurions pas été habiter dans ce vieil immeuble où elle a failli se faire violer à deux reprises et où elle a touché à la cocaïne. Le motard ne l’aurait pas emmenée, il ne l’aurait pas engrossée, il ne lui aurait pas transmis le sida! Samuel aurait pu sortir en paix avec Tanya! Oh! Si tout avait été différent…

Elle essuie ses larmes avec la paume de sa main, tentant de se reprendre.

Floriane : Et je n’aurais pas connu Samuel, je n’aurais pas su le courage dont je pouvais faire preuve, j’aurais vécu sous l’emprise de mes parents… Je n’aurais pas rencontré Étienne… J’ai tout consacré pour toi. Tout pour toi. Absolument tout. Ma jeunesse, ma liberté. Mais tu en vaudras la peine, je le sens, il faut que tu en vailles la peine! Je tiendrai pas le coup, sinon. Sois normal, sois en santé. Oh! Pourquoi ça m’arrive à moi? Il n’y avait pas plus ordinaire que moi, pas plus ordinaire et quelqu’un a décidé qu’une fille ordinaire aurait une vie extraordinaire. Non, j’exagère. Je n’ai rien fait de si sensationnel, j’ai juste fait à ma tête et j’ai été naïve. On décerne pas de trophée pour ça. Toi, mon bébé, tu donneras un sens à ce qui se passe.

Elle pleure de nouveau.

Floriane : Autrement, ça aura servi à rien du tout. Il faut que tu donnes un sens à tout ça! Parce que tu es le seul qui peut…

Elle baise sa main, puis la colle contre son ventre comme pour signifier qu’elle embrasse son enfant.

 

Jasmine et Maxime sont assis face à face dans un restaurant à l’allure décontractée et ils sirotent une boisson gazeuse.

Jasmine : Alors, Christian s’entend bien avec Maëlys?

Maxime : Oui! En fait, sans le savoir, Maë l’a fait grandir.

Jasmine : Ah! Oui? Tant mieux!

Maxime : Ouais… Il est devenu plus responsable et plus attentif aux autres. Il s’occupe très bien d’elle et il réussit à l’amuser. En plus, il soigne son langage pour s’habituer et pour que plus tard, il ai une bonne influence sur elle.

Jasmine : C’est touchant de voir ça! De voir à quel point il aime un enfant qui n’est pas le sien.

Maxime : Mais c’est tout de même le parrain! Et tes études, ça va bien?

Jasmine : Oui. Elles prennent beaucoup de mon temps, mais c’est un sacrifice auquel je suis totalement prête! J’ai hâte d’être diplômée, d’avoir un emploi et une maison convenable avec ma fille. En attendant, je déploie les efforts nécessaires pour atteindre mon rêve.

Maxime s’humecte les lèvres, les yeux baissés.

Maxime : Avant, ton rêve, c’était avec moi que tu le partageais.

Jasmine cesse brusquement de sourire.

Jasmine : Oui… C’est juste, mais… Mais les choses ont changé et d’un commun accord…

Maxime : Oui, je sais. Tu n’as pas à t’expliquer.

Jasmine : Mais je ne comprends pas, Max, pourquoi tu parles de ça?

Maxime : Parce que…

Il prend une grande inspiration comme pour déclarer quelque chose d’important.

Maxime : Parce que.

Il est incapable de soutenir le regard intense que Jasmine pose sur lui.

Jasmine : Ah! Bon… Je… Tu… Tu veux encore être avec moi? Tu veux… Tu veux vivre avec Maë et moi?

Maxime : Je… J’en sais rien, toi?

Jasmine : Ben, tu le sais, j’ai mis une croix sur notre vie de famille. C’était clair entre nous, il me semble. Tu veux changer ça?

Elle le dévisage.

Maxime : Hein? Heum… (soupir). Parlons d’autre chose, tu veux?

Jasmine : D’accord.

Un long silence suit, embarrassant. Finalement, Jas se penche vers son ancienne flamme.

Jasmine : Tu ne sais pas grand chose sur moi et sur mon passé, hein?

Maxime : Je ne sais que ce que tu m’en as dit.

Jasmine : Logique. Mais… je t’ai épargné une période de ma vie, une période de laquelle j’avais un peu honte à vrai dire. Seulement, j’y ai pensé et à toi, je n’ai rien à cacher.

Maxime : Pourquoi?

Jasmine (rougissant) : Parce que… c’est toi! Toi, Maxime.

Maxime (taquin) : C’est toute une raison! Alors, cette période?

Jasmine : Je ne sais pas trop comment t’annoncer ça. C’était une étape difficile dans ma vie et j’ai bien failli ne pas m’en sortir. Ma vie n’est pas aussi rose que j’ai déjà pu le laisser entendre. Et… tu dois savoir que… quand… quand…

Maxime (sérieux) : Quand quoi? Qu’est-ce qu’il y a Jas?

Jasmine : Ce soir-là…

Maxime : Quel soir?

Jasmine : Notre soir, Max, celui qui a tout déclenché…

Maxime : Oui?

Jasmine : J’avais…

La serveuse se pointe à la table, armée de deux assiettes dans lesquelles reposent des pâtes.

Serveuse : Voilà. Bon appétit, vous viendrez payer à la caisse lorsque vous aurez terminé.

Jasmine : Merci.

Maxime : Oui, ok, merci.

Maxime se retourne anxieusement vers Jasmine, attendant la suite, cependant, celle-ci, n’ayant pas trouvé le courage d’aller plus loin dans ses confessions, a déjà la bouche pleine de spaghettis.

Maxime : Et puis?

Jasmine lève son doigt pour lui signifier d’attendre qu’elle ai fini de manger, puis elle déglutit.

Jasmine : Oh! Je suis au régime, tu te rends compte? J’ai l’impression de tricher!

Elle tapote son bedon.

Jasmine : Il me reste encore 10 livres à perdre.

Maxime soupire, il sait qu’il ne pourra pas obtenir ce soir les renseignements que Jasmine s’était décidée à lui communiquer de son plein gré. Au fond de lui, il sent que le mystérieux Rick est en cause.

 

Samuel aide Floriane à descendre les escaliers escarpées, puis il la lâche quand ils sont rendus au bas. Leur édifice s’offre à eux, déprimant, sa laideur contrastant avec la beauté du couché du soleil sur le lac.

Samuel : Tu crois qu’il est encore là-dedans?

Floriane : Il n’a nulle part d’autre.

Samuel : Ouais…

Plus tard…

Samuel, Floriane et Étienne sont assis autour d’un table disposée à l’extérieur d’un café à l’aspect chaleureux. Ils boivent chacun un Cappuccino.

Samuel : Je veux dire, tu ne peux pas rester là encore, j’habite à l’hôpital pour soutenir Samantha et Floriane est retournée chez elle.

Étienne : Ouais… Le bon temps pouvait pas toujours durer. Ça va, ma mère m’a refilé de l’argent, alors je vais coucher dans un motel en attendant de me trouver un job et un appart.

Samuel : Ouais, d’accord.

Floriane : Mais toi, Sam, qu’est-ce que tu vas faire après… que Sam…

Samuel : Aucune idée. Je trouverai.

Étienne : Tu pourras venir dans mon appart.

Samuel : Non, j’ai pas envi d’être encombrant pour toi. Je vais me trouver un endroit, c’est certain. On trouve tous.

Étienne : Pas si sûr.

Samuel : Tu verras, tout va bien aller pour moi. C’est pour Samantha et Floriane que je m’inquiète présentement.

Floriane : Ah! Bon? Mais je vais bien!

Samuel : Je sais, mais je souhaite tellement que ton enfant soit normal. Il faut dire que vivre dans une maison en ruine, c’est pas l’idéal.

Floriane (sur la défensive) : Mais j’en ai pris soin!

Samuel : Je ne dis pas le contraire! Je ne met aucunement en doute tes talents de maman, c’est juste qu’il s’est passé un tas de choses là-bas et je sais pas comment ça a pu affecter le bébé.

Étienne (lunatique) : Ouais, il s’est passé un tas de choses.

Samuel : Je ne voulais pas te rappeler l’incident avec Jake le pervers.

Étienne : Trop tard.

Floriane : Étienne! C’est enfoui maintenant, Jake ne doit pas t’empêcher de mener ta vie!

Étienne : Jake qui?

Il esquisse un faible sourire peu convaincant à Floriane, comme pour la consoler, mais ça ne réussit pas. Cette dernière pose doucement sa main sur celle d’Éti et elle la presse pour lui montrer qu’elle est avec lui, peu importe ce qu’il arrivera. Samuel regarde sa montre.

Samuel : Bon, je vais retourner voir Sam. Elle s’éveille souvent aux alentours de neuf, dix heures.

Floriane : Ok. Tu lui diras que je l’aime fort.

Samuel : Promis.

Étienne : Et que je l’embrasse.

Samuel : Ok. Au revoir.

Floriane : À demain.

Samuel embrasse la main de Flo dans un geste courtois, puis il s’éclipse après avoir salué Étienne.

 

Maxime arrête la voiture devant la maison des parents de Jasmine.

Maxime : Tu as des travaux pour demain?

Jasmine : Quelques uns, mais par chance je les ai déjà avancés. Il ne me reste que deux ou trois pages à écrire.

Maxime regarde sa montre qui affiche presque minuit.

Maxime : Ne te couche pas trop tard.

Jasmine : Juré, papa!

Maxime : Je suis sérieux. Ça prend beaucoup de ton énergie.

Jasmine (levant les yeux au ciel) : Je sais!

Maxime : Bon…

Jasmine : Bon…

Ils restent immobiles, se jetant de petits coups d’œil obliques.

Jasmine : On dirait notre premier rendez-vous!

Maxime : C’est vrai que ça ressemblait. Et tu étais aussi belle.

Jasmine : Merci. Tu embrasseras Maëlys pour moi, ok?

Maxime : Bien sûr!

Les deux jeunes adultes s’embrassent brièvement sur les joues, puis Jas descend de la voiture, contente de sa soirée. Maxime redémarre et file droit chez lui.

 

Floriane et Étienne marchent tranquillement dans les rues sombres, Éti tenant ses mains dans les poches de son coton ouaté gris.

Floriane : Tu n’es pas obligé de me reconduire, je t’assure. C’est une partie sécuritaire de la ville.

Étienne : Je sais, mais ça me fait plaisir et j’aimerais bien voir où tu habites.

Floriane tire sur son chandail bleu pâle en maugréant.

Floriane : Maudits vêtements!

Étienne : Ils te vont très bien.

Floriane : Étienne, il n’y a rien qui me va bien! Je suis immense! J’ai l’air d’un éléphant!

Étienne éclate de rire.

Étienne : Mais voyons! Tu es enceinte, dis-toi que ce n’est que temporaire.

Floriane : Très réconfortant!

Étienne : Je t’assure! Tu vas perdre tout ton poids à courir après ton gamin ou ta gamine!

Floriane (sarcastique) : Génial!

Un silence agréable suit, n’étant entrecoupé que par le bruit des pas feutrés des deux individus. Un vent frais siffle sur la figure de Floriane qui ferme les yeux pour savourer le moment. Étienne l’observe, l’air troublé.

Floriane (doucement) : Étienne…

Étienne ravale difficilement sa salive.

Étienne : Jamais tu ne me verras pleurer, Floriane.

Floriane ouvre ses paupières.

Floriane : Mais tu ne dois pas tout garder ta peine en-dedans de toi. Je suis là pour t’écouter! Tu sais que tu peux compter sur moi, non?

Étienne : Je le sais, mais j’ai pas envie d’en parler. C’est fini, il est parti, je… c’est fini.

Floriane : C’est fini pour ton père, mais pas pour toi! Ta tristesse n’est pas partie avec sa mort! Tu dois vivre le deuil.

Étienne : Mais pourquoi prolonger mon deuil? C’est inutile! Je vais bien, vraiment.

Floriane secoue négativement la tête.

Floriane : Arrête. Plus ça va, plus je comprends que je ne te connais pas beaucoup. Je ne sais pas grand chose de ton passé, des conneries que tu as pu faire, de tes amours, tes amitiés, ta famille, mais je sais qui tu es. Je sens tes émotions juste en fixant tes yeux.

Elle tente de fouiller le cœur d’Étienne, mais il détourne le regard, bouleversé.

Étienne : Jusqu’ici c’est moi qui était ton support. Je t’empêchais de t’effondrer, donc ce n’est pas aujourd’hui que je vais flancher.

Floriane : Mais je vais bien et tu vas mal! Oh! Je me sens si coupable de t’avoir bousculé pour que tu reviennes vite. C’était égoïste de ma part. Quand je te vois, je sens que tu aurais eu besoin de rester là-bas encore un peu pour digérer la chose.

Étienne (remué) : Non, il fallait que je te vois.

Ses yeux s’emplissent d’eau.

Étienne : Je dois y aller.

Il décampe aussitôt, mais pas assez rapidement : Floriane a aperçu la première larme rouler jusqu’à ses lèvres.

Floriane (murmurant) : Je t’ai vu pleurer, Éti.

 

Deux jours plus tard…

Jasmine est assise à son bureau et elle tape un long texte sur son ordinateur à une vitesse fulgurante.

Mère (d’en bas) : Jasmine! Je vais faire des commissions avec ton père!

Jasmine : Ok!

Mère : À tout à l’heure!

Jas continue son travail, baissant les yeux quelques fois vers une feuille mobile remplie de griffonnages. Dans son petit lit, Maëlys éclate en sanglots. Jasmine soupire, termine sa phrase, puis se lève pour prendre sa fille dans ses bras. Elle marche pendant près d’une minute, puis, quand Maë se tait, Jasmine la repose dans son berceau. Elle se rassoit et finit son texte pour ensuite sortir deux gros livre et commencer un second devoir. Elle lit les premières questions et commence à répondre, retournant parfois vers les pages précédentes pour trouver les réponses. En même temps, elle répète les questions à voix haute pour se préparer à l’examen du lendemain. Maëlys pleurniche de nouveau, se sentant abandonnée.

Jasmine : Oh! Je rêve! J’y arriverai jamais!

Elle prend encore sa fillette et elle lui embrasse le front, nerveuse. Les pleurs de Maëlys doublent d’intensité et la jeune mère se décide à prendre une pause. Elle colle son nez contre celui de son bébé, et elle lui sourit en la chatouillant. L’enfant laisse échapper un gazouillis rigolo.

Jasmine (enfantine) : Oh! Mais qu’est-ce que c’est que ça? Qu’est-ce que c’est que ça! C’est la belle Maëlys! Oui! Ce qu’elle est jolie! Oui! Elle est adorable! C’est le plus beau bébé du monde! Oh! Que oui! Que oui, c’est le plus beau des plus beaux bébés, hein Maëlys? Je t’aime tellement!

Elle lui embrasse le bout du nez et la serre contre elle.

Jasmine : Je te jure qu’on aura une belle vie toute les deux. Je vais travailler dur pour que notre avenir soit bien, que l’on habite dans une maison confortable. Je fais tant de choses pour toi, Maë. Là, tu ne peux pas en être consciente, mais plus tard, tu comprendras ce à travers quoi j’ai passé pour t’avoir, mon p’tit bout de chou! J’ai tout fait pour toi. Tout pour toi. C’est la plus belle preuve d’amour que je puisse te témoigner.

L’horloge sonne, annonçant midi.

Jasmine : Oh! Zut! Maman a un gros examen demain et c’est très important. Elle doit étudier fort fort fort! Tu peux te tenir tranquille en attendant que mamie revienne de l’épicerie? Ce que je fais, c’est pour notre avenir, ma puce.

Elle repose Maëlys et s’installe pour travailler, mais le bébé, n’ayant rien compris, pleure aussitôt couché. Jasmine décroche le téléphone et compose un numéro qu’elle sait visiblement par cœur.

Jasmine : Oui? Christian?… Tu peux me passer Max s’il te plaît?… Merci… Allô, Maxime!… Je voulais te demander si tu pouvais passer prendre Maëlys parce que j’essaies de réviser pour un examen et elle n’arrête pas de pleurer… Han! Han!… Ok! Chouette!… je te le revaudrai!… Au revoir!…

Floriane mord avec appétit dans le sandwich que sa mère vient de lui donner. Son père, lisant son journal comme à l’habitude, ne lui prête pas la moindre attention jusqu’à ce qu’elle laisse échapper un petit gémissement. Elle lâche immédiatement son sandwich, et elle se penche, frottant son ventre avec ses mains.

Suzanne : Chérie, ça va?

Floriane : Han! Han! Quelques contractions, c’est tout. Aïe!

Carl : Tu es certaine?

Floriane : Oui. Aïe! Maman! Maman!

Suzanne : Mon poussin, qu’est-ce qu’il y a?

Floriane (paniquée) : Maman! Oh! Mais!

Suzanne retient un cri d’étonnement lorsqu’elle voit le liquide chaud sur le sol.

Suzanne : Floriane, tu as perdu tes eaux!

Carl : Oh! Mon Dieu!

 

Jasmine fait légèrement tressauter Maëlys pour la calmer, postée devant la fenêtre, attendant le moment où Max se pointera.

Jasmine : Chut! Maë! Chut! Mon bébé! Oh! Pourquoi tu pleures? Tu es malade? Hein? Mon bébé? Tu es malade?

Maëlys, malgré son jeune âge, agrippe le chandail de sa mère avec sa petite main délicate. Elle s’y accroche comme si elle ne voulait pas se séparer de Jasmine.

 

Suzanne : Tu as tout pour chéri?

Floriane : Ahhhhhhhhh!!!

Carl : Oui! J’ai tout! On y va!

Les trois individus sortent de la maison pour s’engouffrer dans la voiture immédiatement et partir pour l’hôpital.

Floriane : Maman!

Suzanne : Ça va aller, mon poussin! Tu vas voir!

Floriane : MAMAN! ÇA FAIT MAL! AAAAAAAH!

 

Jasmine voit enfin la voiture de Maxime se stationner dans l’entrée. Il en sort et accourt sur le porche, puis il entre après avoir sonné.

Jasmine : En haut!

Maxime monte les escaliers deux à deux et pénètre dans la chambre de Jasmine où il aperçoit cette dernière qui tente de consoler leur enfant en larmes.

Maxime : Tout va bien?

Jasmine : Oui, mais je crois qu’elle est malade! Elle n’arrête pas de pleurer, mais sa couche est propre et je lui ai donné le biberon. Tu pourrais peut-être l’amener à la clinique si tu as le temps.

Maxime : Oui, je vais le faire. Dis-moi juste une chose.

Jasmine : Oui?

Maxime : Qui est Rick?

Jasmine pose Maëlys dans son berceau, un air indescriptible sur le visage. Maxime fait quelques pas vers elle.

Maxime : Jasmine, tu m’as caché ça si longtemps! Tu dois me le dire maintenant, aussi terrible que ce soit! Tu n’en parles pas, mais il est toujours avec toi et je veux savoir ce qu’il t’a fait!

Jasmine semble dans un état de torpeur, mais en même temps, en contrôle de tous ses moyens.

Jasmine : Maxime…

Maxime : Non! Ne me sors pas une autre de ces excuses, j’en ai marre, tellement marre! Tu ne peux même pas deviner le nombre de fois où je me suis questionné sur lui! Toutes ces nuits où je ne dormais pas, où je ne faisais que me demander qui il était! Je me suis inquiété pour toi, mais tu me dois bien ça. J’en peux plus d’attendre que tu renoues avec les démons de ton passé!

Jasmine : Les démons? Les démons? C’est pire que ça! C’est cent fois pire que des démons! Il n’y a pas de mots!

Elle crache les mots comme un serpent crache le venin.

 

Floriane : UUUUUUUUm!!!

Docteur : Poussez encore plus!

Floriane : Mais je pousse espèce d’enfoiré! J’aimerais bien vous voir à ma place!

Suzanne (indignée) : Chérie! N’insulte pas le docteur!

Le docteur la regarde en voulant dire qu’il est habitué, que ça arrive souvent.

Floriane : Maman! Sors!

Docteur : Oui, vous feriez mieux de sortir!

Suzanne : Je m’excuse!?! C’est ma fille!

Floriane (rouge) : Et ta fille te demande de sortir! Vas chercher Samuel!

Suzanne (touchée dans son orgueil) : Bon, très bien.

Elle se décide enfin à quitter la salle tandis que Floriane reprend ses cris de plus belle, le visage couvert de sueur.

 

Maëlys, en attendant sa mère crier, pleure de nouveau, s’acharnant à rendre Jasmine folle!

Jasmine : Oh! Mais elle va se taire à la fin!

Maxime : Tu es énervée, tu ne sais plus ce que tu dis.

Jasmine : Je sais! Je…

Elle se laisse tomber sur son lit, maussade.

Jasmine :…sais. Oh! Max! Tu peux pas me demander ça.

Maxime : Mais tu étais prête à m’en parler il n’y a pas longtemps!

Jasmine : Oui, c’est vrai. Seulement tu ne peux pas savoir à quel point j’ai honte et si je te dis ça, je ne pourrai plus jamais te regarder dans les yeux!

Maxime : Jasmine! Jamais je ne te jugerai, tu le sais ça, non?

Jasmine : Si, cependant… c’est trop grave. Max…

 

Samuel entre en trombe dans la salle où Floriane accouche, un large sourire dessiné sur ses lèvres.

Samuel : Floriane!

Floriane (essoufflée) : Samuel!

Samuel : Ça va?

Floriane : Ça a l’air d’aller pauvre cloche?

Samuel éclate de rire, puis il se presse aux côtés de son amie pour lui tenir la main. Cette dernière la broie et Sam fait comme s’il ne s’en rendait pas compte.

Samuel : Souffle! Tout va bien aller!

Floriane : Non, mais tu la fermes, espèce d’enculé!

Samuel : Non, je ne me la ferme pas! Je tiens à t’accompagner dans cette épreuve!

Docteur : Vous êtes le père?

Samuel : Nan! Faut dire, on n’a jamais été certain… Il y a Olivier et Étienne et moi et…

Floriane : Tu veux bien arrêter de dire des conneries?

Samuel s’esclaffe.

Floriane : Ouais, continue comme ça et tu vas savoir ce que c’est de recevoir un scalpel dans le crâne.

Elle blanchit.

Floriane : Pourquoi il y a un scalpel?

Docteur : Ça aurait été nécessaire si nous avions du mettre l’enfant au monde par césarienne, mais tout se déroule bien jusqu’à date.

Floriane : Aïe! Ben ouais! On voit que ce n’est pas vous qui avez les jambes écartées!

Carl pénètre dans la salle en un coup de vent, mais en voyant le travail que sa fille est en train d’accomplir, il s’évanouit, arrachant des cris à Suzanne. Samuel rit de plus belle!

Floriane : Tu veux arrêter de rire comme un cave? AÏE!

Elle hurle en poussant et Samuel ouvre la bouche comme pour crier lorsqu’elle serre davantage sa main. La scène est assez hilarante à voir!

 

Maxime prend place sur le lit, près de Jasmine, et il pose sa main sur le bras de cette dernière.

Maxime : Navré. Je veux pas te brusquer. Tu as toute la vie pour t’en remettre et pour m’en parler.

La chanson « Completely » de Jennifer Day commence, douce. I’ll give my all or not at all

Jasmine: Merci d’être aussi compréhensif.

There's no in-between
I'll give my best, won't second guess
This feelin' deep in me

Maxime: Tout ça m’inquiète terriblement.

Jasmine : Ne te prends pas la tête avec ça, ça n’en vaut pas la peine.

Maëlys s’est tu, comme si elle cherchait à entendre ce que se disent ses parents!

You make me want to love you
With every breath I'll love you, (oh) endlessly

Jasmine serre Maxime contre elle comme pour le remercier de lui laisser le temps…

I'll give my heart, give my soul
I won't hold back, I'll give you everything
All of me, completely

Ils se reculent lentement l’un de l’autre, mais leur visage rendu à proximité, ils ne peuvent s’empêcher de se dévisager, attendant une invitation quelconque.

You fill me up with your love
Oh I just overflow

Finalement, Jasmine se penche un peu pour effleurer la joue de Maxime de ses lèvres. Maxime ferme les yeux : il y a si longtemps qu’il attendait ça! Ce renouement… Jas l’embrasse lentement et doucement, parcourant ses joues, son front, l’arête de son nez, le lobe de ses oreilles. Elle arrache des gémissements au jeune homme à chaque baiser qu’elle lui donne avec une infinie tendresse. Leurs mains s’enlacent, comme pour empêcher une séparation, comme pour se souder et se retrouver avec encore plus d’amour.

When we touch, can't get enough
And I want you to know

Jasmine (murmurant): Tu m’as tellement manqué.

Maxime : Moi aussi!

Les yeux rivés l’un sur l’autre, ils s’approchent tranquillement, puis ils abaissent le regard pour contempler les lèvres de l’être aimé. Ce qu’ils croyaient impossible –ce qu’ils croyaient être les seuls à ressentir- ils le vivent avec intensité en ce moment même. Ils emprisonnent la bouche de l’autre, comme ils l’ont tant de fois fait, mais d’une manière spéciale cette fois-ci. Avant, c’était leur routine, aujourd’hui, c’est leur récompense, leur espoir réalisé.

You make me want to love you
With every breath I'll love you, (oh) endlessly
I'll give my heart, give my soul

La main de Jasmine va jouer dans les courts cheveux hérissés de Maxime pendant que ce dernier caresse la joue de la jeune femme. Comme si plus rien d’autre n’existait, ils s’enlacent, se serrent, s’étreignent, se frôlent, toujours avec cette affection mirifique n’étant propre qu’à eux.

I won't hold back, I'll give you everything
All of me, completely

Ils ont tant eu peur de tout avoir perdu, d’avoir du apprendre à vivre sans cet amour incommensurable. Maintenant, toutes leurs craintes s’envolent, leurs baisers agissant comme un baume sur leurs blessures.

Maxime (chuchotant) : Comment j’ai pu songer à seulement essayer de vivre sans toi?

Jasmine (souriant de manière enfantine) : Chhhut! Il nous reste la vie, Max, la vie au complet.

You make me want to love you
With every breath I'll love you, (oh) endlessly

Maxime : Je suis impatient de commencer mon existence.

Le sourire de Jasmine s’élargit.

Jasmine : Et mon donc!

I'll give my heart, give my soul
I won't hold back, I'll give you everything
All of me, completely

Jasmine: Tu es mon immortalité, Max. Tu es ma vie.

Maxime : Mon soleil, mon ange.

Jasmine : Mon ménestrel.

Elle rit doucement.

Jasmine : Mon poète, mon Max.

Ils s’embrassent capturant les lèvres de l’autre.

Mère (d’en bas) : Chérie! Je suis rentrée! Max est là?

Jasmine repousse Max.

Jasmine : Oui! Il est venu chercher Maëlys pour… pour l’emmener au zoo!

Maxime : Tu comptes leur dire quand?

Jasmine : Ce soir. Promis.

Maxime : D’accord. J’y vais.

Il prend Maëlys dans ses bras et il embrasse Jasmine une dernière fois avant de quitter la chambre. Jas, maintenant seule, regarde par la fenêtre, un sourire rêveur sur les lèvres. Il n’y a pas de bonheur plus parfait que celui-ci.

 

Samuel : Oh! Floriane! Elle est belle!

Floriane : Oui!

Les deux adolescents regardent l’enfant que tient Floriane, contre son sein.

Samuel, de son index, effleure la petite main blanche et humide.

Floriane : C’est le plus beau cadeau que j’ai jamais eu.

Samuel : Moi aussi!

Suzanne et Carl –qui a encore le teint livide- entrent dans la salle, sourire aux lèvres.

Suzanne : Oh! Mon trésor! Elle est magnifique! Quel superbe bijou! Coucou!

Carl : Le dernier bébé aussi beau que j’ai vu, ça remonte à au moins 17 ans!

Il sourit à sa fille.

Suzanne : On peut faire quelque chose?

Floriane : Oui. Appelez Olivier, s’il vous plaît.

Suzanne se tape le front d’une main.

Suzanne : Olivier! Ah! Mais oui, bien sûr!

Elle sort.

Carl : Heum… Quel est son nom?

Floriane et Samuel se regardent, heureux.

Samuel : Dorianne.

Carl : Dorianne?

Floriane : Oui, parfaitement.

Carl : C’est drôle ça! C’est de famille : Suzanne, Floriane, Dorianne!

Floriane (à Samuel) : Tu crois que tu pourrais trouver Étienne?

Samuel : Oui, si je fais le tour de tous les motels de la ville, mais t’inquiète. Je te le ramène aussitôt que possible.

Floriane : Tu es un amour!

Samuel lui sourit et il part à la recherche de son grand ami. Carl s’assoit sur le bord du lit et il caresse délicatement la tête de l’enfant, puis il reporte son attention sur sa fille.

Carl : Ce gars, tu sais, Samuel, pas que ça m’intéresse, mais… c’est ton petit ami? Hein? Je veux dire! Vous sortez ensemble? Non, mais je te demande ça en toute désinvolture!

Floriane (amusée) : Ça se voit!

Carl : Ah! Heum… Bon… Et la réponse c’est?

Floriane : Non, papa. Samuel n’est qu’un excellent ami.

Carl : Ah! Ne crois pas que je veuille me mêler de ta vie privée! Non, je veux dire, amoureuse.

 

Maxime se jète sur son lit, souriant. Christian, tenant Maëlys, le rejoint, impatient.

Christian : Et puis?

Maxime : Et puis quoi?

Christian : Qu’est-ce qui s’est passé pour que tu ai l’air si joyeux?

Maxime : Oh! Un gentleman ne le dira jamais!

Christian : Allez! Vite!

Maxime : Jasmine m’aime aussi!

Christian : Wow! Tu as de la vaine mon vieux!

Il lui tape amicalement l’épaule.

 

Samuel entre dans la chambre d’hôpital, accompagné d’un Étienne heureux. Ce dernier, lorsqu’il aperçoit Floriane, se rue vers elle et sa fille.

Étienne (doucement) : Salut!

Floriane : Salut.

Étienne : Ça s’est bien passé?

Floriane : Oui, ça n’a pris que deux heures.

Étienne : Ça t’a fait mal?

Floriane : Un peu.

Samuel : Pfff! Ce n’est pas toi qui a eu la main écrasée par un rouleau compresseur!

Flo lui lance un regard noir.

Étienne : Wow! Qu’est-ce qu’il te manque maintenant? Tu es comblée de toutes les manières possibles.

Floriane : Je veux voir Samantha.

Suzanne et Carl se lèvent de leur siège lorsqu’ils voient Étienne pousser la chaise roulante dans laquelle Floriane est assise. Samuel les suit de près.

Suzanne : Olivier est en route.

Floriane : Nous allons voir Samantha.

Suzanne : Ok.

Samantha ouvre les yeux lorsque la main de Samuel se pose sur son front pour prendre sa température.

Samantha (faiblement) : Hé!

Samuel (tristounet) : Ça va?

Samantha : Oui, je suis contente de te voir comme à l’habitude!

Samuel : Tu as de la belle visite, Sam.

Samantha : Ah! Oui?

Celle-ci se redresse avec l’aide de Samuel, puis elle aperçoit Étienne.

Samantha (criant de joie) : Éti! Tu es rentré quand?

Étienne : Il y a quelques jours.

Samantha : Tu m’as manqué!

Étienne : Toi aussi.

Il va la serrer longuement.

Samantha : Tu te remets bien de la mort de ton père?

Étienne : Ouais, on peut dire.

Samantha : Je suis avec toi, n’oublie pas.

Étienne : Pour longtemps?

Samantha : Pour toute ta vie.

Étienne baisse tristement les yeux. Samantha constate que Floriane et son bébé sont dans la pièce et elle ne peut retenir son exclamation de joie.

Samantha : Floriane! Floriane! Montre-la moi!

Flo sourit et elle tend Dorianne à sa meilleure amie. Cette dernière la presse contre sa poitrine, rayonnante soudainement.

Samantha : Oh! Elle est superbe! Une vraie princesse!

Floriane : Alors tu es une fée, car tu es sa marraine!

Samantha : Ah! Oui? Tu ne peux pas savoir le bonheur que je ressens en cet instant! De l’avoir, comme ça, dans mes bras, pendant qu’elle est endormie. J’ai attendu si longtemps qu’elle pointe le bout de son nez.

Floriane se tourne lentement vers Étienne.

Floriane : Tu veux bien être son parrain?

Étienne : Bien sûr. Ce serait un honneur formidable.

Floriane : Samuel, nous deux on n’est pas croyant hein, alors rien n’empêche Dorianne d’avoir deux parrains! J’y tiens.

Samuel : Tant mieux parce que moi aussi!

Samantha : Tout est bien qui finit bien!

Floriane : Oui.

Samantha : Je suis comblée maintenant. Voilà, j’ai contre moi la raison pour laquelle j’ai repoussé mon trépas, mais je dois partir.

Floriane observe sa copine fiévreuse.

Samantha : Je voulais juste vous dire que vous avez été de supers amis, tout d’abord pour m’avoir supportée, mais surtout pour m’avoir aimée. Je sais que je ne suis pas souvent facile, mais vous me connaissez, je ne vais pas vous faire ma biographie!

Samantha serre la main qu’Étienne lui tend.

Samantha (faible) : Je me sens déchirée de vous quitter une fois de plus, surtout que cette fois, c’est pour un long bout.

Floriane : Tu n’as pas à te sentir coupable.

Samantha : Si, je sais bien que si. Étienne… je ne peux pas vraiment te faire de beaux discours parce que j’ai eu le stupidité de ne pas m’intéresser aux cours de français! Néamoins –c’est déjà pas mal hein!?- je tiens à te dire que tu as été un ami super et c’est grâce à toi que Jake n’est pas aller au bout de ses plans. Je ne te remercierai jamais assez. Tu es plein de bonnes intentions pour tes proches, c’est cool.

Samantha tourne la tête vers Floriane.

Samantha : Ma belle Floriane. Tu m’as suivie dans mes folies et tu as toujours été là pour moi, à n’importe quelle heure. Tu as toujours été derrière moi pour me ramasser en pièces, pour me materner. Je t’adore. Tout ce que nous avons vécu, assemblé, ça forme la plus belle des amitiés! J’ai passé au travers de nombreux obstacles, mais tout ça, c’est grâce à toi, je n’aurai pas eu la force sinon. Je sentais que tu étais là, que tu ne m’abandonnerais jamais.

Floriane renifle bruyamment. Ses yeux sont inondés d’eau.

Samantha : Ne pleure pas! Je t’en prie! Pas devant moi! Je ne veux pas voir ta peine! Je veux voir ta joie! Tu sais que ce monde n’est pas pour moi! Il est trop limité, je n’ai pas de liberté ici. Tu verras! Imagine-moi avec de longues ailes blanches et une couronne de fleurs et ça ira mieux!

Floriane sourit au travers de ses larmes.

Samantha : Samuel. Merci d’avoir été là. Toujours. De m’avoir parfois ramenée à la réalité, de m’avoir secouée. Ça compte tant! Plusieurs fois j’aurais pu être seule, mais ça n’a jamais été le cas, car tu étais là. Pour moi.

Elle tousse à s’en déchirer le larynx.

Samantha : Vous avez tous été extraordinaires avec moi. Ça me brise le cœur de savoir que je ne pourrai jamais vous rendre tout ce que vous m’avez si généreusement donné. Je vais veiller sur vous. Sur vous quatre. Floriane, Samuel, Étienne et…

Floriane : Dorianne.

Samantha : Oh! C’est si joli! Floriane?

Floriane : Oui.

Samantha : Tu veux me tenir la main?

Floriane glisse sa main dans celle de sa meilleure amie, la meilleure d’entre toutes.

Samantha : Tout ça fait très américain. Les beaux discours pathétiques!

Samuel : On t’aime tous, Sam.

Étienne : Oui, très fort.

Samuel : Et pour l’éternité, telle que tu es.

Floriane ne peut même pas placer un mot tant sa gorge est serrée par l’émotion. Et voilà, le moment qu’elle redoutait par-dessus tout, elle est en train de le vivre. Quelques secondes passent, puis elle comprend que son amie est partie… Samuel se penche pour embrasser l’adolescente blafarde sur les lèvres, comme un souhait de paix. Ensuite, il saisit Dorianne et la serre contre lui pour se consoler. Floriane se lève difficilement de sa chaise pour se diriger vers le lit de son amie. Elle prend la main blanche et la colle contre sa joue en pleurant toutes les larmes de son corps. Elle tente de ravaler ses sanglots, esquissant ainsi une sorte de grimace. Étienne attire Floriane contre lui, réconfortant, et il caresse doucement son dos. Floriane se sent incroyablement bien dans les bras du jeune homme, malgré la sensation désagréable et amère qui habite son corps tout en entier. Malgré cela, elle ne se rend pas encore compte de la gravité des choses… Elle s’en rendra compte plus tard, avec le temps… Lorsqu’elle se dira « Samantha aurait agi de telle façon! » « Sam aurait aimé être là. » « Samantha… pourquoi tu es partie? ».

 

Maxime se lève de son lit -où il dort seul- après avoir entendu des coups frappés contre sa porte. Il se frotte la tête, encore endormi, et se dirige lentement vers la porte d'entrée en traînant des pieds. Il en a marre de ce rêve qui se répète, sans différences. Il sait exactement ce qu’il va arriver : le policier, la mauvaise nouvelle, etc. La seule chose qui cloche, c’est que Maëlys pleure et ça, elle ne l’a jamais fait dans le cauchemar. Les coups, impatients, se répètent. Maxime ouvre et grimace lorsque le soleil vient plomber dans ses yeux. Il met sa main en visière et constate qu'il se trouve en face d'un policier à l'allure grave. Quelle surprise!
Maxime : Heum... Salut.
Policier: Vous êtes bien Maxime?
Maxime: Oui, c'est moi.
Christian sort de sa chambre à cet instant et il rejoint son meilleur ami en fronçant les sourcils. Tout est tel quel, rien n’est changé, le même songe qui habite toutes ses nuits, l’éveillant toujours aux petites heures du matin.
Christian (inquiet): Qu'est-ce qui se passe?
Maxime: J'en sais rien.

Les mêmes répliques…
Policier: J'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer, Maxime.

Maxime manque de dire qu’il la sait déjà, mais il ne souhaite pas prolonger la vision, donc il se tait.
Il retient sa respiration tandis que Christian, en arrière, reste impassible en attendant que le policier parle.
Policier: Nous... Nous avons retrouvé le corps de Jasmine ce matin, flottant sur l'eau.

Malgré le fait que ça ne soit pas une surprise, qu’il s’y attendait, il n’arrive pas à cacher son étonnement, plutôt étrange.
Maxime (inquiet) : Oh! Mon Dieu! Elle va bien? Je peux la voir? Comment est-ce arrivé?
Christian baisse tristement les yeux. Il a compris, lui. C’est moins dur de comprendre pour lui.
Policier: Elle est... morte.

Et! Paf! Maxime s’ordonne de se réveiller dans son lit, au chaud, couvert de sueur et inquiet, mais absolument rien ne se passe. Il reste figé, dévisageant le policier, sentant la main réconfortante de Christian sur son épaule. Pourquoi est-ce que c’est si long? Habituellement, le rêve est terminé… Les informations refusent d’entrer dans sa tête, c’est trop improbable. Soudain, il voit clair. C’est vrai. Cette fois, c’est la réalité. Il repousse brusquement la main de Christian.

Maxime (hurlant) : NON! NOOON! NE ME TOUCHE PAS! LAISSEZ! LAISSEZ-MOI TRANQUILLE! FOUTEZ-MOI LA PAIX PUTAIN!

Christian, compréhensif, remonte l’escalier pour aller chercher Maëlys et pour sortir de la maison, encore vêtu de son pyjama. Le policier plisse les lèvres, puis s’éloigne vers sa voiture. Maxime se laisse glisser le long du cadre de porte, puis il éclate en sanglots. La tête courbée comme un signe de défaite, les larmes brouillent sa vue, tandis qu’il ne sait que faire de ses mains… À part les enfoncer le plus fort possible dans un mur, à part se frapper jusqu’à en être inconscient.

Maxime (murmurant) : Jasmine… Non!

« Jasmine: Est-ce que tu envisages sincèrement le reste de ta vie avec moi?
Maxime: Oh! Oui! Jusqu'à ce que tu sois ridée comme une vieille pomme!
Jasmine: Comme c'est gentil! »

« Elle lui sourit et lui enlève son chandail. Max lui embrasse la tête et la serre contre lui.
Maxime: J'ai attendu si longtemps!
Jasmine: Tu m'as entièrement, maintenant. »

« Jasmine: Je t'aime, toi!
Maxime: Je t'aime toi!
Elle prend sa main et la pose sur son ventre.
Jasmine: On va être une famille heureuse! »

« Jasmine: Hé! Bien! Roméo! Vous êtes plus épris de moi que je ne le pensais!
Maxime: Oh! Oui! Juliette! Je suis follement épris de vous! Vos charmes m'ont enivré! Je ne puis vous laisser... C'est dans l'éternité que nous vivrons!
Jasmine: Bon, beau Roméo! hélas! Nous sommes bel et bien de familles ennemies!
Maxime: Oui, hé bien! Cela ne compte pas pour moi! Tant que vos lèvres sont à moi, rien ne compte! »

Maxime plisse les yeux, enragé, haineux, et il se jure de retrouver ce Rick qui a pourri sa vie à ce point où il préfère ne plus avoir d’existence.

Écran noir

 

Floriane et Maxime (V.O.) : Mon enfant, tu ne peux pas savoir à quel point j’ai souffert pour t’offrir la meilleure vie que possible. En neuf mois, ma vie a entièrement basculé, bousculée par les joies et les peines. Ce que j’espère, c’est que tu sauras me faire oublier ces peines qui, hélas, m’ont trop longtemps hanté(e), car j’ai tout donné pour toi. Tout Pour Toi.

FIN