<%@ Language=JavaScript%> Le journal

Le journal

Uyuni (20°30'00"S 67°00'00"W)                                                                  Potosi (19°40'00"S 65°45'00"W)

                                                                                                                        Total = 160 km

 

Table des matières (cliquez sur les titres !)

La ville

La mine

 

La ville

Je continue sur la Gringo Trail et je me retrouve à Potosi. Comme souvent je ne sais pas grand chose de l’endroit où j’arrive et c’est la lecture de mon guide qui ne renseigne…

Alors j’ai appris Potosi et j’ai aimé Potosi.

C’est, dit-on, la ville la plus haute du monde à 4090 m d’altitude… C’est vrai qu’on a vite le souffle court et que parler calmement au téléphone après avoir monter la volée de marche qui y mène relève de l’exploit. Ceci dit, il y a des gamins qui courent dans les rues et des terrains de foot un peu partout. J’ai même vu quelqu’un faire son footing. Je m’y serais bien essayer mais sur du plat… et la ville est en pente. A Valparaiso, qui est aussi une ville en pente, j’avais trouvé refuge sur la route de corniche, mais à Potosi : nada !

Il y a un terrain d’aviation, qui est aussi le plus haut du monde, et je n’ai jamais vu une piste aussi longue (4500 m)!

A Potosi il fait chaud le jour au soleil, et on a vite les lèvres toutes gercées (et mon tube de « rouge » à lèvres a enfin servi !), et très vite très froid la nuit venue. J’avais une belle chambre dans un vieux bâtiment avec un balcon couvert typique de la ville, au loin on voyait le Cerro Rico… J’ai malgré tout eu du mal à trouver le sommeil 2 nuits sur 4 et j’ai eu recours à une béquille chimique, la première fois depuis le début de mon voyage.

Comme beaucoup de ville d’Amérique du Sud, il y a beaucoup d’églises et de couvents à visiter. C’est un peu toujours pareil, très imagé avec des Christ sanguinolents et même un crane dans le réfectoire des Carmélites du couvent Santa Teresa. Ce qui fait la différence d’un monastère à un autre, d’une église à une autre, c’est la qualité du guide. A Santa Teresa la visite a bien durée une heure et demie mais elle était passionnante. Ce qui m’a le plus fait rire c’est le trousseau de clés pour ouvrir les portes les unes après les autres. Un truc à attraper un tennis elbow !

J’ai aimé me promener dans la ville, regarder la vie sur les places et les boliviennes avec leurs incroyables chapeaux ! J’ai vu des petites marchandes de glaces fabriquer leurs glaces à la main devant moi et des vendeuses de salteñas leur bébé dans le dos. Cette dernière m’a fait un peu mal au cœur, elle était très jeune et apparemment ne savait pas bien se défendre : c’est d’abord une gamine qui vient lui chiper de l’eau et de la lessive et puis un flic-femme qui vient la virer… Ça fait partie des scènes pas drôles…

J’ai visité la Casa de la Moneda (alors que, bien sûr, je n’ai pas encore visiter la Monnaie de Paris) avec une visite guidée dans un français impeccable. C’est dans la cours de la Casa de la Moneda que l’on trouve cette curieuse représentation de Bacchus, due à un français, qui est devenue l’emblème de Potosi. C’est pendant cette visite que j’ai appris que la plupart des tableaux peints par des Boliviens l’ont été d’après des miniatures apportées par les Espagnols. Mais comme les futurs Boliviens ne savaient pas écrire d’une part, et qu’ils n’étaient pas « chrétiens » d’autre part, on leur interdisait de fait de signer leurs tableaux. Toutefois, petit à petit, il y a eu un syncrétisme entre la religion catholique et les croyances locales. C’est ainsi que les vierges à Potosi ont souvent une forme triangulaire pour représenter la montagne Cerro Rico. C’est aussi le cas dans la cathédrale. La cathédrale j’y suis allé à 7 heures et demie du matin pour la messe car c’est le seul moment de la journée où elle n’est pas transformée en musée payant. C’est ainsi que je vais plus souvent à la messe en voyage qu’en France. Ici à Potosi j’ai été vraiment récompensé car il y avait deux guitaristes qui jouaient et qui chantaient et c’était de toute beauté. Cela m’a ait penser à l’ « Aurore » et à « Une dernière fois »…

J’ai aussi eu un très beau concert un soir lors d’un dîner pris dans une ancienne église.

 

Quatre jours à Potosi mais j’y retournerais bien volontiers.

 

Mais Potosi est aussi une ville classée au patrimoine mondiale grâce à son incroyable mine.

La mine

Si l’on regarde vers le sud, à travers les fenêtres, depuis les toits, dans le prolongement des rues, partout on voit le Cerro Rico, la riche montagne.

Aujourd’hui à 4800 m de haut, elle a perdue 300 m depuis 1550, année où on a commencer à la transformer en gruyère suisse. C’est une immense mine. On y a d’abord extrait de l’argent, sans pratiquement avoir à creuser, puis d’autres métaux moins précieux (plombs, zinc, étain) au fur et à mesure que les gisements s’épuisaient.

Au temps de la splendeur, Potosi était une des villes les plus peuplées au monde plus grande que Londres où Shanghai.

Les Espagnols ont organisés l’exploitation de la mine de façon inhumaine. Plus de 8 millions d’esclaves Africains et d’Indiens sont morts dans la mine ou du fait de son exploitation (les techniques chimiques utilisées pour séparer les métaux faisaient appel au mercure et cela entraînait très vite la mort de ceux qui y étaient associé). Le comble à été l’instauration de la  « mita », un travail obligatoire de 6 mois dans la mine. DANS la mine : on y entrait, on vivait 6 mois sous terre et si l’on était toujours vivant on en ressortait 6 mois plus tard, les yeux bandées à cause de la douleur crée par la lumière. Les survivants étaient alors affectés dans les « ingenio », les usines de raffinages, où ils avaient à nouveau de belles chances de mourir du fait des produits chimiques.

L’histoire dit que l’on pourrait construire un pont entre Potosi et Madrid avec l’argent extrait du Cerro Rico, et un autre pont avec les os de ceux qui y sont morts.

 

Aujourd’hui les mines se visitent. Culturellement, les habitants de Potosi vont toujours travailler dans les mines qui sont aujourd’hui exploitées de  façon coopératives. Ils y gagnent mieux leur vie que comme chauffeur de bus mais l’espérance de vie de celui qui entre dans la mine est seulement de dix à quinze ans…

 

Alors, comme beaucoup de touristes, je me suis transformé en mineur l’espace de quelques heures. J’avais peur de faire un tour de touriste sur des galeries, j’avais peur d’entrer dans un zoo pour regarder des zombies.

Ça a été une expérience formidable.

 

Rendez-vous le matin à 8 heures. Nous nous équipons : bottes, pantalons et veste imperméable, casque de mineur avec lampe frontale. On est tous très mignons… Nous partons ensuite pour le marché des mineurs. C’est ici que les mineurs achètent le matin ce dont ils ont besoin pour leur journée de travail : batteries rechargées pour la lampe, feuilles de coca à chiquer, pelles et pioches, vêtements, etc. L’usage est de leur faire des cadeaux alors nous achetons aussi de la boisson, des gants… et de la dynamite ! C’est incroyable mais la dynamite, le détonateur et le produit à mélanger avec et qui fait que ça pète plus fort sont en vente libre !

Alors j’ai acheté : un paquet de feuilles de coca (5 BS), une paire de gants (12 BS), une bouteille de boisson (10 BS) et un bâton de dynamite avec le détonateur et la poudre de perlimpim (16 BS). On peu aussi acheter l’alcool que les mineurs boivent au goulot (et c’est pas un alcool pour les gamins car c’est de l’alcool pur à 96 degrés). Moi je n’en prends pas…

Si je vous mets les prix en euros ça va être plus drôle :  

      Feuilles de coca : 0,53 €

      Gants : 1,28 €

      Boisson : 1,07 €

      Dynamite (le pack) : 1,71 €

      Total : 4,59 € pour faire plaisir aux mineurs…

Nous partons ensuite visiter un « ingenio » c’est à dire une raffinerie où les métaux sont extraits et séparés des cailloux remontés de la mine. N’imaginez pas une usine bien propre avec des conditions de travail et de sécurité à l’européenne… Le guide nous fournit les explications dans un bruit assourdissant (vidéo). Il y a du soleil et de la poussière (autoportrait en mineur dans l’ « ingenio »).

On extrait toujours de l’argent de la mine mais il est de faible qualité et ne ressemble à rien. On aurait même pu se baigner dans une piscine d’argent !

 

Enfin nous arrivons à l’entrée de la mine. Il est 11:30. Un bruit, le guide nous demande ne nous pousser et nous nous voyons notre premier trolley tiré par deux mineurs sortir de la mine.

Nous entrons dans le boyau. On nous avait promis de la chaleur mais pour le moment il fait froid. Nous marchons au milieu des rails, il n’y a pas de « trottoir ». De temps en temps on grimpe sur des tas de cailloux pour laisser passer les trolleys. Après quelques minutes de marche nous arrivons dans un musée aménagé dans une galerie désaffectée. Pas grand mais très intéressant. Nous voyons une statue de El Tio (l’Oncle) qui est vénéré par les mineurs. C’est le diable mais on ne prononce pas son nom.

 

Après le musée on commence à s’enfoncer sous terre, et il commence à faire franchement chaud… Assez vite je ne fait plus le malin et je n’ai plus envie de faire des efforts pour prendre des photos, j’arrive tout de même à en prendre quelques unes : ici on descend dans un boyau, là on marche à 4 pattes … Les madriers sont en bois, parfois à moitié effondrés, mais ça a l’air solide…

Le guide nous ménage des pause et nous raconte des histoires de la mine. Un peu comme des parents racontent une histoire le soir : pour nous calmer, nous rassurer et nous permettre de retrouver notre souffle. Certains on fait demi-tour. Etre dans le noir, le chaud, en marchant à 4 pattes tout en se cognant de partout, à plus de 4000 m d’altitude n’est pas à recommander aux gros, aux claustrophobes, aux angoissés, à ceux qui sont peu agiles… J’ai admiré un anglais de plus de 1,90m qui a été jusqu’au bout (évidemment, comme c’est toujours le cas, sa femme faisait 1,50 m !).

Nous descendons un niveau et nous arrivons dans un cul de sac où un mineur attend. Son boulot ? Attendre qu’un trolley plein arrive et le charger dans des paniers qui sont remontés à la surface par des puits. Nous attendons… Du bruit, un trolley arrive tiré par 2 hommes, ils le renversent et repartent. Notre mineur se met au boulot et en quelques secondes la rotation des 2 paniers est achevée et la place nette à nouveau.

Plus loin nous passons devant un mineur qui perfore la roche à coup de masse pour y introduire un bâton de dynamite. Le gars est là seul et il tape comme un sourd en ahanant. Il lui faudra plusieurs heures de travail, en fonction de la dureté de la roche, pour faire trou suffisamment profond. Le guide nous fait éteindre nos lampes frontales et nous réalisons que le mineur travaille quasiment dans le noir tellement est faible la lueur de sa lampe à acétylène…

Nous commençons à remonter et se n’est vraiment pas facile. Nous passons devant 2 mineurs qui font leur pause. Ils vont s’arrêter de travailler 2 heures, sans remonter, boire de l’alcool à 96 degrés et renouveler leur chique de coca.

Le guide marche maintenant derrière nous. Je marche devant, je préfère avoir mon rythme plutôt que de subir celui des autres… Je sais désormais entendre le bruit du trolley qui arrive et trouver un refuge pour moi et ceux qui marche à ma suite. C’est tout con mais ça a été comme un déclic, l’impression d’avoir compris quelque chose. J’en avais une fierté de gamin !

Soudain je vois la tâche blanche, la sortie ! Cela fait 3 heures que nous sommes entrés dans la mine et je suis bien content d’en ressortir et les autres aussi !.

Les mineurs y entrent tous les jours pour 8 à 10 heures et plusieurs années. Ils sont fiers de leur métiers, sont fiers d’être des professionnels, de connaître leur mine et de pouvoir l’expliquer aux touristes de passage.

 

Nous avons maintenant au programme une animation un peu plus touristique : le guide va faire péter la dynamite, il a garder 2 bâtons pour cela. Alors j’ai eu le mode d’emploi étape par étape :

     Prendre un récipient, par exemple une bouteille vide

     Déballer et malaxer la dynamite comme de la pâte à modeler

     Y introduire le détonateur

     Placer le tout dans la bouteille

     Recouvrir du truc qui fait que ça pète plus fort.

Puis :

     Faire pareil avec le deuxième bâton

     Prendre un touriste et lui donner une des bombes

     Allumer les mèches

     Faire le malin pour les photos

     Aller déposer les 2 bombes un peu plus loin et revenir en courant

     Attendre

 

Et bien : ça pète vachement fort !

 

Le lendemain je retourne seul, et de bonne heure, au marché des mineurs pour les voir sans les touristes. Quel étrange vision de les voir acheter de la dynamite et de la coca sur la place du marché avant d’aller au travail…

Je prends un bus au hasard avec eux, je monte jusqu’à un calvaire situé sur le Cerro Rico, je vois les trous des mines abandonnées, je sens le sol trembler lorsqu’il y a des explosions sous terre.

 

Combien d’hommes travaillent là dessous dans le noir sous mes pieds ?

 

A Potosi il y a des statues à la gloire des mineurs et des esclaves.